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Traumatisme sévère et psychose post-traumatique - 25/02/12

Doi : 10.1016/j.evopsy.2011.12.003 
Philippe Bessoles
Maître de conférences ; habilité à diriger des recherches ; qualifié aux fonctions de Professeur des universités ; Visiting Professor à l’université royale du Cambodge ; membre du Réseau Asie. CNRS, MSH, École Doctorale, UFR sciences humaines cliniques, université Denis-Diderot Paris-VII, 26, rue de Paradis, 75480 Paris cedex 10, France 

Auteur correspondant.

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Résumé

La question traumatique est au centre des nouveaux défis de la psychopathologie. Notre contribution de psychose post-traumatique s’inscrit dans cette perspective en références aux sémiologies des traumatismes issus de situations extrêmes comme les victimes du World Trade Center de New York (2001) ou les prises d’otages en Ossétie du nord (2004). Quatre thématiques principales conduisent à la proposition de psychose traumatique alors que la personne présente une structure psychique névrotique. (1) Il n’y a aucune inscription psychique de l’événement traumatique. La sidération confuso stuporeuse ou la fuite panique accompagnée d’hallucinations ou bouffées délirantes aiguës illustrent ce premier aspect clinique. (2) les processus psychiques ignorent le principe plaisir/déplaisir. Ils sont régis par la compulsion de répétition et les hémorragies d’affect de douleur. (3) Le paradigme de la névrose et du conflit psychique ne sont pas opératoires pour gérer les quanta d’affect et l’emprise pulsionnelle. (4) L’éclosion de délires transitoires, de conduites autovulnérantes et d’autolyse complète le tableau clinique. Le référentiel DSM-IV est insuffisant pour valider les enjeux post-traumatiques sévères. Cinq classes syndromiques étayent l’argumentation psychopathologique. (1) la sémiologie est celle d’épisodes délirants transitoires (idées et perceptions délirantes à thématiques persécutoires, cénesthésiques ou hypocondriaques), des confusions mentales (confuso oniroïdes, anxieuses ou stuporeuses), des phases de déréalisation et dépersonnalisation, des vécus agoniques, des troubles graves de l’unité corporelle, des clivages proches des dédoublements de type schizophrénique. (2) L’adhésivité traumatique souligne l’impossibilité de distanciation des victimes avec le traumatisme. Les objets sont agglutinés, persécuteurs et adhésifs. (3) La temporalité traumatique impose une omniprésence factuelle et actuelle du traumatisme. Elle annihile les projections temporelles du patient ainsi qu’une reconstruction anamnestique. (4) Le corps traumatique n’est pas celui des conversions de la psychonévrose hystérique. La sémiologie somatique indique des fonctionnements de type opératoire. (5) La complaisance traumatique ne fonctionne pas au niveau des frayages conduisant à la formation de symptômes. La structure identitaire apparaît désorganisée par le démantèlement des enveloppements psychiques primaires. Quatre considérations théoriques étayent notre contribution. (1) L’inscription pictographique. Le traumatisme sévère ne produit pas la polarité nécessaire au processus d’auto-engendrement (P. Aulagnier) à propos des processus originaires. L’adhésivité traumatique délite les espaces de médiation nécessaires à l’émergence des processus représentationnels. (2) L’affect de douleur. La douleur générée rappelle les expériences premières de détresse du nourrisson, les agonies primitives et les effondrements anaclitiques. Le contrat narcissique est rompu. Le patient vit sans sécurité basale ni contenant psychique suffisamment bon et étayant (D.W. Winnicott). (3) Le statut de l’angoisse. L’angoisse est analogique des angoisses catastrophiques des psychoses mélancoliques ou des angoisses paranoïdes observées dans les hébéphrénies. (4) Le démantèlement corporel. Les effets du traumatisme se traduisent par des somatisations muettes non symbolisables. Elles se manifestent par des éprouvés sensoriels et sensitifs de type dermatoses, prurits, diarrhées, règles hémorragiques ou céphalées rebelles par exemple. Ces deux aspects des formes sévères du traumatisme corroborent la visée traumatolytique inconsciente de l’anéantissement victimaire. La dimension suicidaire apparaît comme l’ultime recours à ne pas sombrer dans la folie et à garder une position subjective face aux figures de la barbarie.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

Our contribution of posttraumatic psychosis comes within that prospect in reference to the semiologies of traumas generated by extreme situations such as the victims of World Trade Center of New York (September 2001) or the hostage taking in North Ossetia (September 2004). Four sets of themes lead us to suggest a traumatic psychosis when the person shows symptoms of a neurotic psychic structure. (1) There’s no traumatic psychic inscription of the event. Sideration (Stuporous confusion symptoms) or panic flight (Hallucinations or acute delirious fits) often illustrates this first clinical aspect. (2) Psychic processes tend to ignore the pleasure/displeasure principle. They are governed by compulsion to repeat and the invasion of affects of pain. (3) The models of neurosis and psychic conflict are not efficient to manage the quota of affect and the drive influence. It would be necessary to add the appearance of temporary fits of mental confusion, self-destructive and autolysis behaviours. The reference of a DSM-IV type seems to be inadequate to convey the implemented posttraumatic stakes. If trying to soothe the symptoms is undeniably important, psychic disorganizations that generate a semiology that is essentially present in the symptomatology of the psychoses cannot be ignored. Our proposal posttraumatic psychosis is supported by five main syndromic classes. (1) The symptoms are often temporary delirious fits (delirious ideas or perceptions of a persecutory, cenesthetic or hypochondriac nature), mental confusions (oneiroïd state, anxiety and stupor), phases of depersonalisation and derealization, sever death pangs experiences, serious physical disorders, divides close to schizophrenic-type dual personalities. (2) The adhesiveness marks the impossibility for the victims to keep away from a trauma. The objects are bound, persecuting and adhesive. (3) Traumatic temporality imposes a factual and current omnipresence of the trauma. It destroys the temporal projections of the patient as well as an anamnestic reconstruction. (4) The traumatic body is not that the hysterical neurosis conversions. The somatic semiology marks operational-type functioning. (5) Traumatic compliance doesn’t work on the level of facilitations that lead the formation of symptoms. The identity structure appears disorganised by the dismantling of the primary psychic envelopments. Four theorical considerations support our contribution. (1) Pictographic inscription. The severe traumatism does not produce the polarity necessary to the process of self-fathering described by P. Aulagnier in connecting with original processes. Traumatic adhesiveness splits the necessary mediation and distance spaces for the emergence of representation processes. (2) Pain affect. The pain affect generated reminds of baby’s first distress experiences, primitive agonies and anaclitic collapses; the narcissistic contract is broken and the patient lives without a secure base or a sufficiently good and supporting psychic container (D.W. Winnicott). (3) Anxiety status. The anxiety is not of neurotic nature but truly annihilating. It is often similar to anxieties caused by catastrophes, psychoses due melancholy or more archaic anxieties that have been observed in hebephrenic pathologies. (4) Body dismantling. The trauma results in mute somatizations that cannot be symbolised (M. Bertrand, 2005). They appear in sensory outward signs such as dermatosis, pruritus, diarrhoas, haemorrhagic periods or persistent headaches for example. These severe forms of trauma confirm the unconscious traumatolytic aim of victim’s psychological destruction. Suicidal dimension seems to be the ultimate recourse not to sink into insanity and to keep a subjective position in front of the figures of cruelty.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Psychopathologie, Psychose post-traumatique, Guerre, Violence, Originaire, Traumatisme psychique, Représentation, Souffrance psychique, Douleur

Keywords : Psychopathology, Post-traumatic psychosis, War, Violence, Pictograms, Psychic trauma, Representation, Psychic pain, Pain


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 Les illustrations sont d’Yves Marcérou (Y.M.) Artiste peintre. Illustrateur. Copyright réservé. Reproduction interdite. Illustrations in situ.
 Toute référence à cet article doit porter mention : Bessoles P. Traumatisme sévère et psychose post-traumatique. Evol psychiatr 2012;77.


© 2012  Publié par Elsevier Masson SAS.
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Vol 77 - N° 1

P. 29-52 - janvier 2012 Retour au numéro
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