Les cicatrices chéloïdes sont des lésions fibreuses survenant dans les suites de traumatismes cutanés. Les modalités de leur prise en charge ne sont pas codifiées. L’objectif de notre étude était d’évaluer l’efficacité immédiate (3mois) et à plus long terme (24mois) des injections intralésionnelles de bléomycine pour le traitement des cicatrices chéloïdes, et estimer leur tolérance.

Il s’agit d’une étude rétrospective, monocentrique, menée au CHU de Reims, de janvier 2008 à décembre 2015, incluant l’ensemble des patients présentant des cicatrices chéloïdes, traitées par injections intralésionnelles de bléomycine, avec un recul de 24mois depuis la dernière injection. Les injections ont été réalisées par le même opérateur en utilisant une solution de 10mL de bléomycine à la concentration de 1,5UI/mL. Le nombre de séances était adapté à la réponse clinique.

L’étude a inclus 70 patients : 37 hommes et 33 femmes, avec un âge moyen de 31ans (2–77ans). Quinze patients ont été perdus de vue. Le traitement a nécessité un nombre médian de 3 séances. L’efficacité à trois mois était évaluée chez 55 patients : la réponse clinique était complète (100 %) pour 29 patients, partielle majeure (>80 %) pour 12, partielle mineure (>50 %) pour 9, médiocre (<50 %) pour 1 et nulle (0 %) pour 4 patients. Sur les 20 patients évalués à 24mois, 8 avaient rechuté (en moyenne à 6mois) et 12 patients étaient en réponse complète ou partielle majeure. Aucune complication systémique n’était survenue pour l’ensemble des patients. Tous les patients rapportaient des douleurs importantes au moment de l’injection. À court terme,16 patients ont présenté des douleurs au niveau de leur cicatrice, 22 une nécrose de la chéloïde et 11 une hyperpigmentation séquellaire transitoire. Une chondrite inflammatoire était notée dans les suites des injections chez 6 patients traités pour des cicatrices auriculaires.

Cette étude suggère l’efficacité et l’innocuité à court et long terme des injections de bléomycine intralésionnelles dans le traitement des cicatrices chéloïdes. L’ensemble des patients ont répondu de façon rapide au traitement et très peu de récidives sont survenues. La remarquable efficacité, ainsi que la tolérance acceptable de ce traitement, nous permettent de le proposer en deuxième ligne, en cas d’échec des traitements moins invasifs (gels de silicone, corticothérapie intralésionnelle, laser…), ou en première ligne dans les chéloïdes anciennes ou très fibreuses.

La multiplicité des traitements utilisés témoigne de la difficulté à trouver un traitement satisfaisant dans cette indication. La bléomycine intralésionnelle semble être un traitement efficace et durable des cicatrices chéloïdes, associé à une bonne tolérance. Ces résultats méritent d’être confirmés par une étude prospective, plus large, avec un suivi supérieur à 24mois.