Cet article propose d’engager une nouvelle perspective pour l’approche clinique et théorique de la Thérapie Familiale Psychanalytique qui vise à traiter un sujet à l’appui d’un étayage thérapeutique groupal familial. L’originalité de ce travail consiste à mettre particulièrement en évidence, dans cette forme de traitement conjoint du patient et de son entourage familial, un matériel clinique souvent disqualifié, traité du côté de la destructivité, du chaos et du non-sens, et à l’aborder de façon paradoxale pour en souligner la richesse extrême et en dégager le potentiel de symbolisation. Il ne s’agit plus seulement de mettre en lumière des fantasmes organisateurs inconscients, selon la théorisation traditionnelle de la Thérapie Familiale Psychanalytique fondée sur le modèle psychanalytique du rêve, mais de se centrer sur les formes de symbolisation primaire.

La méthode est celle de l’exploration du processus thérapeutique dans un exemple de thérapie familiale psychanalytique. Le matériel est analysé avec la prise en compte tant du langage verbal que du langage non-verbal, ainsi que des vécus contre-transférentiels des thérapeutes. Cette méthode d’analyse met l’accent sur les processus de symbolisation primaire à l’œuvre, en s’attachant particulièrement aux aspects formels : formes du langage verbal, formes contenues dans le récit, et évaluation de l’état des représentations dans le néo-groupe. L’originalité de cette méthode consiste à proposer l’écoute des formes du discours porté par la chaîne associative groupale, en déployant le concept d’associativité formelle et en inventant une méthodologie spécifique de ces formes d’écoute. Cette analyse s’effectue des registres de l’archaïque à ceux des logiques primaires et secondaires de la symbolisation.

Deux tableaux d’évaluation qualitative des processus à l’œuvre en Thérapie Familiale Psychanalytique sont proposés aux praticiens, pour repérer notamment le registre de la symbolisation primaire. Le premier (1) consiste en une évaluation des processus de symbolisation primaire, en s’attachant aux formes du discours narratif verbal, dans le « récit racontant » et dans le « récit raconté ». Le second (2) s'attache à l'évaluation de ces processus partir des signes narratifs non-verbaux. La recherche montre avec clarté comment les Organisateurs Psychiques Inconscients du néogroupe sont agencés par une même logique formelle. Au-delà du chaos et du vide souvent repérés par les cliniciens, apparaît un récit à l’œuvre dans le groupe, avec ses propres logiques organisationnelles. Cet article déploie ainsi la coexistence et la dynamique de différents registres de symbolisation.

La discussion peut porter sur ce que ces formes de symbolisation primaire, approchées dans leurs logiques organisatrices, expriment ou « racontent », à condition d’être accueillies comme un langage, par les cliniciens. Dans les cliniques limites et extrêmes, ces expressions archaïques symbolisent à la fois une expérience de rencontre ou de non-rencontre avec l’objet, et à la fois elles permettent que le sujet, ou le groupe, s’auto-représente son propre processus de symbolisation ; dans cette perspective, cette approche des signifiants formels dans leur enchaînement associatif permet d’entendre l’histoire de la désymbolisation d’une expérience, en lien avec un traumatisme.

Cet article met en lumière de façon originale les organisateurs psychiques inconscients du groupe de Thérapie Familiale Psychanalytique, ne relevant pas de fantasmes, mais de pictogrammes et surtout de signifiants formels groupaux, susceptibles de prendre forme en mots, en corps, en agir sur le cadre, en sensations et en pensées. Il ne s’agit pas d’exclure le modèle traditionnel du rêve au fondement de la théorisation de la Thérapie Familiale Psychanalytique, mais de le complémenter par le déploiement des logiques de la symbolisation primaire et de montrer la cohabitation des formes primaires de symbolisation et des fantasmes. De façon générale, cette modélisation des processus de symbolisation dans le cadre de la Thérapie Familiale Psychanalytique apporte une contribution nouvelle à la compréhension des cliniques limites et extrêmes.

This article proposes a new perspective for the clinical and theoretical approach of psychoanalytic family therapy, which aims to treat a subject with the help of the familial therapeutic group. The originality of this work–a form of joint treatment of a patient and of her/his family environment–consists in its focus on clinical material that is often disqualified, or labelled as destructive, chaotic, or nonsensical. Family therapists approach this material in a paradoxical way, underlining its extreme richness and releasing its symbolic potential. It is no longer just a question of highlighting unconscious organizing fantasies, according to the traditional theorization of psychoanalytic family therapy based on the psychoanalytical model of dreaming, but of focusing on primary forms of symbolization.

Our method consists in exploring the therapeutic process, using an example of psychoanalytic family therapy. Both verbal and non-verbal language, as well as the therapists’ counter-transferential experiences, are analyzed. This method of analysis focuses on the primary symbolization processes at work, with particular attention paid to formal aspects : forms of verbal language, forms contained in the narrative, and assessment of the state of representations in the neo-group. The originality of this method is threefold: a close clinical listening to the forms of discourse within a group's chain of associations; the deployment of the concept of formal associativity; and the invention of a specific methodology for these forms of listening. This analysis is carried out from the registers of the archaic to those of the primary and secondary logics of symbolization.

Two qualitative evaluation tables of the processes at work in psychoanalytic family therapy are proposed to the practitioners, in order to identify, in particular, the register of the primary symbolization. The first (1) consists in an evaluation of the primary symbolization processes, by focusing on the forms of verbal narrative discourse, in the “narrating narrative” and in the “narrated narrative.” The second (2) evaluates these process focusing on non-verbal narrative discourse. Research shows clearly how the unconscious psychic organizers of the neo-group are arranged according to the same formal logic. Beyond the chaos and emptiness often spotted by clinicians, a narrative at work in the group, with its own organizational logic, appears. This article thus exposes the coexistence and the dynamics of different registers of symbolization.

The discussion focuses on what these forms of primary symbolization, approached in their organizational logic, express or “tell,” provided that they are accepted as language by clinicians. In clinical work with borderline and other “extreme” pathologies, these archaic expressions symbolize both an experience of encounter or non-encounter with the object; at the same time they allow the subject, or the group, to self-represent its own process of symbolization. From this perspective, this approach to formal signifiers in their associative sequence makes it possible to hear the story of the desymbolization of an experience, in connection with a trauma.

This article highlights, in an original way, the unconscious psychic organizers of the psychoanalytic family therapy group, which are not based on fantasies, but on pictograms and above all on formal group signifiers, which can take shape in words, in bodies, in acting-out on the framework, in sensations, and in thoughts. Far from rejecting the traditional model of the dream at the basis of the theorization of psychoanalytic family therapy, we instead choose to complement it by deploying the logics of primary symbolization and by showing the cohabitation of primary forms of symbolization and fantasies. In general, this modeling of symbolization processes in psychoanalytic family therapy makes a new contribution to the understanding of borderline and extreme pathologies.