S'abonner

Leucémie myélomonocytaire chronique et hypokaliémie inexpliquée : chercher du lysozyme dans le tubule ! - 28/11/23

Doi : 10.1016/j.revmed.2023.10.209 
U. Tauveron-Jalenques 1, X. Brisbart 2, J. Noelle 3, N. Diop 4, A. Tiple 3, O. Tournilhac 1, M. Hermet 5,
1 Thérapie cellulaire et hématologie clinique adulte, CHU de Clermont-Ferrand site Estaing, Clermont-Ferrand 
2 Anatomo-pathologie, CHU de Clermont-Ferrand : site Gabriel-Montpied, Clermont-Ferrand 
3 Néphrologie, centre hospitalier Jacques-Lacarin, Vichy 
4 Hématologie, centre hospitalier Jacques-Lacarin, Vichy 
5 Rhumatologie-médecine interne, centre hospitalier Jacques-Lacarin, Vichy 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

La leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) est une néoplasie myélodysplasique/myéloproliférative caractérisée par une monocytose sanguine persistante, la présence d’anomalies génétiques somatiques et un risque de transformation en leucémie aiguë myéloïde. Elle peut s’accompagner dans de rares cas d’une atteinte rénale.

Observation

Nous rapportons le cas d’une patiente de 79 ans, hospitalisée pour une asthénie progressive depuis 15jours. Le bilan biologique révélait une hyperleucocytose à 61,69G/L dont 30,23G/L de monocytes, une anémie à 9,2g/dL et une hypokaliémie (hK) à 2,2mmol/L. Un myélogramme avec étude cytogénétique et moléculaire montrait une moelle de richesse normale contenant 36 % de monocytes avec des formes dysplasiques, 4 % de blastes myéloïdes, une monosomie X complète et des mutations de SRSF2, TET2, KIT et KRAS, permettant le diagnostic de LMMC de type 1 de pronostic moléculaire (score CPSS-MOL) intermédiaire 1. La recherche d’un transcrit de fusion BCR-ABL1 et de mutation de JAK2 étaient négatives. En raison de la présence d’une mutation de KIT, ont été réalisées une tryptasémie (normale) et une biopsie ostéomédullaire confirmant le diagnostic de LMMC sans identifier d’infiltrat mastocytaire. Un épisode d’insuffisance rénale (IR) aiguë stade K-DIGO 1 (ascension en 6jours de la créatininémie à 93μmol/L contre usuellement 62,4μmol/L), d’amélioration rapide après hydratation intraveineuse faisait découvrir une protéinurie (Pu) mixte non sélective à 2,1g/g de créatinine ainsi qu’une kaliurèse inadaptée à l’hK profonde (gradient transtubulaire du potassium en l’absence de supplémentation estimé entre 7–10), sans autres stigmates de dysfonction tubulaire ni hématurie. La ponction-biopsie rénale (PBR) révélait des tubules au cytoplasme vacuolisé, bordés de cellules cubiques contenant des gouttelettes éosinophiles, PAS-positives, sans tubulite, ainsi qu’un fibro-œdème et un infiltrat inflammatoire lymphohistiocytaire interstitiel discrets ; les glomérules étaient légèrement ischémiques. Une étude immunohistochimique complémentaire confirmait un marquage des gouttelettes éosinophiles par l’anticorps antilysozyme, en faveur d’une atteinte rénale par hyperproduction de lysozyme, confirmant le diagnostic de néphropathie au lysozyme (NLy). Le lysozyme sérique était très élevé à 192mg/L (n<12mg/L). Après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire nationale, un traitement par hydroxyurée était privilégié par rapport à l’azacitidine du fait de la fragilité gériatrique de la patiente, associé à une supplémentation potassique et aux règles usuelles de néphroprotection. À six semaines de l’introduction de l’hydroxyurée, on notait une fonction rénale revenue aux valeurs usuelles chez cette patiente, une protéinurie à 0,18g/g, une kaliémie normale alors que la supplémentation potassique avait pu être considérablement diminuée, une Hb à 12,4g/dL, des leucocytes à 9,6G/L et des monocytes à 2,7G/L.

Discussion

Plusieurs atteintes rénales associées à la LMMC sont décrites dans la littérature : infiltration monocytaire ou hématopoïèse extramédullaire rénale, syndrome de lyse tumorale, lithiase urique, glomérulopathies, amylose [1]. La survenue d’une NLy est plus rarement rapportée. Elle correspond à l’accumulation dans les cellules épithéliales tubulaires proximales de lysozyme (enzyme secrétée par les monocytes-macrophages, filtrée par les glomérules et réabsorbée par les tubules proximaux) aboutissant à une toxicité épithéliale et une nécrose tubulaire. Dans la majorité des cas satellites de LMMC rapportés, la présentation initiale est une IR souvent sévère, soit chronique, soit aiguë de récupération souvent limitée [2]. Dans notre cas, la réalisation précoce d’une PBR face à une Pu et une hK inexpliquées a rapidement permis d’obtenir un diagnostic et d’initier un traitement permettant de contrôler la leuco-monocytose, évitant probablement une dégradation définitive de la fonction rénale. Or, dans la LMMC, la leuco-monocytose est corrélée à la créatininémie et l’IR est associée à une survie globale réduite [3].

Conclusion

Les atteintes rénales associées à la LMMC sont à connaître et une hK, une Pu ou une IR inexpliquées doivent faire pratiquer une PBR en sensibilisant l’anatomo-pathologiste à l’intérêt de rechercher une NLy, permettant ainsi d’initier précocement un traitement de fond de la LMMC.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Plan


© 2023  Publié par Elsevier Masson SAS.
Ajouter à ma bibliothèque Retirer de ma bibliothèque Imprimer
Export

    Export citations

  • Fichier

  • Contenu

Vol 44 - N° S2

P. A464-A465 - décembre 2023 Retour au numéro
Article précédent Article précédent
  • Myopathie vacuolaire associée à un myélome à chaînes légères lambda
  • Q. de Berny, P. Morel, C. Renard, N. Guilain, G. Choukroun, O. Fourdinier
| Article suivant Article suivant
  • Glomérulopathie et thrombose de l’aorte révélant une thrombocytémie essentielle
  • N. Dembri, H. Chemmi, S. Boughandjioua, S. Djabba, N. Boukhris

Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.

Déjà abonné à cette revue ?

Mon compte


Plateformes Elsevier Masson

Déclaration CNIL

EM-CONSULTE.COM est déclaré à la CNIL, déclaration n° 1286925.

En application de la loi nº78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez des droits d'opposition (art.26 de la loi), d'accès (art.34 à 38 de la loi), et de rectification (art.36 de la loi) des données vous concernant. Ainsi, vous pouvez exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations vous concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l'utilisation ou la conservation est interdite.
Les informations personnelles concernant les visiteurs de notre site, y compris leur identité, sont confidentielles.
Le responsable du site s'engage sur l'honneur à respecter les conditions légales de confidentialité applicables en France et à ne pas divulguer ces informations à des tiers.


Tout le contenu de ce site: Copyright © 2025 Elsevier, ses concédants de licence et ses contributeurs. Tout les droits sont réservés, y compris ceux relatifs à l'exploration de textes et de données, a la formation en IA et aux technologies similaires. Pour tout contenu en libre accès, les conditions de licence Creative Commons s'appliquent.