Étude de la couleur bleue de la sclère pour le diagnostic de carence martiale : analyse clinique et informatisée - 22/11/19
Résumé |
Introduction |
La carence martiale (CM) est la plus fréquente des carences nutritionnelles au monde [1 ] avec une prévalence de 18 % dans la population générale. Son diagnostic repose sur le dosage de la ferritine sérique, paramètre biologique le plus sensible et le plus spécifique. La coloration bleue de la sclère a été rapportée comme un signe spécifique de CM [2 ] mais reste peu utilisée en pratique courante, sans doute en raison d’une trop grande subjectivité liée à l’examinateur. Les objectifs de notre travail étaient :
–d’étudier la valeur de la coloration bleue de la sclère (évaluation clinique) pour le diagnostic de CM ;
–de réaliser une évaluation quantitative du bleu de la sclère par analyse numérique afin d’étudier la corrélation avec la CM et l’évaluation clinique.
Patients et méthodes |
Nous avons mené une étude prospective monocentrique au sein d’un service de médecine interne. Étaient inclus les patients majeurs présentant une suspicion de CM ayant bénéficié d’un bilan martial. Étaient exclus les patients aux antécédents de chirurgie ou traumatisme oculaire et de maladie de tissu conjonctif. La CM était définie par une ferritine≤30μg/L ou 100μg/L en cas de syndrome inflammatoire [3 ].
Une photographie numérique de la sclère était réalisée dans des conditions standardisée grâce à une application smartphone dédiée. L’application permettait le recueil et l’anonymisation des données cliniques et biologiques. Trois médecins expérimentés évaluaient l’aspect bleu sur les images anonymisées des sclères, en aveugle du statut martial. L’ordre d’évaluation était randomisé pour chaque médecin. L’évaluation du bleu était réalisée selon une échelle semi-quantitative : 1, bleu absent ; 2, bleu douteux ; 3, bleu présent ; 4, bleu frappant/majeur. La coloration bleue de la sclère était retenue pour une évaluation≥3.
La quantité de bleu dans la sclère était objectivée via un programme informatique créé spécifiquement pour l’étude. Chaque pixel étant défini par une quantité de chacune des trois couleurs primaires (bleu, vert et rouge), le programme mesurait un percentile de bleu contenu dans la zone d’intérêt.
Résultats |
Nous avons inclus 67 patients (56 % de femmes) dans l’analyse finale (âge moyen 59,9±20,1 ans). Cinquante et un patients présentaient une CM. Dans le groupe carencé, on notait une prédominance féminine et un âge moyen significativement plus élevé (p=0,01).
La présence d’une sclère bleue était significativement associée à la CM pour l’évaluateur 1 (p=0,03) avec une sensibilité de 60,8 % [IC95 : 46,1 ; 74,2] et une spécificité de 68,8 % [IC95 : 41,3 ; 89]. Une tendance non significative (p=0,05) était observée pour les deux autres évaluateurs. La valeur prédictive positive était élevée pour chaque évaluateur (86,1 % [IC95 : 70,5 ; 95,3], 88,85 % [IC95 : 69,8 ; 97,6] et 93,8 % [IC95 : 69,8 ; 99,8]). L’accord inter-observateur était faible (coefficient de corrélation kappa de Fleiss 0,09–0,23). L’évaluation clinique n’était pas influencée de façon significative par la couleur de l’iris, le sexe ou la présence d’une anémie.
L’analyse numérique retrouvait un percentile de bleu significativement plus élevé chez les patients avec CM (31,24±3,39 versus 29,12±3,39, p=0,04). On retrouvait également une corrélation entre l’analyse informatisée et l’analyse clinique : le percentile de bleu était plus élevé chez les patients classés comme ayant une sclère bleue, de façon statistiquement significative pour les évaluateurs 1 et 2 : 32±2,17 versus 29,27±4,19, p=0,002 et 33,03±1,93 versus 30,01±3,93, p<0,001 respectivement. L’aire sous la courbe de la courbe ROC était de 0,7 [IC95 : 0,54 ; 0,85], donnant une sensibilité de 78,4 % [IC95 : 63,7 ; 88,7] et une spécificité de 50 % [IC95 : 24,7 ; 75,3], ainsi qu’une valeur prédictive positive de 83,3 % [IC95 : 69,8 ; 92,5]. Le percentile de bleu n’était pas influencé de façon significative par le sexe ou la couleur de l’iris.
Conclusion |
La présence d’une sclère bleue clinique a une forte valeur prédictive positive pour le diagnostic de CM. L’analyse numérique par une photographie avec un smartphone doté d’un programme spécifique est corrélée à l’évaluation clinique mais la sensibilité et la spécificité restent faibles. L’amélioration de cette méthode permettrait de proposer un outil diagnostique intéressant de la CM.
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Vol 40 - N° S2
P. A44 - décembre 2019 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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