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Lymphocytose polyclonale à lymphocytes binucléés : une cause de déficit immunitaire humoral ? - 26/05/16

Doi : 10.1016/j.revmed.2016.04.256 
C. Guignant 1, A. Mambie 2, M. Diouf 3, C. Roumier 4, C. Roche-Lestienne 5, B. Gruson 6, B. Gubler 7, L. Terriou 2, P.Y. Hatron 2, D. Launay 8, M. Labalette 9, G. Lefèvre 9,
1 Laboratoire d’immunologie, EA4666, CHU d’Amiens, Amiens, France 
2 Service de médecine interne, unité d’immunologie clinique, CHRU de Lille, Lille, France 
3 Biostatistique et centre de recherche clinique, EA4666, CHU d’Amiens, Amiens, France 
4 Institut d’hématologie, Inserm UMR 1172, CHRU de Lille, Lille, France 
5 Institut de génétique médicale, Inserm UMR 1172, CHRU de Lille, Lille, France 
6 Service d’hématologie clinique, CHU d’Amiens-Picardie, Salouel, France 
7 Laboratoire d’immunologie oncobiologie moléculaire, EA4666, CHU d’Amiens, Amiens, France 
8 Service de médecine interne, unité d’immunologie clinique, Liric UMR 995, CHRU de Lille, Lille, France 
9 Institut d’immunologie, Liric UMR 995, CHRU de Lille, Lille, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

La lymphocytose polyclonale à lymphocytes binucléés est une maladie rare se manifestant essentiellement par une lymphocytose B et une augmentation polyclonale des immunoglobulines (Ig) M, chez des patients fumeurs. Nous présentons 4 nouvelles observations dont un cas de déficit immunitaire humoral substitué par Ig polyvalentes, et une revue exhaustive des cas rapportés dans la littérature.

Patients et méthodes

Nous présentons quatre cas diagnostiqués suite à la découverte fortuite d’une splénomégalie et/ou d’une augmentation des IgM. En l’absence de revue systématique de la littérature décrivant les caractéristiques de cette pathologie rare, nous avons confronté nos observations à une revue des cas rapportés dans la base de données MEDLINE. Le recueil des données individuelles de chaque patient rapporté a été effectué indépendamment par deux lecteurs (AM, CG).

Résultats

Les patients étaient trois femmes âgées de 40, 43 et 48 ans (P1-P3) et un homme âgé de 28 ans (P4). Les quatre patients partageaient des caractéristiques communes : un tabagisme cumulé important (25, 30 et 25 paquets-année pour les 3 patientes, plus de 10 cigarettes/j depuis plusieurs années pour le quatrième patient), une splénomégalie modérée, une augmentation polyclonale des IgM respectivement à 14,9, 4,5, 9,8 et 11,6g/l (N 0,4–2,4) et des lymphocytes binucléés au frottis sur 5 à 10 % des lymphocytes. Les quatre patients présentaient une hyperlymphocytose B majeure (1,3 à 19,1 G/L pour N 0,2–0,4) composée à plus de 90 % de lymphocytes B de phénotype MZ-like CD19+CD27+IgM+IgD+, sans anomalie de répartition kappa/lambda. Un déficit en IgG était présent chez P1, P3 et P4 (5,5, 6,8 et 4g/l, respectivement, pour N 6,9–14) et les IgA étaient comprises dans les valeurs basses de la normale chez les quatre patients. P1 à P3 présentaient des caryotypes sanguins complexes sans anomalie clonale récurrente mais au moins une trisomie 3 ou un chromosome surnuméraire iso[3] (q10). Seule P1 présentait des infections ORL et bronchopulmonaires récurrentes, nécessitant une antibiothérapie plus de 6 à 8 fois par an. Au vu du déficit en IgG à 5,5g/l, une substitution par Ig polyvalentes a été décidée dans l’hypothèse d’une immunité humorale défaillante : il n’y a eu aucun événement infectieux pendant 12 mois de substitution. Les infections ont récidivé avec recours aux antibiotiques dans les semaines qui ont suivi la suspension du traitement, entraînant donc une reprise de la substitution.

Discussion

Notre revue de la littérature a permis d’identifier 213 observations, concernant des femmes dans 85 % des cas (n=181/213) et des fumeurs dans 99 % des cas (n=162/164). Une splénomégalie est mentionnée dans 71 % des cas (n=57/80) et une association au HLA DR7 dans 76 % des cas (n=90/118). Si l’hyperIgM et l’hyperlymphocytose B sont constantes, un déficit en IgG et en IgA est décrit dans 57 % (n=16/28) et 39 % (n=12/31) des cas. Le caryotype est anormal dans 38 % des cas (n=45/119), avec des anomalies chromosomiques variables, non clonales, comprenant classiquement un chromosome surnuméraire iso [3] (q10). Bien qu’indolente dans la très grande majorité des cas, des lymphomes B de type lymphome de la zone marginale et lymphome diffus à grandes cellules B ont été décrits chez de rares malades, suivis pour une lymphocytose polyclonale à lymphocytes binucléés depuis plusieurs années [1]. La notion d’infections ORL ou broncho-pulmonaires n’est renseignée que dans 20 cas : 6 patients présentaient des infections récurrentes, mais difficiles à interpréter chez ces patients fumeurs. Une patiente décrite en 2000 par Vignes et al. a bénéficié d’une substitution par Ig polyvalentes qui s’est avérée efficace [2]. Un défaut de réponse aux antigènes polysaccharidiques a été recherché et démontré dans une observation, ce qui renforce l’hypothèse d’un déficit immunitaire humoral au moins chez certains sujets [3].

Conclusion

La lymphocytose polyclonale à lymphocytes binucléés est une maladie immuno-hématologique rare, chronique, indolente avec un faible risque de transformation maligne, et caractérisée par une expansion polyclonale du compartiment B-MZ circulant. Un traitement substitutif par Ig polyvalentes pouvant être efficace dans cette indication, un déficit immunitaire secondaire ne doit pas être négligé face à des infections d’apparence banale chez ces patients fumeurs.

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Vol 37 - N° S1

P. A49-A50 - juin 2016 Retour au numéro
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