Décès concomitants d’un frère et d’une sœur : une histoire de Séné ? - 24/09/23

Résumé |
Objectif |
Nous rapportons les décès concomitants d’un frère et d’une sœur, sans étiologie déterminée, survenus dans un contexte d’usage de séné documenté par des analyses toxicologiques.
Méthode |
Nous décrivons 2 cas. Le premier est celui d’un homme de 25 ans qui s’effondre sans plainte, brutalement, lors d’une visioconférence. Malgré l’intervention rapide des secours, cet arrêt cardiaque n’est pas récupéré (ECMO), et son décès est prononcé quelques heures plus tard. Face à ce décès brutal d’un homme jeune, une autopsie médicolégale est réalisée. 48heures plus tard, sa sœur de 27 ans est victime de convulsions à domicile. Admise en réanimation à la suite d’un arrêt cardiaque réfractaire, elle décède 3jours plus tard après un engagement cérébral. L’autopsie scientifique est refusée par la famille. Des prélèvements réalisés lors des prises en charge (frère: sang et urine; sœur: sang, urine et selles), des prélèvements autopsiques (frère) et un échantillon de feuilles consommées en infusion par les deux victimes sont adressés au laboratoire.
Après échantillonnage et broyage, l’échantillon de feuilles a été soumis, de même que les échantillons biologiques des deux victimes, à des criblages toxicologiques larges par CL-SM/SM et CL-SMHR dont les bibliothèques spectrales incluent un certain nombre de phytotoxiques. Ces analyses ont été complétées par des recherches spécifiques après études in vitro du métabolisme du sennoside A [microsomes hépatiques humains et bactéries (E. coli)].
Résultat |
Plusieurs dérivés d’anthraquinones ont été détectés dans l’échantillon de feuilles (sennosides A/B et C/D, certains de leurs métabolites [rheinanthrone, rhein, rhein-8-glucoside], chrysophanol, astragaline, kaempherol, torachrysone-8-glucoside, et isorhamnetine). Cette composition, associée à l’aspect macroscopique de cet échantillon, confirme qu’il s’agit de feuilles de séné non adultérées, sans pouvoir en préciser l’espèce. Au-delà de résultats toxicologiques en lien avec la prise en charge médicale, l’analyse des échantillons biologiques ne révèle que de la rheinanthrone et déoxyrheinanthrone (urine et bile du frère, urine et selles de la sœur) et du chrysophanol (urine du frère et selles de la sœur), objectivant la consommation de séné.
Discussion |
Le séné, plante médicinale utilisée depuis plusieurs siècles comme laxatif, peut cependant entraîner des effets indésirables. Les données relatives à sa toxicité concernent pour l’essentiel des données animales (expérimentales ou cas d’intoxication) avec une grande variabilité inter-espèces. Chez l’homme, les intoxications sont associées à des troubles du rythme cardiaque (dus à la perte de potassium), des atteintes hépatiques voire des hépatomyoencéphalopathies (une seule intoxication biologiquement objectivée rapportée dans la littérature). Le mécanisme d’action toxique est peu documenté mais certains auteurs suggèrent le rôle de métabolites probablement actifs, issus pour certains du métabolisme microbiotique. Ici, le bilan d’admission post arrêt cardiorespiratoire de la sœur montrait un potassium à 3mmol/L et des activités des transaminases augmentées (ASAT 575 et ALAT 223 UI/L). Son bilan étiologique exhaustif et ses antécédents n’expliquent pas le décès. L’autopsie du frère ne rapporte aucun élément probant si ce n’est une légère hypertrophie cardiaque à prédominance gauche. À date les résultats d’anatomopathologie ne sont pas connus.
Conclusion |
En l’absence d’étiologie franche, la synchronicité et la similitude des tableaux cliniques sont en faveur d’une possible origine toxique des décès, le toxique incriminé n’étant pas environnemental (reste de la famille non touché). La prise de séné demeure une hypothèse étiologique possible, avec une sévérité inhabituelle ayant pu être favorisée par un usage chronique et/ou une prédisposition familiale (génétique, microbiote ?).
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Vol 35 - N° 3S
P. S98 - octobre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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