Atteinte cardiaque bimodale au cours d’une scléromyosite avec anticorps anti-Ku - 23/11/17
Résumé |
Introduction |
La présence d’anticorps (Ac) anti-Ku au cours de la sclérodermie systémique (SSc) est rare : 1 à 2 % des séries. Dans 0,5 à 1 % des cas, elle est la seule signature immunologique de la SSc. Elle est plus fréquente au cours des syndromes de chevauchement (55 % des scléromyosites) qu’au cours des connectivites isolées. Les Ac anti-Ku sont significativement associés au phénomène de Raynaud, aux pneumopathies interstitielles et aux atteintes musculosquelettiques (myosite, arthrite) et corrélés négativement avec les manifestations vasculaires (ulcères digitaux). La survenue d’une myocardite compliquée d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme ventriculaire est un mode de révélation inhabituel des scléromyosites avec Ac anti-Ku.
Observation |
Une femme de 40 ans, tabagique, atteinte de phénomène de Raynaud depuis l’adolescence, était hospitalisée en février 2017 pour une insuffisance cardiaque. L’examen clinique montrait un syndrome sclérodermique associant une microstomie, des télangiectasies de la face et du tronc, un livedo des membres inférieurs, une photosensibilité, un score de RODNAN à 21/51, un RGO ; des doigts boudinés ; des myalgies et un déficit moteur proximal des 4 membres. Il existait des signes de souffrance myocardique (troponine 119μg/L, N<14), une élévation du NT-proBNP à 1923ng/L. Les Ac antinucléaires étaient positifs à 1/1280, sans anti-ADN natif, ni anti-ENA (en particulier absence d’anti-Scl70, centromère, PM/Scl). Le dot-myosite était positif pour les Ac anti-Ku. L’ECG s’inscrivait en rythme sinusal, régulier, 80 bpm, et montrait un BAV1, un HBAG et un BBDI. L’échocardiographie concluait à une dysfonction biventriculaire (FEVG 35 %). L’angioscanner thoracique éliminait une embolie pulmonaire. La coronarographie était normale. L’IRM myocardique était en faveur d’une myocardite segmentaire. Le cathétérisme droit éliminait une HTAP. Il n’existait pas de syndrome interstitiel ni d’altération franche des paramètres spirométriques et de la DLCO. La biopsie musculaire était compatible avec le diagnostic de polymyosite. Le diagnostic de scléromyosite avec Ac anti-Ku était retenu et un traitement par prednisone avait débuté, complété par un traitement symptomatique de l’insuffisance cardiaque. Trois mois plus tard, en raison de la persistance d’arguments d’activité de la myosite, la posologie de la prednisone était augmentée, et du méthotrexate instauré. Puis un mois plus tard, la patiente présentait une tachycardie ventriculaire mal tolérée, nécessitant une réduction en urgence par choc électrique et la pose d’un défibrillateur automatique implantable double chambre. En l’absence de cause évidente à ce trouble rythmique, le débat étiologique de cette évolution cardiaque défavorable était alors discuté entre une poussée de la myosite, une manifestation de la sclérodermie ou une iatrogénie.
Discussion |
Les Ac anti-Ku, appartenant au groupe des anticorps associés aux myosites (Ro/SSA, PM/Scl, Ku, U1-RNP), sont trouvés dans de nombreuses connectivites (lupus, Gougerot, mixed tissue connective disorder), la fibrose pulmonaire interstitielle. Ils sont associés à des signes cliniques essentiellement musculaires, articulaires, microangiopathiques (Raynaud) et plus récemment neurologiques (atteinte des paires crâniennes). Paradoxalement, alors que les Ac anti-Ku sont impliqués dans les mécanismes de réparation de l’ADN, ils sont associés à l’absence de cancer en cas de scléromyosite. Lorsque la positivité des Ac anti-Ku est isolée au cours des sclérodermies, les patients présentent davantage de pneumopathie interstitielle, et de myolyse biologique (CPK>3N) au diagnostic et durant le suivi, sans conséquence sur la survie. En cas de positivité des Ac anti-Ku, une faiblesse musculaire et une élévation des CPK sont notées dans 43 % des cas. Les atteintes cardiaques sont plus rares : troubles de conduction (21 %), dysfonction diastolique (18 %), hypertension artérielle (14 %), altération de la FEVG (9 %) et palpitations (7 %).
Conclusion |
La scléromyosite à anticorps anti-Ku peut être révélée par une insuffisance cardiaque en lien avec une myocardite, et des troubles de l’excitabilité myocardique. Notre observation élargit le spectre clinique des atteintes cardiaques rencontrées au cours des scléromyosites.
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Vol 38 - N° S2
P. A194 - décembre 2017 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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