Si l'on considère la mortalité strictement imputable à l'anesthésie seule, sa sécurité s'est considérablement améliorée au cours des dernières décennies, la faisant citer en exemple pour sa maîtrise des risques tendant à atteindre un «  niveau de risque à six décimales  » , c'est-à-dire ayant atteint un niveau de maîtrise du risque permettant de délivrer 99,99966 % de «  produits finis  » exempts de défauts. Une simple préservation de ces acquis pourrait suffire en tant qu'objectif. L'analyse du contexte médical actuel nous enseigne qu'il n'en est rien. Tout d'abord, en raison de l'évolution de la population candidate aux soins. L'enquête NAP 7 nous révèle qu'au cours de la dernière décennie, les patients anesthésiés sont devenus plus âgés, porteurs de plus de comorbidités et plus fréquemment obèses. Ensuite, en raison de l'augmentation continue du nombre d'actes médicaux nécessitant une anesthésie, passé en France de 2 à 4 millions par an entre les deux enquêtes établissant les fondations de la spécialité, et aujourd'hui estimé à 13 millions. La dernière donnée à prendre en compte est l'augmentation du nombre d'actes anesthésiques «  hors chirurgie  » , qui constituent désormais plus de la moitié de l'activité anesthésique. Cette évolution est la traduction d'une modification de la typologie des interventions thérapeutiques, avec des contraintes propres qui sont autant de situations à risque bien décrites dans les enquêtes récentes sur les complications de l'anesthésie. Il s'agit de la multiplication des sites d'anesthésie, conduisant à un exercice en situation isolé, à des transferts de patient vers des structures postinterventionnelles communes ou des unités de soins éparses. Forte d'un solide référentiel et d'une culture normative marquée, l'anesthésie va devoir y ajouter, pour continuer à progresser, deux perspectives majeures : la culture sécurité et un positionnement envisageant le parcours du patient dans son entièreté, en commençant par son accès au soin.