Simulation et dissimulation de la folie dans les asiles au XIXe siècle - 08/01/16
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Résumé |
Objectifs |
Ce travail propose une étude de deux formes limites de l’aliénation : la simulation et la dissimulation de la folie dans les asiles au XIXe siècle. Leurs enjeux sont rapportés au contexte historique qui voit une profession aliéniste en voie de constitution entrer en débat avec le pouvoir judiciaire. Au début du XIXe siècle, les magistrats contestent l’autorité des experts médicaux pour juger de la responsabilité d’un crime. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, ce sont les débats autour des internements arbitraires qui remettent en cause aussi bien les méthodes que le savoir des aliénistes.
Méthode |
Elle repose sur une analyse de sources textuelles directes et indirectes consacrées à la science aliéniste et à l’expertise judiciaire au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Il s’agit pour une part d’articles polémiques qui révèlent les tensions entre les deux professions. Nombre d’auteurs médicaux publient notamment dans le Journal de Médecine Mentale de Delasiauve, qui est un organe essentiel de ces débats pendant une dizaine d’années.
Résultats |
L’étude de ces formes frontières de la maladie mentale contraint les aliénistes à renforcer leurs critères diagnostiques mais aussi à convaincre leurs partenaires des pouvoirs publics. Il s’agit de revendiquer un savoir spécifique qui permet de juger de l’existence ou non d’une aliénation en se basant sur des critères partagés. Leurs résultats sont que la folie simulée n’est pas une vraie folie car soit le simulateur confond la folie avec la bêtise, soit il invente un comportement atypique qui ne ressemble à aucune maladie mentale. Succédant aux délires partiels de Pinel et à la monomanie d’Esquirol, la folie lucide d’Ulysse Trélat décrit un type d’aliéné chez lesquels un délire coexiste avec des facultés raisonnantes conservées. Cette problématique illustre comment la nosographie peut être une réponse aux accusations sociales adressées à la corporation aliéniste par des magistrats et des journalistes.
Discussion |
C’est un débat entre deux conceptions différentes de la folie qui se trouve réactualisé à travers cette controverse entre pouvoir judiciaire et pouvoir médical ; celle, holiste, de Maine de Biran, pour laquelle aucune faculté de l’aliéné ne peut échapper à son aliénation ; et celle partielle, de Royer-Collard, pour laquelle l’aliénation n’est jamais complète.
Conclusion |
Il n’y a de folie que partielle. C’est sur cet axiome, qui a émergé au tournant de la révolution française, que s’est bâtie la science aliéniste du XIXe siècle. Ce n’est qu’à cette condition qu’un traitement peut s’exercer sur elle. Cette conservation des facultés raisonnantes peut aussi servir à tromper – aliénistes et magistrats l’apprennent à leurs dépens. Mais si la folie peut être simulée ou dissimulée, c’est que son code peut être parodié et détourné. La sémiologie des maladies mentales n’est pas celle du médecin des corps qui appuie sa sémiologie sur une lésion anatomoclinique. Parce qu’il s’agit d’une sémiologie psychique, elle ne peut tenir sa garantie que du champ de l’Autre. Cet aspect de l’exercice de la médecine mentale oblige les aliénistes à obtenir un consensus social fort sur leur action. Les aliénistes en viennent à défendre une conception de leur profession qui se fonde autant sur un savoir sur l’aliénation que sur un savoir-faire et un vivre-avec les aliénés.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Abstract |
Objectives |
This study explores two borderline forms of alienation–simulation and dissimulation of insanity in the asylums of the 19th century. The issues raised are related to their historical setting, where the alienist profession was forming and entering into debate with the legal sphere. At the start of the 19th century, magistrates were disputing the authority of medical experts to assess penal responsibility. In the second half of the 19th century, the debate revolved around the issue of arbitrary internment, casting doubt on both the methods and the expert knowledge of alienists.
Methods |
This study is based on an analysis of textual sources devoted directly or indirectly to alienist science and legal expertise in the second half of the 19th century. Some are polemic articles evidencing the tensions between the two professions. Numerous medical authors published writings, in particular in Delasiauve's Journal de Médecine Mentale, which was an essential vehicle in the debate for some ten years.
Results |
The study of borderline or peripheral forms of mental illness led alienists to consolidate their diagnostic criteria, and also to seek to convince their partners in the public authorities. There was a need to proclaim specific knowledge making it possible to assess whether or not there was alienation, on the basis of common criteria. They concluded that simulated madness was not genuine madness, either because the simulator confuses madness and stupidity, or because the simulator invents an atypical behaviour that does not resemble any mental illness. Following on from Pinel's partial delirium and Esquirol's monomania, “lucid madness” according to Ulysse Trélat refers to a type of alienated subject in whom delirium coexists with preserved reasoning faculties. This debate shows how nosography can constitute a response to social accusations aimed at the alienist corporation by magistrates and journalists.
Discussion |
It is the debate between two different conceptions of madness that was reappraised in the course of this controversy between legal and medical authorities–the holistic conception of Maine de Biran, for whom no faculty of the alienated subject escapes alienation, and the partial conception propounded by Royer-Collard, where alienation is never total.
Conclusion |
All madness is partial. It is on the basis of this axiom, which emerged at the time of the French Revolution, that the alienist science of the 19th century was constructed. This is the necessary condition for any treatment to be able to act. This preservation of reasoning faculties can also serve to deceive–and alienists and magistrates alike learn this to their cost. But if madness can be simulated or dissimulated, it is because its codes can be parodied and reoriented. The semiology of mental illnesses is not that of bodily medicine, which bases its semiology on an anatomical, clinical lesion. Because the semiology is mental, it can only be vouched for by the Other. This aspect of the exercise of medicine in the area of mental illness requires alienists to obtain strong social consensus on their actions. Thus alienists have come to defend a conception of their profession that is based on both knowledge on the subject of alienation, and on know-how and life skills in dealing with alienated people.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Histoire de la psychiatrie, Simulation, Délire de persécution, Paranoïa, Sémiologie, Clinique, France, XIXe siècle
Keywords : History of psychiatry, Simulation, Delirium of persecution, Semiology, Paranoia, Clinical practice, France, 19th century
Plan
☆ | Toute référence à cet article doit porter mention : Fromentin C. Simulation et dissimulation de la folie dans les asiles au XIXe siècle. Evol Psychiatr 2016; 81 (1): pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version électronique). |
Vol 81 - N° 1
P. 27-41 - janvier 2016 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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