Existe-il un syndrome d’intoxication sévère aux morilles ? - 24/09/23
French PCC Research group
R. Garnier 1, J. Langrand 1, 3, ⁎
Résumé |
Objectif |
En France, les morilles sont fréquemment consommées. La toxicité — symptômes neurologiques et/ou digestifs mineurs à modérés — associée à l’ingestion de morilles se produit principalement lorsque les morilles sont consommées crues. Cependant, en 2020, deux décès ont été signalés au Centre antipoison de Paris (CAP) après une ingestion unique de morilles.
Méthode |
Étude rétrospective pour évaluer la gravité associée à l’ingestion de morilles.
Résultat |
Entre 2010 et 2020, 446 cas d’exposition unique aux morilles ont été examinés; dans 194 (43,5 %) cas, les morilles ont été cueillies sur le territoire français, dans 164 (36,8 %) cas, les morilles ont été vendues par des petites épiceries, des supermarchés ou utilisées dans des menus de restaurants et ont été trouvées sous diverses formes (séchées/réhydratées, congelées, et fraîches). Dans les 88 cas restants (19,7 %), l’origine de la morille était inconnue.
Parmi ces cas, 238 (53,4 %) et 373 (83,6 %) ont développé respectivement des symptômes neurologiques et gastro-intestinaux ; 436 (97,8 %) et 10 (2,2 %) ont développé respectivement un score de sévérité PSS 1-2 et PSS 3-4. Tous les cas de récolte ont été classés dans les scores de sévérité PSS1 ou PSS2 (symptômes mineurs ou modérés). Les dix cas PSS3-4 présentaient des symptômes digestifs graves, notamment des diarrhées profuses (8, 80 %) et des vomissements (7, 70 %), une ischémie gastro-intestinale (4, 40 %), le tout associé à une déshydratation sévère (6, 60 %) ou à un état de choc (6, 60 %). Neuf d’entre eux concernaient des morilles commercialisées (origine inconnue pour le cas restant). Deux décès ont été signalés et deux patients ont dû subir une résection gastro-intestinale.
Les morilles ingérées dans ces cas PSS3-4 étaient des morilles déshydratées (n=5) dont trois ont été identifiées comme importées d’Asie. Dans un cas, l’analyse mycologique des morilles a permis d’identifier avec certitude Morchella importuna, et l’observation mentionnait que la plupart des spécimens contenus dans l’échantillon étaient immatures, les autres étant « d’un âge avancé ».
Discussion |
En 2017, un rapport chinois a évoqué l’état, les défis et les perspectives de la culture artificielle des morilles. La première variété de morilles approuvée en Chine est Morchella importuna. Dans certaines régions, cette variété représente 80 à 90 % du sol cultivé. Sur la base de ce rapport, il a été estimé que la production de morilles cultivées (et exportées) en 2015–2016 était d’environ 500 tonnes.
Le premier cas grave s’est produit en 2014, et huit autres se sont produits depuis 2016, dont trois en 2020. Nous pouvons supposer que les morilles commerciales sont aujourd’hui principalement des morilles cultivées provenant d’Asie. Les observations précédentes suggèrent qu’il existe une différence dans le profil de toxicité entre les morilles récoltées en France et les morilles cultivées en Asie.
Un autre aspect de ces observations est l’hétérogénéité des symptômes entre les convives d’un même repas. Dans sept cas graves, les repas ont été partagés avec d’autres personnes qui ne présentaient pas de symptômes graves. Parmi les patients ayant subi une intoxication sévère, trois d’entre eux avaient des antécédents de maladies digestives. Au vu de ces cas, on peut s’interroger sur une susceptibilité digestive chez les personnes atteintes d’intoxication sévère.
Conclusion |
Pour la première fois, dix cas d’intoxication sévère aux morilles ont été rapportés, présentant un tableau digestif marqué, parfois associé à des lésions digestives, suivi d’un choc hypovolémique pouvant conduire au décès.
Ces cas ont débuté au milieu des années 2010, parallèlement à l’arrivée sur le marché de morilles de culture sous forme déshydratée importées d’Asie. Ces morilles de culture importées peuvent présenter une toxicité digestive accrue par rapport aux morilles récoltées, comme cela a été observé dans nos cas. De telles observations soulignent l’importance de poursuivre les investigations concernant la toxicité des morilles de culture afin de déterminer si elles présentent un risque potentiel pour la santé.
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Vol 35 - N° 3S
P. S89-S90 - octobre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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