La pemphigoide bulleuse (PB) iatrogène est une forme particulière et rare de dermatose bulleuse auto-immune qui peut être déclenchée, aggravée ou induite par une prise médicamenteuse. Les observations de PB imputées aux plantes médicinales sont exceptionnelles. Nous rapportons pour la première fois l’observation de deux sœurs présentant une PB induite par l’ingestion de plantes medicinales « Verbena officinalis ».

Il s’agissait de 2 sœurs âgées respectivement de 58 ans et 50 ans, vivant en milieu rural, sans antécédents médicaux particuliers et qui consultaient pour une éruption bulleuse d’installation aiguë et rapidement généralisée sans contexte d’altération de l’état général. Dans l’interrogatoire, les deux patientes révèlent qu’elles ont pris 10jours successifs auparavant une plante réduite en poudre dissoute dans de l’eau sous le nom de « Verbena officinalis » pour des gonalgies à l’exclusion de tout autre traitement. Au septième jour de prise du mélange traditionnel, des lésions bulleuses puis érosives étaient apparues chez l’aînée suivie 3jours après par la survenue de lésions cutanées similaires avec atteinte de la muqueuse buccale et nasale chez sa sœur. L’examen cutané à l’admission montrait une éruption polymorphe touchant l’ensemble du tégument sauf les paumes et les plantes, faite de lésions bulleuses tendues peu prurigineuses, à contenu séro-hématique et des érosions post bulleuses de dispositions arciforme par endroits et en rosette par d’autres associées a des érosions buccales et nasales. Le signe de Nikolsky était négatif. L’examen général était sans particularités, La biologie retrouvait une pancytopénie dans un cas. Les anticorps anti-nucléaires et les sérologies virales (EBV, CMV, PV19) étaient tous négatifs. L’histologie retrouvait une bulle sous-épidermique, et en immunofluorescence directe un marquage linéaire en IgG/C3 le long de la jonction dermoépidermique en faveur d’une pemphigoide bulleuse. L’immunofluorescence indirecte montrait la présence d’auto-anticorps dirigés contre la zone de la membrane basale et les Ac anti-BP180 étaient positifs par la technique Elisa. En se basant sur les données anamnestiques, histologiques et immunologiques, nous avons retenu le diagnostic de pemphigoide bulleuse probablement induite par l’ingestion de « Verbena officinalis. Les deux patientes ont été mises sous corticothérapie générale (0,5mg/kg/jour). L’évolution a été rapidement favorable avec cicatrisation des lésions cutanées en 15jours de traitement et sans récidive après un recul de 5 mois.

Le recours à la phytothérapie traditionnelle d’une manière anarchique dans diverses maladies est une habitude fréquente dans notre société. À notre connaissance, dans la littérature il n’a pas été décrit de cas de PB sous phytothérapie. Chez nos deux patientes, aucun autre traitement concomitant inducteur de PB n’était trouvé, tel que les gliptines. L”aspect clinique des PB induites est très polymorphe. Dans notre observation, l’installation aiguë dans un contexte familial, l’absence de prurit féroce, l’aspect hémorragique des bulles, l’atteinte muqueuse, la pancytopénie et la guérison rapide sous corticothérapie générale plaident en faveur d’une origine iatrogène. En l’absence d’indice en faveur d’une cause médicamenteuse, la responsabilité de « Verbena officinalis » dans la survenue de PB paraît vraisemblable. Cette plante est un agent de phytothérapie utilisé pour soulager les douleurs articulaires est doté d’un pourvoir immuno-allergique dans sa composition et ceci d’autant plus qu’elle est absorbée en association, en surdosage et sur de longue durée. Concernant les hypothèses physiopathologiques expliquant la survenue d’une PB induite, les composantes de la plante pourraient agir en tant qu’haptènes sur un terrain génétique prédisposant modifiant l’antigénicité de la lamina lucida et entrainant la formation d’auto-anticorps spécifiques similaires à ceux identifiés dans la PB idiopathique.

La survenue d’une PB avec des caractères inhabituels doit faire chercher une origine iatrogène sans oublier les plantes médicinales, souvent négligées par le patient.