La maculopathie toxique aux antipaludéens de synthèse : à propos de 3 observations et revue de la littérature - 23/11/17
Résumé |
Introduction |
Les antipaludéens de synthèse (APS) (Hydroxychloroquine et chloroquine) représentent une option thérapeutique de première ligne dans le cadre de nombreuses pathologies systémiques en particulier le lupus érythémateux systémique (LES). Ils ont un excellent rapport bénéfice/risque avec des propriétés anti-inflammatoires, métaboliques et anti-thrombotiques et une bonne tolérance. La toxicité rétinienne, bien que rare, représente la complication majeure de l’utilisation des APS qui peut conduire à une baisse d’acuité visuelle bilatérale parfois sévère. Le but de notre étude est de décrire les caractéristiques épidémiologiques, cliniques et paracliniques de la maculopathie aux APS et de rappeler la stratégie de dépistage de l’intoxication clinique et préclinique à travers 3 observations colligées dans le service de Médecine interne CHU Hédi-Chaker, Sfax, Tunisie.
Observation |
Observation 1 : patiente âgée de 48 ans, suivie pour LES depuis 1987, traitée depuis par chloroquine (Nivaquine® 200mg/jour) qui a présenté après 23 ans de suivi une baisse progressive et bilatérale de la vision. L’examen ophtalmologique a trouvé une acuité visuelle (AV) corrigée à 2/10 à droite et à 1,5/10 à gauche. L’examen du fond d’œil a montré un aspect de maculopathie en cocarde aux deux yeux. L’angiographie à la fluorescéine a montré une image en œil de bœuf bilatérale. L’électrorétinogramme (ERG) a montré des signes électriques d’une rétinopathie maculaire bilatérale patente en conformité avec une maculopathie aux APS. Devant la gravité du tableau clinique, on a arrêté la Nivaquine. L’évolution après arrêt de l’APS était favorable avec restitution d’une vision à 3/10 pour OD et 4/10 pour OG.
Observation 2 : patiente âgée de 45 ans, ayant un LES diagnostiquée en 2010, traitée depuis par hydroxychloroquine (Plaquénil® 400mg/jour) qui a présenté 8 mois plus tard une baisse progressive et bilatérale de la vision. L’examen ophtalmologique a objectivé une AV corrigée à 6/10 à droite et à 8/10 à gauche. L’examen du fond d’œil a montré une lésion atrophique pigmentaire en périphérie de l’œil droit avec altération bilatérale de l’épithélium pigmentaire maculaire. Devant la gravité du tableau clinique, le plaquénil a été arrêté. L’examen ophtalmologique de contrôle à 1 année a montré la persistance de la lésion pigmentaire atrophique des deux cotés.
Observation 3 : patiente âgée de 55 ans suivie pour un LES évoluant depuis 2005. Elle a été traitée par chloroquine (Nivaquine®) à raison de 200mg/jour. Dix ans plus tard, elle a développé une sensation de picotement des yeux. À l’examen ophtalmologique, l’acuité visuelle des 2 yeux était à 10/10, le fond d’œil avait montré une altération de l’épithélium pigmentaire maculaire annulaire. L’OCT (tomographie de cohérence optique) avait montré une altération de la ligne IS-OS avec un amincissement des couches nucléaires externes typiques d’une rétinopathie aux APS. Le champ visuel était normal. La décision thérapeutique était d’arrêter la Nivaquine.
Discussion |
Comme le montre notre étude, l’intoxication rétinienne aux APS est rare mais grave. Elle est dose dépendante : une dose cumulative de plus de 1000g d’hydroxychloroquine et une durée de traitement supérieure à 5 ans augmentent le risque de son survenue. L’American academy of ophthalmology (AAO) a publié, en 2011, des recommandations concernant le suivi ophtalmologique et les examens complémentaires dans le cadre du dépistage des maculopathies toxiques aux APS. En complément du champ visuel, il faut réaliser au moins un des 3 nouveaux examens complémentaires objectifs : clichés d’auto-fluorescence (AF), tomographie de cohérence optique en domaine spectral (OCT-SD), ou électrorétinogramme multifocal (ERGmf). L’OCT est un examen de réalisation facile et rapide qui permet d’objectiver les anomalies des couches maculaires à un stade précoce de l’intoxication. En cas d’anomalies, à un stade infraclinique, on peut préconiser soit l’arrêt immédiat du traitement ou sa poursuite avec un contrôle trois à six mois plus tard pour confirmer ou non cette toxicité. En cas de toxicité clinique certaine, l’APS doit être interrompu.
Conclusion |
Le traitement par APS exige toujours une attention rigoureuse pour éviter une pathologie iatrogène cécitante et irréversible. Une surveillance attentive doit permettre d’adapter la posologie ou de préconiser l’arrêt du traitement à un stade « préclinique », c’est-à-dire lorsque l’intoxication débutante est encore réversible.
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Vol 38 - N° S2
P. A169-A170 - décembre 2017 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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