Leucémie myélomonocytaire chronique et hypokaliémie inexpliquée : chercher du lysozyme dans le tubule ! - 28/11/23

Résumé |
Introduction |
La leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) est une néoplasie myélodysplasique/myéloproliférative caractérisée par une monocytose sanguine persistante, la présence d’anomalies génétiques somatiques et un risque de transformation en leucémie aiguë myéloïde. Elle peut s’accompagner dans de rares cas d’une atteinte rénale.
Observation |
Nous rapportons le cas d’une patiente de 79 ans, hospitalisée pour une asthénie progressive depuis 15jours. Le bilan biologique révélait une hyperleucocytose à 61,69G/L dont 30,23G/L de monocytes, une anémie à 9,2g/dL et une hypokaliémie (hK) à 2,2mmol/L. Un myélogramme avec étude cytogénétique et moléculaire montrait une moelle de richesse normale contenant 36 % de monocytes avec des formes dysplasiques, 4 % de blastes myéloïdes, une monosomie X complète et des mutations de SRSF2, TET2, KIT et KRAS, permettant le diagnostic de LMMC de type 1 de pronostic moléculaire (score CPSS-MOL) intermédiaire 1. La recherche d’un transcrit de fusion BCR-ABL1 et de mutation de JAK2 étaient négatives. En raison de la présence d’une mutation de KIT, ont été réalisées une tryptasémie (normale) et une biopsie ostéomédullaire confirmant le diagnostic de LMMC sans identifier d’infiltrat mastocytaire. Un épisode d’insuffisance rénale (IR) aiguë stade K-DIGO 1 (ascension en 6jours de la créatininémie à 93μmol/L contre usuellement 62,4μmol/L), d’amélioration rapide après hydratation intraveineuse faisait découvrir une protéinurie (Pu) mixte non sélective à 2,1g/g de créatinine ainsi qu’une kaliurèse inadaptée à l’hK profonde (gradient transtubulaire du potassium en l’absence de supplémentation estimé entre 7–10), sans autres stigmates de dysfonction tubulaire ni hématurie. La ponction-biopsie rénale (PBR) révélait des tubules au cytoplasme vacuolisé, bordés de cellules cubiques contenant des gouttelettes éosinophiles, PAS-positives, sans tubulite, ainsi qu’un fibro-œdème et un infiltrat inflammatoire lymphohistiocytaire interstitiel discrets ; les glomérules étaient légèrement ischémiques. Une étude immunohistochimique complémentaire confirmait un marquage des gouttelettes éosinophiles par l’anticorps antilysozyme, en faveur d’une atteinte rénale par hyperproduction de lysozyme, confirmant le diagnostic de néphropathie au lysozyme (NLy). Le lysozyme sérique était très élevé à 192mg/L (n<12mg/L). Après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire nationale, un traitement par hydroxyurée était privilégié par rapport à l’azacitidine du fait de la fragilité gériatrique de la patiente, associé à une supplémentation potassique et aux règles usuelles de néphroprotection. À six semaines de l’introduction de l’hydroxyurée, on notait une fonction rénale revenue aux valeurs usuelles chez cette patiente, une protéinurie à 0,18g/g, une kaliémie normale alors que la supplémentation potassique avait pu être considérablement diminuée, une Hb à 12,4g/dL, des leucocytes à 9,6G/L et des monocytes à 2,7G/L.
Discussion |
Plusieurs atteintes rénales associées à la LMMC sont décrites dans la littérature : infiltration monocytaire ou hématopoïèse extramédullaire rénale, syndrome de lyse tumorale, lithiase urique, glomérulopathies, amylose [1]. La survenue d’une NLy est plus rarement rapportée. Elle correspond à l’accumulation dans les cellules épithéliales tubulaires proximales de lysozyme (enzyme secrétée par les monocytes-macrophages, filtrée par les glomérules et réabsorbée par les tubules proximaux) aboutissant à une toxicité épithéliale et une nécrose tubulaire. Dans la majorité des cas satellites de LMMC rapportés, la présentation initiale est une IR souvent sévère, soit chronique, soit aiguë de récupération souvent limitée [2]. Dans notre cas, la réalisation précoce d’une PBR face à une Pu et une hK inexpliquées a rapidement permis d’obtenir un diagnostic et d’initier un traitement permettant de contrôler la leuco-monocytose, évitant probablement une dégradation définitive de la fonction rénale. Or, dans la LMMC, la leuco-monocytose est corrélée à la créatininémie et l’IR est associée à une survie globale réduite [3].
Conclusion |
Les atteintes rénales associées à la LMMC sont à connaître et une hK, une Pu ou une IR inexpliquées doivent faire pratiquer une PBR en sensibilisant l’anatomo-pathologiste à l’intérêt de rechercher une NLy, permettant ainsi d’initier précocement un traitement de fond de la LMMC.
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Vol 44 - N° S2
P. A464-A465 - décembre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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