Intoxication fatale à la 3-MMC par injection rectale : à propos d’un cas - 29/04/23
, Magalie Loilier 1, Nolwenn Dohen 2, Jean-Emmanuel Remoue 2, Reynald Le Boisselier 3, Véronique Lelong-Boulouard 1, Joanna Bourgine 1Résumé |
Objectifs |
Nous présentons ici un nouveau cas d’intoxication fatale à la 3-méthylméthcathinone (3-MMC) chez un homme de 62 ans, qui aurait reçu une injection par voie rectale de 3-MMC selon ses partenaires, dans un cadre de soirée « chemsex ».
Méthode |
Une autopsie médico-légale est pratiquée et retrouve un syndrome asphyxique isolé, évoquant un décès toxique, ainsi que des ulcérations de la muqueuse rectale. La victime ne présente aucun antécédent ni traitement connu. Des prélèvements biologiques (sang, urine, liquide gastrique, bile) sont effectués en vue d’une analyse toxicologique de référence. Des recherches larges de substances toxiques, stupéfiantes et médicamenteuses sont faites sur les urines, la bile et le liquide gastrique par immunochimie et par méthodes séparatives, par chromatographie gazeuse couplée à un spectromètre de masse (GC/MS) et par chromatographie liquide couplée à un spectromètre de masse en tandem (LC/MS/MS), après extraction liquide-liquide. Les dosages quantitatifs spécifiques dans le sang sont réalisés par LC-MS/MS, exceptés le paracétamol quantifié par méthode immunoenzymatique EMIT®, le GHB par chromatographie gazeuse couplée à un spectromètre de masse en tandem (GC-MS/MS), et l’alcool par chromatographie gazeuse à espace de tête couplée à détecteur à ionisation de flamme (HS/GC-FID).
Résultats |
Après identification dans les urines et la bile (la GC-MS ayant permis de distinguer la 3-MMC de son isomère la méphédrone ou 4-MMC) la concentration sanguine de 3-MMC est mesurée à 1990μg/L. Plusieurs médicaments psychotropes sont également identifiés et quantifiés, tous sont en concentration sanguine thérapeutique ou infrathérapeutique : du nordazépam à 315μg/L et de l’oxazépam à 16μg/L (vraisemblablement issus d’une prise de prazépam retrouvé dans les urines), du zolpidem à 24μg/L, de la zopiclone à 25μg/L, du citalopram à 206μg/L, de la codéine à 188μg/L associée à son métabolite la morphine à 24μg/L, ainsi que du paracétamol à 9mg/L. Il n’est pas retrouvé d’alcool, ni de GHB associé.
Conclusion |
L’analyse toxicologique a montré une intoxication massive à la 3-MMC, associé à plusieurs médicaments psychotropes. La 3-MMC est un nouveau produit de synthèse (NPS) psychostimulant, appartenant à la classe des cathinones, Elle peut être sniffée, fumée ou injectée. Elle agit en augmentant la concentration synaptique de la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline, et possède de puissants effets euphorisants et entactogènes. La 3-MMC est fréquemment consommée au cours de soirées « chemsex », pour ses effets pouvant se manifester par une sensation d’énergie, d’augmentation de la concentration, un bien-être, un état d’euphorie et une augmentation de la libido. Elle peut être consommée seule ou en association à d’autres produits (GHB, poppers, médicaments contre la dysfonction érectile, metamphetamine…). La concentration mesurée en 3-MMC ici est très élevée, supérieure à toutes celles des cas d’intoxications létales publiées dans la littérature, y compris par voie rectale [Aknouche F et al. Fatal Rectal Injection of 3-MMC in a Sexual Context: Toxicological Investigations Including Metabolites Identification Using LC-HRMS. J Anal Toxicol 2022 Oct 14;46(8):949–955; Backberg M et al. Characteristics of analytically confirmed 3-MMC related intoxications from the Swedish STRIDA project. Clin Toxicol 2015;53(1):46–53]. Elle peut s’expliquer par la voie d’administration utilisée, qui permet de court-circuiter partiellement le premier passage hépatique dans la mesure où les veines hémorroïdales inférieures et moyennes ne rejoignent pas le système porte, augmentant ainsi la biodisponibilité. Cette concentration, de plus associée à un inhibiteur de recapture de la sérotonine, le citalopram, augmentant ainsi le risque de syndrome sérotoninergique (synergie pharmacodynamique), apparaît compatible avec la survenue d’effets toxiques majeurs tels qu’une hyperthermie, des convulsions et des troubles cardiovasculaires (tachycardie ou bradycardie, hypertension, arythmie cardiaque, collapsus cardiovasculaire), et est susceptible d’être à l’origine du décès.
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Vol 35 - N° 2S
P. S51 - mai 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
