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Thyroïdite auto-immune secondaire à un traitement par pembrolizumab : une observation - 15/11/17

Doi : 10.1016/j.revmed.2016.10.201 
A. Cambon 1, C. Muziotti 2, S. Devey 3, E. Poisnel 1, J.-F. Paris 1, J.-J. Morand 3, G. Defuentes 1,
1 Médecine interne, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, Toulon, France 
2 Pharmacie hospitalière, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, Toulon, France 
3 Dermatologie, hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne, Toulon, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’activation de l’immunité acquise contre le cancer, principe de la thérapeutique onco-immunologique, implique entre autres, les anticorps (Ac) anti-CTLA4 et anti-PD1 (Programmed cell Death 1). Le pembrolizumab (Keytruda®) est un Ac monoclonal dirigé contre l’antigène PD-1 des lymphocytes T, empêchant la liaison PD-1/PD-1L afin de restaurer la lymphotoxicité anti-tumorale T. Il est indiqué depuis 2015 en première ligne dans le mélanome métastatique ou localement avancé non résécable [1]. Dans 20 % des cas, les Ac anti-PD1 sont pourvoyeurs d’endocrinopathies. Nous rapportons le cas d’une thyroïdite auto-immune induite par un traitement par pembrolizumab.

Observation

Une femme de 55ans, sans antécédent, euthyroïdienne, est opérée en avril 2015 pour un mélanome superficiel extensif, BRAFV600 muté, avec curage ganglionnaire secondaire. Une évolution métastatique survient en septembre 2015, nécessitant un traitement complémentaire par inhibiteur de BRAF (vémurafénib/cobimétinib en ATU) dès octobre 2015. Quatre mois plus tard, une IRM cérébrale diagnostique une métastase traitée par γ-knife. Cet échappement à l’inhibiteur de BRAF motive en mars 2016 une immunothérapie par pembrolizumab 2mg/kg/3semaines. Dès mai 2016, après la 3e cure de pembrolizumab, la patiente présente des symptômes évocateurs d’une hyperthyroïdie. Cliniquement, il n’y a ni goitre, ni douleur ou adénomégalie cervicale, ni orbitopathie et ni vitiligo associé. Le bilan biologique confirme l’hyperthyroïdie périphérique. Le dosage de l’iodémie et de l’iodurie sont normaux. Les Ac anti-thyroperoxydase (TPO) sont fortement positifs à 583UI/L (n60), en l’absence d’autre auto-Ac thyroïdien. L’échographie cervicale montre une thyroïde de volume normal, d’échostructure hétérogène avec des plages hypoéchogènes mal limitées et diffuses. La scintigraphie thyroïdienne objective une hypocaptation diffuse compatible avec une thyroïdite. Une hyperthyroïdie de grade 2 sur thyroïdite auto-immune à Ac anti-TPO induite par le pembrolizumab est diagnostiquée. Le dosage du cortisol élimine une insuffisance hypophysaire ou surrénalienne auto-immune associée. Le traitement par pembrolizumab est poursuivi et un traitement par antithyroïdien de synthèse et β-bloquant débuté.

Discussion

Le pembrolizumab est efficace dans le mélanome de stade IV, en monothérapie avec une survie sans progression à 9mois de 24 % vs. 8 % sous chimiothérapie (p0,001) [1]. Ce traitement est globalement mieux toléré que la chimiothérapie : 11 % d’effets secondaires de grades 3 et 4 vs. 26 % [1]. Toutefois, la connaissance du profil de tolérance des anti-PD1 reste partielle à ce jour. En effet, des effets secondaires en lien avec le mécanisme d’action des anti-PD1, qualifiés d’immunologiques sont rapportés et plus particulièrement une auto-immunité spécifique des glandes endocrines avec par ordre de fréquence, des thyroïdites, des hypophysites et plus rarement des insuffisances surrénaliennes primaires. Cette auto-immunité résulte d’une rupture de la tolérance périphérique lymphocytaire T, normalement garantie par de nombreux mécanismes, dont l’engagement de récepteurs inhibiteurs ou « points de contrôle » immunologiques parmi lesquels le récepteur PD-1, activé par son ligand PD-1L. Les anti-PD1 restaurent donc une immunité anti-tumorale T au prix d’une auto-réactivité lymphocytaire T spécifique d’organe dont la thyroïde. Ainsi, sous Ac anti-PD1, une hyperthyroïdie est rapportée chez 3,3 % des patients et une hypothyroïdie chez 8,1 % [2]. Leur prise en charge n’est pas consensuelle [3]. Un dosage de la TSH en pré-thérapeutique puis régulièrement au cours du traitement est nécessaire, assorti d’un bilan étiologique élargi en cas de dysthyroïdie. En cas d’hypothyroïdie, le pembrolizumab peut être poursuivi et un traitement substitutif est indiqué [3]. En cas d’hyperthyroïdie de grade 3, une suspension du traitement sera discutée ; un arrêt définitif est nécessaire pour les grades 3 récidivants ou 4 [3]. Un traitement par antithyroïdiens de synthèse est parfois nécessaire. Une corticothérapie orale peut aider à contrôler les effets immunologiques, sans diminuer l’efficacité anti-tumorale des anti-PD1, même si son mécanisme d’action pourrait le suggérer [3].

Conclusion

Le pembrolizumab peut être responsable d’effets secondaires immunologiques, notamment endocriniens, au premier rang desquels une dysthyroïdie auto-immune justifiant une surveillance systématique et régulière de la TSH. Les actions de pharmacovigilance incombant aux prescripteurs sont essentielles pour enrichir la connaissance du profil de tolérance des Ac anti-PD1.

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