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CHAPITRE 1
Introduction

A. GAUDRIC

Depuis son invention, il y a un peu plus de 25 ans, par James Fujimoto, David Huang et Eric Swanson [ 1 ], l' optical coherence tomography (OCT) a révolutionné l'imagerie oculaire, modifié notre démarche diagnostique et s'est imposé dans l'évaluation des traitements de la rétine. Il est remarquable que les deux premières publications ont porté sur la mesure de l'épaisseur des fibres optiques [ 2 ] et l'évaluation quantitative de l'œdème maculaire [ 3 ]. Après la rétine et le glaucome, l'OCT a été utilisé pour étudier la cornée et a gagné d'autres disciplines comme la pathologie vasculare, la gastro-entérologie et surtout la dermatologie (revue par J. Fujimoto [ 4 , 5 ]).
L'avènement de l'OCT s'inscrit dans une longue aventure technologique cherchant à employer les lasers pour étudier les tissus biologiques. C'est finalement l'utilisation du principe d'interférométrie avec une diode laser de basse cohérence émettant à environ 800 nm qui a permis d'obtenir les premières images tomographiques de la rétine (voir historique de la découverte de l'OCT par J. Fujimoto et E. Swanson [ 5 ]).
L'intérêt de l'OCT n'a pas été immédiat parmi les ophtalmologistes. L'utilisation de l'OCT a d'abord été modeste dans l'évaluation des indications et résultats de la chirurgie maculaire et l'exploration de l'œdème maculaire. Il a fallu attendre une dizaine d'années plus tard l'utilisation des traitements anti-vascular endothelial growth factors (anti-VEGF) et des premiers spectral domain-optical coherence tomographies (SD-OCT) pour observer une généralisation de cet examen et l'augmentation exponentielle des publications. L'utilisation de l'OCT comme moyen de diagnostic des maladies rétiniennes a, en fait, représenté un changement complet de paradigme par rapport à la période antérieure. L'angiographie à la fluorescéine avait révolutionné, à partir de 1965, le diagnostic des maladies rétiniennes. Toutes les maladies rétiniennes connues avaient été alors re-décrites à la lumière de la fluorescéine, et de nombreuses nouvelles maladies avaient été décrites notamment par J.D. Gass [ 6 ], L. Yannuzzi [ 7 ] et d'autres. Paradoxalement, cette technique ne montre pas la rétine. L'angiographie à la fluorescéine ne révèle que le contenu des vaisseaux rétiniens et, dans certaines circonstances pathologiques, des cavités intra- ou sous-rétiniennes se remplissant anormalement de colorant. L'innovation introduite par l'OCT a ainsi été de montrer la rétine nerveuse elle-même ou du moins les signaux détectés au niveau des interfaces entre différents éléments de la rétine neurogliale et de la faire apparaître dans sa structure laminaire. L'OCT s'est révélé capable de quantifier de façon fiable l'épaisseur rétinienne totale, l'épaisseur des cellules ganglionnaires ou des fibres optiques. Dans la rétine externe, il a été possible d'apprécier l'intégrité des photorécepteurs sur la présence de bandes hyper-réflectives dont la correspondance avec les données histologiques a été élucidée [ 8 , 9 ]. Une nouvelle sémiologie est alors apparue, nécessitant une nouvelle nomenclature [ 10 ] ou le recyclage de termes plus anciens. De plus en plus, l'OCT est devenu l'examen de première intention dans le diagnostic des maladies rétiniennes. La confrontation avec l'examen du fond d'œil ou la photocouleur ou un cliché en autofluorescence suffit souvent au diagnostic et réduit la part de l'angiographie à la fluorescéine dans de nombreux cas. Quant à l'OCT-angiographie (OCT-A), apparue récemment, elle replace le réseau vasculaire dans son contexte neuroglial. Ainsi, en une seule acquisition, OCT structurel et OCT-A donnent à voir à la fois la rétine neurogliale et son réseau vasculaire, produisant in vivo l'image la plus complète jamais obtenue de la rétine. Certes le champ d'acquisition de l'OCT-A est encore petit mais les swept source -OCT-A commencent à agrandir ce champ et de nombreux progrès technologiques sont à prévoir [ 11 ]. Les images ne sont pas dénuées d'artéfacts, la résolution pourrait être meilleure, mais l'OCT-A a encore réduit la place de l'angiographie avec colorant notamment dans le diagnostic de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) néovasculaire, bien que les cas atypiques, inhabituels et douteux justifient d'y avoir recours. L'OCT-A a aussi permis de déceler séparément les quatre niveaux superposés de plexus capillaires dans la rétine interne du pôle postérieur, une donnée qui n'avait jamais été prise en compte auparavant [ 12–14 ]. Si la mesure de la densité différentielle de ces différents plexus dans des maladies comme la rétinopathie diabétique reste encore du domaine de la recherche clinique, il est vraisemblable que, dans un proche avenir, l'extension du champ d'examen des capillaires modifiera profondément l'évaluation de la sévérité de la rétinopathie diabétique. Au lieu d'être estimée sur des signes indirects, elle sera évaluée par un examen direct non invasif de la perfusion capillaire, l'OCT structurel apportant la notion d'amincissement ou au contraire d'augmentation œdémateuse de l'épaisseur rétinienne.
Mais l'OCT n'est pas resté cantonné à la rétine, il est aussi devenu un examen précieux pour l'étude fine de la structure cornéenne et un examen facile à réaliser de l'angle irido-cornéen.
L'OCT est une technologie encore en pleine évolution. Comme depuis le début, cette dernière dépend des progrès technologiques dans le domaine des lasers et de la photonique, des modèles mathématiques d'exploitation du signal, de la disponibilité et du coût des composants électroniques et finalement du besoin clinique qui s'exprime [ 5 ]. L'évolution vers des sources laser toujours plus rapides est engagée (des prototypes fonctionnant à plus de 500 kHz existent déjà), celles-ci permettront l'acquisition de grandes surfaces du fond d'œil sans perte de résolution. D'autres voies sont explorées, comme le couplage à l'optique adaptative dont les prototypes montrent l'amélioration spectaculaire de la résolution latérale de l'OCT révélant les capillaires avec une netteté proche de l'histologie [ 15 ]. Ces progrès devraient ouvrir la voie à des explorations fonctionnelles telles que des mesures de débit sanguin ou des tests électrophysiologiques ciblés. D'autres développements sont aussi en cours qui doivent démontrer leur utilité comme l'introduction dans le microscope opératoire de l'image OCT en temps réel.
L'OCT oculaire reste un domaine dynamique d'innovations technologiques et de progrès dans l'étude des maladies oculaires. Ce rapport de la SFO est donc bienvenu. Leurs auteurs ont su couvrir tous les aspects de la spécialité où l'OCT montre son utilité, dans un esprit didactique et en recourant à une riche iconographie. On peut espérer qu'il sera utile au lecteur, car l'OCT facilite le diagnostic des maladies oculaires et particulièrement rétiniennes, ce dont on ne peut que se féliciter.
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