Intoxication fatale par tramadol seul : de l’hyperthermie sévère à la défaillance multiviscérale - 24/09/23

Résumé |
Objectif |
Décrire et discuter un cas d’intoxication mortelle par tramadol.
Historique du cas |
Moins de 12heures après l’ingestion suicidaire de 7000 mg de tramadol à libération prolongée, une fille de 17 ans est retrouvée inconsciente au sol. L’examen clinique initial objective un coma (CGS à 3/15), des pupilles symétriques en mydriase bilatérale réactive, une hypoxie avec une SpO2 à 90 % sous oxygénothérapie à 15L/min, une tachycardie à 128bpm, une hypotension artérielle à 70/40mmHg et une hyperthermie à 38°7C.
Méthodes |
Description et discussion du cas, revue ciblée de la littérature.
Résultats |
L’administration de naloxone déclenche une crise tonicoclonique généralisée traitée par clonazépam. Aux urgences (SAU), la persistance du coma et la détresse respiratoire motivent la mise sous ventilation mécanique et le transfert en réanimation médicale. Un état de choc nécessite un remplissage vasculaire et l’administration de noradrénaline. Une pneumopathie d’inhalation hypoxémiante indique une antibiothérapie, une ventilation protectrice sous curarisation, la mise en décubitus ventral et l’administration de monoxyde d’azote. Conjointe à une rhabdomyolyse, l’hyperthermie reste incontrôlée malgré les antipyrétiques et le refroidissement externe. À 43,7°C de température corporelle, un arrêt cardiocirculatoire réfractaire compliquant une hyperkaliémie à 9,9 mmol.L−1 motive une assistance circulatoire par ECLS (Extra-Corporeal Life Support). Malgré les suppléances d’organes, l’évolution se fait vers une défaillance multiviscérale et le décès 24 h après l’admission. Au SAU, le screening toxicologique de routine par méthode immuno-enzymatique est négatif pour le panel de première intention incluant éthanol et paracétamol. Un screening non ciblé par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse haute résolution (LC-MSHR) réalisé sur le sang et les urines également prélevé au SAU met en évidence la présence de tramadol et de ses métabolites [1]. Hormis celles des traitements administrés, aucune autre molécule n’est identifiée. Les concentrations sériques du tramadol et du O-desméthyltramadol sont respectivement de 14 402,8 et 2667,2μg.L−1, et les concentrations urinaires de 848 et 161mg.L−1 (concentration sérique thérapeutique de tramadol : 100 à 800μg.L−1).
Discussion |
Les cas d’intoxication mortelle par tramadol seul sont rares. Le toxidrome associe classiquement nausées, agitation, convulsions et troubles de la vigilance. Une complication grave et rare est le syndrome sérotoninergique (SS) associant la triade : hyperréactivité neuromusculaire, hyperréactivité autonome (dont hyperthermie), et modification de l’état mental [2]. L’existence d’un SS secondaire à la prise de tramadol seul, sans co-exposition à une molécule sérotoninergique, reste débattue. Le présent cas clinique fait évoquer une hyperthermie dans le cadre d’un SS. L’hyperthermie maligne est un diagnostic différentiel. La particularité de ce cas est d’associer les différentes défaillances d’organes décrites dans la littérature (neurologique, cardiaque, hépatique et rénale). La gravité du tableau semble entretenue par l’hyperthermie incontrôlée. Une co-intoxication a pu être formellement écartée par un screening toxicologique par une technique de référence sur deux matrices différentes. Le tableau clinique atypique pourrait être expliqué par la dose ingérée ou par une anomalie génétique affectant les fibres musculaires striées ou le cytochrome P450, par exemple.
Conclusion |
L’hyperthermie est une complication rare mais grave d’une intoxication par tramadol dont les mécanismes restent mal compris. L’hyperthermie dans un contexte d’intoxication est un signe de gravité qui doit alerter le clinicien.
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Vol 35 - N° 3S
P. S112-S113 - octobre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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