La consommation chronique de cocaïne adultérée par du lévamisole peut-elle être impliquée dans l’aggravation d’un surdosage à l’aripiprazole ? - 10/05/18

Résumé |
Objectif |
Discuter les différentes étiologies toxiques de lésions cérébrales survenues chez un patient.
Description du cas |
Monsieur B., 31 ans, a été pris en charge par le SAMU pour des troubles de la vigilance survenus dans un contexte de suspicion d’injection IV d’aripiprazole LP (ABILIFY MAINTENA®) destinée à l’injection 1 fois par mois par voie IM. Le patient avait débuté depuis une dizaine de jours un traitement par neuroleptique LP pour sa schizophrénie et était également suivi pour une toxicomanie au cannabis, à la cocaïne et à l’héroïne. À la prise en charge, le patient était comateux sans déficit focal ni de signe en faveur d’un syndrome extrapyramidal. En revanche, un discret mouvement pendulaire des yeux était observé. Il était apyrétique et ne présentait pas d’hypersudation. Sur le plan cardiaque, aucun trouble du rythme n’était constaté. Devant l’aggravation des troubles de la vigilance, le patient a été intubé/sédaté puis transféré en réanimation pour surveillance et recherche étiologique.
Méthodes |
Un scanner cérébral sans injection et une IRM cérébrale avec injection ont été réalisés à l’entrée. Un bilan biologique comprenant un criblage toxicologique urinaire par LC-MS/MS et un dosage sérique de l’aripiprazole par LC-MS/MS a été réalisé dans des échantillons sanguins et urinaires prélevés à l’admission. Ce bilan a été complété par la recherche de NPS et métabolites par LC-HRMS et LC-MS/MS dans les mêmes échantillons. Une mèche de cheveux prélevée 3 semaines plus tard a également été analysée par LC-MS/MS.
Résultats |
Le scanner cérébral montrait 2 hypodensités au niveau des noyaux lenticulaires. Le taux d’HbCO, déterminé d’emblée pour éliminer une intoxication au monoxyde de carbone, était inférieur à 1 %. L’IRM en séquences diffusion et FLAIR montrait un hypersignal symétrique des globi pallidi avec préservation des putamens. Le bilan biologique était évocateur d’une insuffisance rénale compliquée d’une hyperkaliémie et d’une acidose métabolique, d’une rhabdomyolyse et d’une cytolyse hépatique. En dehors des médicaments administrés au cours de la prise en charge, la présence d’aripiprazole et de ses métabolites, de 6-MAM, de morphine, de codéine et de noscapine, de tramadol, de paracétamol, de cocaïne et de benzoylecgonine, de cyamémazine et de ses métabolites, de diazépam et de ses métabolites, de loprazolam et de THC-COOH ont été identifiés lors du criblage toxicologique urinaire. Aucun NPS ni métabolite n’a été mis en évidence. La concentration d’aripiprazole mesurée environ 16h après l’injection présumée était de 527μg/L. L’analyse de cheveux a confirmé une consommation chronique d’héroïne et de cocaïne et a révélé la présence de lévamisole, antiparasitaire fréquemment utilisé comme adultérant de la cocaïne.
Conclusion |
La concentration d’aripiprazole n’était pas en faveur d’une injection par voie IV mais était supérieure aux concentrations habituellement mesurées à l’équilibre chez les patients traités par aripiprazole IM (100 à 350μg/L). Des lésions cérébrales des noyaux gris n’ont pas été décrites lors d’intoxication isolée à l’aripiprazole mais ont déjà été décrites dans des cas d’intoxication à la cocaïne et à l’ecstasy. Dans ce contexte, les propriétés vasoconstrictrices puissantes de la cocaïne et de ses métabolites associées au vasospasme dans les régions riches en récepteurs 5-HT, telles que les globi pallidi, ont été impliqués dans la genèse de ces lésions. Dans le cas présent, l’effet synergique de la cocaïne, du lévamisole et de l’aminorex, ayant un effet amphétamine-lik et de l’aripiprazole, agoniste/antagoniste sérotoninergique, pourrait être impliqué dans l’apparition des lésions cérébrales observées chez le patient.
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Vol 30 - N° 2S
P. S25-S26 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.