Jacques Lacan pensait que la clinique psychanalytique devait rapprocher l’être humain de l’expérience ultime de la castration, en d’autres termes, de l’assomption tragique de l’inexistence de l’objet du désir. À partir de la pensée d’Emmanuel Levinas, l’article met en évidence la solidarité de J. Lacan et de Martin Heidegger quant au paradigme tragique qui implique l’idéalisation de l’assomption de la mort comme la dernière possibilité de l’être humain. S’inscrivant en faux contre cette conception, l’article montre d’abord combien cette assomption est plutôt une négation d’une certaine dimension de la castration humaine, celle liée à la contingence de l’autre sexuel. En effet, en distinguant l’objet petit a lacanien – neutre et imperturbable –, de l’autre sexuel – singulier et contingent –, l’article montre que l’incorporation du paradigme tragique à la clinique psychanalytique se fait au prix de l’éviction de la possibilité d’entendre et d’inscrire l’ordre traumatique et sexuel de la subjectivité. Dans ce sens l’article montre, d’une part, la solidarité de la conception levinasienne du sujet éthique et la théorie psychanalytique du trauma, mais, d’autre part, il met en évidence, aussi, la distance qu’il y aurait entre les deux en ce qui concerne l’idéalisation du surmoi chez Levinas. Finalement, en se servant de la théorie sur l’humour du philosophe Simon Critchley, l’article propose une stratégie qui permettrait de rapprocher Levinas à la psychanalyse et de concevoir une écoute psychanalytique de la dimension proprement sexuelle du trauma et de la subjectivité.

Jacques Lacan thought that psychoanalytic practice should bring the human being closer to the last experience of castration, in other words, to the tragic assumption of the non-existence of the object of desire. Relying on Emmanuel Levinas’ thinking, this article shows the solidarity between J. Lacan and Martin Heidegger regarding the tragic paradigm, which implies the idealization of the assumption of death as the last possibility for the human being. In opposition to this conceptualization, this article shows that this assumption would be better conceived as a negation of a particular dimension of human castration, that is, one linked to the contingency of the other. By distinguishing the lacanian object small a – neutral and impassive –, from the sexual other – unique and contingent –, the article proposes that the incorporation of the tragic paradigm to the psychoanalytic practice implies the evacuation of the possibility of listening and inscribing the traumatic and sexual order of subjectivity. The article shows at the same time the solidarity between the conception of Levinas’ ethical subject and the psychoanalytical theory of trauma, but it also shows the distance existing in between them regarding to Levinas’ idealization of the superego. Finally, based on the theory on humour of the philosopher Simon Critchley, the article proposes a strategy that will allow relating Levinas and psychoanalysis and conceiving a psychoanalytical listening of the traumatic dimension of sexuality and of subjectivity.