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« C’était eux ou moi ! » : la fuite sans issue d’un futur auteur de double parricide psychotique - 06/04/13

Doi : 10.1016/j.encep.2012.02.002 
J.-P. Bouchard
Unité pour malades difficiles (UMD), laboratoire de psychologie clinique et de psychopathologie (LPCP EA 4056), université Paris-Descartes, centre hospitalier de Cadillac-sur-Garonne, 89, rue Cazeaux-Cazalet, 33410 Cadillac-sur-Garonne, France 

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Résumé

Dès l’adolescence H. ressent son père comme malfaisant et persécuteur à son égard. Il développe progressivement un délire schizophrénique paranoïde de persécution dans lequel ce père occupe une place centrale. Peu à peu, il acquiert un tel sentiment de préjudice, de violation de sa personnalité, d’impuissance dans sa résistance désespérée au père ennemi, que la seule échappatoire lui semble être la fuite pour survivre. À dix huit ans, il décide de fuir la maison familiale et la France pour ne plus souffrir. Il se rend au Canada, puis aux États-Unis où il reste neuf ans sans que son délire ne s’apaise. Où qu’il aille, il ressent constamment la présence de son père dans sa tête : « il me commande, me critique à distance, me vole toutes mes pensées, dirige mes actes, m’enlève le pain de la bouche pour m’humilier et me tuer… ». Grâce à son mode de vie marginal, il maintient une adaptation relative, un équilibre précaire dans sa bulle existentielle où il ne tolère aucune effraction. Hélas, son délire de préjudice et de persécution, dont le noyau central a toujours été le père, s’étend à la société en général, acculant le sujet au passage à l’acte délictuel, dans une réaction d’autodéfense pathologique et irrépressible. C’est en tirant sur ceux qu’il croit être des « agents de la CIA » pénétrant sur le bateau dans lequel il vivait, qu’il est interpellé et conduit en prison et dans un hôpital psychiatrique américain. Puis, expulsé vers la France, il retourne dans la maison paternelle, source de tous ses maux. Pendant les mois qui suivent, il vit enfermé dans sa chambre effrayé par ses croyances délirantes et par la proximité de son père. Pour ne plus souffrir, il décide d’acheter une arme à feu pour se suicider. Un jour, son père, accompagné de sa mère, pénètre de force dans sa chambre. H. prend le fusil caché sous son matelas et tue son père à bout portant. « Je pense avoir tué mon père sur le coup, car il est tombé face contre terre. En revanche, ma mère est restée debout pendant que ma sœur s’est enfuie par la fenêtre de la salle à manger en hurlant. Ma mère touchée au côté droit a reculé jusque dans la salle à manger. Voyant qu’elle n’était pas tombée à terre, et ne voulant pas la faire souffrir, j’ai immédiatement déchargé mon fusil. J’ai retiré une douille et j’ai remis une cartouche de chevrotine. Il me semble qu’elle était encore debout devant le divan. J’ai tiré une seconde fois sur elle au jugé, et à ce moment là, elle s’est assise sur le divan… morte… Elle est l’ennemie car elle est la femme de mon père ». La narration et l’analyse de ce cas de double parricide psychotique permettent d’illustrer les constantes psychopathologiques et la dynamique criminogène qui sont le plus fréquemment à l’œuvre dans la commission de ce type de crime. Ces constantes sont les suivantes : l’auteur de parricide post-adolescent ou adulte est le plus souvent un homme jeune et psychotique ; il vit une longue histoire délirante dans laquelle un ou les deux parents occupent une place importante ; ce vécu délirant induit une souffrance et/ou des troubles du comportement repérables qui conjugués entre eux peuvent constituer un terrain psychique criminogène ; la réaction homicide survient suite à un ou plusieurs facteurs déclenchants (accès délirant, dispute, altercation, rixe, interruption de la prise en charge thérapeutique…) sur ce terrain pathologique motivant. Ces indicateurs psychopathologiques, s’ils se conjuguent, sont aussi des facteurs et des indicateurs de dangerosité. Ils doivent être considérés comme autant de signaux d’alerte pour prendre des mesures préventives et curatives.

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Summary

Case-report

H. had perceived his father as an evil persecutor ever since his adolescence. He developed paranoid schizophrenia of persecution in which his father occupied the main role. Little by little, in his desperate resistance against his father, perceived as his enemy, he acquired such a feeling of prejudice, of violation of his personality, and of impotence that the only way out was to escape in order to survive. At the age of 18, he decides to run away from home and from France to stop suffering. He goes to Canada and later to the USA where he would stay 9 years, during which his madness does not stop. Wherever he goes, he always feels the presence of his father in his head: “He orders me, he criticizes me from a distance, he steals all my thoughts, he is in charge of my actions, he takes away the bread from my mouth to humiliate me and kill me…” Thanks to his marginal lifestyle, he maintains a relative adaptation, a fragile equilibrium in his existential bubble in which he doesn’t tolerate any breaking and entering. His delusion of prejudices and persecution, of which the main character had always been his father, extends to include society in general, cornering and leading the subject to commit an offense as a reaction of irrepressible pathological self-defense. He is questioned by the police, taken to prison and later taken to an American psychiatric hospital, after shooting at those whom he thinks are “CIA agents” (who are actually people forcing him to move the boat in which he lives). After being deported back to France, he returns to his parent’s home, the source of all his madness. During the following months, he lives locked up in his room afraid of being near his father and tormented by his delirious ideas. In order to stop his suffering, he decides to buy a fire-arm to kill himself. One day, his father, accompanied by his mother, break into his room. He takes the rifle hidden under the mattress, and kills his father at point blank. “I thought that I had instantly killed my father, because he fell face down on the ground. On the other hand, my mother remained standing while my sister, screaming, escaped through the window of the living room. My mother, injured on her right side, moved back to the living room. Seeing that my mother hadn’t fallen to the ground and not wanting to make her suffer, I reloaded my rifle. I took out the cartridge, and reloaded the rifle with a cartridge of buckshot. It seemed to me that she was still standing in front of the couch. I fired the gun a second time without looking and at that moment she falls on the couch… dead… She is the enemy because she is my father’s wife”.

Discussion

The recounting and analysis of this double psychotic parricide case illustrate the psychopathologic constants and criminal dynamic that are most often present in this type of crime. The constants are the following: the perpetrator of the post-adolescence or adult parricide is often a psychotic young man; he/she lives a long, delusional story in which one or both parents have an important role; this insane delusion leads to suffering and/or to identifiable behavioral problems that together can constitute a criminal psychic state; The homicidal reaction takes place right after one or a group of factors (such as an argument, brawl, a fit of delusion, interruption of the therapeutic treatment…) that are set off in the criminal pathological state. These psychopathological constants, if they conjoin, are also the factors and indicators of danger. They should be considered as a warning sign to take preventive and remedial measures.

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Mots clés : Crime, Criminel, Homicide, Parricide, Matricide, Patricide, Psychose, Schizophrénie, Violence, Dangerosité

Keywords : Crime, Criminal, Homicide, Parricide, Matricide, Patricide, Psychosis, Schizophrenia, Violence, Dangerosity


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Vol 39 - N° 2

P. 115-122 - avril 2013 Retour au numéro
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  • Traiter la phobie spécifique de l’enfant en une séance ? Une revue systématique de la littérature
  • G. Fond, N. Franc
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  • Caractéristiques et impact des déficits métacognitifs dans la schizophrénie. Revue de la littérature
  • C. Quiles, A. Prouteau, H. Verdoux

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