Du poisson à visée récréative : doux rêve ou cauchemar - 24/09/23
, F. Abi-Nader 2, J. Turquet 3Résumé |
Objectif |
Décrire 2 cas d’intoxication après ingestion de poisson à visée récréative à La Réunion.
Historique des cas |
Deux convives, avec comme seuls antécédents notables un diabète de type 2 et une hypertension artérielle, consultent tous deux en fin de nuit le service des urgences de l’Ouest de La Réunion. Ils rapportent chacun une sensation de gêne respiratoire, des palpitations, des cauchemars accompagnés de réveils en sursaut et une sensation d’ébriété. L’homme de 46 ans et la femme de 51 ans présentent tous les deux une tension artérielle élevée respectivement à 153/102mmHg avec une fréquence cardiaque à 90 bat/min pour l’un et 168/89mmHg et 70 bat/min pour l’autre. Ils rapportent uniquement une consommation de poisson chirurgien : Acanthurus sp. (en créole poisson-cafre) la veille au soir. Ils quittent rapidement les urgences une fois la résolution de leurs symptômes. Ils laissent ainsi les urgentistes dans l’incompréhension. Le dispositif de toxicovigilance Océan Indien s’est ensuite saisi de l’investigation après avoir repéré les cas via les extractions des codages des diagnostics principaux d’intoxication des urgences. Aucun contact n’a pu être établi avec les 2 convives puisqu’ils avaient laissé de faux numéros de téléphone.
Discussion |
Au regard de la symptomatologie, de l’espèce consommée et du comportement évasif des victimes, ils ont probablement consommé ce poisson à visée récréative (pratique connue des pêcheurs avisés sur l’île). En effet, l’ichtyoallyenotoxisme fait référence à une intoxication hallucinatoire suite à la consommation de certaines espèces de poissons de récif. Connu également sous l’appellation dreamfish, l’intoxication, qu’elle soit volontaire ou non, provoque une atteinte du système nerveux central mimant les effets du LSD. Les symptômes peuvent apparaître dans un délai de quelques minutes à 2heures et persister pendant 24heures ou plus. Ils peuvent se manifester par des vertiges, une perte de la coordination, d’une oppression thoracique, d’une sensation de mort imminente, ou d’hallucinations effrayantes pouvant durer plus de 24h [1]. Ces dernières peuvent être interprétées par les médecins comme des troubles psychiatriques sans pour autant faire le lien avec l’intoxication. Une amnésie post consommation est possible, ne facilitant pas la description des cas. D’autres symptômes plus rarement rapportés sont des démangeaisons, des brûlures pharyngées, une faiblesse musculaire et des douleurs abdominales. Aucun décès n’a été rapporté. Les poissons responsables sont des espèces herbivores ou omnivores des mers tempérées ou tropicales [2] : Siganidae, Kyphosidae, Mullidae, Acanthuridae, et en Méditerranée, la Saupe (Sarpa salpa). La toxine en cause n’est pas clairement identifiée, il pourrait s’agir d’alcaloïdes du groupe indole, présents naturellement dans certaines algues dont se nourrissent les poissons et dont la structure chimique est similaire à celle du LSD. Autre hypothèse, un hallucinogène appelé diméthyltryptamine. Il n’existe pas d’antidote. La prise en charge est symptomatique.
Conclusion |
La rareté de ce type d’intoxication nécessite qu’elle soit régulièrement rappelée aux praticiens afin de mieux documenter les cas et permettre d’isoler la toxine en cause via les restes de repas dans le meilleur des cas.
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Vol 35 - N° 3S
P. S85-S86 - octobre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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