Intérêt de l’analyse toxicologique dans la prise en charge des transporteurs de drogues intracorporels - 10/05/18
Résumé |
Objectif |
La cause de complications et de décès la plus fréquente chez les transporteurs de drogues intracorporels est la toxicité par rupture des boulettes ou paquets ingérés. La prise en charge du patient peut être adaptée en fonction de l’état clinique et des résultats du bilan toxicologique. Nous rapportons deux cas dans une même affaire, illustrant l’intérêt de l’analyse toxicologique.
Méthodes/description des cas |
Deux jeunes hommes ayant ingéré a priori des boulettes identiques pour dissimulation pendant leur interpellation par la police, ont nécessité des hospitalisations séparées. LR (20 ans) est pris en charge pour arrêt cardiorespiratoire par un service de réanimation médicale toxicologique (RMT) pour adultes. Sur la cinquantaine de petits ballots estimés ingérés, une trentaine sont recrachés immédiatement. Il élimine d’autres boulettes par voies orale et rectale pendant l’hospitalisation. Des prélèvements urinaires, sanguins et trois boulettes sont analysés par le laboratoire. LR décède à j14 des suites d’une encéphalopathie post-anoxique. NC (13 ans) sans antécédent, est hospitalisé pendant 5 jours dans un service médico-chirurgical pédiatrique suite à l’ingestion d’une vingtaine de ballots similaires, avant d’être remis aux autorités de police. Il est asymptomatique à l’entrée ; 11 sachets sont visualisés et retirés par endoscopie gastrique en urgence sous anesthésie générale. Il est traité par laxatif osmotique (Forlax®) pour faciliter l’évacuation d’éventuels derniers sachets. Dans ce cas, seuls des échantillons urinaires et 2 boulettes sont analysés.
Résultats |
Le bilan d’entrée toxicologique de LR (screenings urinaire immunologique et plasmatique par HPLC-MS-DAD) est négatif. Les bilans suivants n’identifient que les molécules administrées en RMT (atracurium, urapidil, propofol et lévétiracétam). Pour NC, seule la cocaïne urinaire est dépistée par bandelette (SureStep™ Multi-Drug) jusqu’à j3. À partir de j4, les résultats se négativent et l’on considère qu’il n’y a plus de relargage de cocaïne à partir d’éventuels sachets non excrétés et que le pronostic vital n’est plus engagé. L’analyse des boulettes expulsées par LR permet de confirmer la présence de cocaïne et d’un produit de coupe, la phénacétine, alors que dans le cas de NC, plusieurs produits de coupe sont identifiés : phénacétine, caféine et lévamisole. Depuis 2010, 31 patients (87 % d’hommes) ont été hospitalisés en RMT pour une prise en charge en tant que transporteurs intracorporels (body-packers ou body-stuffers) de cocaïne (94 %) ou de cannabis (6 %). Quarante-huit pour cent étaient des consommateurs habituels (cannabis, cocaïne, héroïne). Soixante-douze pour cent avaient été interpellés dans les aéroports parisiens et l’hospitalisation avait alors duré en moyenne 3,3 jours avec un suivi toxicologique toutes les 12h. Le bilan toxicologique d’entrée montrait que dans 33 % de cas, les patients étaient positifs en cocaïne, 33 % en cannabis et 14 % en tramadol et paracétamol. En moyenne, 50 boulettes avaient été ingérées (maximum 129 boulettes) puis récupérées par voie basse dans 82 % des cas. L’analyse des boulettes par le laboratoire permettait d’identifier la drogue et les produits de coupe ainsi qu’une description visuelle estimant leur étanchéité et donc les risques de dégradation dans le tube digestif.
Conclusion |
Le suivi de l’élimination de la cocaïne pour LR n’a mis en évidence à aucun moment des traces de cocaïne dans les prélèvements biologiques, certainement en raison de la qualité des capsules thermo-soudées ingérées. Ces résultats négatifs ont permis d’orienter rapidement les cliniciens vers une cause d’arrêt cardiaque non toxique. Pour NC, l’absence de conséquences cliniques et la négativation de la cocaïne dans les urines au bout de 72h permettait une sortie du patient. L’analyse toxicologique montrait également que dans une même affaire, les boulettes visuellement identiques n’étaient pas constituées par les mêmes produits de coupe.
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Vol 30 - N° 2S
P. S27 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.