En 2012, le cancer colorectal (CCR) était le 3^e cancer le plus fréquent en France. Alors que l’âge moyen au diagnostic excède 70ans, il n’existe pas de référentiel de prise en charge médicamenteuse pour la population âgée, surtout au stade métastatique depuis l’arrivée des thérapies ciblées. La réalisation d’un « état des lieux » est donc nécessaire. Décrire les modalités de prise en charge médicamenteuse des sujets âgés de 65ans et plus, à l’issue d’un diagnostic de CCR métastatique (CCRm) : traitement recommandé incluant une thérapie ciblée versus chimiothérapie seule ou abstention thérapeutique.

Une étude pilote a été conduite au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux. Les patients suivis dans ce CHU et âgés d’au moins 65ans au diagnostic d’un CCRm ont été identifiés à partir des données des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) entre le 01/01/2013 et le 30/06/2014. Pour chaque patient, les données démographiques, socio-environnementales, clinico-biologiques, relatives à la prise en charge médicamenteuse du CCRm ainsi que les effets indésirables survenant au cours du traitement ont été recueillis à partir des dossiers médicaux à l’aide d’un questionnaire standardisé. Une analyse descriptive a été réalisée de manière globale puis stratifiée selon les modalités de traitement.

Parmi les 78 patients inclus, l’âge médian était de 74ans et 61,5 % étaient des hommes. Le nombre médian de comorbidités et de médicaments concomitants était de 4 et la majorité des patients (70,5 %) était en bon état général (capacité de vie OMS de 0 ou 1). La tumeur primitive était située en majorité au niveau du côlon (57,7 %). Plus de la moitié des patients (59,0 %) présentait des métastases synchrones et près des trois quarts (74,4 %), un seul site métastatique. Quarante-neuf patients (62,8 %) avaient reçu un traitement anticancéreux et 28 (35,9 %) étaient en abstention thérapeutique (1 patient décédé). Les patients traités étaient significativement plus jeunes (p<0,0001), avaient moins de comorbidités (p=0,05) et moins de médicaments concomitants (p=0,004) mais présentaient plus souvent des métastases synchrones (p=0,01). Parmi les 49 sujets traités, 20 (40,8 %) avaient reçu une thérapie ciblée et 28 (57,1 %) une chimiothérapie seule (nature du traitement non renseignée pour un patient). Les patients ayant reçu une thérapie ciblée avaient plus souvent une tumeur primitive colique (p=0,06) et moins souvent consulté un (onco)gériatre (p=0,05). Parmi les sujets traités, 72,9 % avaient présenté au moins un effet indésirable. Les sujets traités par thérapie ciblée semblaient avoir plus d’effets indésirables cutanés et respiratoires et plus souvent une conséquence sur la poursuite du traitement.

Cette étude pilote est une des rares études de terrain permettant de décrire les patients âgés atteints de CCRm traités et non traités et d’effectuer une stratification sur les modalités de traitement anticancéreux. Elle donne des pistes quant aux facteurs associés à la mise sous traitement anticancéreux, d’une part, et à l’administration de médicaments innovants, d’autre part, dans cette population fragile et suggère que le profil des patients traités, en particulier par thérapie ciblée, se rapproche de celui des patients plus jeunes.