La maladie de Crohn (MC) cutané, appelée aussi métastatique, se caractérise par des lésions cutanées granulomateuses histologiquement similaires à celles observées au niveau du tractus digestif. Nous rapportons deux cas sans atteinte digestive avec un recul de 8 ans.

Observation 1 : une femme âgée de 59 ans consultait pour un érythrœdème du visage évoluant depuis 8 ans. L’examen trouvait un œdème infiltré du visage, une macrochéilite, une plaque érythémateuse infiltrée de 5cm au niveau du pubis, et 2 cicatrices de fistules anales opérées. La biopsie cutanée montrait des nodules épithélioides et gigantocellulaires sans nécrose caséeuse. Les endoscopies hautes et iléo-coliques et les biopsies étagées initiales et répétées étaient normales. Le bilan phosphocalcique, le dosage de l’enzyme de conversion et le scanner thoracique n’étaient pas en faveur d’une sarcoïdose. Le bilan tuberculeux était négatif. Le diagnostic de MC cutanée était retenu. La patiente a été mise sous métronidazole et azathioprine avec une désinfiltration des lésions pubiennes. Devant l’aggravation de l’œdème du visage, une corticothérapie générale (1mg/kg/j) a été instaurée mais sans rémission durable. Observation 2 : une femme âgée de 42 ans était suivie depuis 8 ans pour un œdème vulvo-périnéal. Elle présentait un lymphoœdème érythémateux des grandes lèvres, des plaques pigmentées cicatricielles au niveau du pubis et des plis inguinaux. Le pli inter fessier était le siège d’une ulcération de 5cm en coup de couteau. Le reste de l’examen ne trouvait pas d’abcès, de fistules, ni d’atteinte des autres plis. L’histologie montrait un granulome épithéloide et gigantocellulaire sans nécrose caséeuse. Les endoscopies digestives et les biopsies intestinales étaient normales. La patiente s’améliorait sous sulfadiazine mais avec des récidives à l’arrêt.

Les manifestations cutanées liées à la MC sont fréquentes, dominées par l’érythème noueux et le pyoderma gangrenosum. Les manifestations métastatiques sont des dermatoses granulomateuses faites de plaques ou de nodules localisés au niveau des extrémités, plus rarement au niveau de la face ou de la région génitale. Chez l’adulte, elles surviennent souvent après l’apparition de la MC intestinale. Lorsqu’elles précèdent les signes digestifs, le diagnostic devient difficile. Dans le premier cas, la tuberculose et la sarcoïdose étaient éliminées par les différents examens paracliniques. Dans le deuxième, le principal diagnostic différentiel était la maladie de Verneuil, éliminée devant l’absence de sinus, d’issue de pus ou d’atteinte des autres plis. Le traitement est souvent difficile. Le métronidazole, le sulfadiazine, la corticothérapie générale, les immunosuppresseurs, et certains anti TNF alpha sont proposés avec une efficacité variable.

Les signes cutanés de la MC peuvent précéder les signes digestifs de plusieurs mois, voire années, comme c’est le cas chez nos patientes rendant ainsi le diagnostic plus difficile.