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L’homme de Tautavel. Un Homo erectus européen évolué. Homo erectus tautavelensis - 17/08/15

Doi : 10.1016/j.anthro.2015.06.001 
Marie-Antoinette de Lumley a, , b, c
a UMR 7194 CNRS, centre européen de recherches préhistoriques de Tautavel, avenue Léon-Jean-Grégory, 66720 Tautavel, France 
b Institut de paléontologie humaine, fondation Albert-Ier, Prince de Monaco, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France 
c Département de préhistoire du MNHN, Paris, France 

Correspondance.

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Résumé

Cent quarante-huit restes humains ont été découverts au cours des fouilles effectuées de 1964 à 2014 dans la Caune de l’Arago à Tautavel dans les Pyrénées-Orientales. Ils ont été recueillis dans un contexte stratigraphique précis qui a permis d’individualiser 15 unités archéostratigraphiques avec présence humaine dont l’âge est compris entre 550 ka pour l’unité Q à la base et 400 ka pour l’unité C au sommet (SIO 14 à 10). Pendant cette longue période de temps, l’Homme a connu deux périodes de climat froid et sec (ensemble stratigraphique I et III) séparées par une période tempérée-humide (ensemble stratigraphique II). La majorité des restes humains a été recueillie dans les unités F et G de l’ensemble stratigraphique III du complexe moyen dans un environnement steppique, froid et venté. Les restes humains étaient mêlés individuellement au matériel archéologique et aux déchets de faune chassée et consommée. L’inventaire des restes humains met en évidence une majorité d’éléments crâniens et en particulier, la portion antérieure d’un crâne, Arago XXI, découvert le 22 juillet 1971, qui a fait connaître pour la première fois, l’aspect physique des premiers européens. L’ensemble, 5 mandibules, 123 dents sur arcade alvéolaire ou isolées, quelques fragments de squelette post-crânien : 9 éléments du membre supérieur, 19 éléments du membre inférieur, permet de repérer 30 individus décédés, soit 18 adultes et 12 enfants. L’étude de ces fossiles permet de les rapprocher des formes d’Homo erectus connues en Asie et en Afrique avec lesquels ils partagent des caractères communs. Cette constatation entraîne le questionnement de l’existence de ce groupe en Europe. Ainsi, l’apport de la collection de fossiles humains de l’Arago présente un triple intérêt, paléontologique, populationnel, comportemental. La multiplicité des restes permet d’avoir une estimation de la biodiversité et de la composition de cette petite population. L’attention est attirée par son originalité vis-à-vis de Mauer, l’ancêtre classique européen Homo heidelbergensis. Les fossiles de l’Arago présentent des caractères archaïques, non retrouvés sur la mandibule de Mauer, en particulier, la grande extension antéro-postérieure de l’arcade convexe en avant, la prédominance des dents prémolaires et de la M2, le corps mandibulaire à indice de robustesse élevé, le planum alvéolaire sub-horizontal et la ligne mylohyoïdienne saillante peu inclinée. D’autre part, le crâne n’a pas encore réduit sa face au profit du cerveau, processus qui sera mis en évidence ultérieurement. Le crâne est bas, avec un frontal à grande extension, une face très prognathe et un appareil masticateur puissant avec des crêtes temporales et un torus angularis saillants, qui lui donnent en coupe coronale, une forme pentagonale, contrairement à la convexité régulière observée sur les crânes de La Sima de los Huesos et des Néandertaliens. Une analyse comparée avec la population bien documentée découverte dans La Sima de los Huesos permet de constater un stade plus évolué chez cette dernière qui la rapproche de la forme néandertalienne sans l’éloigner de la mandibule de Mauer. En présence des fossiles humains européens, dont nous disposons, le scénario peut se résumer ainsi. Homo georgicus, une forme proche du groupe habilis-rudolfensis porteur des industries préoldowayennes et oldowayennes, est présent aux portes de l’Europe, il y a 1,8 Ma environ. À partir de 1,2–0,8 Ma, les documents, quoique fragmentaires d’Atapuerca, Elefante, Gran Dolina-TD6, pourraient être rattachés à cette lignée première. Les premiers Homo erectus porteurs des cultures à bifaces qui ont quitté le berceau africain arrivent aux portes de l’Europe, il y a environ 1,2 Ma, comme l’atteste la découverte de la calotte crânienne de Kocabaş en Anatolie, proche des fossiles de Buia en Erythrée et de Daka en Éthiopie, datés eux-mêmes de 1 Ma environ. À partir de 0,55 Ma avec l’ensemble des 148 restes humains et en particulier avec le crâne Arago XXI, nous sommes en présence d’une nouvelle forme (indépendante de Mauer) bien documentée que nous proposons de rattacher au taxon Homo erectus tautavelensis, en attribuant à cette sous-espèce une connotation géographique. Les caractéristiques morpho-fonctionnelles et culturelles d’Homo erectus tautavelensis signent la souche d’une longue lignée européenne, à l’origine de la néandertalisation.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

One hundred and forty-eight human remains have been discovered during excavations carried out between 1964 and 2014 in la Caune de l’Arago, in Tautavel, in the Eastern Pyrenees. They come from a detailed stratigraphic context comprising 15 archaeostratigraphic units with human presence, with ages ranging from 550 ka for unit Q at the base, to 400 ka for unit C at the top (OIS 14 to 10). During this long period of time, Man experienced two cold and dry climatic periods (stratigraphic complexes I and III), separated by a humid-temperate period (stratigraphic complex II). Most of the human remains come from units F and G, in stratigraphic complex III, associated with a cold and windy steppic environment. The human remains were mixed with the archaeological material and waste from hunted and consumed fauna. The inventory of human remains comprises a majority of cranial elements, and in particular, the anterior portion of a skull, Arago XXI, discovered on 22 July 1971, which revealed the physical aspect of the first Europeans for the first time. The remains are made up of 5 mandibles, 123 teeth (isolated or still on the alveolar arch), several post-cranial skeletal fragments: 9 upper limb elements, 19 lower limb elements, representing 30 deceased individuals, comprising 18 adults and 12 children. The study of these fossils relates them to Asian and African forms of Homo erectus, as they display common characteristics. This observation raises questions as to the existence of this group in Europe. The contribution of the collection of human fossils from Arago thus presents a threefold interest; paleontological, population-based and behavioural. The multiple remains allow us to assess the biodiversity and the composition of this small population. These remains present original features in comparison to Mauer, the classical Homo heidelbergensis European ancestor. The Arago fossils display archaic characteristics not observed on the Mauer mandible; in particular, the great anteroposterior extension of the convex arch toward the fore, the large proportions of the premolars and of the M2, the high robusticity index of the mandible body, the sub-horizontal alveolar planum and the slightly inclined prominent mylohyoidian line. The face of the skull is not yet reduced to allow for the expansion of the brain, a process which develops at a later stage. The skull is low, with an extended frontal, very marked facial prognathism and a powerful masticatory apparatus with temporal crests and a prominent torus angularis, conveying a pantagonal coronal cross-section, contrasting with the regular convexity observed on the skulls from La Sima de los Huesos and Neanderthals. A comparative analysis with the well-documented population discovered in La Sima de los Huesos shows that the latter fossils are more evolved and are more similar to the Neanderthal shape, and at the same time, not very different from the Mauer mandible. The currently known European human fossils point to the following scenario: Homo georgicus, a similar form to the habilis-rudolfensis group, bearing pre-Oldowan and Oldowan technology, was present at the gateways of Europe approximately 1.8 Ma ago. From 1.2–0.8 Ma onwards, the somewhat fragmentary records from Atapuerca, Elefante, Gran Dolina-TD6, could be related to this first lineage. The first Homo erectus with biface cultures to leave Africa arrived at the gateways of Europe some 1.2 Ma ago, as shown by the discovery of the Kocabaş skull cap in Anatolia, similar to the fossils from Buia in Eritrea and Daka in Ethiopia, dated to about 1 Ma. From 0.55 Ma, the set of 148 human remains, and in particular the skull Arago XXI, point to the presence of a new, well-documented form (distinct from Mauer). We propose to relate these remains to Homo erectus tautavelensis, thereby giving this subspecies a geographic connotation. The morphofunctional and cultural characteristics of Homo erectus tautavelensis represent the stock of a long European lineage, leading to the emergence of Neanderthals.

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Mots clés : Paléoanthropologie, Pléistocène moyen, Europe occidentale, France, Tautavel, Homo erectus tautavelensis

Keywords : Paleoanthropology, Middle Pleistocene, Western Europe, France, Tautavel, Homo erectus tautavelensis


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Vol 119 - N° 3

P. 303-348 - juin 2015 Retour au numéro
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