Un nouveau cas de myopathie nécrosante immuno-médiée par les statines - 22/11/15
Résumé |
Introduction |
L’effet secondaire le plus connu des statines est l’atteinte musculaire, clinique et/ou biologique, transitoire et rapidement résolutive à l’arrêt du traitement. Dans de rares cas, elles peuvent entraîner une véritable myosite nécrosante immuno-médiée (myopathie nécrosante à médiation auto-immune IMNM), comme le rappelle l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans son actualité du 12 mai 2015 [1 ]. Nous en rapportons un nouveau cas.
Observation |
Une patiente de 65ans présentait, 6mois après l’introduction d’une statine, une cytolyse hépatique et une augmentation du taux de créatine phosphokinase (CPK) à plus de 2000UI/L. Malgré l’arrêt du traitement, apparaissaient des myalgies inflammatoires et un déficit musculaire proximal progressif. L’EMG révélait un tracé myogène et la biopsie une myosite nécrosante sans infiltrat inflammatoire. Il n’y avait pas d’autre atteinte d’organe, le bilan étiologique à la recherche d’une cause secondaire (cancer, connectivite, infection virale) était négatif. La recherche d’auto-anticorps spécifiques des myosites était négative. Le diagnostic de polymyosite était retenu et une corticothérapie (1mg/kg/jour) était introduite. La patiente était perdue de vue pendant deux ans puis reprise en charge dans un contexte d’aggravation majeure (myalgies intenses, déficit musculaire diffus avec grabatisation). La patiente n’avait plus de traitement. Le taux de CPK était à 4300UI/L. L’hypothèse d’une IMNM liée aux statines était évoquée et un dosage des anticorps anti-hydroxy-méthyl-glutaryl-coenzyme A réductase (HMGCR) réalisé. Le taux était fortement positif à 1925,5U/mL (normale inférieure à 13). Une trithérapie associant corticothérapie (60mg/jour), méthotrexate (15mg/semaine) et immunoglobulines polyvalentes (2g/kg sur cinq jours) était introduite. L’efficacité biologique était rapide avec une normalisation des CPK dès le premier mois. L’efficacité clinique était retardée du fait de la fonte musculaire majeure et donc de la nécessité d’une kinésithérapie prolongée.
Discussion |
Les myopathies inflammatoires (ou myosites) sont définies par l’existence d’une inflammation des muscles striés. Même si plusieurs systèmes de classification ont été publiés, pour simplifier, on distingue grossièrement les myosites idiopathiques (dermatomyosite, polymyosite, myosites à inclusion, myosites non spécifique et IMNM) et les myosites secondaires, associées à une connectivite (sclérodermie, lupus, polyarthrite rhumatoïde, Gougerot-Sjögren), liées à une infection (VIH, Coxsackie, HTLV1) ou à une prise médicamenteuse. Une cause plus rare est l’IMNM liée à la prise de statines. Depuis la revue princeps de 2012 (63 cas rapportés) [2 ], plusieurs cas cliniques et séries de patients ont été publiés [3 ]. Cela a conduit récemment l’ANSM à rajouter cet effet indésirable dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) [1 ]. Cette myopathie nécrosante se caractérise par : une atteinte musculaire proximale, l’élévation marquée des CPK, l’aggravation lente et progressive de la symptomatologie malgré l’arrêt des statines, des signes histologiques de myopathie nécrosante sans infiltrat inflammatoire (contrairement aux autres myosites), un taux significatif d’anticorps anti-HMGCR et l’amélioration sous immunosuppresseurs. Le mécanisme de l’IMNM résulterait d’une sur-expression de l’antigène HMGCR dans les fibres musculaires lors de l’exposition aux statines, ce qui déclencherait chez les patients porteurs d’anticorps anti-HMGCR une réponse immuno-inflammatoire auto-entretenue malgré l’arrêt du traitement, l’expression de HMGCR se poursuivant dans le tissu musculaire en cours de régénération. Le traitement semble nécessiter d’emblée une multithérapie immunosuppressive et immunomodulatrice (IgIV, corticoïdes et immunosuppresseur), la monothérapie corticoïde étant inefficace. Le traitement est rapidement et fréquemment efficace lorsqu’il est administré précocement.
Conclusion |
Les statines, hormis des myalgies transitoires et une augmentation résolutive des CPK, peuvent également déclencher une véritable myopathie nécrosante évolutive malgré leur arrêt et nécessitant une multithérapie immunosuppressive.
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Vol 36 - N° S2
P. A168-A169 - décembre 2015 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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