Moïse Maïmonide (1138–1204) est un rabbin, philosophe et médecin andalou, dont le but de ses travaux, aussi bien dans l’étude de l’aspect juridique de la Loi juive que dans son questionnement philosophique, a été de restaurer la science de cette Loi, qu’il jugeait perdue en raison de conflits internes au judaïsme comme des persécutions et oppressions extérieures. Le but de cet article est de montrer que cette restauration, chez Maïmonide, prend la forme d’une réforme, en proposant un autre mode d’interprétation des textes fondateurs du judaïsme. Pour cela, il est nécessaire de comprendre le contexte historique et théologique dans lequel écrit Maïmonide : il ne travaille pas seulement en rabbin, depuis une dimension religieuse, ni exclusivement en philosophe par la construction de théories conceptuelles, mais avant tout en médecin, articulant maux du corps et maux de l’esprit, où l’un répond à l’autre depuis des contradictions jugées insolubles dans lesquelles se trouve son destinataire. Comment prendre conscience de ces contradictions et peut-on les surmonter ? Cet article s’appuie principalement sur des extraits d’œuvres de Maïmonide, en partant de ses connaissances médicales pour comprendre la manière dont il les applique en médecin puis en philosophe en inventant une figure opératoire, la perplexité, dans son œuvre de maturité, le Guide des égarés. Pour cela, je m’appuierai sur une analyse textuelle d’une lettre, traduite en français par La guérison par l’esprit, et d’extraits du Guide des égarés afin d’étudier l’originalité de la « perplexité », expérimentée par Maïmonide lui-même, qu’il considère comme une épreuve et comme l’indice de la nécessité du déplacement de sens. L’ensemble de ces analyses aura pour but de mettre en évidence comment ce rabbin-philosophe du Moyen-âge a pu déplacer le débat sur l’hérésie en donnant une place au doute comme levier de pensée et par là, plus largement, a pu être un des pères de la modernité avec la reprise de son mode d’approche et de la religion et de la philosophie par la Haskalah, les Lumières juives allemandes des XVIIIe et XIXe siècles.

Moise Maimonides (1138–1204) is an Andalusian rabbi, philosopher and physician whose purpose in his work, both in the study of the legal aspect of the Jewish Law and in his philosophical questioning, was to restore the science of the Law, which he considered lost because of conflicts internal to Judaism as external persecution and oppression. This restoration takes the form of a reform by proposing another way of interpreting the founding texts of Judaism. For this reason, he does not work only as a rabbi, from a religious dimension, nor exclusively as a philosopher through the construction of conceptual theories, but above all as a physician, articulating the pains of the body and the pains of the spirit, where one responds to the other from contradictions deemed insoluble in which the patient is, whether he is a sultan, a man of the people or even a rabbi. How can we become aware of these contradictions and overcome them? The purpose of this paper will be to use Maimonides’ medical knowledge to understand how he applies it as a physician and then as a philosopher by inventing an operating figure, the perplexity, in his treatrise of maturity, the Guide of the perplexed. To do this, I will use a textual analysis of a letter, translated into French by La guérison par l’esprit, and excerpts from the Guide of the perplexed to study the originality of the “perplexity” experienced by Maïmonide himself, that he considers as a test and as an indication of the necessity of the sense shift.