Prises en charge
Introduction – L’École française

C. Corbé

L’école française tend à s’orienter vers une prise en charge de type médecine sensorielle réadaptative, à l’instar d’une structure classique de médecine physique et réadaptative dont le but est le rétablissement d’une ou de plusieurs fonctions altérées par maladie ou traumatisme.

Prenons en compte que si le système visuel, élément principal du système sensoriel, est nécessaire, il est rarement suffisant, à lui seul, dans la réalisation d’une fonction motrice.

Néanmoins, et c’est là où son rôle est majeur, une perturbation de son fonctionnement rend les tâches mentales et ergonomiques plus difficiles à réaliser, pouvant conduire à des accidents, des replis sur soi, et en fin de compte à une réduction de l’espérance de vie.

Le principe de la prise en charge consiste dans le passage d’un état de handicap à un nouvel état complètement différent, mais efficient, dont le psychologue sera, avec le médecin ophtalmologiste et l’orthoptiste, un activateur essentiel. La rééducation est fondée sur plusieurs points, mais trois sont essentiels :

  • utilisation des champs récepteurs (capteurs d’informations) encore intacts pour développer une vision d’accroche sur l’environnement;

  • restructuration cognitive, à partir des images dégradées et de la potentialisation multisensorielle ;

  • utilisation de la représentation mentale pour anticiper et préparer la réalisation d’un acte moteur.

La prise en charge rééducative, en se référant globalement au marqueur acuité visuelle uniformément répandu, peut être approchée selon également trois formes cliniques :

  • déficience visuelle légère (catégorie 0 de l’Organisation mondiale de la santé [OMS] : acuité du meilleur oeil > 3/10) : il existe une atteinte dans la réception des hautes fréquences spatiales, c’est-à-dire un défaut dans l’optique physiologique de l’oeil entraînant une image un peu modifiée mais facilement compensée par les adaptations physiologiques ou des corrections optométriques.Le but est d’optimiser l’impact rétinien du flux électromagnétique lumineux porteur d’informations ;

  • déficience visuelle modérée à sévère (catégories 1 et 2 de l’OMS : acuité du meilleur oeil entre 3/10 et 1/20) : il existe une atteinte des hautes et partiellement des moyennes fréquences spatiales, ainsi qu’un début d’atteinte des fréquences temporelles. Les images transmises sont nettement dégradées, mais une prise en charge rééducative et orthoptique qui a pour but d’accrocher les prototypies archivées en mémoire permet le maintien actif avec les stimulations environnementales, en s’appuyant sur les moyens optométriques fonctionnels et comportementaux, ainsi qu’ergothérapiques pour la réalisation des tâches de la vie quotidienne ;

  • cécité (catégories 3, 4 et 5 de l’OMS, acuité du meilleur oeil inférieure à 1/20) : il existe une atteinte des basses fréquences spatiales et des fréquences temporelles. Elle nécessite une prise en charge lourde de restructuration neurocérébrale à l’instar des rééducations dans les centres de médecine physique et de rééducation. Mais ce troisième niveau est dépendant de l’énergie de vie du patient par rapport à son histoire et la représentation de son estime de soi.

Sachant qu’en France 90 % des sujets déficients visuels ont plus de 60 ans, l’approche psychologique est primordiale pour définir les éléments d’attractivité vitale.

L’évaluation doit définir le plus précisément possible les attentes, les capacités, les limites du patient, dans les activités qui lui semblent essentielles pour ses projets de vie.

Il faut garder, en permanence, à l’esprit que la prise en charge d’un sujet malvoyant est la prise en charge de sa fonction sensorielle et non de sa maladie. Il faut être très ferme et attentif à ce partage des rôles. Malgré des groupes homogènes de malades, la restructuration neuro-sensori-cognitive est unique et individuelle.

Ainsi, en définitive, l’indication et la prescription de réadaptation d’une « basse vision » sont liées à la demande d’un patient qui se plaint d’avoir des difficultés pour accomplir une tâche bien déterminée, et dont il faut évaluer et optimiser le potentiel sensoriel visuel utilisable, pour la poursuite de son autonomie.

Chapitre 8
Prévention
1 – Conseil génétique et handicap visuel

H. Dollfus

Introduction

L’ophtalmologie est une spécialité pionnière dans le domaine de la génétique humaine car plusieurs découvertes dans ce champ portant sur des pathologies oculaires ont ouvert la voie à des concepts plus généraux : première description d’une maladie héréditaire (protanopie en 1798), première maladie localisée sur un autosome (cataracte centrale pulvérulente sur le chromosome 1), théories moléculaires des cancers héréditaires (gène du rétinoblastome), mise en évidence moléculaire du mode de transmission digénique (mutations dans deux gènes différents responsables d’une même pathologie) et du mode de transmission oligogénique (deux allèles mutés dans un gène et un troisième allèle dans un autre gène, description pour le syndrome de Bardet-Bield).

L’essor impressionnant des techniques de biologie moléculaire et les connaissances qui en découlent permettent actuellement d’individualiser la génétique ophtalmologique comme une entité médicale à part entière avec au premier plan la réalisation du conseil génétique en ophtalmologie.

Fréquence des causes génétiques et importance du séquençage

Les causes du handicap visuel de l’enfant ou de l’adulte jeune sont majoritairement de nos jours du registre des maladies rares d’origine génétique. Une étude récente a montré que la première cause de cécité légale au Royaume-Uni est représentée par les dégénérescences rétiniennes héréditaires (avec au premier rang les rétinopathies pigmentaires), passant de fait devant la rétinopathie diabétique [1]. Parallèlement, les progrès spectaculaires de la biologie moléculaire, avec très notamment l’avènement des outils de séquençage de nouvelle génération du génome, ont entraîné une explosion des connaissances concernant les maladies génétiques, notamment ophtalmologiques. L’identification de mutations dans des gènes impliqués pour ces maladies ophtalmologiques génétiquement déterminées permet actuellement de mieux comprendre leurs mécanismes physiopathogéniques et de proposer un conseil génétique optimisé. Le groupe des dystrophies héréditaires de la rétine est un des fers de lance de ces travaux de recherche. D’autres grands domaines de l’ophtalmologie bénéficient de ces progrès, en particulier ceux de la génétique des glaucomes, des cataractes et des dystrophies de cornées, ou encore des anomalies du développement de l’Œil (microphtalmies ou dysgénésies du segment antérieur).

Consultation de génétique – les centres de référence

La prise en charge de patients dont l’origine de la malvoyance réside (ou pourrait résider) dans une étiologie génétique monogénique (mutations dans un seul gène responsable de la pathologie) doit inclure une consultation spécialisée dans un service de génétique médicale ou dans le cadre d’une consultation dans un Centre de référence maladies rares (CRMR du plan maladies rares; voir (maladies-rares.html) dédié et, dans la majorité des cas, affilié à la Filière de soins maladies rares (FMSR) dédiée aux affections rares sensorielles (www.sensgene.com). Deux dimensions seront essentielles pour la prise en charge du patient : l’évaluation clinique et moléculaire du patient pour assurer le meilleur diagnostic possible, puis un conseil génétique.

Le conseil génétique, un acte médical

Le conseil génétique est un acte médical pour lequel le médecin sera souvent secondé par un conseiller génétique. Il s’agit d’une consultation qui va permettre de tenter de répondre à toutes les interrogations d’un patient ou de sa famille concernant les conséquences de la maladie génétique pour l’individu lui-même, pour ses proches ou pour sa descendance. Il s’agit également de guider le patient dans sa prise en charge. Cette consultation permet d’apprécier le risque génétique de récurrence de la maladie dans la famille fondé sur la détermination du mode de transmission, de proposer une approche technique raisonnée de diagnostic positif moléculaire, d’aborder les interventions possibles dans le cadre d’un projet parental ou d’une grossesse en cours, et d’organiser la prise en charge médicale et psychosociale. Le suivi dans les différents domaines sus-cités des patients à l’issue de cette consultation est important.

Diagnostic moléculaire (« test génétique »)

Le diagnostic moléculaire de l’affection dépendra du niveau de connaissance pour la maladie donnée (gène[s] identifié[s] ou non) et de la possibilité d’effectuer ce test à titre diagnostique, notamment dans un laboratoire de diagnostique génétique souvent dans le cadre du réseau français des laboratoires agréés pour le diagnostic moléculaire. Le but est d’identifier le défaut génétique (avec tout un spectre d’anomalies au niveau de l’ADN, de la mutation ponctuelle d’un gène à une anomalie chromosomique affectant un grand nombre de gènes).

Différents niveaux d’investigations moléculaires sont actuellement accessibles. Le niveau chromosomique vise à identifier une anomalie de nombre (caryotype standard) ou de structure avec l’utilisation de la CGH-array (hybridation génomique comparative) qui permet une résolution à l’échelle moléculaire de l’analyse des chromosomes, détectant par exemple des délétions ou des duplications chromosomiques.

Il existe des cas où l’analyse chromosomique doit faire partie d’un bilan ophtalmologique génétique, l’affection oculaire étant au premier plan. C’est le cas, par exemple, dans le cadre du premier cas d’aniridie dans une famille afin de détecter un syndrome de WAGR lié à une délétion microscopique ou submicroscopique en 11p13 qui pourra conduire à une surveillance rénale rapprochée, car il y a un risque important de néphroblastome associé à ce syndrome délétionnel. De même, dans le cas de l’association d’une malformation oculaire et d’un déficit cognitif associé et/ou de malformations systémiques inexpliquées, une analyse par CGH-array à visée chromosomique pourra permettre éventuellement de mettre en évidence une anomalie.

Mais, dans la majorité des cas, les affections ophtalmiques étudiées sont liées à des mutations dans un gène donné et la difficulté peut résider dans le nombre important de gènes déjà connus pour cette maladie donnée. À titre d’exemple, pour les rétinopathies pigmentaires, non seulement tous les modes de transmission ont déjà été décrits, mais de plus il y a un nombre grandissant de gènes pouvant être responsables (www.retnet.com). Les progrès en matière de séquençage de nouvelle génération (next-generation sequencing [NGS]) permettent d’explorer le génome à la recherche de la mutation causale beaucoup plus vite que par les techniques classiques de séquençage dites Sanger et sur un nombre croissant de gènes rassemblés en panels conçus en fonction des groupes pathologiques (par exemple panels de 250 gènes pour tester les dystrophies héréditaires de la rétine). Cette stratégie est particulièrement applicable pour les maladies suivantes : rétinopathies pigmentaires, dystrophies maculaires héréditaires, cataractes de causes génétiques, ciliopathies, albinismes, anomalies du développement oculaire, etc.

De manière fort intéressante, ces approches ont étendu nos connaissances sur le spectre clinique des corrélations entre le génotype (la mutation) et le phénotype (l’aspect clinique), révélant des chevauchements importants inattendus entre certaines formes cliniques ou dévoilant précocement des formes syndromiques permettant un meilleur suivi anticipé des patients (par exemple découverte d’un syndrome d’Alström chez un jeune enfant avec une dystrophie précoce rétinienne, ouvrant les bases pour un suivi médical rénal, métabolique, cardiaque, ORL, etc.). En cas de non-découverte de mutation grâce aux panels de gènes, l’attitude actuelle est le passage à l’exploration de l’exome (séquences codantes du génome) et bientôt du génome entier (séquences codantes 1 à 2 % et non codantes pour 99 à 98 %).

Conséquences de la consultation de génétique

L’enquête génétique va parfois déterminer directement un mode de transmission, mais souvent c’est le test génétique qui le confirmera. Le mode de transmission permettra d’établir un risque de récurrence pour le patient, pour sa fratrie, pour ses parents ou d’autres apparentés (autosomique dominant ou récessif, récessif ou dominant lié l’X, mitochondrial, etc.).

Dans les pathologies particulièrement précoces avec un déficit visuel majeur et/ou associées à des manifestations extraoculaires graves, et considérées comme d’une « particulière gravité », des approches de diagnostic prénatal ou préimplantatoires pourront être proposées.

Ces options pouvant être proposées dans le cadre d’un projet parental doivent être soumises à l’approbation collégiale du Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN; il en existe un par CHU) qui évaluera la particulière gravité et l’absence de traitement à ce jour. Sur un plan purement théorique et technique, si pour un couple donné il existe un risque concernant une maladie héréditaire et la mutation étant précisément connue pour ce couple, il peut être proposé le diagnostic prénatal ou le diagnostic préimplantatoire.

Le diagnostic prénatal (DPN) est fondé sur une grossesse naturelle pour laquelle, vers 12 semaines d’aménorrhée, est réalisée une biopsie de trophoblaste dont l’ADN (fŒtal) avec la recherche de la ou des mutation(s) préalablement identifié(e)s afin de déterminer le statut du fŒtus.

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est fondé sur une fécondation in vitro, l’analyse moléculaire d’une cellule embryonnaire à un stade très précoce du développement permettant la réimplantation d’un embryon sain chez la femme.

Ces deux approches sont utilisées dans des circonstances à chaque fois particulières du couple demandeur, et non en fonction de tel ou tel groupe pathologique.

Conclusion

Les approches thérapeutiques dans le domaine de la génétique ophtalmologique sont très prometteuses (thérapies génique, optogénique, cellulaire, pharmacologique, rétines artificielles, etc.), mais restent encore soit au stade préclinique, soit en phase 1 ou 2. Il est capital d’anticiper les progrès à venir. Le diagnostic moléculaire est une étape indispensable non seulement pour guider le patient et sa famille dans des projets futurs, mais aussi afin de préparer l’avenir des stratégies thérapeutiques.

BIBLIOGRAPHIE

[1]  Symes RJ. Liew G, Tufail A. Sight-threatening diabetic eye disease: an update and review of the literature. Br J Gen Pract 2014 ; 64(627) : e678‑80.

2 – Alimentation et déficience visuelle

A.-C. Marie- Fressinaud

L’atteinte des tissus de l’Œil peut être la conséquence en partie d’une nutrition inappropriée sur de longues années avant l’apparition du déficit visuel, comme dans la rétinopathie diabétique ou dans certaines formes de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Mais un déséquilibre nutritionnel peut également être la conséquence de la perte d’autonomie du patient déficient visuel. L’alimentation chez les patients déficients visuels demande donc une vigilance particulière, sur deux enjeux :

  • préserver les cellules et les tissus oculaires encore fonctionnels;

  • éviter les déséquilibres alimentaires engendrés dans certains cas par la perte d’autonomie.

Manger mieux gras

Les membranes cellulaires sont une double couche phospholipidique composée de différents acides gras (AG) en corrélation avec la composition en gras de notre assiette.

Les cellules de la rétine sont particulièrement riches en AG polyinsaturés oméga 3 à longue chaîne tel le DHA (acide docosahéxaéonique), le plus long et le plus insaturé des AG oméga 3. Il confère de la fluidité et une réactivité membranaire à ces cellules exposées à la lumière.

Mais les AG polyinsaturés sont fragiles et facilement oxydables du fait de leurs nombreuses doubles liaisons. Les membranes devront être protégées par des éléments antioxydants.

Les AG polyinsaturés à longue chaîne de la série oméga 3 sont des précurseurs des cytokines anti-inflammatoires, tandis que l’acide arachidonique AG polyinsaturé à longue chaîne de la série oméga 6 est précurseur des cytokines inflammatoires. L’équilibre nécessaire entre oméga 3 et oméga 6 peut être mis à mal par notre alimentation et avoir des répercussions inflammatoires sur nos tissus.

Notre alimentation occidentale et agro-industrielle ne nous apporte que peu d’oméga 3. Mais notre alimentation est riche en gras saturés et en oméga 6, du fait de la consommation de végétaux tels que le tournesol, le maïs, le soja, de viandes et de laitages issus d’animaux engraissés par ces mêmes oléoprotéagineux.

Pour rééquilibrer les apports en ces deux catégories d’AG essentiels utilisant les mêmes chaînes enzymatiques, il est nécessaire d’assortir à l’augmentation de la consommation d’AG oméga 3, la diminution de la consommation d’oméga 6.

COMMENT ENRICHIR NOTRE ALIMENTATION EN ACIDES GRAS POLYINSATURÉS OMÉGA 3 ?

Les végétaux riches en précurseur ALA (acide alpha-linolénique) sont le colza, le lin, la noix (riche aussi en oméga 6), les algues… et l’herbe pour nourrir les vaches !

Les produits riches en oméga 3 à longue chaîne sont les huiles de poisson et les poissons gras tels que la sardine, le hareng, le maquereau, l’anchois, le haddock, le saumon s’il n’est pas nourri au protéagineux, etc. Ces apports en AGLC (acides gras à longue chaîne) sont riches en DHA directement utilisable par les cellules rétiniennes.

L’appertisation ne dégrade pas la composition en oméga 3 de ces poissons.

Par ailleurs, il semble que les petits poissons contiennent moins de métaux lourds que les gros.

Recommandations pratiques
  • Utiliser deux cuillères à soupe d’huile de colza par jour dans les assaisonnements

  • Éviter la cuisson à haute température qui fragilise les doubles liaisons

  • Manger des sardines ou d’autres poissons gras deux fois par semaine

  • Privilégier les filières de production animale privilégiant un apport suffisant en oméga 3 telle la filière Bleu-BlancCŒur. Consommer régulièrement des Œufs, du jambon, des volailles de cette filière contribue à rééquilibrer le rapport entre oméga 3 et oméga 6

Manger coloré

La lumière fait partie des facteurs d’oxydation de nos cellules, et l’Œil est particulièrement exposé aux rayonnements lumineux. Les cellules des différents tissus oculaires ont ainsi des mécanismes de défenses antioxydantes naturelles :

  • le rétinal-11cis issu de la vitamine A est un élément indispensable au cycle visuel, notamment en basse intensité lumineuse;

  • les pigments xanthophylles (lutéine et zéaxanthine) de la famille des caroténoïdes mais non précurseurs de la vitamine A sont retrouvés en grande quantité, particulièrement au niveau de la macula. Ce sont les seuls pigments présents au niveau du mille-feuille protéique du cristallin. Ils permettent la filtration de certaines ondes lumineuses, et jouent un rôle dans la protection membranaire du DHA (ils sont retrouvés dans les zones membranaires contenant ces acides gras en densité accrue);

  • la vitamine E et la vitamine C sont aussi impliquées dans la protection contre la peroxydation de toutes nos membranes cellulaires constituées d’une double couche phospholipidique. La vitamine E ou tocophérol, liposoluble, capte les électrons libres dans la membrane et se stabilise avec la vitamine C hydrosoluble à la surface membranaire qui se recycle grâce au glutathion. Un excès ou un déficit de ces vitamines contrecarre l’équilibre du système permettant de garder des membranes cellulaires opérantes. Les répercussions du déséquilibre en protecteurs antioxydants au niveau de la rétine sont accentuées par la richesse des photorécepteurs en acides gras polyinsaturés, insaturation qui leur confère une réactivité à la lumière, mais aussi une fragilité accrue à l’oxydation.

Les végétaux produisent également des pigments caroténoïdes ou des polyphénols pour se protéger du rayonnement lumineux. La diversité des coloris des fruits et légumes provient de la grande variété de ces pigments antioxydants.

Ces caroténoïdes et polyphénols, lorsque nous les consommons, participent à notre défense antiradicalaire soit directement comme les xanthophylles, soit en stimulant la synthèse de nos propres enzymes antioxydantes.

Les pigments maculaires (lutéine et zéaxanthine) proviennent des fruits et légumes jaunes, jaune orangé et des feuillages verts lorsqu’ils sont liés à la chlorophylle. Ils sont liposolubles et leur biodisponibilité dépendra de la bonne digestion de la matrice de l’aliment dans lequel ils sont, ainsi que de la bonne sécrétion des lipases et sels biliaires leur permettant d’être intégrés à des micelles avant l’absorption intestinale. En pratique, les caroténoïdes et les vitamines liposolubles seront mieux assimilés lorsqu’ils sont consommés lors d’un repas gras (bonnes huiles, gras de bonne qualité). Dans la circulation sanguine, ils sont transportés par les chylomicrons ou les lipoprotéines (LDL, VLDL – low et very low density lipoproteins), puis stockés au niveau hépatique ou distribués au niveau des tissus.

Un apport lipidique et calorique excessif entraîne un stockage de ces pigments lipophiles dans le gras adipocytaire, ce qui explique par exemple certaines corrélations entre l’obésité et la DMLA. En revanche, la densité tissulaire des xanthophylles est corrélée à l’augmentation des apports alimentaires, et cette densité persiste plusieurs semaines après un apport accru. Il sera intéressant d’y penser avant une opération de l’Œil pour protéger la rétine, d’autant plus sur un Œil déjà fragilisé

Recommandations pratiques
  • Manger des fruits et légumes variés et de différents coloris tous les jours. Une partie sera consommée crue pour assurer un apport suffisant en vitamine C, vitamine thermolabile. Les fruits et légumes à maturité et des filières courtes seront préférés pour une meilleure densité en micronutriments.

  • La lutéine est présente en quantité décroissante dans le chou frisé, les épinards, la courge, le brocoli, les petits pois, la laitue, le cresson, le persil, dans le jaune de l’endive et de l’avocat, et dans le kiwi.

  • La zéaxanthine est souvent associée à la lutéine dans les aliments précédents; le maïs, l’abricot, la pèche en contiennent particulièrement.

  • Utiliser des huiles de bonne qualité contenant de la vitamine E. L’extraction de l’huile à l’aide de solvants exclut en bonne partie les composés liposolubles des végétaux dont sont tirées les huiles. On prendra préférablement des huiles première pression à froid de noix, de colza, de germe de blé. L’huile d’olive, bénéfique par ailleurs pour la santé, contient peu de vitamine E mais des polyphénols et l’acide oléique qui a fait ses preuves dans le régime crétois.

  • La consommation de graines oléagineuses, telles que des graines de tournesol, d’amandes, de noisettes, de noix, en petite quantité quotidienne est recommandée pour l’apport en vitamine E, mais aussi pour leur richesse en minéraux et oligoéléments.

  • Les vitamines A et E sont présentes dans des produits animaux qu’il vaut mieux continuer à consommer en petite quantité : quotidienne pour le beurre, hebdomadaire pour les Œufs et de temps en temps pour le foie.

  • Le jaune d’Œuf de poules nourries convenablement (plein air, filière nutrition Bleu-Blanc-CŒur) contient de la lutéine, des omégas 3 et de la vitamine D.

Manger des oligoéléments et des minéraux

Alors que nous n’imaginerions pas de nous passer d’un apport en fer suffisant pour faire fonctionner convenablement l’hème de nos globules rouges, d’un apport en calcium constitutif entre autres de notre squelette, nous savons moins quel est le rôle indispensable du magnésium ou d’autres éléments traces comme le sélénium, le zinc, le cuivre ou le chrome.

  • Le magnésium est un des cofacteurs du cycle de Krebs, générateur d’ATP (adénosine triphosphate) produite au sein des mitochondries, véritable centrale à énergie de nos cellules musculaires notamment, mais aussi de nos neurones. Toute activité physique ou psychique impliquera des apports suffisants en O2, en glucose et en magnésium.

  • Le chrome ainsi que le zinc sont impliqués dans la fixation de l’insuline à son récepteur, il faudra s’assurer d’un apport suffisant pour les sujets âgés et les patients diabétiques ou développant un syndrome métabolique.

  • Le sélénium, le cuivre et le zinc sont des cofacteurs de nos propres enzymes antioxydantes. Des carences sont délétères mais des excès sont dangereux. En cas de suspicion de déséquilibre d’apport, une évaluation médicale est préférable.

  • Nous nous intéresserons plus particulièrement au zinc, associé au fonctionnement de l’enzyme superoxyde dismutase cytoplasmique et mitochondriale, mais aussi cofacteur des protéines régulatrices des gènes des cytokines, cofacteur des désaturases de nos chaînes d’acides gras, ou cofacteur de la protéine à doigt de zinc, réparatrice de la base guanine oxydée. Le zinc est impliqué dans nos défenses antioxydantes, mais aussi dans l’immunité et l’anabolisme cellulaire. On le résumera comme adjuvant de nos enzymes antiradicalaires, de nos défenses immunitaires, mais aussi comme un réparateur ayant un rôle dans tous les tissus de l’Œil.

    Les apports alimentaires en zinc sont assez ubiquitaires, couverts par des apports en viande, en Œufs, en produits laitiers tels que le fromage, en céréales ou en légumes secs. Cependant, des subdéficits peuvent exister chez des personnes âgées, les patients diabétiques, des personnes ayant des troubles digestifs entraînant une malabsorption, chez les patients alcooliques ou fumeurs. De nombreuses interférences alimentaires comme le fer, le calcium et les phytates (composant trouvé dans les céréales non raffinées) diminuent sa biodisponibilité, tandis que le thé et les fructo-oligosaccharides l’augmentent.

    Il faudra être vigilant au statut en zinc chez les patients prenant des compléments en fer ou en calcium.

    Le statut en zinc devra être recherché dans les états inflammatoires chroniques, les troubles de la cicatrisation, les maladies dysimmunitaires, etc.

Recommandations pratiques
  • Veiller à un apport protéique varié et suffisant, surtout chez les personnes âgées.

  • Renforcer la consommation de légumineuses et de céréales diversifiées, aliments intéressants pour leur apport protéique végétal, mais surtout pour leur densité en oligoéléments et en fibres, comme les fructo-oligosaccharides. Ces fibres non digestibles assurent l’équilibre du microbiote. Une bonne diversité des bactéries intestinales permet d’avoir une muqueuse intestinale saine, améliorant l’assimilation de tous les éléments non énergétiques du bol alimentaire comme les éléments traces et les minéraux nécessaires à notre bon fonctionnement cellulaire. Nous devons réintégrer ces aliments trop souvent délaissés dans notre mode alimentaire occidental actuel.

Maintenir une alimentation équilibrée

La perte d’autonomie résultant du déficit sensoriel visuel va parfois entraîner des bouleversements sur le plan alimentaire.

La difficulté rencontrée pour la préparation des repas, ou même quelquefois pour prendre ses repas peut modifier les habitudes alimentaires et amener certaines personnes à recourir à des solutions comme l’achat de plats préparés ou, parfois, à un grignotage de denrées caloriques sans plus se mettre à table.

Il convient d’être vigilant face à ces situations en cas de prise pondérale ou de dénutrition, notamment protéique. L’état général et l’Œil en premier lieu en pâtiront.

La personne qui a recours à ce type d’alimentation (plats industriels, snacks, viennoiseries, gâteaux secs, grignotages salés ou sucrés) aura un surplus calorique délétère. Et elle n’aura plus accès au gras bénéfique pour l’Œil; elle consommera des calories vides de ces vitamines, pigments et autres oligoéléments indispensables, comme nous l’avons vu, au maintien d’un fonctionnement physiologique des cellules, celles de l’Œil en particulier.

Recommandations pratiques
  • Ne pas négliger une aide à l’autonomie dans la préparation de repas à partir d’aliments naturels, de légumes colorés, de légumineuses, de céréales, tous ces plats devant être assaisonnés judicieusement de bonnes huiles, d’épices et d’aromates riches en antioxydants.

  • Varier les protéines animales, en n’oubliant pas les poissons gras, les Œufs de bonne qualité, le foie et les crustacés de temps en temps.

  • Pour les grignotages, éviter les produits gras sucrés au bénéfice de fruits, de fruits secs oléagineux et de chocolat noir, accompagnés de boissons telles que des eaux minérales ou du thé vert.

  • Mettre en avant le développement sensoriel pour reprendre le plaisir de manger : privilégier des repas aux textures non uniformisées et aux qualités gustatives diversifiées. L’utilisation d’épices (curry, curcuma, paprika, cannelle, muscade) et d’aromates (persil, coriandre, thym, serpolet, estragon, ciboules) sera une aide précieuse pour intensifier la palette des goûts – en complément des qualités antioxydantes de ces produits.

Conclusion

Ces changements alimentaires ne sont pas évidents à initier seul. La participation à des ateliers culinaires où le plaisir gustatif est primordial, l’organisation de rencontres repas avec des chefs au sein des structures d’aide à l’autonomie pour déficients visuels sont autant d’idées pour prendre conscience de la nécessité d’une alimentation plaisir mais saine. Il ne faudra pas non plus négliger les aidants dans l’implication, mais aussi dans la formation à ce changement alimentaire.