les questionnaires d’évaluation des troubles de la personnalité - 07/06/11
Les instruments d’évaluation de la personnalité, utilisés au début de la thérapie, vont contribuer à l’établissement de la ligne de base et à l’analyse fonctionnelle préalable à toute thérapie comportementale et cognitive. Cette évaluation va faciliter la définition des objectifs du traitement en ciblant les aspects dysfonctionnels de la personnalité du patient. Il s’agira d’atténuer ou de modifier ces attitudes, tout en repérant les aspects positifs qui seront renforcés.
Les entretiens structurés de personnalité selon les critères du DSM-IV: le SCID-II et le SIDP-IVIl s’agit d’instruments d’évaluation catégorielle permettant d’identifier la pathologie du sujet en fonction des diagnostics de troubles de la personnalité du DSM-IV, selon qu’elle répond ou non aux critères proposés par cette classification. Si le trouble de la personnalité est retenu comme pathologique, nous pouvons préciser s’il s’agit d’un trouble indifférencié (plusieurs critères dispersés sur plusieurs troubles de la personnalité sans réunir le nombre requis pour l’un d’entre eux) ou bien d’un trouble spécifique de la personnalité. Dans ce dernier cas, la pathologie observée remplit un nombre suffisant de critères d’un des dix troubles de personnalité définis actuellement par le DSM-IV: évitante, histrionique, etc.
L’intérêt thérapeutique majeur d’un entretien structuré de personnalité est de permettre au patient, durant la passation, puis pendant la restitution des résultats avec l’évaluateur, de mieux prendre conscience de ses stratégies comportementales, souvent utilisées de manière excessive et rigide, donc des aspects dysfonctionnels de sa personnalité, qui constitueront alors des cibles de traitement. Le patient est le plus souvent intéressé par le diagnostic de personnalité et il se sent davantage pris en compte et actif dans sa thérapie une fois qu’il est familiarisé avec notre vocabulaire. De plus, il se sent rassuré (comme c’est le cas avec l’utilisation des autres types de questionnaires psychologiques) de constater que des mots peuvent définir ce qui le caractérise et ce qu’il ressent; il comprend que d’autres personnes partagent ses difficultés, lesquelles ont fait l’objet d’études statistiques et scientifiques. Cet aspect pédagogique et ces informations renforcent l’alliance thérapeutique.
Le SCID-II (First et al., 1997, traduction française : J. Cottraux et coll.), entretien structuré de personnalité selon les critères du DSM-IV, se fait en deux temps. L’auto-questionnaire en vrai/faux (119 questions) sert de base à l’entretien clinique qui demande environ 45 minutes. Les critères des dix troubles de personnalité (ainsi que ceux des troubles additionnels: personnalités passive-agressive, dépressive et à comportement d’échec) sont évoqués à travers les différents items qui composent le questionnaire. Puis l’évaluateur revient sur les items cotés «vrai» par le patient pour les valider si le critère du trouble est présent, c’est-à-dire s’il est durable, envahissant (dans plusieurs contextes) et pathologique (s’il entraîne une gêne ou une souffrance significative pour le sujet ou son entourage).
Préalablement à l’étude de la personnalité, il faut prendre en compte l’influence de troubles temporaires (de l’axe I) comme la dépression ou l’alcoolo-dépendance, ce type de troubles interférant avec le fonctionnement au long cours de la personnalité. Ces troubles psychiatriques peuvent s’étendre sur une longue durée (présents parfois depuis plusieurs années), ils sont susceptibles de modifier la personnalité de base, ne faisant qu’un avec elle, et risquent de perturber le diagnostic de personnalité.
Le SIDP-IV (Pfhol et al., 1995, traduction A. Pham et J. D. Guelfi) est également un entretien structuré de personnalité selon les critères du DSM-IV; il se base sur 110 questions qui demandent environ 60 à 90 minutes de passation et 20 minutes de correction. Le SIDP présente l’intérêt d’être organisé par sections thématiques plutôt que par troubles, d’où un entretien plus naturel. Les thèmes abordés sont variés et couvrent l’ensemble des comportements d’un individu: ses centres d’intérêt et types d’activités, ses attitudes face au travail, ses relations sociales en général, ses relations proches, sa manière d’exprimer ses émotions, etc.
Là encore, l’évaluateur va préciser avec le patient si le critère DSM-IV abordé par la question est rempli, c’est-à-dire s’il est durable, envahissant et pathologique ou bien s’il est absent ou seulement présent sous forme de tendance. Ainsi, le patient, aidé par l’évaluateur, pourra mieux cerner ce qui, dans son fonctionnement de personnalité, entraîne une gêne ou une souffrance notables pour lui ou pour son entourage, et cette perturbation pourra alors fournir une cible thérapeutique. Ici, à nouveau, il faut être attentif à distinguer du fonctionnement habituel de la personnalité ce qui revient aux troubles psychiatriques épisodiques qu’il faudra traiter en priorité, d’autant plus qu’ils ont pour effet d’amplifier et de pérenniser les troubles de personnalité.
Le NEO PI-R, inventaire de personnalité réviséLe NEO PI-R, inventaire de personnalité révisé (Costa and Maccrae, 1990, traduction : J.-P. Rolland et J.-M. Petot) est un outil d’évaluation dimensionnelle selon le modèle de la personnalité en cinq facteurs. C’est une auto-évaluation à 240 questions avec cinq choix de réponses de «fortement en désaccord» à «fortement d’accord».
Les cinq facteurs représentent des dimensions essentielles sous-jacentes aux traits de personnalité que l’on retrouve à la fois dans le langage courant et dans les questionnaires psychologiques. Ces cinq domaines sont: le névrosisme, l’extraversion, l’ouverture, l’agréabilité et la conscience. Ces cinq dimensions sont composées chacune de six facettes. Le névrosisme (N) comprend les facettes suivantes: anxiété, colère-hostilité, dépression, timidité sociale, impulsivité et vulnérabilité; l’extraversion (E): chaleur, grégarité, assertivité, activité, recherche de sensations et émotions positives; l’ouverture (O): aux rêveries, à l’esthétique, aux sentiments, aux actions, aux idées et aux valeurs; l’ agréabilité (A): confiance, droiture, altruisme, compliance, modestie et sensibilité; la conscience (C): compétence, ordre, sens du devoir, recherche de réussite, autodiscipline et délibération.
La correction du NEO-PI-R aboutit à un profil de personnalité, représentation graphique commentée et discutée avec l’évaluateur, ce qui permet au patient de visualiser les différents aspects de son tempérament. Il peut ainsi critiquer les attitudes excessives par rapport à la norme et celles qui sont sous-développées, ce qui orientera les objectifs thérapeutiques. À noter que, ne s’agissant pas ici de psychopathologie mais de psychologie générale, certaines dimensions (agréabilité, ouverture) et en particulier certaines facettes (sensibilité, ouverture aux idées, altruisme, etc.) ont une connotation positive qui peut encourager le patient dont les difficultés ont pu être précédemment stigmatisées par diverses évaluations psychiatrique, psychologique ou sociale, péjoratives et dévalorisantes
Les questionnaires des schémas précoces inadaptés de Young (YSQ)Les questionnaires des schémas précoces inadaptés de Young (YSQ), qui comportent des versions longues et des formes abrégées (Bouvard, 2002), présentent un intérêt de premier plan dans la thérapie des troubles de personnalité centrée sur les schémas. Le YSQ-S1 forme abrégée en 75 items et 15 schémas est particulièrement maniable et utile.
Les schémas précoces inadaptés (SPI) sont des modes de croyance dysfonctionnels et durables sur soi, autrui et le monde qui se développent durant les premières années de la vie et découlent de la frustration de besoins fondamentaux (besoin de sécurité, d’expression, de limites, etc.). Les SPI sont façonnés et renforcés par les expériences difficiles et traumatisantes rencontrées au cours de la vie d’un individu. Les SPI s’activent dans des situations spécifiques qui rappellent les frustrations de besoins fondamentaux et ils se traduisent par des troubles psychopathologiques.
L’utilisation du YSQ au début de la thérapie permet au patient et au thérapeute d’identifier les SPI dont souffre le patient et de définir des objectifs pour les changer en les assouplissant. Le YSQ permet également une réévaluation des schémas en cours du traitement. Ainsi un travail psychothérapique, en TCC individuelle ou de groupe, centré sur tel ou tel schéma permet de le désactiver progressivement, ce qui atténue la souffrance du patient. Par exemple, un SPI initial «sentiment d’isolement» pourra être désactivé au bout de plusieurs séances de thérapie de groupe, à la faveur notamment du partage émotionnel avec les autres membres du groupe et de la restructuration cognitive enrichie par les participants.
Les 15 schémas précoces inadaptés évalués par le YSQ-S1 sont:
On peut éventuellement ajouter l’inventaire des attitudes parentales de Young qui permet au patient de définir, selon ses souvenirs, ses relations parentales, ainsi que le questionnaire des attitudes d’évitement et le questionnaire des attitudes de compensation (Young et al., 2005) qui peuvent préciser les attitudes du patient face à ses schémas (capitulation, évitement, contre-attaque).
Le questionnaire de coping (WCC-R)Le questionnaire de coping (WCC-R) (Vitaliano 1985, traduction Paulhan et al., 1994) est un auto-questionnaire à 29 items qui permet d’évaluer les stratégies d’ajustement utilisées face aux situations stressantes. Il présente l’avantage d’être court et de permettre une évaluation du changement (en pré- et post-traitement).
Cinq facteurs sont évalués: la recherche d’une solution au problème: le sujet établit un plan d’action afin de trouver des solutions; l’évitement: c’est la fuite face à la situation, le refuge dans la nourriture, l’alcool, les médicaments, les drogues; la recherche de soutien social: c’est la recherche d’informations, d’aide morale et matérielle afin de résoudre le problème; la réévaluation positive: le sujet considère la situation stressante comme l’ayant rendu plus fort; l’autoaccusation: le sujet a tendance à se rendre coupable de tout.
Le questionnaire des événements de vie traumatiques (THQ)Le questionnaire des événements de vie traumatiques (THQ) (Green, 1996) passe en revue en 24 items les événements potentiellement traumatiques qu’un sujet peut rencontrer au cours de sa vie comme les deuils, les désastres naturels, la maltraitance physique ou sexuelle. La réponse aux items est en oui ou non et pour chaque événement vécu, il s’agit de préciser l’âge du sujet à l’époque du traumatisme et son caractère plus ou moins récurrent. Ce questionnaire permet d’évoquer des événements de vie particulièrement difficiles que le patient n’aurait peut-être pas osé aborder en début de thérapie et dont il n’a parfois jamais parlé à personne. Dans ce cas, la révélation au thérapeute, par le biais du questionnaire, d’événements douloureux peut apporter un soulagement émotionnel au patient et contribuer à renforcer l’alliance thérapeutique.
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