La tuberculose est la première cause de mortalité par un seul agent infectieux dans le monde. L’Organisation mondiale de la santé a établi comme objectif prioritaire de santé publique une réduction de 95 % du nombre de décès entre 2015 à 2035. Pour relever ce défi, une meilleure compréhension des facteurs pronostiques de décès par tuberculose semble indispensable. Dans les pays à forte endémie, le VIH et la dénutrition sont des facteurs de risque de mortalité, mais ces données sont rares en Europe. Dans un contexte d’augmentation de la prévalence de la tuberculose en Île de France en 2016 et en 2017, nous avons estimé la mortalité par tuberculose multisensible et les facteurs de risque associés au décès chez les patients hospitalisés.

Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective portant sur le suivi de patients âgés de plus de 18 ans, présentant une tuberculose multisensible confirmée bactériologiquement et hospitalisés entre 2013 et 2017 dans un centre hospitalo-universitaire.

Parmi 182 patients présentant une tuberculose multisensible, 12 sont décédés (taux de mortalité : 6,6 % IC95 % [3,8–11,2]). La localisation de l’atteinte était exclusivement pulmonaire dans 7 cas, exclusivement neuroméningée dans 1 cas et disséminée dans 4 cas. Aucun patient n’était infecté par le VIH. Cinq d’entre eux étaient de nationalité française et 7 patients de nationalité étrangère, dont 5 vivant en France depuis plus de 5 ans et 2 depuis moins d’un an. Une situation de grande précarité (sans domicile fixe, situation irrégulière) a été retrouvée chez 50 % de ces patients, tandis qu’une intoxication éthylique a été rapportée chez 58 % d’entre eux. La cause du décès a été considérée comme directement imputable à la tuberculose dans 83 % des cas (2 SDRA, 1 choc septique, 1 défaillance neurologique, 6 défaillances multiviscérales dans un contexte de dénutrition sévère), indirectement dans 1 cas (infection du liquide d’ascite concomitante chez un patient cirrhotique), non-décrite dans 1 cas.

Alors que la tuberculose multisensible bénéficie en France d’un traitement simple et gratuit dans un contexte sanitaire favorable à une prise en charge rapide, le taux de mortalité relevé dans la population de notre étude apparaît particulièrement élevé. L’analyse des caractéristiques des patients montre que la grande précarité et l’alcoolisme (mais pas la migration récente) semblent être les facteurs de risque les plus associés au risque de décéder d’une tuberculose multisensible et implique de reconsidérer la politique sanitaire à destination des plus exclus de la société.