Kierkegaard opposait la peine, liée à un malheur destinal dépassant l'individu, et la douleur, issue de l'intériorisation de la souffrance à travers la mémoire subjective. Cette analyse peut inspirer une nouvelle approche de la dépression utilisant la théorie cognitive de la représentation. Nous introduisons un cadre conceptuel permettant de construire un espace de représentation en tant qu'univers subjectif défini par la mémoire. La douleur morale peut être comprise comme le reflet d'une déchirure irréversible de l'espace de représentation. Le ralentissement correspond à une rétraction défensive de cet espace dont la topologie devient celle d'un puits. Au-delà du malheur apparent, la rétraction n'est explicable que par l'atteinte d'une zone fondatrice de l'espace de représentation, renvoyant à une peine originelle. Plusieurs degrés de mélancolie sont définissables dans ce cadre conceptuel. Nous soulignons les dangers de l'extraction de la peine originelle lorsque celle-ci unifie tout l'espace de représentation.

Kierkegaard contrasts pain, which proceeds from a fate beyond individuals, with suffering which is internalized within a subjective memory. This analysis can be useful to tackle depression with the cognitive theory of representation. We outline a framework to construct a representational space as a subjective universe defined from memory. Suffering can be linked to a splitting of the representational space and retardation corresponds to a retraction of this space into what can be described as a well. Beyond an apparent accident, the depressive retraction can only be explained as a wound of a founding area of representational space, involving an original pain. Several degrees of melancholy can be defined within this conceptual framework. We underline the hazards of extracting the original pain when it unifies the whole representational space.