Les patients atteints de cancer ont été classés à haut risque d'infection et de développement de formes graves du COVID-19. Les centres de lutte contre le cancer (CLCC) ont dû rapidement réorganiser les parcours de soin des patients face à la pandémie. Cette réorganisation dans un contexte inédit a pu être perçue comme stressante par les personnels de santé des CLCC. En particulier, le personnel soignant pourrait avoir eu peur pour sa propre santé ou celle de ses proches. Il a également dû faire face à la prise en compte d'une nouvelle balance bénéfices-risques liée au risque d'infection par le virus avec un risque d'aggravation du cancer en cas de déprogrammation de soins. La santé mentale des personnels en télétravail a pu elle aussi être impactée par les mesures de confinement détériorant les liens sociaux. Le projet PAPESCO-19 a ainsi été développé pour étudier l'impact du COVID-19 chez les patients atteints de cancer et les personnels de santé des CLCC pendant la pandémie. L'un de ses objectifs est d’étudier l’évolution de l'anxiété et de la dépression des personnels de santé des CLCC suite au premier confinement.

La cohorte comprend 972 individus travaillant dans l'un des trois centres du projet (Angers, Nantes ou Clermont-Ferrand) interrogés tous les trois mois pendant un an. L'anxiété et la dépression ont été évaluées avec le « State Trait Anxiety Inventory » et le « Hospital Anxiety and Depression Scale ». Les trajectoires d’évolution de l'anxiété et de la dépression pourraient être liées aux différents événements de la pandémie. Or, l'inclusion des personnels de santé a duré de juin 2020 à juin 2021 s’étendant ainsi sur trois vagues épidémiques et deux confinements nationaux. Ainsi, il ne semble pas pertinent de considérer les visites définies par le protocole comme temps d'intérêt mais plutôt le temps écoulé depuis la fin du premier confinement. De plus, l'intervalle de temps entre deux visites est variable aussi bien au niveau intra-individuel qu'inter-individuel. Il paraît donc nécessaire de considérer l’échelle de temps comme continue. Les évolutions de l'anxiété et de la dépression ont été modélisées en combinant des modèles linéaires mixtes à temps continu et des modèles à crédit-partiel (régressions multinomiales). Ces derniers sont plus adaptés pour l'analyse de variables ordinales telles que les réponses aux items d'un questionnaire en évitant l'utilisation des scores qui agrègent l'information.

A l'inclusion, les 968 individus ayant rempli les questionnaires sont majoritairement des hommes (82 %) et des soignants (67 %). Le centre de Clermont-Ferrand a inclus un peu plus d'individus (40 %) que les centres de Nantes (33 %) et d'Angers (27 %). On observe une légère augmentation de l'anxiété de la fin du premier confinement jusqu’à la levée d'une partie des restrictions liées au second confinement. L'anxiété semble ensuite se stabiliser puis réduire très progressivement. Les individus plus âgés ou ayant une plus forte prédisposition à l'anxiété présentent en moyenne plus d'anxiété que les autres. Les symptômes dépressifs sont restés à un niveau faible en moyenne avec un effet délétère d'une plus forte prédisposition à l'anxiété.

Bien que les personnels de santé des CLCC présentent peu de symptômes de dépression ou d'anxiété face à la pandémie, il paraît nécessaire d'identifier les individus ayant une prédisposition à l'anxiété, de leur proposer un accompagnement et de mettre à disposition des outils de gestion de l'anxiété.