L’efficacité de l’aspirine dans la prévention secondaire est établie, avec une balance bénéfice-risque favorable, mais pas encore dans la prévention primaire, avec des recommandations américaines et européennes contradictoires. Pour atteindre son efficacité optimale, l’adhérence à l’aspirine est cruciale, mais plusieurs études ont montré des taux d’adhérence très bas. Cependant, ces taux représentaient une mesure moyenne durant le suivi, ignorant le processus dynamique de l’adhérence au cours du temps. L’objectif de cette étude était de décrire les trajectoires d’adhérence à l’aspirine sur trois ans dans la population française et d’identifier des sous-groupes critiques que les interventions pourraient cibler.

Etude de cohorte historique de 111 793 nouveaux utilisateurs d’aspirine, âgés de 50 ans et plus, à partir des données de l’Echantillon généraliste des bénéficiaires. Les sujets étaient suivis de la date de première dispensation d’aspirine (DI), comprise entre le 01/01/2010 et le 31/12/2012, jusqu’à la première date parmi décès, sortie de la base, ou le 36ème mois après la DI. L’adhérence à l’aspirine était évaluée chaque trimestre pendant 36 mois par la proportion de jours couverts et dichotomisée entre une bonne adhérence (≥0,8) ou pas. Les trajectoires d’adhérence à l’aspirine ont été identifiées avec la méthode « Group Based Trajectory Modeling ».

Le modèle a identifié quatre trajectoires d’adhérence à l’aspirine : les non adhérents (40,2 %), ceux dont l’adhérence diminue (13,6 %), ceux dont l’adhérence augmente (9,6 %) et les bons adhérents (36,6 %). L’augmentation de l’adhérence était en partie associée à la survenue d’évènements cardiovasculaires et la diminution d’adhérence à la survenue d’évènements hémorragiques. Les facteurs associés à l’appartenance au groupe des non adhérents était le sexe féminin, la polymédication, le niveau socio-économique bas, l’absence d’une indication en prévention secondaire, l’absence de diabète, d’hypertension, de démence ou moins de quatre consultations médicales par année.

Cette étude permet de mieux comprendre les différents comportements d’adhérence à l’aspirine observée dans la population et de pointer des sous-groupes critiques que des interventions pour améliorer la compliance pourraient cibler.