J. Laloum
L’iridotomie périphérique (IP) doit être pratiquée au moindre doute de fermeture de l’angle.
La réouverture de l’angle peut nécessiter un traitement complémentaire.
L’iridoplastie n’est pratiquée qu’en cas de syndrome iris plateau, donc après IP.
La phako-exérèse (PKE) doit être envisagée dans l’arsenal thérapeutique.
La chirurgie filtrante nécessite des précautions particulières.
Les glaucomes mixtes (GM) se définissent par le mécanisme de l’hypertension oculaire, lié à la juxtaposition de deux obstacles :
un obstacle prétrabéculaire irien primitif ;
un obstacle trabéculaire, primitif lui aussi, persistant malgré la levée du premier obstacle.
Cette définition recouvre trois circonstances diagnostiques (voir chapitre 13-II) :
dans le suivi d’un GPAO, avec l’apparition secondaire d’un risque de fermeture ou d’une fermeture ;
devant une fermeture de l’angle (stade 2), quand il persiste une hypertension intra-oculaire (HTO) nécessitant un traitement, malgré une suppression satisfaisante du bloc pupillaire (BP) et de l’obstruction prétrabéculaire ;
devant un glaucome par fermeture primitive de l’angle (GFPA) (stade 3), l’IP seule ne permet de contrôler la pression intra-oculaire (PIO) que dans moins d’un cas sur deux [16]. Le diagnostic de glaucome mixte est dans ce cadre beaucoup plus rarement évoqué.
À l’issue du bilan de l’obstruction prétrabéculaire, le diagnostic de suspicion de fermeture de l’angle suffit dans le cadre particulier du glaucome ou de suspicion de glaucome pour imposer la levée du BP. Même si d’autres mécanismes interviennent, le BP est généralement prépondérant, et l’IP le traitement le plus simple en l’absence de cataracte. C’est donc seulement si la fermeture persiste après l’IP que la recherche des autres mécanismes, et leur traitement, est nécessaire.
Le BP est la résistance relative au passage de l’humeur aqueuse de la chambre postérieure à la chambre antérieure. Il crée un gradient d’autant plus important que l’iris est épais et que la cristalloïde antérieure est plus antériorisée par rapport à la racine de l’iris. Ce gradient provoque une convexité antérieure de l’iris dont la périphérie vient obstruer le trabéculum. L’objectif de l’IP est de supprimer le gradient entre les chambres pour aplanir l’iris. La meilleure vérification de l’efficacité de l’IP est à la fois structurale et fonctionnelle : un trou est transfixiant et d’un diamètre suffisant si l’iris est devenu plan.
La définition du risque de fermeture est discutée. En gonioscopie, elle est avérée quand le trabéculum postérieur n’est visualisé que sur 180° ou que l’angle est étroit (< 20°) sur deux quadrants. Certains préconisent l’IP systématique devant tout contact iridotrabéculaire, quelle que soit son étendue. Les preuves font défaut pour justifier cette attitude. Cependant, en cas de suspicion de fermeture dans le cadre d’un GPAO ou d’une suspicion de glaucome, la définition du risque de fermeture doit sans doute être la moins stricte possible.
En cas de cataracte, l’acuité visuelle et la flèche cristallinienne peuvent faire choisir la phako-exérèse (PKE) précoce d’emblée. Cette option est en cours d’évaluation par une étude prospective multicentrique [1].
Elle permet de mettre en tension les fibres iriennes radiaires (pilocarpine 2 % 40 minutes, 20 minutes et 10 minutes avant le laser), de limiter l’inflammation (collyre corticoïde débuté le jour du laser, quatre fois par jour pendant cinq jours) et d’écrêter le pic pressionnel (apraclonidine 1 % ou brimonidine, une heure avant le laser et quelques minutes après).
L’emplacement de l’IP doit être périphérique, et de préférence entre 11 heures et une heure Il est plus pratique de choisir le fond d’une crypte. Éviter les vaisseaux se révèle parfois difficile. Les verres le plus souvent utilisés sont ceux d’Abraham ou de Wise, qui permettent une concentration de l’énergie sur la périphérie de l’iris. Deux pièges sont à éviter :
Le rayon de visée est focalisé sur l’iris, puis avancé très légèrement dans le stroma. La puissance des impacts dépend des lasers et de la lentille utilisée (environ 3 mJ), ainsi que de l’épaisseur de l’iris. Le point important est la visualisation de la perforation : elle se traduit par un jet vers l’avant d’humeur aqueuse et de pigment, lié au gradient de pression. La première perforation effectuée, on agrandit le trou latéralement. Cet agrandissement peut généralement être réalisé avec une puissance inférieure à la puissance initiale. Un diamètre de 250 μ offre un débit d’humeur aqueuse suffisant pour supprimer le gradient entre les chambres antérieure et postérieure [2], permet de vérifier optiquement le caractère transfixiant de l’IP et évite une dispersion de pigment trop importante. La transillumination est un signe insuffisant : il faut voir la perforation. L’impression d’approfondissement de la chambre antérieure, immédiatement après l’IP, est due à l’aplatissement de l’iris (fig. 20-1).

Fig. 20-1 Iridotomie périphérique.
Une préparation par le laser argon peut être utile en cas d’iris marron épais et « velouté » ou de risque de saignement (vaisseaux iriens visibles, patients sous anticoagulants) :
20 à 40 impacts argon de faible puissance 120 mW, 0,05 s, de 50 μ de diamètre créent une zone de stroma irien piqueté de 250 μ de diamètre ;
puis 10 à 20 impacts argon de forte puissance 700 mW, 0,1 s, de 50 μ de diamètre produisent un cratère au niveau des fibres musculaires radiaires ;
l’IP est complétée au laser YAG par des impacts de 0,8 à 2 mJ, et le trou est élargi [3].
Un contrôle de la PIO une heure après le laser recherche un pic pressionnel, lié à la dispersion de pigment et à l’inflammation. Ce risque est accru dans les glaucomes mixtes et en cas de synéchies antérieures périphériques (SAP).
Un examen le lendemain contrôle la PIO et vérifie l’absence d’inflammation importante.
Une trop grande proximité avec l’endothélium cornéen impose deux précautions :
chercher un lieu plus favorable, légèrement plus postérieur (crypte) et/ou décalé en nasal ;
défocaliser vers l’avant les premiers impacts.
Un saignement par atteinte d’un petit vaisseau est fréquent et généralement sans conséquence. Une légère compression en appuyant sur le verre suffit généralement à l’interrompre. Si l’hémorragie gêne la visualisation du site, elle entraînera aussi une défocalisation de l’énergie du laser. Il faut alors attendre le retour à des conditions optimales. Un iris épais peut se révéler très difficile à perforer si l’on a choisi la technique YAG seule. Dans ce cas, le risque inflammatoire et hypertonique peut imposer la réalisation de l’IP en deux séances.
Une élévation de la PIO à sept jours peut être liée à la dispersion du pigment, à une inflammation persistante ou à l’utilisation de corticoïdes locaux. Elle est généralement transitoire.
Augmentation de la PIO : elle est favorisée par une dispersion importante de pigment et/ou par des SAP extensives limitant la surface de trabéculum fonctionnel.
Synéchies postérieures : elles préexistent parfois au laser (traitement myotique prolongé). Les synéchies postérieures secondaires à l’inflammation post-laser peuvent survenir malgré le traitement anti-inflammatoire systématique. Un traitement mydriatique précoce après l’IP peut les faire céder.
Aggravation d’une cataracte [10].
Atteinte de l’endothélium cornéen : directe (brûlure, disruption) ou indirecte (échauffement, pic pressionnel, turbulences de l’humeur aqueuse) ; atteinte progressive liée aux contraintes de cisaillement provoquées par les modifications du flux d’humeur aqueuse [29], dont l’importance reste discutée [8]. Une décompensation endothéliale majeure a, en revanche, été décrite après IP par laser argon seul.
Image parasite (voir plus haut).
Les complications graves sont exceptionnelles (glaucome malin très rare, complications choriorétiniennes [9]).
Une gonioscopie pratiquée dès que possible évalue les modifications de l’angle (gain moyen de deux grades dans la classification de Shaffer [13]). En cas de doute persistant sur la levée du BP, le meilleur critère est fourni par l’OCT-SA (OCT du segment antérieur) qui visualise l’aplanissement de l’iris, preuve de la suppression du gradient de pression de part et d’autre de l’iris, et non pas sur la visualisation par OCT ou biomicroscopie par ultrasons (UBM) de l’IP elle-même.
Une cataracte significative peut faire choisir la PKE d’emblée. L’indication est posée sur deux paramètres : l’acuité et la gêne visuelle, et la flèche cristallinienne (voir chapitre 13-II). La PKE pratiquée en l’absence d’IP entraîne une ouverture de l’angle de 27,4° en moyenne [20].
Son intérêt dans la levée du bloc pupillaire est en cours d’évaluation en cas d’insuffisance du traitement médical et physique initial [1].
Après levée du bloc pupillaire par IP, la persistance d’une fermeture significative impose un traitement complémentaire de l’obstruction prétrabéculaire. Ce traitement dépend de l’étiologie.
L’indication du traitement dépend de la hauteur et de l’étendue de la fermeture en degré. Si la fermeture est incomplète, une épreuve de provocation à la néosynéphrine peut aider à préciser le retentissement pressionnel et guider l’indication thérapeutique. Deux traitements peuvent être proposés : l’iridoplastie et l’instillation de pilocarpine. La place de la PKE reste encore mal définie.
L’application sur l’extrême périphérie de l’iris d’impacts de laser argon provoque la contraction par brûlure du stroma irien entre le site de l’impact et l’angle, ouvrant mécaniquement l’angle [17] en éloignant l’iris du trabéculum et en l’amincissant. La contraction initiale du collagène est suivie du développement d’une membrane fibroblastique contractile qui pérennise l’effet initial [19]. Les lasers diode ou YAG doublé peuvent aussi être utilisés. L’efficacité de l’iridoplastie fait consensus [17], mais n’a pas encore été établie de façon indiscutable [22, 28].
La préparation de l’œil est identique à celle décrite pour l’IP. Le patient est prévenu qu’un léger inconfort, voire une sensation de cuisson, peut accompagner les impacts. On utilise le verre d’Abraham avec un liquide de couplage. Les impacts sont focalisés sur l’extrême périphérie de l’iris, en demandant au patient de regarder en direction opposée à celle du lieu de l’impact. Une règle est de voir le laser de visée chevaucher la sclère au limbe. Les paramètres sont choisis pour optimiser l’effet thermique : impacts de grande surface (500 μ) et de puissance modérée (elle dépend de la couleur de l’iris, on commence à 100 mW) sur des temps longs (0,5 à 0,7 s). Le contrôle se fait en visualisant la rétraction produite. L’absence d’effet doit faire augmenter l’intensité, et la production de bulles indique une intensité beaucoup trop élevée. Il est important de respecter le temps d’application en ne relâchant pas l’appui sur la pédale. L’espace laissé entre deux impacts fait la taille de deux impacts. Le traitement est inefficace sur les zones de SAP.
En cas de plateau très abrupt, le verre à gonioscopie de Goldmann permet de mieux atteindre la périphérie, mais les impacts sont plus tangentiels. On utilise des impacts plus petits (200 μ), en se méfiant du risque d’atteinte trabéculaire.
Un contrôle à une heure vérifie l’absence de pic pressionnel et d’inflammation du segment antérieur.
Le collyre corticoïde (quatre fois par jour) est poursuivi une semaine.
À distance, la réouverture de l’angle est précisée par la gonioscopie et éventuellement l’OCT-SA et/ou l’UBM.
En cas d’ouverture insuffisante, la contraction produite par les impacts rend accessible à un deuxième traitement une zone plus périphérique de l’iris, permettant une meilleure efficacité des nouveaux impacts [18] (fig. 20-2).

Fig. 20-2 a. Syndrome iris plateau avant iridoplastie. b. Syndrome iris plateau après iridoplastie. (Clichés : P. Hamard.)
Les pics pressionnels, rares mais possibles, justifient le contrôle de la PIO après la séance et un traitement spécifique.
Une inflammation importante, généralement provoquée par un traitement trop agressif, peut être responsable de SAP.
Une corectopie, voire une mydriase gênante, peuvent survenir, par atteinte des filets iriens parasympathiques. La pilocarpine est peu efficace. Le retour spontané à la normale, probablement par réinnervation, est la règle, mais peut être lent [4].
Les brûlures de l’endothélium sont rares.
La pigmentation des zones traitées sur iris clairs est habituelle et rarement gênante esthétiquement. En revanche, un risque d’atrophie de l’iris existe en cas d’impacts confluents [18].
Le traitement par pilocarpine (éventuellement diluée) instillée trois à quatre fois par jour (ou seulement le soir en cas d’effets indésirables) peut être proposé en cas de refus ou d’échec de l’iridoplastie [15], en tenant compte des effets secondaires. Il faut en particulier se méfier d’un effet paradoxal en cas de facteur cristallinien associé. Son efficacité est contrôlée par gonioscopie et éventuellement OCT-SA.
En cas d’échec de l’iridoplastie, la PKE a été proposée. Elle peut en effet provoquer une légère bascule postérieure des procès ciliaires [14]. Son inefficacité à rouvrir l’angle en cas de syndrome iris plateau pur a cependant été démontrée [26]. Son indication peut être envisagée en cas de mécanisme mixte, le paramètre discriminant principal étant la flèche cristallinienne [12] (voir plus loin).
Il peut nécessiter une iridoplastie, voire dans de rares cas une iridectomie chirurgicale large [6].
Le cristallin peut, malgré la levée du BP par IP, plaquer directement la périphérie de l’iris contre le trabéculum. La PKE pratiquée après IP ouvre l’angle et entraîne une baisse pressionnelle d’autant plus importante que l’angle était étroit [20]. Elle entraîne aussi un recul des procès ciliaires (voir plus haut) et une levée partielle des SAP, d’autant plus importante qu’elles sont étendues. L’efficacité pressionnelle de l’intervention n’est pas liée seulement aux modifications anatomiques : le stress ultrasonique activerait la sécrétion d’interleukine-1, et la bascule postérieure du complexe iridozonulaire produirait une traction sur l’éperon responsable d’une facilitation trabéculaire [11].
Les facteurs prédictifs de l’efficacité pressionnelle de la PKE sont une PIO élevée, l’étroitesse de la chambre antérieure, l’étroitesse de l’angle et l’étendue des SAP [20]. L’analyse biométrique (OCT-SA et UBM) fait ressortir l’importance de la flèche cristallinienne dans le choix des indications.
L’étroitesse de la chambre antérieure, la taille du cristallin et le myosis fréquent augmentent la difficulté de l’intervention, expliquent la fréquence supérieure à la normale des complications peropératoires et justifient des précautions particulières (longueur suffisante de l’incision, rhexis sur visqueux dispersif et utilisation « facile » des rétracteurs à iris).
La PKE s’accompagne d’une levée au moins partielle des SAP, par hyperpression dans la chambre antérieure liée à l’injection du viscoélastique puis aux échanges fluidiques, et par modification de la tension sur la racine de l’iris. Cette étape peut être complétée par une goniosynéchiolyse mécanique directe.
À l’issue du traitement de l’obstruction prétrabéculaire, la persistance d’une hypertonie que n’explique pas l’étendue de la fermeture séquellaire définit le glaucome mixte.
Ce sont ceux du GPAO (traitement médical, laser et chirurgie) en dehors de quelques particularités.
La trabéculoplastie à l’argon est contre-indiquée, et la trabéculoplastie sélective est limitée aux cas où la réouverture de l’angle est suffisante.
Même si la fermeture résiduelle de l’angle ne semble pas expliquer la persistance de l’HTO par définition même des glaucomes mixtes, il paraît logique, en l’absence d’étude spécifique, d’éclairer les particularités chirurgicales des glaucomes mixtes par les études concernant les GFPA.
Une comparaison rétrospective entre PKE et trabéculectomie montre un léger avantage pressionnel à cette dernière au prix de complications plus fréquentes [5].
Une comparaison prospective randomisée entre PKE et trabéculectomie, en l’absence de cataracte, sur des patients non équilibrés médicalement, montre une efficacité pressionnelle comparable avec un traitement comprenant un collyre de plus dans le groupe PKE. Les complications sont beaucoup plus nombreuses dans les trabéculectomies. On note l’apparition d’une cataracte à deux ans dans 33 % des cas [23]. Or une PKE pratiquée moins de deux ans après la trabéculectomie diminue significativement l’efficacité de cette dernière [7].
Des études prospectives randomisées ont comparé PKE seule et chirurgie combinée sur des patients présentant une cataracte :
chez des patients équilibrés médicalement, la chirurgie combinée montre une meilleure efficacité pressionnelle que la PKE seule, sans conséquence significative de la progression du glaucome à deux ans, mais plus de complications postopératoires. Dans le groupe « PKE seule », un seul œil sur 35 avait nécessité une trabéculectomie ultérieure à deux ans [24] ;
chez les patients non équilibrés, la chirurgie combinée montre une meilleure efficacité pressionnelle moyenne, mais plus de complications et une progression glaucomateuse à deux ans supérieure. Sur 27 patients ayant subi une « PKE seule », quatre avaient nécessité une trabéculectomie à deux ans [25].
Les risques liés à la biométrie particulière doivent être spécifiquement redoutés. En particulier, une filtration d’emblée trop importante expose au risque d’effacement complet de la chambre antérieure, avec contact iridocristallinien. Le glaucome malin est aussi plus fréquent sur ces terrains. Une suture suffisamment serrée du volet, avec contrôle peropératoire du flux, est une précaution importante, ainsi que la suture soigneuse de la conjonctive, avec contrôle peropératoire de l’étanchéité.
Leur indication sur ces angles étroits est très limitée en raison du risque d’adossement irien. Certains opérateurs proposent en regard de la sclérectomie de préparer l’intervention avec une IP, ou de la compléter en peropératoire par une iridectomie (incision cornéenne inverse, incision cornéenne antérieure à la sclérectomie, pratiquée sous le volet).
Le glaucome mixte est évoqué devant la persistance d’une hypertonie malgré une levée « suffisante » d’un obstacle prétrabéculaire primitif, ou bien au cours du suivi d’un GPAO devant l’apparition d’un obstacle prétrabéculaire primitif. Dans ces deux cas, c’est l’étude dynamique de l’obstruction prétrabéculaire et de son mécanisme qui guide le traitement. Un obstacle prétrabéculaire réversible résiduel, quelle que soit son étendue, doit être considéré a priori comme une des composantes du mécanisme de l’HTO, et donc être levé quand c’est possible. Le facteur cristallinien joue un rôle pivot. Son évaluation est un facteur clé de la démarche thérapeutique (fig. 20-3).

Fig. 20-3 Arbre décisionnel.
Retenir
Un diamètre de 300 μm suffit pour qu’une IP soit efficace.
L’iridoplastie doit être réalisée en extrême périphérie.
Le traitement du facteur cristallinien réclame une prudence particulière.
La réalisation de la trabéculectomie doit prendre en compte le risque de glaucome malin.
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P. Germain
La bonne stratégie chirurgicale est celle qui tient compte de la sévérité et du statut évolutif de la maladie glaucomateuse.
Le choix de l’implant peut affecter les aptitudes visuelles du patient glaucomateux.
L’utilisation des implants « premium » en cas de chirurgie combinée n’est pas recommandée.
En cas de glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) avéré, l’utilisation des implants multifocaux doit être évitée pour la chirurgie de la cataracte seule.
Une analyse clinique précise de la cataracte à la lampe à fente, conjuguée à une analyse subjective de l’acuité visuelle, permet de déterminer son rôle dans la plainte fonctionnelle du patient glaucomateux. L’âge augmente la prévalence du glaucome mais également celle de la dégénérescence maculaire. L’analyse ophtalmoscopique du fond d’œil, parfois gênée par une cataracte dense, doit être complétée si nécessaire par un examen en OCT.
Il faut repérer des difficultés opératoires potentielles afin d’être en mesure d’anticiper des gestes techniques chirurgicaux spécifiques. Il est en effet fréquent d’être confronté, chez un patient glaucomateux, à une dilatation pupillaire médiocre, telle qu’on peut la voir en cas de syndrome pseudo-exfoliatif, ou plus rarement maintenant chez un patient traité au long cours par un collyre myotique. Des synéchies iridocristalliniennes, voire une séclusion pupillaire, peuvent se constater chez un patient au passé uvéitique, ou encore après réalisation ancienne d’une iridotomie au laser. L’état zonulaire est également apprécié, même si la constatation d’une zonulolyse est généralement une découverte peropératoire, plus fréquente en cas de syndrome exfoliatif. Le chirurgien prenant en charge ces patients doit avoir une bonne connaissance des techniques de dilatation de la pupille et de mise en place d’un anneau capsulaire.
Le syndrome de l’iris flasque peropératoire (intraoperative floppy iris syndrome) est une entité de plus en plus fréquemment rencontrée. La tamsulosine est un antagoniste des récepteurs α1 qui réduit la contraction des muscles de la prostate et de l’urètre. Elle peut aussi bloquer sélectivement les récepteurs α1 du muscle dilatateur de l’iris, empêchant ainsi la mydriase lors de la chirurgie de la cataracte. Ce produit est très utilisé pour la prise en charge des symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Son utilisation chronique conduit au moment de l’intervention de la cataracte à une trilogie : iris devenant flasque et s’enroulant en réaction aux courants d’irrigation peropératoires, prolapsus vers les incisions de phaco-émulsification et survenue rapide d’un myosis peropératoire. Ce syndrome augmente les risques de complications durant la chirurgie. Lorsqu’une exposition antérieure à la tamsulosine est connue, des procédures peuvent être mises en œuvre afin de réduire les risques chirurgicaux. L’arrêt préopératoire de ce produit semble inefficace. L’administration d’atropine 1 % trois fois par jour pendant les deux jours qui précèdent l’intervention peut être utile. L’utilisation peropératoire de rétracteurs d’iris à crochets, l’injection de phényléphrine intracamérulaire et l’emploi de produits visqueux hyper-cohésifs apportent un confort opératoire renforcé.
L’état angulaire conditionne le choix de la technique opératoire. Il faut prêter attention à l’existence de synéchies angulaires. La bonne ouverture angulaire est la condition obligatoire autorisant la réalisation d’une chirurgie du glaucome non perforante. Un angle étroit ne contre-indique pas cette technique, car l’intervention de la cataracte va permettre un élargissement angulaire. Un antécédent de trabéculoplastie au laser à l’argon, par la fibrose des tissus trabéculaires qu’elle induit, pourrait être un facteur d’échec d’une chirurgie du glaucome non perforante [20]. Cela est controversé, mais il serait souhaitable de prendre l’habitude de respecter les méridiens supérieurs lors de la réalisation de ce traitement laser.
Une analyse précise du degré de sévérité du glaucome, du statut évolutif de la maladie, de l’importance et de la tolérance du traitement médical est indispensable car ces éléments influencent eux aussi le choix de la technique opératoire.
À l’issue de ce bilan clinique, il n’est pas toujours facile de déterminer de façon formelle le pronostic de récupération fonctionnelle postopératoire. Le patient doit être parfaitement informé de cette difficulté. Il faut également penser à lui rappeler qu’une chirurgie de la cataracte ne permettra pas de restaurer un champ visuel altéré par la maladie glaucomateuse.
Le principe est ici posé que le patient présente une cataracte à un stade chirurgical et un glaucome de gravité variable.
La phaco-exérèse induit une baisse pressionnelle modérée (voir chapitre 13-VII), d’autant plus importante que la pression intra-oculaire (PIO) de départ est élevée, et d’autant moins importante que le patient est glaucomateux [5, 24].
Un patient présentant un glaucome débutant ou modéré (ou bien sûr une simple hypertension intra-oculaire) bien équilibré par un traitement médical simple parfaitement bien suivi pourra donc bénéficier d’une chirurgie de la cataracte seule.
Il faudra savoir détecter un pic pressionnel précoce en postopératoire et mettre en œuvre le traitement nécessaire [7]. L’existence d’un syndrome pseudo-exfoliatif doit rendre le praticien encore plus vigilant [14]. Le traitement d’une hypertension postopératoire fera appel de façon préférentielle aux bêtabloquants et/ou aux inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et/ou aux α-adrénergiques.
Lorsque cette option thérapeutique est prise, la question du maintien ou non du traitement antérieur doit être posée. Le plus souvent, la poursuite du traitement est recommandée puisque le gain pressionnel espéré chez un patient glaucomateux avec une PIO bien équilibrée semble bas. Les analogues des prostaglandines ont été mis en cause dans la survenue d’un œdème maculaire cystoïde après chirurgie de la cataracte, essentiellement en cas de facteur de risque associé (membrane épirétinienne, uvéite, diabète, occlusion veineuse, rupture capsulaire) [9]. Ces rapports d’observation décrivent une résolution rapide à l’arrêt du traitement par prostaglandines et avec la mise en place d’un traitement topique anti-inflammatoire (stéroïdien ou non stéroïdien). Aucune conclusion scientifique, issue des résultats d’études prospectives randomisées bien conduites, n’est à ce jour apportée. Des observations identiques ont d’ailleurs pu être retrouvées en cas d’utilisation de bêtabloquants, et le rôle du conservateur a pu être incriminé [17]. Certaines études OCT montrent que l’utilisation de latanoprost n’augmente pas l’épaisseur maculaire lorsque ce traitement est initié au moins quatre mois après la chirurgie [18]. Les cas rapportés d’œdème maculaire cystoïde survenant après une chirurgie non compliquée surviennent dans la période postopératoire précoce, lorsque la barrière hémato-aqueuse est instable. Il n’y a pas de consensus absolu sur l’attitude vis-à-vis de cette classe thérapeutique dans la période péri-opératoire. Certains préfèrent stopper ce traitement quelques jours avant la chirurgie, puis pendant quatre à six semaines ; d’autres ne l’interrompent pas. Par ailleurs, le patient glaucomateux est plus susceptible de développer une hypertension cortisonique. Il faudra selon les cas savoir adapter le rythme d’instillation et la durée de ce traitement postopératoire.
Cette chirurgie de la cataracte n’est cependant pas à considérer comme un traitement à part entière du GPAO. L’impact de la phaco-exérèse dans la prise en charge thérapeutique du glaucome chronique par fermeture de l’angle semble mieux établi : la phaco-émulsification seule pourrait être le traitement de choix en cas de glaucome chronique par fermeture de l’angle, contrôlé ou non médicalement, associé à une cataracte, comparativement à une chirurgie combinée. L’effet pressionnel de la phaco-exérèse seule est certes un peu moins bon, mais les complications sont plus fréquentes en cas de chirurgie combinée [26, 27].
Si une chirurgie filtrante devenait nécessaire chez un patient opéré de cataracte, il est montré que, avec les techniques actuelles de phaco-émulsification, les résultats pressionnels d’une trabéculectomie sont aussi bons que chez un patient phake [4, 13]. Il semble en effet que le principal facteur d’échec d’une trabéculectomie sur un œil opéré de cataracte soit la manipulation conjonctivale qui n’a plus lieu d’être avec les techniques actuelles de phaco-émulsification [1].
La trabéculoplastie sélective peut être utile pour contrôler la maladie glaucomateuse d’un patient opéré de cataracte. La réduction pressionnelle obtenue par cette technique semble moins bonne à deux semaines lorsqu’elle est réalisée chez un patient pseudo-phake, mais sans différence statistique de 3 à 30 mois [23]. La trabéculoplastie sélective semble être un peu plus efficace que la trabéculoplastie au laser à l’argon chez le patient pseudo-phake [22]. Il est important de respecter le quadrant supérieur de trabéculum lors de la réalisation de la trabéculoplastie pour autoriser la réalisation ultérieure d’une sclérectomie profonde avec une efficacité pressionnelle maximale.
La réalisation d’une capsulotomie au laser YAG peut entraîner une élévation pressionnelle à long terme, en particulier chez les patients glaucomateux [6]. Il est cependant difficile de conclure si la progression de la maladie est directement liée à la capsulotomie ou s’il s’agit d’un facteur indépendant [15]. Quoi qu’il en soit, une vigilance accrue est recommandée dans les semaines et mois qui suivent la réalisation d’une capsulotomie chez un patient glaucomateux.
Un patient avec un glaucome sévère non contrôlé malgré un traitement maximal tolérable devrait bénéficier d’une chirurgie du glaucome seule. En effet, chez ces patients dont le pronostic visuel est engagé, l’abaissement pressionnel rapide est la priorité. Cette option thérapeutique est également à étudier en cas de chirurgie de cataracte à haut risque de complication, comme par exemple en cas de sub-luxation cristallinienne, ou si le potentiel de récupération fonctionnelle semble limité (DMLA, trou maculaire, séquelles vasculaires, etc.).
Le chirurgien doit chercher à obtenir des valeurs pressionnelles basses et l’utilisation d’antimitotique est généralement requise. En effet, une chirurgie de cataracte réalisée secondairement pourrait être responsable d’une légère remontée pressionnelle [3]. Le risque de mise en danger du fonctionnement de la bulle semble cependant plus limité avec les techniques actuelles de phaco-émulsification, et réaliser cette chirurgie au moins trois mois après la chirurgie filtrante est un facteur protecteur de maintien d’un bon équilibre pressionnel [28].
Le rôle cataractogène d’une trabéculectomie est bien connu et, sur une cataracte déjà présente, ce geste chirurgical peut accélérer sa maturation. Il peut même arriver que, à la suite de phénomènes inflammatoires ou d’une hypothalamie prolongée, la cataracte devienne totale. Le geste chirurgical ultérieur cristallinien n’en sera alors que plus délicat.
L’essor et la popularité de la chirurgie combinée se sont développés depuis l’introduction de la phaco-émulsification. À l’époque des larges incisions et des grandes trabéculectomies, les suites opératoires étaient souvent mouvementées. La phacotrabéculectomie avec application de mitomycine C reste la chirurgie standard aux États-Unis. Les complications de cette technique restent tout de même importantes, précoces et parfois tardives. La phacotrabéculectomie reste une technique très employée en France, car la trabéculectomie est une technique maîtrisée par la plupart des chirurgiens du segment antérieur. Elle est incontournable en présence de synéchies angulaires supérieures. Les techniques non perforantes, en plus d’une efficacité pressionnelle tout à fait correcte, ont démontré leur faible taux de complications postopératoires. L’association d’une technique non perforante du glaucome et d’une chirurgie de cataracte, donc à globe ouvert, peut paraître contradictoire. Toutefois, l’important ici est d’avoir une chirurgie du glaucome avec des suites opératoires simples. Certaines techniques sont en cours d’évaluation (phaco-émulsification avec différents types d’implants, phaco-émulsification avec trabéculectomie interne, etc.) et sont l’affaire d’équipes très spécialisées. La phacosclérectomie et la phacoviscocanalostomie sont les techniques les plus répandues. Avec une phacosclérectomie, les suites opératoires sont pratiquement les mêmes qu’avec une chirurgie de cataracte seule. Il est ainsi séduisant de proposer cette technique au patient, celui-ci étant facilement conquis par l’idée de ne plus avoir à instiller un traitement local chronique parfois lourd et mal toléré. Ainsi, les indications de cette technique sont larges. Il s’agit en général de patients avec un glaucome modérément évolué, contrôlé ou non médicalement. Les indications peuvent être étendues à des formes débutantes si le traitement médical est lourd, mal supporté, mal suivi, ou encore en présence d’un syndrome pseudo-exfoliatif. Elles peuvent concerner également des formes plus graves, si la maladie glaucomateuse est bien stabilisée ou chez un patient pour qui la réalisation de deux séances chirurgicales séparées serait trop lourde.
Les attentes réfractives d’un patient opéré de cataracte sont désormais élevées. Le patient glaucomateux ne déroge pas à cette règle. Il faut pouvoir cependant expliquer au patient les spécificités liées à son glaucome sur le choix de l’implant. L’utilisation d’implants pliables en acrylique hydrophobe ou, de façon plus controversée, en silicone de dernière génération est la règle. Leur emploi chez le patient glaucomateux a été validé [12].
La réhabilitation visuelle d’un patient opéré de cataracte est directement liée à la qualité et donc à la prédictibilité du calcul d’implant. Une chirurgie du glaucome entraîne un abaissement pressionnel qui va être responsable de modifications biométriques. Une diminution de la longueur axiale, une diminution de la profondeur de la chambre antérieure et un astigmatisme cornéen induit sont attendus. Aussi, en cas de réalisation d’une chirurgie combinée, il faudra anticiper cette hypermétropisation induite en visant une légère myopisation lors du calcul d’implant. Ce risque semble majoré en cas de myopie forte, de pression oculaire préopératoire élevée ou encore chez les patients plus jeunes ayant une plus grande élasticité sclérale [25].
À l’inverse, une légère remontée pressionnelle est classique après une chirurgie de cataracte chez un patient ayant antérieurement bénéficié d’une chirurgie filtrante efficace. La longueur axiale du globe oculaire augmente en moyenne de 0,275 mm [2]. Le risque va donc être ici d’avoir un certain degré de myopisation de l’œil en postopératoire [19]. Une mesure de la longueur axiale chez tous les patients phakes avant une chirurgie filtrante ne permettrait pas d’éviter cette approximation éventuelle, car il est difficile de prévoir la modification pressionnelle induite par la chirurgie de la cataracte [2].
Les techniques biométriques non contact doivent être privilégiées pour éviter d’indenter un œil trop mou et risquer d’obtenir une longueur axiale sous-estimée [19].
Le GPAO et la cataracte sont deux pathologies qui entraînent une diminution de la sensibilité aux contrastes. L’emploi d’un implant asphérique, corrigeant l’aberration sphérique cornéenne, pourrait augmenter la sensibilité aux contrastes. L’intérêt de l’emploi de ce type d’implant pourrait donc être renforcé chez le patient glaucomateux [25].
Le bénéfice de l’utilisation des implants jaunes, filtrants les UV et la lumière bleue, est très controversé. Le rôle protecteur maculaire est incertain. Les performances visuelles ne semblent pas être affectées (acuité visuelle, sensibilité aux contrastes, vision des couleurs). Un effet nocif sur la vision scotopique et sur le rythme circadien a été avancé, mais cet effet serait minimal et infraclinique [8].
Les implants multifocaux sont responsables d’une baisse de sensibilité aux contrastes. Ils entraînent aussi une perte globale de sensibilité au relevé du champ visuel, perturbant la surveillance du patient atteint de GPAO. Il faut cependant noter que les données bibliographiques sur l’utilisation de ces implants en cas de glaucome sont faibles. Une étude isolant une sous-population de patients hypertones ou glaucomateux indique une meilleure acuité visuelle de près non corrigée dans le groupe multifocal versus le groupe monofocal, mais l’échantillon est faible et le degré de sévérité de la maladie glaucomateuse n’est pas précisé [11]. Ces implants sont par ailleurs responsables d’artéfacts en OCT, ce qui peut aussi altérer la qualité du suivi d’un patient glaucomateux [10]. Ils doivent donc, dans l’état actuel de nos connaissances, être contre-indiqués chez le patient atteint de GPAO avéré, au stade de GPAO modéré et au-delà. Devant un GPAO débutant bien équilibré, en fonction de l’âge du patient, de l’estimation de son espérance de vie et des possibilités de surveillance (après lui avoir donné une information claire et bien comprise des résultats possibles et du rapport bénéfice/risque), la décision de la pose d’un implant multifocal peut être prise après une décision partagée avec le patient.
Pour ces implants premium (implants toriques et multifocaux), la précision de la biométrie doit être parfaite, et les problèmes spécifiques au patient glaucomateux ont été exposés. Une modification de l’axe de l’astigmatisme et/ou une variation de la profondeur de la chambre antérieure sont possibles en cas de chirurgie combinée, ou lors de la réalisation de la chirurgie filtrante avant ou après la chirurgie de cataracte. La prédictibilité réfractive est dans ce cas encore plus aléatoire.
Une chirurgie de la cataracte chez un patient glaucomateux est parfois délicate et l’état zonulaire incertain. L’emploi d’un implant multifocal ou torique nécessite un parfait centrage dans le sac capsulaire. Une chirurgie combinée, la phacotrabéculectomie en particulier, est parfois compliquée d’un décentrement secondaire de l’implant, voire d’une capture de l’optique par l’iris en cas d’hypothalamie postopératoire. Le résultat réfractif dans ces cas pourrait là aussi devenir incertain. Si la phacosclérectomie autorise des suites opératoires plus simples, une complication peropératoire est malheureusement toujours possible. Le suivi réfractif sera plus délicat en cas de conversion de cette chirurgie en phacotrabéculectomie. Si les considérations fonctionnelles interviennent dans le choix d’un implant multifocal, la possibilité de problèmes mécaniques pourrait donc être rédhibitoire. Cette analyse est également valable pour l’utilisation des implants toriques, dont l’essor est actuellement important.
En pratique, toute chirurgie qui ne peut assurer un parfait centrage de l’implant en postopératoire représente une contre-indication à l’utilisation d’un implant multifocal ou torique. La chirurgie combinée fait partie de cette catégorie.
Si la décision est prise d’opérer la cataracte seule, ce sont les considérations fonctionnelles qui vont intervenir. L’utilisation d’un implant torique n’est pas contre-indiquée. Une intervention filtrante ultérieure pourrait modifier la réfraction, mais ces patients présentant un glaucome débutant ou modéré ne sont pas concernés à court ou moyen terme par cette éventualité. Compte tenu des altérations fonctionnelles engendrées par les implants multifocaux, leur utilisation chez un patient porteur de GPAO est actuellement contre-indiquée. Un patient glaucomateux nécessitant une chirurgie de la cataracte est en règle générale plus concerné par l’avenir de son glaucome que par le fait de ne plus porter de lunettes après la chirurgie. Une exception pourrait être représentée par l’hypertension intra-oculaire isolée du sujet âgé bien contrôlée par un traitement médical [20].
Cette stratégie thérapeutique (tableau 20-1) pourrait être remise en question dans l’avenir en raison de l’évolution des techniques. En effet, l’utilisation du laser femtoseconde se développe rapidement pour la chirurgie de la cataracte, facilitant la réalisation et la précision de certaines étapes : bon positionnement des incisions cornéennes, découpe d’un capsulorhexis de diamètre constant et parfaitement circulaire. Il semble tout à fait envisageable qu’à court ou moyen terme ce type d’appareil puisse prendre en charge tout ou partie d’une chirurgie du glaucome non perforante. La chirurgie combinée deviendrait alors plus sûre et, surtout, plus reproductible.
La technicité de l’implantologie oculaire ne cesse de se développer. Le but est bien sûr d’augmenter les aptitudes visuelles de nos patients. Une autre voie de recherche considère que l’implant intra-oculaire pourrait servir de réservoir de principe actif. Certains dispositifs sont en cours d’expérimentation chez l’animal, dans le but de traiter et de prévenir l’inflammation, l’infection ou l’opacification capsulaire postérieure [16]. L’incorporation de molécules à visée hypotonisante ou neurorégénérative lors de la mise en place d’un implant chez un patient glaucomateux pourrait représenter une solution séduisante dans le futur, permettant de s’affranchir des problèmes d’observance et de tolérance régulièrement rencontrés.
Retenir
Une évaluation préopératoire précise des conditions anatomiques de la cataracte et du statut évolutif du glaucome est indispensable.
La chirurgie de la cataracte seule est une option efficace en cas de GPAO peu évolué et bien contrôlé.
Une chirurgie du glaucome en première intention s’impose si le pronostic visuel est engagé.
Les améliorations techniques apportées à la chirurgie de la cataracte et à celle du glaucome permettent d’élargir la place de la chirurgie combinée dans l’arsenal thérapeutique.
La demande réfractive d’un patient opéré de cataracte est légitime. Chez le patient glaucomateux, certaines précautions sont à prendre.
Le choix de l’implant à ce jour doit être bien adapté au stade clinique évolutif de la neuropathie (calcul d’implant, implant premium).

Tableau 20.1 – Tableau récapitulatif de la stratégie thérapeutique.
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T. Bourcier, L. Ballonzoli
Le diagnostic de glaucome post-kératoplastie (GPK) survenant de novo ou l’aggravation d’un glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) préalablement diagnostiqué est une complication possible des kératoplasties aussi bien transfixiantes que lamellaires.
L’analyse détaillée des mécanismes en cause issue de l’examen ophtalmologique est essentielle afin de déterminer la stratégie thérapeutique optimale.
L’objectif est double : préserver la transparence du greffon et l’intégrité du nerf optique.
Comme pour tout glaucome, ce traitement comporte un versant médical et/ou chirurgical, ainsi que des aspects préventifs et curatifs. Il est à mettre en œuvre et à adapter à tous les stades de la greffe.
Un GPAO préexistant à l’intervention de greffe de cornée doit être traité médicalement ou chirurgicalement avant la greffe (voir chapitre 17). Il existe en effet une forte incidence de rejet ou de décompensation endothéliale du greffon si la chirurgie du glaucome est réalisée après la greffe de cornée. La probabilité de survie du greffon est divisée par deux en cas de chirurgie du glaucome réalisée après la greffe [1]. De même, l’instillation chronique de collyres hypotonisants en postopératoire peut avoir des conséquences néfastes sur la viabilité du greffon.
Dans certaines circonstances, la chirurgie du glaucome peut être réalisée pendant la greffe. Certains gestes chirurgicaux entrant dans le cadre d’une réfection de segment antérieur peuvent y être associés : levée de synéchies antérieures et postérieures, vitrectomie antérieure, pupilloplastie, changement ou ablation d’implant intra-oculaire. Lors de la phase de trépanation, le greffon cornéen est à sur-dimensionner de 0,25 mm (patient pseudo-phake ou phake) à 0,5 mm (patient aphake) par rapport au diamètre de trépanation de la cornée réceptrice. La réalisation de sutures profondes (trois quarts de l’épaisseur cornéenne) et courtes (1 mm de part et d’autre de l’anneau limitant), tout comme le retrait soigneux de la substance viscoélastique utilisée pendant la chirurgie, est de nature à limiter l’incidence des GPK. Une iridectomie périphérique sera réalisée en cas d’angle iridocornéen étroit.
Chez les patients « cortico-répondeurs », des collyres corticoïdes « doux » (riméxolone, fluorométholone, lotéprednol, prednisolone), moins hypertonisants que la dexaméthasone (molécule de référence), sont à privilégier en postopératoire. La fréquence d’instillation sera réduite et adaptée au risque de rejet. Parmi les autres molécules antirejet disponibles, un collyre à la ciclosporine A (2 %, préparation en pharmacie hospitalière) peut être utilisé à titre d’épargne cortisonique. Certains auteurs préconisent l’utilisation de collyres mydriatiques en postopératoire immédiat afin de stimuler la mobilité pupillaire et éviter un blocage pupillaire et la formation de synéchies. L’apraclonidine est efficace sur les pics d’hypertonie oculaire que l’on peut observer en postopératoire précoce. En outre, son effet vasoconstricteur peut être intéressant pour prévenir ou limiter un saignement de chambre antérieure. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique sont efficaces par voie orale ou intraveineuse sur les hypertonies postopératoires précoces.
En cas de GPK avéré et persistant, le traitement médical repose sur différentes classes pharmacologiques.
Certaines contre-indications et certains effets indésirables doivent être mis en exergue dans un contexte de greffe de cornée :
collyres bêtabloquants : il existe un risque de voir se développer une kératite ponctuée superficielle par majoration de la sécheresse oculaire et de l’hypoesthésie cornéenne induites par la greffe ;
collyres α2 agonistes : la brimonidine est efficace sur les GPK tardifs mais est potentiellement allergisante (allergies oculaires et péri-oculaires). Elle peut majorer une sécheresse oculaire et être à l’origine d’une kératite ponctuée superficielle ;
collyres inhibiteurs de l’anhydrase carbonique : dorzolamide et brinzolamide sont à utiliser avec précaution sur le long cours car ils inhibent l’anhydrase carbonique de l’endothélium cornéen et peuvent accélérer, voire provoquer, une décompensation endothéliale du greffon, notamment lorsque la réserve endothéliale est faible ;
collyres analogues des prostaglandines : en raison de leurs propriétés pro-inflammatoires, ils seront utilisés avec précaution chez les patients aphakes ou pseudo-phakes (risque d’œdème maculaire cystoïde, d’uvéite) et en cas d’antécédents herpétiques car ils augmenteraient le risque de récurrence herpétiques ;
collyres myotiques : la pilocarpine est à éviter car son effet hypotonisant est modeste en cas de synéchies antérieures périphériques et elle entraîne une rupture chronique de la barrière hémato-aqueuse, ce qui majore le risque de rejet. Son utilisation comporte également un risque accru de décollement de rétine chez les patients aphakes ou myopes forts.
Dans tous les cas, les collyres hypotonisants sans conservateurs sont à privilégier car leur toxicité sur les épithéliums de la surface oculaire est moindre.
En cas d’efficacité partielle des collyres hypotonisants ou alternativement à ceux-ci, une trabéculoplastie sélective au laser à l’argon peut être effectuée. Elle est indiquée en cas de GPK modéré (PIO inférieure à 30 mmHg sous traitement) avec cornée claire et angle ouvert. Une iridoplastie au laser à l’argon est à envisager en cas de synéchies antérieures périphériques. Une iridotomie périphérique sera réalisée en cas de blocage pupillaire. Toutes ces procédures s’accompagnent d’un risque d’inflammation et d’hypertension oculaire aiguës qui peuvent déclencher un rejet de greffe de cornée. Il est donc souhaitable de majorer transitoirement le traitement corticoïde topique après le traitement laser.
En cas de PIO supérieure à 30 mmHg ou d’intolérance au collyre, les données de la littérature sont en faveur d’une chirurgie du glaucome.
La trabéculectomie conventionnelle, sans antimétabolites, n’est généralement pas efficace du fait d’un fort risque de fibrose conjonctivale survenant sur des surfaces oculaires bien souvent déjà pathologiques. Les taux de succès sont de 9 à 50 % à trois ans [4]. C’est pourquoi l’utilisation d’antimétabolites tels que la mitomycine C (0,2 ou 0,4 mg/mL) est recommandée lors de la chirurgie afin de limiter la réponse fibroblastique de la conjonctive (fig. 20-4). On prendra soin d’éviter tout contact de la mitomycine avec l’endothélium du greffon lors de son application sous-conjonctivale, ainsi qu’une athalamie postopératoire pouvant être responsable d’une perte cellulaire endothéliale. En effet, il existe après trabéculectomie 7 à 12 % de perte endothéliale en cas de contact iridocornéen, et 40 à 50 % en cas de contact cornéocristallinien. Le taux de contrôle de la pression intra-oculaire (PIO) après trabéculectomie + mitomycine chez des patients atteints de GPK est de 67 à 91 % [4]. Il serait supérieur pour les trabéculectomies effectuées après greffes endothéliales (DSAEK) à celui des trabéculectomies après kératoplastie transfixiante : 80 % contre 48,6 % [5]. Une vitrectomie soigneuse doit être associée au geste de trabéculectomie chaque fois que nécessaire car il existe un fort risque d’échec si du vitré est présent en chambre antérieure. Le taux de rejet ou de décompensation du greffon est de 12 à 18 % [4]. Alternativement ou de façon complémentaire, des injections sous-conjonctivales répétées de 5-fluoro-uracile (5 mg/0,1 mL) peuvent être réalisées en postopératoire afin de maintenir une trabéculectomie fonctionnelle en prenant garde à la toxicité épithéliale de ce produit.
L’évaluation de l’efficacité de la sclérectomie profonde non perforante n’a pas été évaluée dans un contexte de GPK.
L’utilisation d’implants de drainage semble efficace chez un nombre important de patients. Le taux de contrôle de la PIO est en effet de 52 à 96 % [2]. Cependant le placement du tube dans la chambre antérieure est critique car un contact entre le tube de l’implant et l’endothélium du greffon peut aboutir à une décompensation ou déclencher un rejet. Le risque d’inflammation induite par la chirurgie et l’arrivée de cellules inflammatoires en chambre antérieure amenées par le tube est important. Les autres complications incluent l’hypotonie profonde et prolongée, la persistance de l’hypertonie (par obstruction du tube), l’érosion conjonctivale, l’extrusion de l’implant, l’infection, le décollement de rétine et l’invasion épithéliale. Le taux de rejet ou de décompensation du greffon est de 36 % (10 à 51 %) dans l’ensemble des séries des vingt-cinq dernières années [6, 9]. Néanmoins, dans une vaste étude regroupant 77 kératoplasties transfixiantes sur des yeux déjà équipés de valves d’Ahmed, 52 % des patients ont dû augmenter leur traitement hypotonisant, 13 % ont subi l’implantation d’un nouveau dispositif de drainage, et le taux d’échec des kératoplasties transfixiantes était de 42,4 %, 57,1 %, 59,1 % à un, deux et trois ans [9]. Une autre série de 15 yeux atteints de GPK « réfractaires » opérés avec shunt EX-PRESS® a montré de bons résultats à court terme : 86,6 % de normalisations pressionnelles à un an sans recours à un traitement hypotonisant [3]. Les taux de succès et d’échecs apparaissent similaires quelle que soit la marque de l’implant de drainage. Certains auteurs recommandent le placement de l’extrémité du tube dans le sulcus ou au niveau de la pars plana afin de réduire le risque endothélial [8, 11, 13]. Dans ces cas, une vitrectomie est nécessaire.
La destruction du corps ciliaire au laser diode est utilisée en dernier recours pour des GPK réfractaires. L’avantage de cette méthode largement utilisée est qu’elle est peu invasive et peut être réalisée en ambulatoire. Outre le risque de rejet, il existe parfois une augmentation transitoire de la PIO, un risque d’inflammation intra-oculaire prolongée, d’hypotonie ou de phtyse du globe. La prescription d’antalgiques systémiques et la majoration du traitement corticoïde topique sont à prévoir en postopératoire. Globalement, le taux de succès est de 63 à 72 % et l’échec de la greffe constaté dans 0 à 44 % des cas. De multiples séances de retraitements sont souvent nécessaires.
Au total, dans une vaste série rétrospective, le GPK était contrôlé médicalement dans 62 % des cas, et une chirurgie ou une cyclodestruction au laser diode était nécessaire dans 38 % [14]. Sihota et al. [12] ont rapporté un taux de contrôle médical du GPK de 51,9 %, Franca et al. [7] de 73,5 % GPK. Malgré des greffons clairs dans 49,4 % des cas, l’acuité visuelle était supérieure ou égale à 3/10 chez seulement 18,9 % des patients. Dans une série récente de 160 GPK observés parmi 1 848 kératoplasties transfixiantes, le contrôle de la PIO était médical dans 51 % des cas, chirurgical dans 49 % des cas avec, parmi ces derniers, 16 % de trabéculectomies, 66 % de cyclodestructions, 16 % de combinaisons trabéculectomie-cyclodestruction et 1 % de combinaison implant-cyclodestruction. Après chirurgie, le taux de greffons clairs était de 59 % à deux ans avec une acuité visuelle supérieure à 4/10 dans 21 % des cas, et supérieure à 1/10 dans 46 % des cas [10]. Ces acuités sont inférieures aux groupes contrôles de kératoplasties sans glaucome. Il est intéressant de noter que les patients atteints de GPK dont l’indication initiale de greffe était le kératocône ou la dystrophie de Fuchs ont de meilleures acuités visuelles à 24 mois que les autres [10], ce qui suggère le rôle prépondérant des antécédents cornéens. Enfin, le rapport bénéfice/risque de chaque intervention doit être soigneusement évalué car le risque de rejet et d’échec de la greffe est important. Le taux d’échec de greffe est significativement moindre après trabéculectomie + mitomycine C qu’après implants de drainage ou cyclodestruction [10].

Fig. 20-4 Trabéculectomie avec application peropératoire sous-conjonctivale de mitomycine C effectuée neuf mois après une greffe transfixiante compliquée d’un glaucome post-kératoplastie résistant au traitement médical maximal.
Retenir
Un GPAO préexistant à l’intervention de greffe de cornée doit être équilibré au mieux.
Tous les traitements médicaux ou chirurgicaux du GPK sont associés à une augmentation des taux d’échec de greffe de cornée.
La chirurgie du glaucome peut être réalisée pendant la greffe.
Environ 60 % des GPK sont traités médicalement ; bêtabloquants et α2-agonistes sont à privilégier.
Les procédures de trabéculoplastie, gonioplastie ou pupilloplastie sont envisageables pour les GPK modérés.
En cas de GPK sévère, la trabéculectomie + mitomycine représente la technique de référence.
Le taux d’échec de greffe est significativement moindre après trabéculectomie + mitomycine qu’après implants de drainage ou cyclodestruction.
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L. Ballonzoli, T. Bourcier
Difficultés d’évaluation et de suivi du glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) en cas de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) associée.
Impact fort sur le pronostic fonctionnel du GPAO.
Altération majeure de la qualité de vie.
Nécessité accrue de prévention de l’hypertension immédiate post-IVT en cas d’hypertension intra-oculaire (HTO) connue ou de GPAO.
Dépistage de l’HTO chronique secondaire aux injections par surveillance de la pression intra-oculaire (PIO) au long cours.
Les incidences du GPAO et de la DMLA augmentant toutes deux avec l’âge, il n’est pas rare de constater l’association de ces deux pathologies chez un même patient après 60 ans. GPAO et DMLA ont en commun une physiopathologie complexe et encore mal comprise, faisant intervenir prédisposition génétique et environnement. Ils sont caractérisés par une évolution chronique et progressive menaçant la fonction visuelle, une altération de la qualité de vie, une hétérogénéité des présentations cliniques et la nécessité d’adapter le traitement au cas par cas. GPAO et DMLA diffèrent en revanche dans leurs aspects cliniques : le GPAO atteint d’abord la vision périphérique puis tardivement la vision centrale, alors que la DMLA ne touche que la vision centrale. D’emblée, on comprend aisément l’effet délétère de l’association GPAO-DMLA sur la fonction visuelle et le profond handicap visuel qui en résulte. Pour un patient atteint de DMLA et présentant un large scotome central, la vision périphérique est primordiale pour ne pas perdre son autonomie. Quant au glaucomateux sévère avec champ visuel tubulaire, c’est son excellente acuité qui le sauve de bien des périls. Superposons maintenant le scotome central et le champ visuel tubulaire, et nous avons le champ visuel homogène et « noir » dans le cas extrême du patient atteint de GPAO évolué et de DMLA sévère. Fort heureusement, les situations cliniques rencontrées sont plus clémentes mais il reste néanmoins que l’altération de la rétine centrale et donc de la fixation rend difficile l’évaluation du GPAO (voir chapitre 13-IX). Ce chapitre se propose de détailler les particularités thérapeutiques concernant la prise en charge de l’association GPAO-DMLA.
Une DMLA, atrophique ou exsudative, va se traduire sur le plan périmétrique par une baisse de sensibilité centrale. Or on sait que les points centraux ont une plus grande importance que les points périphériques dans le calcul des indices globaux du champ visuel. En mesurant une dégradation des indices, mesurera-t-on alors une aggravation du glaucome ou de la DMLA ? De même, une fixation altérée sera responsable d’une plus grande difficulté à la réalisation pratique du champ visuel, avec plus de pertes de fixation, de faux négatifs, de faux positifs, plus de fatigue de la part du patient et donc une fiabilité moins bonne de l’examen. Enfin, la variabilité des réponses d’un examen à l’autre risque également d’augmenter au gré de l’évolution de la maculopathie. Il en sera de même pour les analyses de fibres nerveuses rétiniennes et de la tête du nerf optique qui nécessitent une bonne fixation pour assurer une qualité d’examen satisfaisante et surtout une bonne reproductibilité d’un examen à l’autre. En effet, une fixation instable peut induire un mauvais centrage du faisceau ou un décalage entre deux examens de suivi. Il est donc dans ce contexte très difficile d’interpréter une diminution dans la mesure des fibres nerveuses rétiniennes et de diagnostiquer une progression des altérations campimétriques du GPAO.
L’association GPAO-DMLA doit s’envisager de façon réciproque en tentant de répondre à deux questions :
quelle est l’influence du GPAO sur la prise en charge de la DMLA ?
quel est l’impact du traitement de la DMLA sur le GPAO ?
Dans le premier cas de figure, les choses sont relativement simples : la présence d’une DMLA, atrophique ou exsudative, ne contre-indique pas l’emploi des collyres antiglaucomateux (quelle que soit la classe thérapeutique : bêtabloquant, inhibiteur de l’anhydrase carbonique, α-agoniste, analogues des prostaglandines et prostamide, pilocarpine) [3]. De même, une DMLA ne contre-indique pas la réalisation d’un traitement physique par laser (trabéculoplastie, iridotomie) ou celle de la chirurgie filtrante (perforante ou non). Tout au plus faudra-t-il prévenir le patient d’une récupération visuelle plus tardive et parfois incomplète. Enfin, la cyclodestruction, par l’effet inflammatoire qu’elle engendre, pourrait aggraver une DMLA exsudative, mais les données bibliographiques manquent sur ce sujet.
L’interaction GPAO-DMLA est plus problématique lorsqu’on s’intéresse aux effets du traitement de la DMLA sur le GPAO. Si l’effet bénéfique des compléments alimentaires à base d’anti-oxydants, d’oligo-éléments et d’acides gras poly-insaturés oméga-3 reste encore à démontrer pour les cellules ganglionnaires et les fibres nerveuses rétiniennes, il n’a pas été rapporté d’effet délétère chez les patients atteints de glaucome.
En revanche, les injections intravitréennes d’anti-VEGF (IVT), traitement actuel de la DMLA exsudative, sont responsables d’HTO. On distingue essentiellement deux types d’HTO : l’HTO précoce (survenant immédiatement après la procédure d’injection) et l’HTO prolongée (HTO chronique développée au fil des injections). Ces formes d’HTO ont été décrites en proportion variable selon les études, y compris chez des sujets sans antécédent personnel ou familial d’HTO ou de GPAO. L’HTO précoce post-IVT est rapportée depuis la parution des études princeps sur le ranibizumab. Par la suite, plusieurs équipes ont rapporté leur expérience de l’HTO précoce post-IVT [1, 3, 4, 8, 9, 16, 20, 24, 25]. La survenue de cette HTO concerne un grand nombre de patients (de 60 à 70 %). La PIO est souvent supérieure à 40 voire, dans un faible nombre de cas, à 60 mmHg. L’HTO est immédiate après l’injection et se régularise rapidement pour revenir au niveau d’avant injection dans les 15 à 30 minutes suivant le geste. En cas de glaucome préexistant, le pic de PIO peut être plus important ou l’HTO plus prolongée, retardant beaucoup le retour à l’état basal (plusieurs heures). Plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette HTO immédiate : l’augmentation brutale du volume vitréen dans une cavité non extensible [3, 4], l’absence de reflux sous-conjonctival [13], une fermeture passagère de l’angle par bascule antérieure du cristallin sous l’effet de l’augmentation brutale du volume vitréen. Quel qu’en soit le mécanisme, si la répétition de ces pics d’hypertonie, à intervalle régulier (schéma d’IVT mensuelle), ne semble pas avoir un impact péjoratif pour le nerf optique d’un sujet sain [1], il en est tout autrement chez les sujets glaucomateux, ce qui justifie une prévention avant chaque IVT. Plusieurs procédures et principes actifs ont fait l’objet d’études [8, 9, 16]. Si l’on ne peut recommander une paracentèse de façon systématique, une prophylaxie par instillation d’un collyre hypotonisant 2 heures avant l’IVT est efficace pour diminuer le pic d’HTO. L’apraclonidine 1 %, la brimonidine seule ou en association fixe avec du timolol et l’association fixe dorzolamide-timolol ont été proposées. L’efficacité de l’acétazolamide per os reste discutée [8, 16].
Concernant l’HTO retardée, elle a été rapportée plus récemment [6]. Son incidence est faible variant de 0,5 % [26] à 11 % [18] avec une moyenne autour de 3,5-4 % [1, 2, 5, 11, 12, 19, 21]. Cette HTO retardée est définie par une PIO supérieure à 22 mmHg ou une augmentation d’au moins 6 mmHg par rapport à la PIO initiale (avant les IVT), mesurée à au moins deux consultations consécutives et durant au moins 30 jours. Cette HTO est rapportée avec tous les anti-VEGF, parmi lesquels le bévacizumab serait plus fréquemment mis en cause [10]. Les facteurs de risque le plus souvent retrouvés sont : le nombre important d’injections (> 20) [1, 4, 11, 12, 19], le court intervalle entre deux injections (< 8 semaines), une HTO ou un GPAO préexistant [10] et un antécédent d’IVT de stéroïdes [12]. Dans les séries publiées, l’HTO retardée a été jugulée par un traitement médical dans la plupart des cas ; quelques patients ont nécessité une trabéculoplastie sélective, d’autres enfin, peu nombreux, une chirurgie filtrante [7, 22]. La physiopathologie de cette HTO retardée reste en revanche peu évidente. Plusieurs théories sont avancées [12] : une altération directe des fonctions trabéculaires par l’anti-VEGF [2], bien que ceci n’ait pas été démontré in vitro pour les doses injectées en pratique [14], un effet pharmacologique collatéral du blocage des récepteurs au VEGF, une réaction inflammatoire du trabéculum [23]. D’autres auteurs suggèrent une altération du flux trabéculaire par agrégation de protéines [15]. L’origine de ces protéines de haut poids moléculaire est discutée et relève de différents mécanismes : réaction inflammatoire liée au conflit immunitaire, injection d’anti-VEGF dégradé par les décongélation et recomposition (bévacizumab) qui passe en chambre antérieure au travers d’une déhiscence de la hyaloïde antérieure et de la zonule. Ces procédures de décongélation et manipulation des anti-VEGF dans des seringues composées de silicone conduiraient à la libération de gouttelettes de silicone dans l’œil lors de l’injection, favorisant l’encombrement du trabéculum [17]. Enfin, la répétition des procédures d’injection et des pics d’HTO précoce pourrait induire des dommages des voies d’excrétion responsables du développement de l’HTO retardée.
Retenir
Les incidences du GPAO et de la DMLA augmentant toutes deux avec l’âge, il n’est pas rare de constater l’association de ces deux pathologies chez un même patient après 60 ans.
L’association GPAO-DMLA est de mauvais pronostic pour la fonction visuelle du patient et implique une majoration du handicap visuel lié au GPAO.
La problématique de cette double affection tourne essentiellement autour de l’HTO induite par les IVT d’anti-VEGF, qu’elle soit immédiate et fugace ou retardée et durable.
Envisager selon les cas une prophylaxie de l’HTO post-IVT.
Assurer une surveillance clinique plus étroite en cas de GPAO évolué associé à la DMLA.
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L. Ballonzoli, T. Bourcier
L’association glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) et décollement de rétine (DR) est peu fréquente.
La détermination du ou des mécanismes du glaucome est l’étape essentielle. Elle dépend de la chronologie d’apparition par rapport au décollement et de l’analyse du segment antérieur (importance de la gonioscopie).
Sur le plan thérapeutique, tous les collyres hypotonisants sont efficaces. La pilocarpine est cependant à éviter. Il faut traiter la composante inflammatoire de façon systématique.
Rarement, la chirurgie antiglaucomateuse peut être nécessaire, de réalisation difficile et souvent associée à un mauvais pronostic visuel et pressionnel.
Dans ce contexte particulier, l’analyse clinique des mécanismes impliqués dans la survenue de l’hypertonie oculaire (HTO) guidera la conduite thérapeutique. La détermination de ces mécanismes (parfois intriqués) passe obligatoirement par un examen ophtalmologique détaillé où la chronologie d’apparition des pathologies et la gonioscopie occupent une place capitale.
En cas de survenue synchrone du glaucome et du DR, plusieurs situations sont à envisager en fonction de l’aspect du segment antérieur et du type de DR (rhegmatogène, tractionnel ou exsudatif). L’arbre décisionnel de la figure 20-5 résume l’essentiel de la démarche clinique et thérapeutique dans ce contexte.
Dans le cas particulier de patients présentant un glaucome réfractaire au traitement médical maximal et un DR (rhegmatogène le plus souvent), Lima et al. [31] rapportent de bons résultats sur l’acuité visuelle et le contrôle de la PIO en associant d’emblée à la chirurgie du DR (vitrectomie avec tamponnement associée à une indentation sclérale dans tous les cas) la mise en place d’une valve de Baervelt.
En effet, la réalisation d’une chirurgie de DR peut compromettre l’efficacité d’une bulle de filtration préexistante [39], d’autant que les déchirures rétiniennes surviennent statistiquement le plus souvent en rétine temporale supérieure, zone de prédilection pour réaliser une chirurgie du glaucome. De même, la pose d’une indentation sclérale peut s’avérer problématique en présence d’une valve [6], nécessitant parfois son déplacement-repositionnement. Dans ces cas, la vitrectomie postérieure est à privilégier, d’autant qu’il existe aujourd’hui des techniques micro-invasives transconjonctivales 23 et 25 G respectant l’intégrité conjonctivoténonienne au prix d’une petite suture de l’orifice conjonctival.
Parallèlement, un glaucome peut survenir secondairement à une chirurgie de DR. Deux formes sont à distinguer : une HTO postopératoire précoce et une HTO tardive.
L’HTO précoce est décrite pour tous les types de chirurgie de DR : indentation sclérale, vitrectomie avec tamponnement par gaz ou huile de silicone. En cas d’indentation sclérale, l’incidence de l’HTO est faible, variant de 1,4 à 4,4 % [28]. Elle serait liée à une congestion brutale de la choroïde et du corps ciliaire, provoquant une bascule antérieure ciliocristallinienne responsable d’un glaucome aigu par fermeture de l’angle [35]. D’après Goezinne et al. [19], les facteurs favorisant la survenue de ce glaucome aigu sont : un angle étroit préexistant, une myopie forte, un cerclage sur 360°, une compression des veines vortiqueuses, une cryopexie excessive et un âge avancé. Le traitement de première intention est médical, associant collyres cycloplégique, anti-inflammatoire et hypotonisant (la pilocarpine est ici formellement contre-indiquée). L’évolution est favorable en quelques jours. La persistance du tableau pose l’indication d’une iridoplastie [9], voire d’un repositionnement de l’indentation avec drainage choroïdien. Dans les cas extrêmes réfractaires, une chirurgie filtrante est indiquée (de réalisation périlleuse), et certaines équipes proposent la mise en place de valves ; en revanche la cyclodestruction n’est pas recommandée. D’autres mécanismes induits par la pose d’une indentation sclérale sont rapportés pour expliquer la survenue d’une progression glaucomateuse du champ visuel : migration du matériel d’indentation avec compression du nerf optique [11], réduction du flux choroïdien (avec récupération du déficit périmétrique à l’ablation de l’indentation) [37] et modification des propriétés biomécaniques de la cornée conduisant à une sous-estimation de la pression intra-oculaire (PIO) [36].
En cas de vitrectomie postérieure, les données de la littérature confirment la survenue fréquente dans 30 à 70 % des cas d’une HTO précoce, dans les 24 premières heures, même en l’absence de tamponnement [2, 14, 15, 21, 22]. Plusieurs mécanismes sont évoqués : expansion des gaz, inflammation, obstruction trabéculaire par des protéines inflammatoires et des globules rouges dégradés, bloc pupillaire et œdème ciliaire. Les facteurs de risque de cette HTO incluent : durée d’évolution du DR, étendue des déchirures, étendue de la rétinopexie, diabète préexistant, présence de fibrine dans l’aire pupillaire en postopératoire, chirurgie combinée du cristallin et pose d’une indentation sclérale. Un traitement médical associant collyres hypotonisants, anti-inflammatoires et cycloplégique suffit dans la majorité des cas pour contrôler la PIO. Ces données établies pour la vitrectomie 20 G ont été récemment remises en question devant l’émergence des nouvelles techniques micro-invasives 23, 25 et 27 G, où l’on observe plutôt une hypotonie oculaire postopératoire précoce [5, 24].
La survenue d’une HTO tardive après vitrectomie simple a été rapportée par Chang [10] essentiellement sous la forme d’un glaucome préexistant nécessitant une majoration du traitement hypotonisant. Ce dernier suggère un effet délétère de la vitrectomie par augmentation du stress oxydatif sur les cellules trabéculaires et un effet protecteur du cristallin [10]. Plusieurs études publiées depuis réfutent cette hypothèse [27, 30, 41]. Il semble que l’hypertonie ne survienne que chez 1 à 2 % des patients opérés de vitrectomie avec un suivi supérieur à cinq ans, sans glaucome de novo. Les mécanismes restent encore obscurs. Les recommandations actuelles se limitent donc à établir un bilan anatomique (photos de papille, analyseur de fibres) et fonctionnel (champ visuel) de base, suivre les patients opérés de vitrectomie au moins une fois par an avec une attention particulière pour la PIO et le nerf optique.
La survenue d’un authentique glaucome secondaire, parfois très sévère, est en revanche bien décrite pour l’huile de silicone. Utilisée comme tamponnement associé à la vitrectomie dans les DR complexes, l’huile de silicone est responsable d’HTO précoce par différents mécanismes, parfois combinés (bloc pupillaire, inflammation, passage en chambre antérieure). Elle est classiquement responsable d’un blocage pupillaire chez l’aphake, qu’il convient de prévenir par la réalisation d’une iridectomie inférieure peropératoire de bonne taille (évitant ainsi qu’elle ne se bouche spontanément).
Le glaucome secondaire à l’huile de silicone peut survenir à n’importe quel moment dans la période postopératoire, allant d’une HTO modérée et transitoire à une HTO élevée et permanente menaçant rapidement la fonction visuelle. Compte tenu de cette hétérogénéité clinique, de l’évolution des techniques chirurgicales et de la qualité des huiles, l’incidence de ce glaucome est difficile à préciser. Dans une revue récente de la littérature, Ichhpujani et al. [26] proposent plusieurs mécanismes physiopathologiques pour expliquer la survenue de glaucome secondaire à l’huile de silicone :
infiltration du trabéculum par des microgouttelettes de silicone [12] ;
développement de synéchies antérieures périphériques ;
rubéose irienne ;
migration de silicone émulsifié et non émulsifié en chambre antérieure [17, 40] ;
glaucome préexistant méconnu ;
neuropathie au silicone [7].
Enfin, plusieurs auteurs ont étudié les facteurs de risque de survenue d’un glaucome secondaire au silicone ; ici encore, les données restent très débattues et non consensuelles. On peut retenir : glaucome ou HTO préexistant, diabète, aphakie, silicone en chambre antérieure, émulsion du silicone, durée du tamponnement [1, 13, 18, 20].
Sur le plan thérapeutique (fig. 20-6), le traitement médical associant collyres hypotonisant, cycloplégique et anti-inflammatoire (en phase aiguë) suffit à contrôler la PIO chez 40 à 80 % des patients selon les auteurs [1, 20, 23, 25]. L’iridectomie périphérique inférieure (en cas de silicone normal) ou supérieure (en cas de silicone lourd) est indispensable chez l’aphake. En cas d’obturation secondaire de l’iridectomie périphérique (11 à 32 %), le laser Nd-YAG s’avère souvent inefficace (80 %). Les glaucomes réfractaires au traitement médical relèvent de la chirurgie, associant ablation de l’huile de silicone (chaque fois que l’état rétinien le permet) et chirurgie filtrante (trabéculectomie) de façon différée dans le temps pour minimiser le risque d’hypotonie postopératoire [8, 33]. L’utilisation d’antimétabolites (mitomycine C) améliore le pronostic à long terme de cette chirurgie filtrante [38]. Le recours aux valves et drains est également une option thérapeutique efficace, à condition que l’huile de silicone ait été retirée. Enfin, le cyclo-affaiblissement apporte un contrôle satisfaisant de la PIO au prix d’interventions répétées et d’un risque de baisse de la vision, qui font réserver ce traitement aux cas les plus réfractaires [16, 29]. Il est important de souligner le mauvais pronostic visuel de ces glaucomes secondaires au silicone [34].
Enfin, l’HTO cortico-induite reste un diagnostic d’élimination dans ce contexte de survenue post-DR. Néanmoins, on sait que l’instillation de collyres cortisonés est responsable d’HTO dans 5 à 30 % d’une population non glaucomateuse. Ce chiffre est proche de 90 % en cas de GPAO préexistant, les autres facteurs de risque étant le diabète et la myopie forte [3, 4]. Il s’agit donc d’une hypothèse à considérer en cas d’HTO importante survenant 10 à 20 jours après l’intervention, sur un œil calme, à chambre antérieure profonde et angle ouvert. Sur le plan thérapeutique, la prescription de corticoïdes étant indispensable en postopératoire, on tentera de limiter la survenue de cette HTO cortico-induite en remplaçant la dexaméthasone par de la riméxolone (Vexol®) ou de la fluorométholone (Flucon®) dès que le tableau clinique le permettra, et l’adjonction de collyres anti-inflammatoires non stéroïdiens apportera une prévention efficace de l’œdème maculaire.

Fig. 20-5 Arbre décisionnel devant la survenue concomitante d’un glaucome et d’un DR. DR : décollement de rétine ; GPAO : glaucome primitif à angle ouvert ; CA : chambre antérieure ; ARN : nécrose rétinienne aiguë ; VREF : vitréo-rétinopathie exsudative familiale ; VEGF : vascular endothelial growth factor.

Fig. 20-6 Mécanismes et modalités thérapeutiques dans les glaucomes secondaires au silicone.
Retenir
L’association GPAO-DR est le plus souvent fortuite, par découverte d’un glaucome méconnu lors ou au décours de la chirurgie du DR.
Le traitement médical par collyre hypotonisant est la règle et suffit dans 80 % des cas à contrôler la PIO et préserver la fonction visuelle.
Dans les rares formes avérées de glaucome secondaire, le traitement est volontiers chirurgical, associant traitement rétinien et antiglaucomateux avec souvent un mauvais pronostic visuel et pressionnel.
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F. Malet, C. Schweitzer
La mesure de la pression intra-oculaire (PIO) doit suivre un certain nombre de précautions et de règles à bien connaître.
L’analyse du champ visuel avec les lentilles de contact présente un certain nombre de particularités.
Le traitement médical et/ou chirurgical du glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) impose des règles spécifiques d’adaptation, de port et de surveillance chez le porteur de lentilles de contact.
La prescription de collyres antiglaucomateux pose fréquemment des difficultés chez le sujet porteur de lentille de contact.
Le port de lentilles de contact lors de GPAO peut soulever différents problèmes dans des contextes très différents que sont le traitement régulier par instillation de collyres, la mesure de la PIO, la réalisation des champs visuels, le suivi d’une chirurgie du glaucome, etc.
Le nombre de porteurs de lentilles est important et certains vont développer avec les années un GPAO. Parallèlement à ces anciens porteurs, le développement des lentilles de presbytes incite de nouveaux patients à adopter ce type de correction, aussi cette situation « port de lentilles et GPAO » se présente-t-elle de plus en plus souvent en pratique quotidienne.
Il est important pour les patients traités pour un GPAO de bien connaître les incompatibilités que peut induire un traitement local antiglaucomateux avec un port régulier des lentilles. En clinique, le problème pratique est d’adapter au mieux un traitement hypotonisant efficace chez un porteur de lentilles afin de minimiser les effets délétères liés aux collyres et plus particulièrement liés aux conservateurs [3].
L’incompatibilité majeure d’un collyre avec les lentilles est due à la présence du conservateur dans les collyres. Le chlorure de benzalkonium (BAK) est le plus couramment utilisé dans les collyres antiglaucomateux ; sa concentration varie selon les fabricants de 0,005 % à 0,2 % et à l’intérieur d’une même classe thérapeutique. Les effets du BAK sont actuellement bien connus sur la cornée, la conjonctive et le film lacrymal. Il est particulièrement cytotoxique vis-à-vis des cellules cornéennes épithéliales et des cellules conjonctivales à mucus [3]. La présence d’une lentille sur l’œil va favoriser l’absorption de ce conservateur et donc potentialiser nettement sa toxicité. Celle-ci sera d’autant plus forte que l’hydrophilie de la lentille souple sera élevée. De plus, le relargage à partir de la lentille est lent : de 0,2 à 1,5 % à la 24e heure de la quantité absorbée [6]. En ce qui concerne les lentilles rigides, plus le matériau sera perméable au gaz, plus l’adsorption et plus les forces électrostatiques d’attirance seront importantes, entraînant un recouvrement véritable de la lentille source de toxicité épithéliale cornéenne (fig. 20-7) [28]. À l’inverse des lentilles souples, l’absorption est faible et le relargage est rapide – car le matériau des lentilles n’est que très peu hydrophile (inférieur à 1 %) –, de 50 % en 24 heures.
L’utilisation de BAK est donc déconseillée avec le port de lentilles.
Si une utilisation accidentelle de BAK peut entraîner des signes d’irritation cornéoconjonctivale chez un porteur de lentilles, son utilisation régulière serait source de désordres de la surface oculaire important avec des lésions de kératite ponctuelle superficielle chronique.
Parmi les principes actifs utilisés dans le traitement du glaucome sont à éviter l’épinéphrénine et la propine. Ces deux substances vont altérer la structure des lentilles souples avec des modifications de leur transparence et concourir à la formation de dépôts retentissant sur le confort et l’acuité visuelle [10].

Fig. 20-7 Adsorption de BAK sur une lentille rigide perméable au gaz suite à l’instillation d’un collyre avec conservateur pendant plusieurs semaines.
L’impact d’un traitement local au long cours du GPAO peut modifier la tolérance des lentilles. L’utilisation de bêtabloquants en instillation est responsable d’une diminution de la sécrétion lacrymale. Le port de lentilles souples augmente l’évaporation des larmes. La conjonction de ces deux mécanismes va donc être responsable d’une sensation de sécheresse et d’un inconfort en lentilles pouvant conduire à l’arrêt du port. Par ailleurs, comme nous l’avons souligné dans le paragraphe précédent, le conservateur BAK présent dans de nombreux collyres antiglaucomateux utilisés au long cours est responsable d’une toxicité cellulaire de la surface cornéoconjonctivale. La raréfaction induite des cellules à mucus va conduire à une sécheresse oculaire rendant difficile, voire impossible, l’adaptation en lentilles d’un nouveau porteur (fig. 20-8). Debbasch et al. [7] ont montré une diminution du break-up time chez les glaucomateux ainsi que chez les anciens porteurs de lentilles par rapport à un groupe témoin : cette étude suggère un cumul de facteurs délétères chez les glaucomateux porteurs de lentilles.

Fig. 20-8 Sécheresse oculaire chez une patiente traitée pour un GPAO depuis 15 ans : adaptation en lentilles contre-indiquée.
La nécessité d’un traitement médical efficace du glaucome compatible avec le port de lentilles est possible sous réserve du respect de quelques principes. L’évolution des classes thérapeutiques dans le GPAO, l’orientation donnée par l’usage de collyre combinant deux molécules dans le but d’une simplification thérapeutique, d’une amélioration de l’observance et d’une minimisation des effets secondaires, ainsi que la connaissance de la toxicité des conservateurs au long cours ont modifié ces dernières années la prise en charge thérapeutique des patients. Ainsi, chez un porteur de lentilles, on privilégiera des collyres sans conservateur soit en unidoses, soit avec des systèmes éliminant le conservateur de type Abak®.
Pour améliorer la tolérance et le confort du port des lentilles chez ces patients, le choix se fera vers des matériaux plutôt peu hydrophiles, à remplacement très fréquent, à haut Dk, avec des systèmes d’entretien plutôt de type oxydant, d’autant plus que l’on s’adresse dans la plupart des cas à une population plus âgée dont la sécrétion lacrymale est déjà limite. Le port permanent en lentilles sera contre-indiqué. Les instillations de collyres seront faites en dehors du port des lentilles avec un délai de 20 minutes avant la pose. L’utilisation de larmes artificielles sans conservateurs au cours de la journée pourra améliorer le confort de port.
La mesure de la PIO sur une lentille de contact n’est possible que sur une lentille souple. Tout essai de mesure sur une lentille rigide ou sur une lentille semi-sclérale est impossible et impose le retrait de celle-ci. Quel que soit le tonomètre utilisé, les paramètres de la lentille vont pouvoir interférer sur les mesures obtenues.
Le port de lentilles, notamment permanent, avec des matériaux dont la transmissibilité à l’oxygène se situe au-dessous d’un Dk/e de 87 × 10–11, va induire un certain degré d’œdème cornéen, dont l’importance peut varier de 2 à 7 % et entraîner une augmentation d’épaisseur de la cornée sans pour autant induire de manifestations cliniques à type de halos. Il existe une susceptibilité individuelle très variable dans cette réponse cornéenne à l’hypoxie. La PIO mesurée, corrélée à la pachymétrie du patient dans cette situation, sera source d’erreur en raison de l’épaisseur cornéenne nettement augmentée de façon transitoire. L’étude d’Oh et al. [22] met en évidence que les modifications tonométriques lors d’œdème sous lentilles de contact relevées par tonométrie dynamique de contour montrent une sous-estimation de la PIO de l’ordre de 0,75 ± 1,74 mmHg, cependant moins importante que lors de recueil de mesure par tonométrie contact de Goldmann. Il est donc important dans de telles situations de recontrôler la PIO du patient et sa pachymétrie après arrêt du port de lentilles pendant plusieurs jours afin de ne pas la sous-estimer.
Des études réalisées avec un tonomètre contact de type Goldmann sans et sur des lentilles en silicone hydrogel de puissance afocale ont mis en évidence que toutes les mesures étaient fiables avec une variation de – 0,5 ± 0,89 mmHg [1]. Si ce résultat peut s’appliquer aux lentilles afocales, c’est-à-dire utilisées dans un but thérapeutique, ce n’est pas vrai si l’on fait intervenir une puissance de correction avec les différents matériaux de lentilles utilisées. De plus, la méthode de recueil de la PIO intervient ; ainsi, Anton et al. [2] montre que les tonomètres à rebond surestiment les valeurs de la PIO par rapport aux tonomètres à air lors de port de lentilles thérapeutiques.
La correction optique d’une lentille modifie son épaisseur ; ainsi, une lentille de correction myopique forte est plus fine au centre ; à l’opposé, une lentille de correction hypermétropique importante sera beaucoup plus épaisse dans sa partie centrale. À ce facteur « épaisseur », des paramètres liés au matériau de la lentille lui-même vont se rajouter. Les lentilles souples en silicone hydrogel, actuellement couramment utilisées, sont caractérisées par un module de rigidité beaucoup plus important que les anciennes lentilles en hydrogel, et leur taux d’hydrophilie est souvent nettement plus faible que les précédentes. Ce module d’élasticité, exprimé en Mpa, est variable en fonction des lentilles et des générations de lentilles en silicone hydrogel disponibles sur le marché depuis 1999. Pour des valeurs de l’ordre de 1,4 Mpa, c’est-à-dire d’élasticité élevée de la lentille, la PIO mesurée aura tendance à être nettement plus augmentée que pour des valeurs plus faibles, de l’ordre de 0,8 Mpa [5]. Si la lentille portée, outre un coefficient d’élasticité élevé, a une puissance positive supérieure à + 5 dioptries, la surestimation de la PIO pourra alors être très importante lors de mesure réalisée avec un tonomètre fondé sur l’amplitude de pulsation oculaire (tonomètre Pascal®) [9].
Différentes études réalisées [16, 30] avec des tonomètres non contact sur des lentilles souples de puissance différentes objectivent une sous-estimation de la valeur de la PIO lors de port de lentilles corrigeant une myopie supérieure à – 4 dioptries et, à l’inverse, une surestimation de la valeur de la PIO, et ce même pour des corrections hypermétropiques faibles (dès + 1 dioptrie). Plus la correction dioptrique de la lentille sera importante, plus les erreurs de valeurs de PIO mesurées seront grandes.
Parmi les bénéfices optiques des lentilles, il faut retenir la notion d « élargissement du champ visuel » lorsqu’on les compare à une correction optique par verres. L’avantage supplémentaire des lentilles est de ne pas induire de phénomènes de distorsion optique liés à l’effet de « bord » du verre correcteur et de supprimer l’effet « monture » des lunettes. Il faut noter que la validité d’un suivi campimétrique ne peut être envisagée qu’avec le même principe de correction optique. Ainsi, par exemple, pour un myope porteur régulier de lentilles de contact, si l’examen du champ visuel est fait avec ses lentilles, les contrôles ultérieurs devront toujours être faits avec ses lentilles. Il est à noter des cas où il existe un gain d’acuité visuelle lié à la correction des lentilles, notamment dans le cas du myope fort. Il y a donc tout intérêt à ce que les myopes forts réalisent leur examen du champ visuel avec leur correction habituelle en lentilles en raison du gain d’acuité visuelle obtenue. Risse et Gobert [27] avaient montré une augmentation du MD, avec le programme 24-2 du champ visuel Humphrey et une correction en lentilles, par rapport aux résultats obtenus avec une correction par verres de lunettes. Les lentilles corrigeant la presbytie sont en revanche à éviter lors de la réalisation du champ visuel. Responsables d’une diminution de la sensibilité aux contrastes, elles perturbent les résultats. Une autre variété de lentilles à éviter impérativement pour faire un champ visuel est représentée par les lentilles de couleur correctrices ; la pigmentation périphérique de la lentille rétrécit de façon considérable le champ visuel.
Les fluctuations des résultats liées aux lentilles sont en général peu fréquentes. Il faudra s’assurer auprès du porteur que le renouvellement programmé des lentilles est bien réalisé et que les lentilles ont ainsi un état de surface satisfaisant. L’existence de variations de l’acuité visuelle peut être liée à une déshydratation des lentilles souples en rapport avec une raréfaction du clignement lors de l’examen. Néanmoins, le patient est souvent conscient de ce problème en raison de l’inconfort associé, et tout porteur régulier a souvent été confronté à ce problème. La validité du champ visuel sera donc à reconsidérer devant l’existence de ces symptômes recherchés ou rapportés par le patient.
Il faut distinguer deux situations très différentes : l’usage transitoire d’une lentille à visée thérapeutique et les adaptations en lentilles sur des yeux opérés de glaucome.
Des lentilles spécifiques ont été développées pour les cas de fuite d’humeur aqueuse importante en postopératoire immédiat. Les indications de ce type de lentilles sont actuellement peu fréquentes en raison du changement de technique opératoire utilisée dans le GPAO ; en effet, il est tout à fait exceptionnel d’observer des chambres antérieures très plates avec Seidel important en postopératoire de sclérectomie, à la différence des trabéculectomies classiques. Néanmoins, ce type de lentille peut avoir des indications lors de reprises chirurgicales sur des yeux opérés plusieurs fois et/ou après utilisation d’antimétabolites. Il s’agit de lentilles de très grand diamètre, souples, recouvrant largement le site opératoire et favorisant ainsi l’étanchéité (lentille Trabeculens®, Ro 9 mm, Ø 17,5 mm, laboratoire LCS). Elles ont une hydrophilie élevée (67 à 78 %) et sont utilisées en port permanent [31]. La remontée pressionnelle est obtenue en moyenne en cinq jours et le port moyen est d’environ deux mois avec un taux de succès de 80 % [4].
Classiquement, les indications d’adaptation en lentilles chez ces patients opérés étaient réservées aux corrections d’amétropies importantes sphériques ou cylindriques en raison d’un risque infectieux majoré [13, 26]. Le port de lentilles après chirurgie non perforante doit tenir compte de la zone anatomique opérée et impose une observance stricte des règles d’hygiène et d’entretien des lentilles afin de minimiser le risque d’une kératoconjonctivite microbienne (fig. 20-9). Ainsi, après une sclérectomie avec une bulle de filtration de taille modérée, peu saillante, le risque infectieux peut être considéré comme faible. À l’inverse, après utilisation d’antimétabolites avec présence de bulles très fines, peu vascularisées et plus prédisposées à des fuites, on peut considérer que les facteurs de risque traumatique et infectieux sont trop élevés pour un port de lentilles en sécurité.
En pratique, il est donc logique de privilégier les adaptations en lentilles rigides, dont le taux de complications infectieuses est nettement moindre qu’en lentilles souples, et d’adapter techniquement la lentille de façon à ce que le contact direct sur le site de filtration soit évité [29]. Dans tous les cas, le port permanent en lentilles est à proscrire. Un délai minimal de six mois après une chirurgie de glaucome peut être recommandé avant toute adaptation en lentilles. Le choix des lentilles rigides s’orientera donc plutôt vers des petits diamètres, avec des adaptations centrées en interpalpébral, évitant ainsi une position supérieure de la lentille [10]. L’utilisation de lentilles rigides de géométrie multicourbe peut aider à la stabilisation et au centrage de celle-ci [18]. L’existence d’un astigmatisme cornéen associé pourra orienter vers une géométrie torique postérieure qui aide également au maintien d’un bon centrage de la lentille. La mobilité de la lentille rigide recommandée dans le sens vertical sera idéalement plus faible (de l’ordre de 1 à 2 mm) que celle donnée par des géométries asphériques (fig. 20-10). Le taux de succès de ces adaptations avec des reculs assez longs (64 mois) est bon [17] et les contrôles sont recommandés tous les six mois [23]. Il est important de vérifier l’état épithélial conjonctival de la bulle de filtration et l’absence de prise de fluorescéine à son niveau. Parmi les complications possibles sur ces terrains, nous retiendrons les risques de néovascularisation plus importants, d’œdème cornéen sur des endothéliums fragilisés par des chirurgies endo-oculaires parfois multiples et le risque de traumatisme de la bulle lors de la pose ou de la dépose de la lentille [10, 19]. Ces équipements ne doivent pas concerner les patients de suivi difficile, incapable d’une hygiène rigoureuse ou de reconnaissance des signes débutant une complication et imposant le retrait immédiat de la lentille et une consultation en urgence.
En ce qui concerne l’adaptation de lentilles souples en silicone hydrogel après chirurgie non perforante, en l’absence de recul suffisant et d’études, la prudence reste de mise. Si une adaptation est envisagée, il est préférable d’être totalement à distance des phénomènes de cicatrisation chirurgicale. En effet, la pose précoce d’une lentille souple risque de collaber par son appui relatif la zone de filtration et augmenter ainsi le risque d’échec d’une chirurgie.
Pour les autres types de lentilles et d’adaptation, la technique du piggyback est contre-indiquée par Grohe et Wyse [10]. Quant aux verres scléraux, des risques d’augmentation de la PIO ont été rapportés avec les anciens verres en PMMA [12]. Cependant, quelques cas d’adaptation avec des verres scléraux à haut Dk ont été récemment rapportés avec succès par Tanhehco et Jacobs [32] sur des yeux opérés de trabéculectomie ou porteurs de valves.

Fig. 20-9 Bulle de filtration marquée s’étendant en inférieur : situation anatomique difficile pour une adaptation en lentilles.

Fig. 20-10 Dans le regard en bas, contrôle du déplacement en supérieur de la lentille rigide qui doit éviter le contact avec la bulle de filtration.
De nouveaux systèmes de délivrance médicamenteuse d’hypotonisants sont actuellement en cours d’évaluation dans le traitement du glaucome : injections de microparticules et de nanoparticules biodégradables, systèmes d’implant posés chirurgicalement ou encore lentilles de contact imprégnées de molécules actives pour la réduction de la PIO [15]. Le but de ces nouvelles technologies est d’augmenter l’efficacité clinique et de pouvoir contrôler la PIO sur des périodes plus longues, d’un à plusieurs mois. Ces nouveaux concepts sont intéressants car on sait que l’observance thérapeutique des patients dans cette pathologie chronique n’est pas très bonne, réduisant ainsi l’efficacité clinique des molécules utilisées. L’idée d’utiliser des lentilles de contact souples comme réservoir n’est pas nouvelle et a été proposée dès 1975. L’hydrophilie importante des lentilles souples permet d’obtenir par trempage une concentration importante de produit actif et d’assurer un relargage progressif dès la pose sur l’œil. Les molécules évaluées à cette époque ont été la pilocarpine [11] et l’acétazolamide [8]. De nouvelles recherches ont récemment été initialisées avec des lentilles en silicone hydrogel en port permanent ; l’incorporation de vitamine D dans la lentille améliore la biodisponibilité de molécules comme le timolol avec une bonne efficacité pressionnelle et permet de plus de réduire le passage systémique [25]. La dose de timolol peut être ainsi largement diminuée, minimisant par ailleurs les effets systémiques. Une étude animale réalisée chez des chiens Beagles montre une efficacité avec seulement 20 % de la dose habituelle de timolol et un temps d’action pouvant aller jusqu’à quatre jours car la vitamine D incorporée permet un relargage plus long [24]. Il est également possible de modifier la matrice de la lentille en silicone hydrogel en incorporant des nanoparticules de PGT (propoxylglycéryltriacylate) chargées en timolol, avec une durée de relargage d’un mois [14].
Enfin, une nouvelle application des lentilles pour le diagnostic et le pronostic du glaucome a récemment été décrite : il s’agit du monitorage continu des fluctuations pressionnelles intra-oculaires sur une période de 24 heures [20, 21].
Différentes études ont montré que, dans le glaucome, les pics pressionnels peuvent souvent intervenir en dehors des horaires de consultation et que les amplitudes de fluctuation de la PIO peuvent jouer un rôle important dans l’évolution de la pathologie.
Afin de mieux caractériser et prendre en charge ces fluctuations, la firme Sensimed (Lausanne, Suisse) a développé une lentille à usage unique en silicone à surface hydrophile de 14,1 mm de diamètre et incluant un capteur qui permet de réaliser un véritable monitoring nycthéméral de la pression intra-oculaire. À l’aide d’une antenne placée autour du cadre orbitaire, ce dispositif mesure les variations pressionnelles à la jonction cornéosclérale et transmet les informations à un logiciel qui interprète ces valeurs. Ce dispositif permet d’obtenir une véritable courbe nycthémérale qui met en évidence les fluctuations sans donner de valeurs en mmHg, marquant ses limites actuelles (voir chapitre 9-II, paragraphe « Techniques de mesure de la pression intra-oculaire »).
Retenir
La prise de la PIO sur des lentilles de contact souples ne doit être faite que dans le cadre d’un dépistage d’une hypertension oculaire.
Il n’est pas envisageable de réaliser un suivi de glaucome et des mesures fiables de la PIO en faisant un recueil de la PIO sur des lentilles souples.
Seul un contrôle de la PIO fiable pourra être réalisé sur des lentilles thérapeutiques afocales.
La connaissance du type de lentilles portées et de ses constantes, le mode de port journalier ou permanent pourront amener le praticien à reconsidérer une mesure pachymétrique donnée chez un porteur de lentilles.
La mesure exacte de la pachymétrie, élément majeur dans tout suivi de patient glaucomateux ou hypertone, sera réalisée à distance du port de lentille de contact.
D’une façon générale, la correction d’amétropie en lentilles permet d’obtenir des résultats fiables lors du champ visuel, hormis les lentilles pour correction de presbytie et les lentilles de couleur.
L’utilisation de collyres sans conservateur doit être privilégiée chez le porteur de lentilles de contact.
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C. Burillon
Un patient opéré de chirurgie réfractive cornéenne (CRC) doit être surveillé régulièrement par un ophtalmologiste, même s’il est devenu emmétrope.
Il est important de toujours rechercher des antécédents familiaux ou personnels de glaucome primitif à angle ouvert (GPAO), même si le patient n’en parle pas spontanément.
Il ne faut jamais sous-estimer le risque de GPAO chez un myope opéré de CRC.
Il est nécessaire que le patient se procure son dossier médical pré-Lasik afin de pouvoir déterminer avec plus de justesse le niveau de pression intra-oculaire (PIO) qui justifiera la mise en route d’une thérapeutique.
Devant un patient opéré de CRC plusieurs mois ou années auparavant, déjà suspect de glaucome ou à risque de glaucome (hypertension oculaire, antécédents familiaux, etc.), plusieurs problèmes se posent et doivent être résolus.
Comme développé dans le chapitre 13-XI, la PIO après CRC sera volontiers diminuée lors de la mesure tonométrique si le défaut réfractif corrigé était une myopie ou un astigmatisme myopique. Si aucun élément préopératoire n’est connu, la PIO cible sera révisée par rapport à l’épaisseur cornéenne centrale mesurée, et l’examen de la papille et des fibres nerveuses rétiniennes sera indispensable pour confirmer ou non le GPAO. Si des éléments préopératoires peuvent être retrouvés, en particulier les valeurs des PIO préopératoire et postopératoire, le différentiel noté permettra de corriger la PIO mesurée des années après.
Ainsi, l’évaluation d’une pression cible est encore plus un défi lorsqu’un patient a été opéré de CRC. Elle sera toujours inférieure à la PIO d’un patient non opéré, et souvent inférieure à 20 mmHg. Le traitement du GPAO devra être mis en route rapidement dès le moindre doute sur ce diagnostic.
L’importance de la régression myopique qui peut apparaître après CRC est généralement proportionnelle à l’épaisseur de cornée ablatée (donc à l’importance de la myopie initiale), mais également à une épaisseur cornéenne initiale plutôt faible, au diamètre de la zone optique traitée [3] et à la présence d’un œil sec de façon chronique [1]. Ce sera généralement l’œil qui était le plus myope avant la CRC qui va redevenir myope au fil des années. De nombreuses publications attestent que c’est l’augmentation de la PIO qui entraînerait un déplacement vers l’avant de la cornée et donc faciliterait une régression de l’effet de la chirurgie réfractive. Ainsi, la régression myopique après CRC pourrait être un signe d’appel d’une éventuelle hypertension oculaire, même modérée. L’œil qui tend à redevenir myope après CRC serait plus sensible au développement ou à la progression d’un glaucome, affectant généralement plus l’œil le plus myope avant la CRC. Certains cliniciens ont proposé d’utiliser des collyres hypotenseurs, en particulier bêtabloquants, pour réduire cette régression [4, 8, 12] et ont reporté des résultats intéressants, en particulier dans certaines ectasies post-Lasik.
Cependant les analogues des prostaglandines, après plusieurs mois de traitement, sont responsables d’un amincissement de l’épaisseur de la cornée centrale par une anomalie de régulation des métalloprotéinases matricielles intracornéennes [6, 11]. Cette classe de collyres antiglaucomateux pourrait ainsi, au contraire, augmenter le risque d’une régression de la myopie ou d’une ectasie sur le long terme [2, 16].
Des études récentes rapportent un abaissement pressionnel différent après mise en place d’un traitement par collyres hypotenseurs, selon que la cornée du patient est plus ou moins épaisse. Les patients ayant une cornée épaisse auraient un abaissement pressionnel moins important que ceux ayant une épaisseur cornéenne plus faible [5, 7]. Dans une étude multicentrique, Harasymowycz et al. [5] avaient démontré cette moindre efficacité après six semaines de traitement par travoprost. Une des hypothèses évoquées serait la moins grande pénétration intra-oculaire du collyre au travers d’une cornée épaisse par rapport à une cornée plus fine. Cependant, même si l’on peut extrapoler sur l’efficacité accrue des collyres hypotenseurs après CRC (après amincissement de l’épaisseur de la cornée centrale), il faut insister sur le fait qu’aucune étude comparative n’a été menée sur des patients dont la cornée est amincie par CRC.
Par ailleurs, la modification de la perméabilité de l’épithélium liée à un syndrome sec (pré- et post-CRC) ou à l’instillation chronique de collyres avec conservateurs pourrait faciliter la pénétration des collyres en intra-oculaire, donc augmenter leur efficacité.
Dans la littérature, une cornée amincie par une CRC présente une réduction pressionnelle identique [14] après traitement par collyres antiglaucomateux que chez un patient non opéré. Les différents collyres proposés seront aussi efficaces en mono- ou en plurithérapie [10, 15] sur la baisse pressionnelle.
À cause de l’amincissement stromal induit par les collyres analogues des prostaglandines, le collyre utilisé en première intention doit être plutôt un bêtabloquant (eCas clinique 20-1). Il ne faut certainement pas prendre le risque de voir la cornée s’amincir, d’une part à cause de la possibilité d’ectasie secondaire, et d’autre part parce que la PIO mesurée s’abaissera encore, sans que l’on puisse affirmer une réelle efficacité thérapeutique. Les contre-indications et/ou la non-efficacité du collyre bêtabloquant doit inciter à utiliser les autres classes thérapeutiques, en portant une attention particulière à l’évolution topographique et la pachymétrie. Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique seront privilégiés en seconde intention.
Madame C., 56 ans, consulte pour la première fois. Elle vient de changer de région et souhaiterait modifier sa correction optique. Elle vous informe qu’elle a été opérée de Lasik à l’âge de 48 ans, pour une myopie de – 10 D, que le chirurgien l’avait laissée un peu myope de l’œil gauche pour lui permettre de voir de près. Elle n’a aucune autre information sur cette chirurgie. Son acuité visuelle est de 7/10 à l’œil droit sans correction, 10/10 avec – 0,5 (– 0,75 à 100), et 3/10 à l’œil gauche sans correction, 10/10 avec – 2,25. Sa PIO est de 17 mmHg à l’œil droit et 18 mmHg à l’œil gauche. Il n’y a pas d’excavation papillaire, mais un staphylome myopique atrophique péripapillaire.
1. La correction par CRC de – 10 D impose une photo-ablation d’au moins 100 μm, voire plus selon les lasers Excimer. Ainsi, la PIO réelle doit être augmentée au moins de 5 mmHg sur l’œil droit et de 4 mmHg sur l’œil gauche. Nous nous trouvons donc devant une hypertension intra-oculaire.
2. La pachymétrie, ici de 410 μm à droite et 420 μm à gauche, ne nous apporte rien de plus, sauf à confirmer que la valeur réelle de la PIO est plus élevée.
3. Les examens complémentaires (champ visuel et OCT papillaires) seront une aide indispensable pour affirmer ou infirmer un GPAO. Si des lésions existent, le traitement sera alors obligatoire.
4. Dans le cas contraire, compte tenu de la forte myopie, il faut revoir la patiente un mois après pour confirmer son hypertension. Si celle-ci persiste, il faut préférer mettre en route un traitement par un collyre bêtabloquant, sans conservateur, sous une forme à libération prolongée pour faciliter l’observance. Elle sera revue à mois, trois mois, puis six mois : la PIO doit avoir chuté de 4 à 5 mmHg pour assurer son efficacité. Parallèlement, il ne doit y avoir aucune dégradation des fibres optiques lors des examens paracliniques réalisés ultérieurement.
Les traitements physiques ne posent pas de problèmes chez ces patients opérés présentant le plus souvent un angle iridocornéen largement ouvert. L’hyperpigmentation trabéculaire de certains myopes forts sera un élément favorisant la bonne réponse à la trabéculoplastie à l’argon ou à la trabéculoplastie sélective.
Chez l’hypermétrope ou le sujet âgé de plus de 60 ans, la diminution de la profondeur de la chambre antérieure peut entraîner les mêmes difficultés techniques à la réalisation de ce traitement et risque donc d’aboutir à un échec, aussi bien chez un patient opéré de CRC que chez un patient non opéré.
La chirurgie filtrante doit être proposée en cas d’échappement aux thérapeutiques médicales ou lorsque la neuropathie glaucomateuse progresse malgré une réduction apparente de la PIO, ou si le patient n’est pas observant. La chirurgie ne présente pas de différence entre un patient opéré ou non opéré de CRC. L’épaisseur sclérale du myope fort, amincie de façon considérable à certains endroits, impose une habileté chirurgicale particulière lors de la réalisation des volets scléraux sous peine de perforation. Il faut ainsi éviter d’intervenir dans les zones trop amincies. L’utilisation de mitomycine C ou de 5-fluorouracile doit être précédée de la mise en place d’une protection cornéenne afin d’éviter toute ulcération de la cornée : celle-ci pourrait non seulement modifier la réfraction, mais aussi amincir partiellement le stroma et entraîner des troubles cicatriciels graves. Une exposition intracamérulaire doit absolument être évitée.
La CRC ne présente pas un risque supplémentaire dans l’évolution du GPAO : la prévalence de la progression n’est pas différente entre deux groupes de myopes, l’un avec des patients opérés de CRC et l’autre avec des patients non opérés [9]. Généralement, la population glaucomateuse opérée de CRC est plus jeune. La technique opératoire (Lasik ou photokératectomie réfractive) n’est pas un facteur de risque de prévalence de glaucome.
Ainsi, le traitement d’une élévation pressionnelle après CRC ne présente pas de différence avec celui des patients glaucomateux n’ayant pas été opérés de CRC (eCas clinique 20-2). La prise en charge du glaucome après chirurgie réfractive n’est pas plus difficile, en dehors du fait que le chiffre de la PIO sera toujours plus bas après CRC pour myopie. Seule sa variation permettra d’affirmer l’efficacité thérapeutique : par exemple, un abaissement de 15 à 10 mmHg permettra de confirmer l’action des collyres ; une stagnation à 15 mmHg (avec des signes patents de GPAO) ou une élévation à 18 mmHg affirmera l’aggravation de la maladie et la nécessité de modifier le traitement, même si toutes ces valeurs pressionnelles se situent toujours en dessous de 20 mmHg.
Monsieur D., 45 ans, s’est fait opérer par Lasik il y a trois ans pour une myopie de – 8 D. Son chirurgien lui a donné sa réfraction, sa PIO (20 mmHg à chaque œil), sa pachymétrie préopératoire (508 μm et 502 μm) et son compte rendu opératoire, et a évoqué le risque de GPAO car le père de monsieur D. était porteur de cette affection. Malgré cette mise en garde, le patient n’a pas contrôlé sa PIO depuis son opération. La PIO est mesurée à 20 mmHg aux deux yeux le jour de la consultation.
1. Il existait une hypertension oculaire (cornées fines avec PIO à 20 mmHg) avant la réalisation du Lasik, qui aurait dû faire l’objet d’un bilan : photographie du fond d’œil, de la papille, champ visuel, OCT, etc. Le chirurgien n’aurait pas dû opérer sans avoir la certitude qu’il ne se trouvait pas en face d’un GPAO avéré.
2. La photo-ablation mentionnée sur le compte rendu opératoire est de 92 μm. La PIO réelle actuelle peut être évaluée autour de 24 à 25 mmHg.
3. L’examen papillaire révèle une excavation à 5/10, le champ visuel un ressaut nasal et l’OCT une épaisseur diminuée en temporal inférieur des fibres nerveuses rétiniennes. Le GPAO est certain.
4. Un traitement par un collyre bêtabloquant, plus ou moins associé à un collyre aux inhibiteurs de l’anhydrase carbonique, doit être instauré rapidement. La PIO devrait chuter en dessous de 15 mmHg pour assurer une certaine sécurité. La surveillance clinique et paraclinique doit être rapprochée (tous les mois). Compte tenu du jeune âge du patient, il est possible qu’une chirurgie filtrante soit indiquée rapidement afin de maîtriser l’évolution de ce glaucome.
La prise en charge du GPAO reste, malgré tout, plus difficile à appréhender chez un patient opéré de CRC. Aussi le GPAO doit-il rester une contre-indication relative aux procédures réfractives et obliger le chirurgien à assurer une surveillance rapprochée du patient tout au long de sa vie [13].
Retenir
Le traitement médical d’un GPAO survenant après une CRC doit débuter, en l’absence de contre-indication, par la prescription d’un collyre bêtabloquant.
L’efficacité du traitement repose sur un abaissement significatif de la PIO mesurée, quelles que soient les données pachymétriques, et sur un suivi attentif des examens de la structure et de la fonction.
L’évolution du GPAO après CRC est identique à celle d’un patient présentant la même myopie et non opéré, sans aggravation majorée en particulier.
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N. Collignon, S. de Gueldre
Un tiers des patientes atteintes de glaucome dans le décours de leur grossesse connaissent une instabilité de leur pression intra-oculaire (PIO) et/ou de leur champ visuel.
Si l’intention de grossesse est connue chez une patiente glaucomateuse, une mise au point du traitement antiglaucomateux est indispensable afin de proposer des alternatives au traitement médical, telles que la chirurgie filtrante et éventuellement la trabéculoplastie (SLT ou ALT).
Dans le cas où l’intention de grossesse n’est pas connue au préalable, la poursuite du traitement antihypertenseur intra-oculaire devra être discutée entre l’ophtalmologue et la patiente en considérant le risque pour le fœtus et le bénéfice visuel pour la mère, et ce tout au long du suivi de grossesse.
Tous les médicaments antiglaucomateux devraient être évités durant le 1er trimestre de grossesse afin de minimiser les effets tératogènes possibles sur le fœtus.
Le traitement antihypertenseur, offrant le meilleur profil de sécurité et recommandé en 1re intention chez la patiente glaucomateuse au-delà du 1er trimestre de la grossesse, combine les bêtabloquants faiblement dosés et les inhibiteurs topiques des IAC.
La prévalence du glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) augmente avec l’âge. La population de femmes enceintes ayant ce type glaucome est dès lors relativement restreinte.
Toutefois, en général, les patientes jeunes sont atteintes de glaucomes plus difficiles à stabiliser, tels le glaucome juvénile, le glaucome congénital ou le glaucome secondaire. Dès lors, la prise en charge du glaucome chez la femme enceinte est rendue d’autant plus complexe qu’elle doit considérer à tout moment de la grossesse les risques tératogènes pour le fœtus et les lourdes menaces visuelles pour la mère.
Existe-t-il des différences concernant l’évolution du glaucome entre les patientes glaucomateuses enceintes ou non ? Nous connaissons bien les effets secondaires des médicaments antiglaucomateux dans une population normale, mais qu’en est-il chez la femme enceinte ? Quels sont leurs effets tératogènes connus ? Quels sont les collyres à éviter absolument durant la grossesse, l’accouchement et/ou l’allaitement ?
Les réponses à ces questions doivent être nuancées car il n’existe pas, à ce jour, de consensus fondé sur des études cliniques. Or tout essai clinique dans ce cas particulier reste difficile à envisager en raison de contraintes médicolégales et éthiques, d’un échantillon réduit de patientes et d’un faible intérêt accordé par les sociétés pharmaceutiques.
Le sujet est donc très controversé et les recommandations se fondent sur les études animales et les études de cas.
Une diminution de la PIO entre 10 et 20 % est généralement observée tout au long de la grossesse [8, 16]. La chute la plus ample de la PIO survient entre la 12e et la 18e semaine de grossesse et est estimée en moyenne à 2,3 ± 0,38 mmHg [6, 8, 14, 16].
La PIO plus basse chez la femme enceinte non glaucomateuse est associée à une moindre variation diurne de celle-ci. En moyenne, cette variation nychtémérale de la PIO est estimée à 2,3 mmHg chez les patientes en dehors de la période de grossesse alors qu’elle est de 1 mmHg lors du 3e trimestre de la grossesse.
L’effet hypotensif oculaire de la grossesse est significativement plus important chez la femme multipare que chez la primipare, mécanisme non encore parfaitement élucidé mais probablement expliqué par un surcroît de stress et d’inconfort lors d’une première grossesse [14, 16].
Certains auteurs pensent qu’il n’y a pas d’effet de la pression artérielle systémique sur la diminution de la PIO en fin de grossesse, alors que d’autres ont rapporté que la PIO en fin de grossesse chez une femme normotensive est inférieure de 0,6 mmHg comparée à celle, à la même période, d’une femme enceinte hypertendue [16].
La chute de la PIO au cours de la grossesse s’explique par trois mécanismes :
l’augmentation du flux uvéoscléral et du flux trabéculaire [14, 16], résultant des changements hormonaux (les œstrogènes relâchant les tissus collagènes de la sclère et du trabéculum, la progestérone modifiant les glycosaminoglycanes du trabéculum) ;
la diminution de la pression veineuse épisclérale [14, 16] ;
la mesure erronée de la PIO liée à la diminution de la rigidité cornéenne donnant des mesures faussement basses au tonomètre à aplanation de Goldmann [16].
Des faisceaux de Krukenberg sont plus fréquemment observés à l’examen à la lampe à fente chez les femmes enceintes. Cette observation est probablement due à l’augmentation de la pigmentation secondaire aux modifications hormonales lors de la grossesse.
Ces dépôts rétrodescemétiques pigmentaires ont tendance à diminuer de taille durant le 3e trimestre de la grossesse et le post-partum, à la suite de l’augmentation de la facilité du flux sortant (outflow) de l’humeur aqueuse en fin de grossesse [16].
La sensibilité cornéenne diminue habituellement au cours de la dernière partie de la grossesse et redevient normale plus de deux mois après l’accouchement [8, 16].
L’épaisseur de la cornée augmente également légèrement (environ 16 microns) en raison de l’œdème qui peut entraîner un changement de l’indice de réfraction de la cornée. Par conséquent, il est conseillé de ne pas changer de lunettes avant plusieurs semaines après l’accouchement [8, 16].
Il n’y a cependant pas de corrélation entre la baisse de PIO et l’épaisseur de cornée chez les femmes enceintes [16].
Des déficits visuels asymptomatiques, comme des hémianopsies hétéronymes bitemporales, des rétrécissements concentriques ou un élargissement de la tache aveugle, peuvent être induits par une augmentation de la taille de la glande hypophysaire pendant la grossesse (120 % de sa taille).
Les éléments importants pour différencier un déficit visuel glaucomateux d’un déficit visuel induit par la grossesse sont la rareté des déficits périmétriques liés au glaucome dans le champ visuel temporal et la réversibilité du déficit visuel après une grossesse non compliquée [16].
Les taux augmentés d’œstrogènes durant la grossesse induisent une vasodilatation capillaire dans de nombreux tissus, notamment au niveau choroïdien, expliquant ainsi l’augmentation du débit sanguin oculaire pulsatile [16].
En revanche, la grossesse représente un facteur de risque de rétinopathie séreuse centrale. Il est donc important d’envisager ce diagnostic devant toute patiente enceinte présentant une diminution de l’acuité visuelle, un scotome central et des métamorphopsies [8].
Enfin, une hypertension artérielle peut survenir chez 5 à 8 % de patientes enceintes antérieurement normotendues. Dans certains cas, associée à une protéinurie et l’apparition de convulsions, l’urgence est obstétrique et impose la délivrance rapide du fœtus. L’éclampsie ainsi diagnostiquée peut entraîner les trois complications majeures visuelles que constituent la rétinopathie hypertensive, le décollement de rétine exsudatif et, aussi, la cécité corticale.
Ces complications peuvent s’expliquer par la présence d’une maladie vasculaire systémique coexistante, des changements hormonaux, des lésions endothéliales, une autorégulation anormale de la choroïde et/ou une ischémie par hypoperfusion [8].
Durant l’accouchement, la PIO augmente de 1,4 mmHg, puis diminue de 3 mmHg immédiatement après. Ces modifications semblent liées aux manœuvres de Valsalva et à l’augmentation du taux d’ocytocine entraînant une vasoconstriction capillaire et une diminution du débit aqueux [16].
Certaines patientes enceintes ayant un glaucome préexistant peuvent avoir différents profils de courbe de PIO et de progression du glaucome durant la grossesse et doivent être surveillées étroitement [1, 16].
Une étude rétrospective américaine, dans laquelle 15 patientes glaucomateuses ont été suivies durant leur grossesse, montre que 16 (57,1 %) sur les 28 yeux (groupe I) analysés avaient une PIO inchangée, de même qu’un champ visuel stable ; 5 (17,9 %) sur les 28 yeux (groupe II) avaient une progression du champ visuel avec PIO stable ou augmentée ; et 5 (17,9 %) sur les 28 yeux (groupe III) avaient une augmentation de PIO sans progression du champ visuel [4, 6]. Les données cliniques des deux yeux (7,1 %) restants ne sont pas interprétables. De nombreuses patientes du groupe I ont pu, dès lors, être suivies avec une moindre médication antihypertensive intra-oculaire comparativement à la situation avant la grossesse. Dans les groupes II et III, malgré l’intensification du traitement médical, une augmentation de la PIO et/ou la progression du champ visuel n’ont pu être évitées.
L’augmentation de la PIO retrouvée dans une certaine proportion (environ un tiers) de femmes enceintes glaucomateuses pourrait s’expliquer de deux façons :
soit par l’augmentation de la non-compliance médicamenteuse durant la grossesse. C’est en renforçant la communication entre médecin et patiente tout en minimisant les risques pour le fœtus que la vision de la mère sera la mieux préservée [1, 9] ;
soit par un biais de sélection des patientes, étant donné que d’autres types de glaucome, tels le glaucome congénital, le glaucome par aniridie, le glaucome uvéitique, le glaucome pigmentaire, le glaucome par dispersion pigmentaire et le glaucome à pression normale, sont retrouvés plus fréquemment dans une population jeune et sont en général plus sévères que le GPAO [1].
Chez les deux tiers restants de femmes enceintes glaucomateuses, la chute de PIO la plus importante survient entre la 24e et la 30e semaine de gestation, à savoir un trimestre plus tard que chez les femmes enceintes non glaucomateuses [2, 16]. Même si la PIO chute pendant la grossesse dans ce groupe de patientes, il faut néanmoins garder à l’esprit que la PIO initiale est plus élevée que dans la population normale.
Tout comme dans la population générale, l’accouchement entraîne une augmentation de la PIO. Vue la brièveté de cette dernière, elle ne représente pas un facteur de risque de progression du glaucome, sauf si elle est associée à une chute de pression artérielle systémique [16].
Chez la femme non glaucomateuse, la PIO diminue environ de 10 à 20 % pendant toute la grossesse, avec un maximum entre la 12e et la 16e semaine. Au cours de l’accouchement est d’abord observée une légère augmentation, immédiatement suivie d’une baisse plus importante de la PIO.
Chez deux tiers des patientes glaucomateuses, on note aussi une légère diminution de la PIO au cours de la grossesse (mais avec un maximum se situant entre la 24e et la 30e semaine). Elle permet un allégement du traitement de base. Au cours de l’accouchement, la PIO augmente également, mais en général sans risque compte tenu de sa brièveté.
Parmi le tiers restant de patientes glaucomateuses, la PIO augmente pendant la grossesse entraînant, dans certains cas, une progression de leur champ visuel.
Il n’existe aucune recommandation ni aucun consensus sur la stratégie thérapeutique à adopter.
Deux centres de référence peuvent néanmoins guider nos décisions thérapeutiques. En France, le CRAT (Centre de référence sur les agents tératogènes : www.lecrat.org) évalue le risque fœtal potentiel de chaque médicament durant la grossesse et l’allaitement [2]. Aux États-Unis, une classification équivalente des risques établie par la Food and Drug Administration (FDA) existe. Cette classification FDA est fondée sur cinq catégories [4, 6, 16, 17] :
catégorie A : sécurité établie à l’aide d’études humaines ;
catégorie B : sécurité présumée sur la base d’études animales ;
catégorie C : sécurité incertaine ; pas d’études humaines ; les études animales montrent des effets secondaires ; évaluer le rapport bénéfice/risque ;
catégorie D : insécurité ; preuve d’un risque dans certaines conditions ; à n’administrer qu’en cas d’urgence ;
catégorie X : contre-indication formelle.
Tous les collyres antihypertenseurs intra-oculaires pour le glaucome sont retrouvés dans les catégories B et C (tableau 20-2).

Tableau 20.2 – Classification des collyres anti-glaucomateux selon la FDA.
Les données dont nous disposons restent parcellaires et, dès lors, l’ophtalmologiste doit évaluer chaque situation individuellement en fonction du rapport bénéfice/risque du traitement pour la mère et pour le fœtus [2, 3, 11] (fig. 20-11).
Prescrire seulement lorsque le bénéfice attendu pour la mère est supérieur au risque encouru par le fœtus.
Le moins de principes actifs différents à la fois.
La posologie efficace la plus faible.
Le traitement le plus court.
Préférer les produits commercialisés de longue date.
En général choisir, si possible, une spécialité ophtalmique « gel » qui minimise l’exposition systémique par rapport aux collyres. En cas d’utilisation d’un collyre, l’absorption systémique peut être réduite en comprimant l’angle interne de l’œil immédiatement après l’instillation.
NB : selon le Vidal®, tous les collyres antiglaucomateux, y compris la brimonidine, sont classés en catégorie C.

Fig. 20-11 Échographie de fœtus. (Cliché : Val-de-Grâce.)
C’est la classe médicamenteuse la mieux connue des ophtalmologues dans le traitement du glaucome, et des obstétriciens dans celui de la toxémie gravidique.
En ophtalmologie, les deux plus utilisés sont le timolol et le bétaxolol.
Dans la littérature, le risque de tératogénicité est considéré comme faible, avec un seul cas de trouble de conduction cardiaque rapporté avec l’utilisation de bêtabloquants durant le premier trimestre [13, 16]. A été également rapporté le cas d’une patiente où le timolol utilisé durant la grossesse a été associé à une bradycardie et une arythmie chez le fœtus [10]. De même, des complications neurologiques (léthargie et confusion) ainsi que des troubles respiratoires ont été rapportés chez le nouveau-né [16] (tableau 20-3).
Il est préférable dès lors de choisir un bêtabloquant comme le maléate de timolol en gel à 0,1 % avec une libération prolongée qui minimise les effets systémiques, ou comme le bétaxolol (Bétoptic®) qui, plus fortement lié aux protéines plasmatiques, engendre moins d’effets sur le système nerveux central que les autres bêtabloquants [16].

Tableau 20.3 – Effets secondaires des médicaments antiglaucomateux de la grossesse jusqu’à l’allaitement.
Les analogues de la prostaglandine F2α utilisés par voie oculaire (latanoprost, travoprost, bimatoprost) ont un faible passage systémique. Les prostaglandines augmentent le tonus utérin et diminuent la perfusion sanguine du fœtus à une dose importante, équivalente à 400 ml de latanoprost [16]. Aux doses recommandées dans le traitement du glaucome, aucune tératogénicité n’a été démontrée chez la femme à ce jour. Toutefois, la prudence reste théoriquement de mise. En effet, dans une série de 11 patientes glaucomateuses traitées par latanaprost et étroitement suivies pendant leur grossesse, aucun nouveau-né n’a présenté d’anomalie congénitale, mais une fausse couche a toutefois été rapportée [5] (tableau 20-3).
L’α2-agoniste tel que la brimonidine (Alphagan® et ses génériques) est un sympathomimétique utilisé par voie oculaire dans le traitement de l’HTO et du glaucome à angle ouvert. Par voie oculaire, son passage systémique est faible chez l’adulte. Chez le nouveau-né, l’α2-agoniste est contre-indiqué en raison d’effets secondaires graves survenus lors de traitement par voie oculaire : hypotension artérielle, bradycardie, hypothermie, apnée [2].
Les α2-agonistes ne doivent donc être utilisés qu’en deuxième intention durant la grossesse et seront arrêtés, dans tous les cas, avant l’accouchement et durant l’allaitement car il existe un risque de dépression du système nerveux central, incluant des apnées possibles chez le nouveau-né et le nourrisson [2, 4, 6, 7, 11, 15, 16] (tableau 20-3).
Selon plusieurs auteurs, il n’y a pas de cas décrits de complications fœtales quelles qu’elles soient avec l’utilisation topique d’inhibiteurs de l’anhydrase carbonique (IAC) chez des femmes enceintes ni chez les enfants allaités [16]. D’autres cependant décrivent un cas de nouveau-né de faible poids et avec une fonction rénale altérée [4, 10, 11, 16] (tableau 20-3).
Avec les IAC systémiques, des anomalies à la naissance ont été rapportées chez l’animal.
Il existe également des rapports associant l’utilisation des IAC systémiques avec des tératomes sacrococcygiens et une acidose tubulaire rénale chez le nouveau-né [4, 16, 15] (tableau 20-3).
Il faut utiliser avec précaution ou éviter l’utilisation d’un IAC systémique durant l’allaitement à cause d’effets indésirables rénaux et hépatiques chez le nouveau-né.
Par conséquent, les IAC systémiques n’ont aucune place dans l’arsenal thérapeutique du glaucome durant la grossesse. Aucun rapport n’est publié sur le site du Vidal® et du CRAT [2, 7]. Seule leur utilisation dans une situation urgente d’HTO non contrôlée est acceptée.
Bien qu’un effet tératogène et des effets secondaires sur le fœtus aient été démontrés chez l’animal [16], selon une large étude, il n’y a pas d’association entre l’utilisation de parasympathicomimétiques systémiques et d’éventuelles malformations congénitales durant les quatre premiers mois de gestation [16].
La pilocarpine par voie oculaire peut provoquer, lors d’administrations répétées, des signes généraux parasympathiques. En cas de traitement local à doses importantes pendant toute la grossesse jusqu’à l’accouchement, des symptômes parasympathiques sont susceptibles de survenir chez le nouveau-né (hyperthermie, hypersudation, agitation) [2, 10].
Les myotiques restent cependant, en pratique, de bons candidats, en deuxième intention, pour le traitement du glaucome durant la grossesse [2, 11]. L’utilisation de la pilocarpine est également autorisée durant l’allaitement (tableau 20-3).
La grossesse
En première intention, une ou plusieurs molécules parmi les classes suivantes peuvent être utilisées quel que soit le terme de la grossesse :
Bêtabloquant : lévobunolol (Bétagan®), bétaxolol (Bétoptic®), cartéolol (Cartéol®, Cartéol® LP), timolol (Timoptol® et ses génériques).
IAC topique : brinzolamide (Azopt®), dorzolamide (Trusopt®).
En deuxième intention et avec les mêmes recommandations :
Brimonidine : Alphagan® et ses génériques.
Pilocarpine : Isoptopilocarpine®.
Analogues des prostaglandines F2α : travoprost (Travatan®), latanoprost (Xalatan® et ses génériques), bimatoprost (Lumigan®).
L’allaitement
Les mêmes molécules peuvent être utilisées en cours d’allaitement.
En première intention :
IAC topique : brinzolamide (Azopt®), dorzolamide (Trusopt®).
Timolol : Timoptol® et ses génériques.
En seconde intention :
Analogues des prostaglandines F2α : travoprost (Travatan®), latanoprost (Xalatan® et ses génériques), bimatoprost (Lumigan®).
Elle peut être réalisée avant ou pendant la grossesse. Néanmoins, il faut tenir compte de la moindre efficacité du laser chez les sujets jeunes en général (âge inférieur à 50 ans), particulièrement ceux atteints de glaucomes congénitaux sévères [3, 4, 6, 16]. Toutefois, elle reste une alternative raisonnable étant donné que l’effet hypotenseur recherché d’un traitement n’est pas optimal dans ce cas particulier, pour autant que le glaucome reste stable sans traitement médical ou avec un minimun de collyres [3].
Il est préférable de différer la chirurgie jusqu’au 2e trimestre pour réduire l’exposition du fœtus à des agents anesthésiques potentiellement tératogènes. Cependant, la chirurgie du glaucome représente un moindre risque fœtal qu’une multithérapie fondée sur un nombre croissant de collyres de catégorie C [11, 15]. Les antimitotiques (5-fluorouracile et mitomycine C) sont, pour des raisons évidentes, formellement contre-indiqués [4, 6, 11].
Les antibiotiques utilisés pour traiter les femmes enceintes appartiennent aux familles des pénicillines (c’est-à-dire pénicilline, ampicilline), des céphalosporines (c’est-à-dire céfoxitine, céfotétan, céfazoline), des macrolides (érythromycine, à l’exception de la clarithromycine) et des clindamycines [2, 7].
Sont déconseillés les antibiotiques de la famille des cyclines, des aminosides et des quinolones.
Les anti-inflammatoires stéroïdiens topiques (tels que la dexaméthasone) ne sont pas contre-indiqués chez la femme enceinte. Des retards de croissance intra-utérins, des petits poids de naissance et des perturbations surrénaliennes néonatales ont été signalés chez des enfants de mère traitée au long cours par des corticoïdes (par voie générale ou locale) dans le cadre de pathologies chroniques (lupus, asthme, greffe d’organe). Le rôle propre de la maladie ne peut être exclu. En pratique, par voie oculaire, la dexaméthasone peut être utilisée quel que soit le terme de la grossesse et pendant l’accouchement [4, 6, 11].
Sont contre-indiqués tous les anti-inflammatoires non stéroïdiens quelle que soit leur voie d’administration, car une seule utilisation peut causer une fermeture précoce du canal artériel chez le fœtus, particulièrement durant le 3e trimestre [12].
En postopératoire, l’érythromycine topique (catégorie B) et les stéroïdes (catégorie C) en onguent ou en gouttes avec occlusion du point lacrymal sont autorisés pendant un mois au maximum [11, 16].
Si une opération est proposée à une jeune mère en période d’allaitement, il est conseillé de stocker le lait maternel avant la chirurgie, ou de l’encourager à sevrer le bébé.
Le monitoring fœtal non invasif n’est pas nécessaire dans les procédures ophtalmologiques que ce soit en per- ou postopératoire.
Deux voies d’approche du traitement du glaucome chez la femme enceinte se distinguent :
une première approche serait de débuter le traitement avec un bêtabloquant, suivi d’un inhibiteur de l’anhydrase carbonique topique, puis – si nécessaire – de passer à une trabéculoplastie ou à la brimonidine en seconde intention [1, 4, 6] ;
une seconde approche proposée serait de réaliser une trabéculoplastie au laser en première intention, puis de débuter une médication topique avec une approche multidisciplinaire afin de sécuriser le monitoring fœtal. Il est suggéré de ne pas utiliser des analogues des prostaglandines mais de débuter avec un inhibiteur topique de l’anhydrase carbonique suivi de la brimonidine, puis si nécessaire du timolol gel ou collyre avec occlusion des points lacrymaux [3, 4, 6, 15].
Retenir
Conseils de surveillance
Une bonne communication médecin-patiente et un suivi rapproché sont indispensables.
Le clinicien doit toujours mettre en balance le rapport bénéfice/risque du traitement pour la mère et le fœtus.
Conseils de traitement médical
Toutes les médications antiglaucomateuses devraient être évitées durant le 1er trimestre de grossesse afin de minimiser les effets tératogènes possibles sur le fœtus.
Durant les 2e et le 3e trimestres, les bêtabloquants et les IAC topiques peuvent être utilisés en première intention et les α-agonistes et les myotiques en deuxième intention. Il faut arrêter les bêtabloquants et les α-agonistes avant la naissance afin d’éviter des complications chez le nouveau-né.
Les bêtabloquants, les α-agonistes et les IAC systémiques passent dans le lait maternel et doivent être évités durant l’allaitement.
Dès lors, les IAC topiques, les analogues des prostaglandines et les myotiques sont des choix raisonnables durant l’allaitement.
Il vaut mieux éviter les analogues des prostaglandines durant toute la grossesse afin de minimiser le risque d’accouchement prématuré.
Il faut toujours exercer une pression sur les points lacrymaux après l’instillation des gouttes oculaires afin de minimiser la résorption systémique.
Il est suggéré d’allaiter juste avant de prendre la médication oculaire car le pic d’absorption des principes actifs est en général entre une et deux heures après instillation.
Conseils de traitement chirurgical
Il est préférable de planifier et d’envisager la chirurgie du glaucome ou la trabéculoplastie avant la grossesse afin d’anticiper la diminution ou l’arrêt du traitement médical durant la grossesse.
Si la chirurgie du glaucome est nécessaire, alors la proposer jusqu’au 2e trimestre et éviter l’utilisation des antimétabolites.
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- Chapitre 20
Situations cliniques particulières- I - Formes mixtes
- II - Glaucome et cataracte
- III - Glaucome et kératoplasties
- IV - Glaucome et dégénérescence maculaire liée à l’âge
- V - Glaucome et décollement de rétine
- VI - Glaucome et lentilles de contact
- GPAO et port régulier de lentilles de contact
- PIO et lentilles de contact
- Champ visuel avec port de lentilles de contact
- Glaucomes opérés et port de lentilles
- Lentilles réservoir de médicaments pour le traitement du glaucome
- Glaucome et évaluation des fluctuations pressionnelles intra-oculaires par lentilles souples
- Bibliographie
- VII - Glaucome et chirurgie réfractive
- VIII - Glaucome et grossesse