S'abonner

Un nouveau cas de myopathie nécrosante immuno-médiée par les statines - 22/11/15

Doi : 10.1016/j.revmed.2015.10.148 
C. Gallard 1, P. Moreau 2, L. Daelman 3, A. Lorleac’h 1,
1 Médecine interne–maladies infectieuses, centre hospitalier de Bretagne Sud, Lorient, France 
2 Service d’hématologie, centre hospitalier Bretagne Sud, Lorient, France 
3 Neurologie, centre hospitalier de Bretagne Sud, Lorient, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’effet secondaire le plus connu des statines est l’atteinte musculaire, clinique et/ou biologique, transitoire et rapidement résolutive à l’arrêt du traitement. Dans de rares cas, elles peuvent entraîner une véritable myosite nécrosante immuno-médiée (myopathie nécrosante à médiation auto-immune IMNM), comme le rappelle l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans son actualité du 12 mai 2015 [1]. Nous en rapportons un nouveau cas.

Observation

Une patiente de 65ans présentait, 6mois après l’introduction d’une statine, une cytolyse hépatique et une augmentation du taux de créatine phosphokinase (CPK) à plus de 2000UI/L. Malgré l’arrêt du traitement, apparaissaient des myalgies inflammatoires et un déficit musculaire proximal progressif. L’EMG révélait un tracé myogène et la biopsie une myosite nécrosante sans infiltrat inflammatoire. Il n’y avait pas d’autre atteinte d’organe, le bilan étiologique à la recherche d’une cause secondaire (cancer, connectivite, infection virale) était négatif. La recherche d’auto-anticorps spécifiques des myosites était négative. Le diagnostic de polymyosite était retenu et une corticothérapie (1mg/kg/jour) était introduite. La patiente était perdue de vue pendant deux ans puis reprise en charge dans un contexte d’aggravation majeure (myalgies intenses, déficit musculaire diffus avec grabatisation). La patiente n’avait plus de traitement. Le taux de CPK était à 4300UI/L. L’hypothèse d’une IMNM liée aux statines était évoquée et un dosage des anticorps anti-hydroxy-méthyl-glutaryl-coenzyme A réductase (HMGCR) réalisé. Le taux était fortement positif à 1925,5U/mL (normale inférieure à 13). Une trithérapie associant corticothérapie (60mg/jour), méthotrexate (15mg/semaine) et immunoglobulines polyvalentes (2g/kg sur cinq jours) était introduite. L’efficacité biologique était rapide avec une normalisation des CPK dès le premier mois. L’efficacité clinique était retardée du fait de la fonte musculaire majeure et donc de la nécessité d’une kinésithérapie prolongée.

Discussion

Les myopathies inflammatoires (ou myosites) sont définies par l’existence d’une inflammation des muscles striés. Même si plusieurs systèmes de classification ont été publiés, pour simplifier, on distingue grossièrement les myosites idiopathiques (dermatomyosite, polymyosite, myosites à inclusion, myosites non spécifique et IMNM) et les myosites secondaires, associées à une connectivite (sclérodermie, lupus, polyarthrite rhumatoïde, Gougerot-Sjögren), liées à une infection (VIH, Coxsackie, HTLV1) ou à une prise médicamenteuse. Une cause plus rare est l’IMNM liée à la prise de statines. Depuis la revue princeps de 2012 (63 cas rapportés) [2], plusieurs cas cliniques et séries de patients ont été publiés [3]. Cela a conduit récemment l’ANSM à rajouter cet effet indésirable dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) [1]. Cette myopathie nécrosante se caractérise par : une atteinte musculaire proximale, l’élévation marquée des CPK, l’aggravation lente et progressive de la symptomatologie malgré l’arrêt des statines, des signes histologiques de myopathie nécrosante sans infiltrat inflammatoire (contrairement aux autres myosites), un taux significatif d’anticorps anti-HMGCR et l’amélioration sous immunosuppresseurs. Le mécanisme de l’IMNM résulterait d’une sur-expression de l’antigène HMGCR dans les fibres musculaires lors de l’exposition aux statines, ce qui déclencherait chez les patients porteurs d’anticorps anti-HMGCR une réponse immuno-inflammatoire auto-entretenue malgré l’arrêt du traitement, l’expression de HMGCR se poursuivant dans le tissu musculaire en cours de régénération. Le traitement semble nécessiter d’emblée une multithérapie immunosuppressive et immunomodulatrice (IgIV, corticoïdes et immunosuppresseur), la monothérapie corticoïde étant inefficace. Le traitement est rapidement et fréquemment efficace lorsqu’il est administré précocement.

Conclusion

Les statines, hormis des myalgies transitoires et une augmentation résolutive des CPK, peuvent également déclencher une véritable myopathie nécrosante évolutive malgré leur arrêt et nécessitant une multithérapie immunosuppressive.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Plan


© 2015  Publié par Elsevier Masson SAS.
Ajouter à ma bibliothèque Retirer de ma bibliothèque Imprimer
Export

    Export citations

  • Fichier

  • Contenu

Vol 36 - N° S2

P. A168-A169 - décembre 2015 Retour au numéro
Article précédent Article précédent
  • Les myopathies inflammatoires auto-immunes : à propos de 40 cas
  • S. Toujani, T. Ben Salem, I. Ben Ghorbel, C. Abdelkafi, A. Hamzaoui, M. Khanfir, F. Said, M. Lamloum, M.H. Houman
| Article suivant Article suivant
  • Les dermatomyosites et les poly myosites dans le sud tunisien : étude de 102 cas
  • S. Garbaa, M. Snoussi, H. Loukil, F. Frikha, M. Jallouli, R. Ben Salah, C. Damak, C. Turki, F. Smaoui, K. Rekik, S. Marzouk, Z. Bahloul

Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.

Déjà abonné à cette revue ?

Mon compte


Plateformes Elsevier Masson

Déclaration CNIL

EM-CONSULTE.COM est déclaré à la CNIL, déclaration n° 1286925.

En application de la loi nº78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez des droits d'opposition (art.26 de la loi), d'accès (art.34 à 38 de la loi), et de rectification (art.36 de la loi) des données vous concernant. Ainsi, vous pouvez exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations vous concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l'utilisation ou la conservation est interdite.
Les informations personnelles concernant les visiteurs de notre site, y compris leur identité, sont confidentielles.
Le responsable du site s'engage sur l'honneur à respecter les conditions légales de confidentialité applicables en France et à ne pas divulguer ces informations à des tiers.


Tout le contenu de ce site: Copyright © 2024 Elsevier, ses concédants de licence et ses contributeurs. Tout les droits sont réservés, y compris ceux relatifs à l'exploration de textes et de données, a la formation en IA et aux technologies similaires. Pour tout contenu en libre accès, les conditions de licence Creative Commons s'appliquent.