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Encéphalopathie hyperammoniémique sur dérivation urétéro-sigmoïdienne ou intervention de Coffey : à propos de 3 cas - 06/06/18

Doi : 10.1016/j.revmed.2018.03.266 
A. Beck 1, J. Brisset 1, E. Liozon 2, P. Vignon 3, A.L. Fauchais 4, K.H. Ly 1,
1 Médecine interne A, CHU de Limoges, Limoges, France 
2 Médecine interne A, CHU de Limoges Dupuytren, Limoges, France 
3 Réanimation médicale, CHU de Limoges, Limoges, France 
4 Médecine interne, CHU de Limoges, Limoges, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

L’hyperammoniémie peut être responsable d’une encéphalopathie, le plus souvent dans le cadre d’une hépatopathie chronique (cirrhose, insuffisance hépatique, malformation vasculaire). L’encéphalopathie hyperammoniémique (EHA) après urétéro-sigmoïdostomie est rare [3, 1, 2], peut apparaître des décennies après l’opération, et peut être potentiellement létale si elle n’est pas reconnue. Le traitement habituel repose sur l’association lactulose+bicarbonates de sodium, et en cas d’échec, un traitement par rifaximine (Tixtar®) peut être proposé. Nous rapportons 3 cas d’EHA chez des patients avec fistule urétéro-sigmoïdienne sans aucune autre étiologie hépatique, métabolique ou toxique.

Observation

Une urétéro-sigmoïdostomie (abouchement des uretères dans le sigmoïde) est réalisée dans l’enfance chez nos 3 patients, qui présentaient la même malformation vésicale, une exstrophie vésicale. Plusieurs décennies plus tard (56, 65 et 74 ans respectivement), ils sont hospitalisés devant une encéphalopathie associée à une hyperammoniémie majeure, motivant un transfert en réanimation. Un traitement par lactulose, permet une amélioration clinicobiologique spectaculaire. Dans les 3 cas sont retrouvés une acidose métabolique hyperchlorémique à trou anionique orientant vers une perte de bicarbonates, supplémentée. Les causes neurologiques (pas de signe de localisation, pas de syndrome méningé, TDM cérébral normal, EEG aspécifique), hépatique (pas d’IHC, pas de cirrhose) et médicamenteuse étaient écartées. Un facteur déclenchant n’était retrouvé que dans un cas (sepsis suspecté d’origine urinaire). Un scanner abdominopelvien et une rectosigmoïdoscopie réalisés pour un patient ne montraient pas d’anomalie du montage. Pour deux patients, il s’agissait de leur premier épisode d’EHA et le traitement conventionnel reste efficace après un délai de suivi de 1 et 3 mois. La seule patiente aux antécédents EHA répétées a reçu un traitement par rifaximine (Tixtar®) devant l’inefficacité du lactulose au long cours. Elle n’a plus présentée d’EHA à 17 mois de traitement.

Conclusion

Les épisodes d’EHA après urétéro-sigmoïdostomie sont très rares, seuls quelques cas sont reportés [3, 1, 2]. Si l’on se réfère à l’absence concomitante d’atteinte hépatique ou métabolique (déficiences d’enzymes du cycle de l’urée), ces épisodes sont encore plus rares [1, 2]. L’ammoniac formé par la dégradation des acides aminés, est fixé sur le glutamate pour donner la glutamine qui se dirige vers le foie et les reins où elle sera hydrolysée : l’ammoniac ainsi libéré sera soit transformé en urée, soit excrété dans les urines, donc potentiellement réabsorbée au niveau du côlon. Chez nos patients l’EHA semble être expliquée par le montage urétéro-colique suite à la réabsorption colique de l’ammoniaque provenant des urines. L’hyperammoniémie, après passage de la barrière hémato-encéphalique, s’accumule dans les astrocytes et perturbe les fonctions neurologiques, entraînant des troubles de la conscience, jusqu’au coma. Une autre hypothèse concerne les bactéries à tropisme urinaire (Proteus mirabillis par exemple) ayant activité uréasique, qui dans ce cas peuvent coloniser le colon, transformer l’urée en ammoniac et ainsi entraîner une hyperammoniémie. La difficulté de prouver la présence de ces bactéries est liée à l’impossibilité de réaliser un examen cytobactériologique des urines chez ces patients. L’introduction d’un traitement par rifaximine (Tixtar®), indiqué pour la prévention des rechutes d’au moins 2 épisodes d’encéphalopathie hépatique clinique chez les adultes, semble être prometteur dans ce type d’encéphalopathie post-urétéro-sigmoïdostomie, chez les patients ne désirant pas de réintervention chirurgicale. En effet, la rifaximine inhibe la division des bactéries responsable de la désamination de l’urée, ce qui réduit la production d’ammoniac.

Les EHA post-chirurgie de dystrophie vésicale sont connues depuis de nombreuses années [1], mais rares. Le traitement simple associant lactulose et bicarbonates présente une réelle efficacité. En cas de récidive la rifaximine semble être prometteur. Ainsi le clinicien doit rester vigilant et évoquer ce diagnostic devant un tableau d’encéphalopathie inexpliquée chez un patient aux antécédents d’urétéro-sigmoïdostomie.

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