Usage des big-data médico-administratives pour une vigilance des déterminants professionnels des pathologies : illustration avec le régime agricole - 01/12/23
, Pascal Petit 1, 3Résumé |
Contexte |
Les effets du travail sur la santé sont souvent appréciés uniquement par les maladies professionnelles indemnisées ce qui est extrêmement restrictif, et donne une vision très liée au cadre médico-légal. Ainsi en Allemagne parmi les cancers professionnels les plus fréquemment indemnisés on retrouve les cancers cutanés en lien avec l’exposition aux UV, alors que ceux-ci ne sont pas indemnisés et donc pas visibles en France. Par ailleurs, cette approche est auto-limitante, laissant peu de place à la mise en place de nouveaux risques professionnels. Dans le cadre d’un partenariat entre la Caisse Centrale de la Mutualité Sociale Agricole (CCMSA), l’Agence nationale française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), et le laboratoire TIMC, porteur d’une chaire santé au sein de l’Institut d’Intelligence Artificielle « MIAI » de Grenoble, les auteurs ont conçu le projet TRACking and MoniToring Occupational Risks in agriculture (TRACTOR) visant à identifier les sur-risques de pathologies pour chaque secteur d’activité agricole.
Méthode |
Plusieurs bases de données couvrant l’intégralité de la population agricole française métropolitaine – exploitants agricoles (NSA) et salariés agricoles (SA) –, ont été mises en lien au niveau de l’individu (grâce à un identifiant crypté) : bases cotisants renseignant les activités professionnelles sur la période 2002–2016, ainsi que les bases affections longue durée (ALD), maladies professionnelles (MP), et dépenses de soins, en particulier les dispensations de médicaments sur la période 2012–2016.
Des modèles de survie (modèle de Cox) ont été utilisés afin de calculer les hazard ratio (HR) d’une activité donnée comparativement à l’ensemble des autres activités agricoles, après ajustements sur l’âge et le sexe. L’analyse de toutes les maladies codées en CIM10 (ALD et MP) a d’abord été réalisée de manière systématique. Ceci est particulièrement pertinent pour des affections associées à des soins onéreux (ex. : cancers, maladies auto-immunes). Dans un 2e temps des analyses ciblées identifiant les malades non seulement avec les bases précédentes mais également par la consommation médicamenteuse ont été réalisées – ex : dépression, maladie d’Alzheimer (MA). Toutes les analyses sont automatisées (logiciel R).
Résultats |
Afin d’illustrer le potentiel de ce type d’analyses sur une gamme de pathologies très variées, nous serons amenés à présenter des résultats concernant quelques-unes des plus de 1000 pathologies. Le choix des pathologies présentées repose sur leur pertinence en santé au travail mais aussi sur leur caractère pédagogique. Ainsi, les résultats concernant certaines tumeurs dont les gliomes (Petit et al., Int J Cancer. 2022), la dépression, MA, des maladies auto-immunes, mais aussi les troubles musculosquelettiques seront présentés. Par exemple, des sur-risques ont été observés pour les gliomes dans l’élevage porcin (HR=2,28 [1,37–3,80]), pour la maladie d’Alzheimer dans les grandes cultures (HR=3,72 [3,47–3,98]) et la viticulture (HR=1,29 [1,18–1,42]), ou encore pour la dépression dans l’élevage bovins-lait (HR=1,20 [1,16–1,24]) et bovins-viande (HR=1,31 [1,26–1,36]).
Les résultats sur l’ensemble de la cohorte nationale peuvent être déclinés au niveau des 35 caisses locales MSA (ce qui a été fait pour la dépression), niveau où des actions de prévention peuvent être conduites ou ajustées aux spécificités locales. Ce projet a été auditionné par la commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP) et les personnes en charge du programme interministériel de lutte contre le mal être agricole et est régulièrement sollicité par l’ANSES.
Conclusion |
Les bases de données médico-administratives constituent une opportunité importante et unique de mieux comprendre les risques professionnels. Il s’agit de transformer en connaissances utiles pour les médecins, préventeurs et acteurs de la prévention, les informations obtenues en croisant des données massives hébergées au sein de différentes bases administratives. Par ailleurs, une approche systématique est essentielle à des fins de vigilance. Le projet présenté en apporte une illustration.
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Vol 84 - N° 6
Article 101902- novembre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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