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Le syndrome de Diogène, une approche transnosographique - 17/02/08

Doi : ENC-9-2004-30-4-0013-7006-101019-ART2 

C. Hanon [1],

C. Pinquier [2],

N. Gaddour [1],

S. Saïd [3],

D. Mathis [4],

J. Pellerin [2]

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On désigne par syndrome de Diogène un comportement acquis du sujet âgé, marqué par une extrême négligence de l’hygiène corporelle et de l’habitat, un repli sur soi avec refus de l’aide extérieure, et par une tendance à l’accumulation d’objets hétéroclites au domicile. Ce syndrome représente une entité clinique gériatrique particulière et de description relativement récente, puisque les deux articles princeps, par 2 psychiatres puis 2 gériatres, remontent à 1966 et 1975. Sa rareté contraste avec une notoriété qui doit autant à l’emprunt du nom du célèbre philosophe qu’à son caractère hors du commun. Il suscite toujours une fascination pour le clinicien confronté à ces patients vivant dans des conditions aberrantes, en marge de la société et en dehors du temps, n’ayant aucune critique de ce mode de vie et aucune demande d’aide. Ces patients sont découverts le plus souvent de façon fortuite, soit au décours d’une pathologie somatique, soit suite à une intervention sociale secondaire à leur comportement. La prise en charge de ces patients qui ne demandent rien est difficile et soulève des questions éthiques. De plus, l’évolution est grevée d’une mortalité extrêmement importante, estimée à 46 % dans les 5 ans. En dehors des situations mettant en jeu le pronostic vital, l’hospitalisation doit être évitée autant que possible au profit de solutions ambulatoires et de mesures sociales. La prescription de traitements psychotropes peut être nécessaire et dépend du tableau clinique et de la pathologie psychiatrique éventuellement retrouvée. Bien que plusieurs hypothèses cliniques aient été émises, la question d’un substrat étiopathogénique à ce trouble reste ouverte. La plupart des auteurs s’accordent pour dire que ce comportement n’est pas le reflet de l’expression du libre arbitre et par conséquent n’aurait aucun rapport avec le philosophe grec, Diogène de Sinope, qui enseignait le cynisme et le retour à la vie naturelle. Les critères diagnostiques développés n’ont pas fait l’objet de consensus, ils reprennent les principaux éléments qui définissent le syndrome et excluent pratiquement tout syndrome psychiatrique. Clark et Mankikar, les auteurs qui ont dénommé ce syndrome, pensent qu’il s’agit soit d’un mode de défense du sujet âgé en réaction à un stress, soit d’une évolution naturelle liée au vieillissement. Cependant, diverses pathologies psychiatriques et neurologiques ont été retrouvées associées au syndrome de Diogène. Dans la littérature, il est ainsi décrit des cas de psychoses paranoïdes, de psychoses paranoïaques, de troubles de l’humeur et de troubles obsessionnels compulsifs. L’addiction à l’alcool semble davantage un facteur aggravant qu’un facteur précipitant. La présence d’un syndrome de Diogène doit également faire rechercher une pathologie démentielle et notamment une démence fronto-temporale. Finalement, le rôle de ces pathologies dans la genèse de ce trouble reste indéterminé : s’agit-il de facteurs déclenchants, comorbides ou étiologiques ? Doit-on parler de ce syndrome en tant que « maladie » ou en tant que « symptôme » ? Nous proposons d’aborder le syndrome de Diogène comme un trouble du comportement et d’en distinguer 2 types : le syndrome de Diogène « actif » et « passif ». Les patients « actifs » entassent dedans ce qu’ils récoltent dehors et remplissent leur intérieur pour combler le vide d’une existence qui se dégrade et qui perd son attrait narcissique. Les patients « passifs » se font envahir passivement par leurs déchets et se laissent déborder par les accumulations qui s’entassent par défaut, par manque. Enfin, dans une démarche de compréhension psychopathologique de ce comportement, nous nous référons aux théories psychanalytiques du Moi-peau décrites par Anzieu. Le Moi-peau représente une structuration de l’appareil psychique fondée sur le principe que « toute fonction psychique se développe par appui sur une fonction corporelle dont elle transpose le fonctionnement sur le plan mental ». La peau recouvre alors 3 fonctions : celle d’enveloppe contenant, celle de barrière protectrice du psychisme et celle de lieu d’échanges. Le Moi-peau est organisé en « double paroi », à la fois barrière (mécanismes de défense psychiques) et filtre (entre le psychisme et le monde extérieur) et préserve ainsi la relation et la cohésion « contenant-contenu ». Lorsqu’une blessure narcissique intervient, le Moi-peau s’altère et perd sa fonction de contenant. Dans le syndrome de Diogène, les objets accumulés viennent « suturer » ce Moi-peau et le logement devient de nouveau « étanche », et par la même occasion s’oppose à toute intervention extérieure. Ce comportement revêt donc une fonction de suture psychique, de colmatage mais aussi et surtout une fonction vitale, comme un « aménagement pour la survie ».

Diogenes syndrome : a transnosographic approach

Diogenes syndrome is a behavioural disorder of the elderly. Symptoms include living in extreme squalor, a neglected physical state and unhygienic conditions. This is accompanied by a self-imposed isolation, the refusal of external help and a tendency to accumulate heteroclite objects. This particular geriatric syndrome has been described for the first time only quite recently, as the 2 primary descriptions by geriatricians and psychiatrists date from 1966 and 1975 respectively. Its rare occurrence contrasts with the fact that it is well-known, partly due to it being named after the Greek philosopher « Diogène de Sinope », who taught cynicism philosophy and a return to a natural way of life, and partly because of its rare characteristics. The Diogenes syndrome is a fascinating object of study for the clinician who takes care of patients living in uncommon conditions, on the edge of society and unaware of the particularity of their lifestyles. Patients suffering from Diogenes syndrome are usually discovered by chance, either because of a somatic illness, or as a result of social intervention related to their behavioural problems. Management of the syndrome is difficult and ethically challenging, as the patient does not seek help. Moreover, 46 % of patients have a 5 year mortality rate. Hospitalisation has to be avoided whenever possible and ambulatory treatment and social measures should be favoured. Psychotropic treatment prescription may be necessary, depending on clinical features and the possible underlying psychiatric disease. Although several clinical hypotheses have been suggested, the true ethiopathogeny of the syndrome remains unclear. Most authors agree that this behaviour does not reflect free will and has consequently no theoretical relationship to the Greek philosopher. There is no true consensus about diagnostic criteria. They include the main features of the syndrome and exclude known psychiatric syndromes. Clark and Mankikar, who named this syndrome, reckon it may represent stress-related defence mechanisms of the elderly or may be related to natural ageing process. However, psychiatric pathologies as paranoid and paranoiac psychoses, mood disorders and obsessive and compulsive disorders have been described to be associated with it in the literature. Dementia, in particular temporo-frontal dementia, should be looked for and excluded clinically. Alcohol abuse seems to be an aggravating rather than a precipitating factor. Finally, the link between these pathologies and Diogenes syndrome is not yet determined : are they triggering, co-morbid or etiological factors ? Should this syndrome be considered as a true illness or as a symptom ? This paper presents Diogenes syndrome as a behavioural disorder and distinguishes 2 types : the « active type » – patients who collect from outside to clutter inside – and the « passive type » – patients who passively become invaded by their rubbish. Active type patients fill their home to fill in the vacuum of their life, as it deteriorates and looses its narcissical appeal. Passive type patients accumulate by default and emptiness. A psychopathological understanding is presented here, referring to psychoanalytical theories of the Moi-peau (ego-skin) described by Anzieu. The Moi-peau represents a structure of the psyche founded on the following principle : any psychic function develops itself according to a bodily function from which it transposes its functioning at a mental level. The skin has three functions : the containing shell, the protective barrier of the psyche, and a medium of exchange. The Moi-peau is organised as a double-wall acting both as a defence mechanism and as a filter between the psyche and the external world. It preserves the relationship and the cohesion « container-content ». As a result of a narcissical wound, the Moi-peau is damaged and looses its function of a container. In the case of Diogenes Syndrome, the accumulated items repair the Moi-peau and the home becomes an « exterior-proof », thus playing the role of the Moi-peau. This behaviour therefore plays a repairing role for psychic functioning, allowing psychic survival.


Mots clés : Aménagement psychique , Démence fronto-temporale , Dépression , Moi-peau , Sujets âgés , Syllogomanie , Syndrome de Diogène , Trouble délirant , Trouble obsessionnel et compulsif.

Keywords: Depression , Diogenes syndrome , Elderly patients , « Moi-peau » , Obsessional and compulsive disorder , Psychic functioning , Psychotic disorder , Syllogomania , Temporo-frontal dementia.


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Vol 30 - N° 4

P. 315-22 - septembre 2004 Retour au numéro
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