Éléments relatifs à la santé et au recours aux soins des personnes migrantes en France - 06/05/19
About migrants’ health status and migrant's access to health care in France
Résumé |
L’état de santé de la population migrante en France est relativement peu documenté et peu connu. L’une des raisons a trait au fait que, conformément aux instructions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), les grandes enquêtes ont longtemps évité de faire référence aux critères de nationalité, d’ethnie ou de pays d’origine. Il en découle que la plupart des données sanitaires régulières dont nous disposons pour ces personnes étrangères nées étrangères à l’étranger1 , sont ponctuelles, collectées à partir de l’utilisation des services de santé d’ONG telles que le SAMU-social de Paris, Médecins du monde (MDM) ou le Comité pour la santé des exilés (COMEDE), par exemple.
Dans ce paysage, il nous a paru intéressant de nous arrêter plus spécifiquement sur les résultats de deux études qui nous semblent moins ponctuelles, du fait que : (i) celles-ci ont été réalisées dans les structures publiques de soins de droit commun, y compris les hôpitaux ; (ii) l’une des études, l’étude des Permanences d’accès aux soins de santé (PASS), cible des usagers en dehors de Paris ; (iii) le nombre de personnes enquêtées est beaucoup plus grand que celui des études antérieures ; (iv) les questions de santé des Africains subsahariens font l’objet d’observations de grande importance du point de vue de la santé publique, tant pour leurs pays d’origine, que sur le territoire français. Les deux études que nous nous proposons de synthétiser sont les suivantes : 1. Une enquête effectuée en 2016 auprès des consultants immigrés, hommes et femmes, des PASS de 30 hôpitaux en France. 2. L’enquête intitulée ANRS-PARCOURS, effectuée auprès de 2468 personnes immigrées d’Afrique subsaharienne (nées sur le continent africain) fréquentant les centres de santé ou les hôpitaux d’Île-de-France durant la période 2012–2013, suivies à Paris pour une infection à VIH, une hépatite virale B chronique ou d’autres problèmes de santé (groupe dit de référence).
Les deux études insistent sur le fait que les populations considérées, du fait de leur statut administratif en France, du faible niveau d’information sur leurs droits lors de leur première année de séjour ou des barrières dressées par la langue parlée, de la faible couverture maladie qui les caractérise, des psycho-traumatismes dont elles souffrent ou encore de leur renoncement aux soins et des refus de soins auxquels elles sont soumises, sont à risque élevé pour leur santé physique et mentale, et pour la santé de leur entourage si elles souffrent de maladies infectieuses.
Les conclusions attirent l’attention sur la vulnérabilité des jeunes et des femmes, tout en mettant en avant le passé de violences que ces populations immigrées ont subies dans leur pays d’origine, lors de leur parcours migratoire (guerres, tortures, violences sexuelles) ou même une fois arrivées en France (violences sexuelles et autres violences à l’encontre des femmes). En modélisant le fait qu’une proportion significative de contaminations par le VIH, dont la prévalence est comprise entre 35 et 49 %, se produisent très probablement après la migration, l’enquête ANRS-PARCOURS invite à rompre avec les idées reçues telles que celle-ci : les Africains subsahariens sont contaminés dans leur pays d’origine, arrivent en France avec le VIH, ne seraient pas à risque de contamination par le VIH en France ou viendraient se soigner en France. Les auteurs soulignent : le taux de prévalence de l’infection à VHB, huit fois plus élevé chez les Africains subsahariens émigrés en France que dans la population générale ; le grand nombre de personnes qui ignorent leur séropositivité pour l’infection VHB (entre 55 et 80 %), ainsi que la grande précarité des personnes suivies pour une hépatite B chronique : ¼ de ces personnes n’a pas de titre de séjour au moment de l’étude ; 1/3 est sans emploi, et 1/10 ne dispose d’aucune ressources en dehors des prestations familiales ; la moitié des femmes n’ont pas d’emploi.
Toutes ces données invitent les autorités à approfondir les études sanitaires auprès de ces personnes en France, du fait des inégalités de protection sociale et de santé qui les caractérisent, et des conséquences de ces inégalités pour elles-mêmes et leurs proches, mais aussi du fait du nécessaire ajustement des politiques de santé que ces données impliquent. Le lien établi entre les violences sexuelles et l’infection à VIH doit inciter les pouvoirs publics et la société civile à redoubler de vigilance en vue de prévenir les violences subies par les filles et les femmes sur le territoire français, en veillant notamment à ce qu’elles se voient proposer un hébergement protecteur et des ressources.
Il testo completo di questo articolo è disponibile in PDF.Summary |
Migrants’ health status in France is somewhat poorly assessed and relatively unknown. One of the reasons is that for a long time, the vast national health surveys have avoided to make any reference to ethnical, nationality or country of origin criteria. As a result, most of the data we have for these people born foreigners abroad2 , are one-off, drawn from the use of the health services of non-governmental organisations, such as the Paris Samu-Social, Médecins du Monde, or the Comité pour la santé des exilés (COMEDE), to name a few. In that context, we felt it would be useful to spend some time looking more specifically at the results of 2 studies, for the following reasons: (i) the surveys were conducted in public health facilities, including hospitals; (ii) one of the 2 studies was carried out France-wide, outside Paris; (iii) the number of patients surveyed outpassed by far previous studies; (iv) the studies point out health issues at stake among Sub-Saharan African patients, of major value for public health both in their countries of origin and in France. The 2 studies are the following: 1. A survey conducted in 2016 among migrants, men and women, using the PASS3 services in 30 French hospitals around the country. 2. The ANRS-PARCOURS survey, conducted among 2468 migrants born in Sub-Saharan Africa using health centers or hospital services in the Paris region, over the period 2012–2013, whether these patients are followed for an HIV infection, a chronic hepatitis B infection, or for other health problems (the reference group).
Both studies show that migrants, owing to their administrative status in France, to the low level of information they have about their rights during their first year of arrival in the country, or to barriers linked to their language, or due to the low level of their health insurance coverage that is one of their characteristics, or to the psycho-traumatisms they suffer, or again due to denial of care, are at risk for physical and mental health, as well as their relatives should the former suffer from infectious diseases. The findings of these studies emphasize the vulnerability of the youth and women, altogether recalling the past of violence that these populations have undergone in their country of origin, during migration (war, torture, sexual violence), or even once they reached France (sexual violence and gender-based violence against women). Showing through modeling that a significant number of HIV positive people, between 35 and 49%, had actually been infected after migration, the ANRS-PARCOURS study invites us to break up with common ideas such as the following: HIV people are infected at home, HIV people arrive in France HIV positive, or that they would migrate to seek care in France. Besides, the studies researchers are struck by the high level of prevalence of the hepatitis B virus infection among migrants born in Sub-Saharan Africa living in France, which is actually 8 times the level of the general population prevalence. The authors are also astonished by the high proportion of patients who ignored they were positive for hepatitis B virus (between 55 and 80%), as well as by the very precarious situation of the people followed for a chronic hepatitis B infection: at the time of the study, one out of 4 had no resident permit; 1 out of 3 had no job, 1 out of 10 didn’t have any financial resources outside child benefits; half of the women had no job.
All these data encourage national authorities to sharpen health data, surveillance and studies among this population living in France, because of health and coverage inequalities they suffer, and because of the consequences of these inequalities for themselves and their relatives, but also because of the necessary adjustment of policies and strategies that these data and knowledge imply. The established link between sexual violence and HIV infection invites authorities and the civil society to stay alert as to prevent sexual violence that girls and women suffer inside France's territory, and make sure that they are offered a safe shelter as well as resources.
Il testo completo di questo articolo è disponibile in PDF.Mots clés : Population de passage et migrants, Santé, Populations vulnérables, Exposition à la violence, Viol, Traumatisme psychologique, Séropositivité VIH, Virus de l’hépatite B
Keywords : Transients and migrants, Health, Vulnerable populations, Exposure to violence, Rape, Psychological trauma, HIV seropositivity, Hepatitis B virus
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| ☆ | Séance du 15 janvier 2019. |
Vol 203 - N° 1-2
P. 13-22 - marzo 2019 Ritorno al numeroBenvenuto su EM|consulte, il riferimento dei professionisti della salute.

