Intoxication aux inhibiteurs calciques bien involontaire par interaction alimentaire : quand la toxicologie analytique vient en aide à la prise en charge des patients - 24/09/23
, N. Vinnemann 3, M. Lavit 4, T. Lanot 4Résumé |
Objectif |
Le but de cette présentation est d’insister sur l’apport de la toxicologie analytique dans la prise en charge de patients complexes et sur l’intérêt de réaliser des dosages qualitatifs ou quantitatifs de toxiques ou de médicaments dans certaines situations.
Méthode |
Une patiente de 46 ans est admise aux urgences pour la survenue de plusieurs malaises associés à des douleurs thoraciques alors qu’elle effectuait une séance de kinésithérapie. Les antécédents de cette patiente sont nombreux, avec notamment: une thrombocytémie essentielle, des thromboses veineuses, une embolie pulmonaire, des douleurs thoraciques atypiques (test d’effort positif avec coronarographie normale, IRM myocardique normale et coroscanner normal), des syncopes atypiques (avec explorations électrophysiologiques normales et holter-ECG sans particularité), dans un contexte de surpoids avec un IMC à 35. Son traitement associe apixaban 5mg (1-0-1), clopidogrel 75mg (1-0-0), chlorhydrate de vérapamil 240 (1-0-1), topiramate 100mg (1-0-1). Lors de la prise en charge initiale, l’électrocardiogramme, l’échocardiographie, la troponine T hypersensible et les constantes sont normaux (TA 125/65, fréquence cardiaque à 89 battements par minute (bpm), saturation 100%, glycémie capillaire 1,58g/L). En cours de journée, la patiente présente un collapsus sévère, TA à 89/53 avec des troubles de la conscience et une bradycardie à 30 bpm. Elle est transférée en réanimation. Devant la négativité des autres pistes étiologiques, une intoxication médicamenteuse volontaire est évoquée et le dosage du vérapamil est demandé, seul médicament pouvant expliquer les signes cliniques. Un dosage par chromatographie liquide couplée à une spectrométrie de masse en tandem est réalisé sur le sang prélevé lors de l’admission de la patiente et confirme l’intoxication au vérapamil avec un taux de 1829μg/L (valeurs normales entre 30 et 170). La prise en charge symptomatique est poursuivie et l’évolution est favorable, tandis que la concentration sérique de vérapamil diminue pour atteindre à J2 le taux de 532μg/L. La patiente est alors extubée et son interrogatoire ne rapporte pas d’intoxication volontaire mais elle précise avoir consommé la semaine précédant cet épisode du jus de pamplemousse en quantité importante et de façon régulière.
Discussion |
Cette interaction alimentaire avec le vérapamil est connue et décrite dans les RCP du médicament. Elle entraîne une augmentation de la concentration sérique du vérapamil, provoquant l’augmentation de la fréquence et de la gravité de certains effets indésirables tels que le collapsus. Le potentiel toxique des médicaments constituant le traitement des patients est rarement évoqué sauf lors d’intoxication médicamenteuse volontaire. Les interactions médicamenteuses ou alimentaires [1] sont plus rarement évoquées. Dans notre cas, la prise en charge de cette patiente s’est largement focalisée sur sa symptomatologie et sur ses antécédents et il a fallu une aggravation de son état pour qu’un lien avec son traitement soit envisagé. Les dosages ont alors confirmé cette intoxication.
Conclusion |
Lors de situations complexes et ne trouvant pas d’étiologie naturelle, il est licite d’évoquer une intoxication à un médicament, d’autant plus s’il fait partie du traitement et que les signes sont compatibles. Il faut alors interroger le patient à la recherche de nouvelles consommations alimentaires, notamment le pamplemousse, susceptibles d’entraîner des interactions et donc des surdosages que l’on confirmera par des dosages ciblés. La toxicologie analytique permet alors d’écarter ou, comme dans notre cas, de confirmer une intoxication volontaire ou non.
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Vol 35 - N° 3S
P. S97-S98 - octobre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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