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Partie II
Pathologies de la rétine et du vitré
CHAPITRE 8
Rétinopathie du prématuré
Introduction

La rétinopathie du prématuré (retinopathy of prematurity [ROP]) est un processus pathologique complexe initié en partie par l'absence de vascularisation rétinienne complète ou normale chez les prématurés. La ROP a une progression typique, mais les premiers stades de la maladie peuvent régresser spontanément à n'importe quel moment. L'absence de vaisseaux rétiniens dans les zones de rétine immature peut induire une ischémie rétinienne, conduisant à la libération de facteurs de croissance qui favorisent la croissance vasculaire. Au lieu de la croissance vasculaire normale, le processus de croissance devient perturbé et les vaisseaux prolifèrent dans la cavité vitréenne à la frontière de la rétine vasculaire et avasculaire. À mesure que la maladie progresse, une hémorragie intravitréenne et un décollement de la rétine tractionnel peuvent survenir. Le stade final de la ROP non traitée est le développement d'un tissu dense, blanc, fibrovasculaire derrière le cristallin avec un décollement tractionnel complet de la rétine. Le nom ancien donné à ce tableau, la fibroplasie rétrolentale, est descriptif du stade final de la ROP. Les principaux facteurs de risque pour développer une ROP sont la prématurité et le faible poids de naissance. Voir aussi la Section 6 du , Pediatric Ophthalmology and Strabismus, pour de plus amples détails sur la ROP.

Épidémiologie

Aux États-Unis, une ROP suffisamment sévère pour nécessiter un traitement concerne 1100 à 1500 nourrissons annuellement. Parmi ces nourrissons, 400 à 600 n'atteindront jamais une vision supérieure à 1/10. Dans les autres régions du monde, il y a eu une récente augmentation de l'incidence de la ROP qui correspond à l'amélioration de la réanimation néonatale permettant de maintenir en vie des nourrissons prématurés qui n'auraient pas survécu auparavant. Dans nombre de cas, il y a un décalage malheureux entre les réussites à sauver des nourrissons et les réussites à diagnostiquer et prendre en charge leur ROP consécutive.

Terminologie et classification

Dans le but de standardiser la description, la gradation et l'étude de la ROP, une classification internationale a été développée. Quatre aspects de cette classification ont une importance pronostique et physiopathologique :

  • le siège de l'atteinte, ou zone ;

  • la gravité de la maladie, ou stade ;

  • l'étendue de la maladie en quadrants horaires ;

  • et si oui ou non un stade plus de la maladie est présent.

Cette terminologie importante est détaillée dans le tableau 8-1.

Tableau 8-1
Terminologie descriptive de la rétinopathie du prématuré
Siège de l'atteinte
  • Zone I : rétine postérieure dans un cercle de 60° centré sur le nerf optique

  • Zone II : du cercle postérieur (zone I) à la partie antérieure de l'ora serrata nasale

  • Zone III : rétine périphérique temporale restante

Étendue : nombre de quadrants horaires concernés
Gravité
  • Stade 0 : vascularisation rétinienne immature sans modifications pathologiques

  • Stade 1 : présence d'une ligne de démarcation entre la rétine vascularisée et non vasculaire (fig. 8-1)

  • Stade 2 : présence d'une ligne de démarcation qui a une hauteur, une largeur et un volume (crête); de petites touffes isolées de tissu néovasculaire à la surface de la rétine, communément appelées « popcorn », peuvent être présentes (fig. 8-2)

  • Stade 3 : présence d'une crête avec une prolifération fibrovasculaire prérétinienne qui peut être légère, modérée ou sévère, selon la quantité de tissu prolifératif présent (fig. 8-3)

  • Stade 4 : décollement partiel de la rétine

    • A.

      extramaculaire

    • B.

      décollement de la rétine atteignant la macula (fig. 8-4)

  • Stade 5 : décollement total de la rétine avec configuration en entonnoir; les combinaisons sont énumérées par ordre de fréquence : la rangée du haut est celle des lésions les plus communes et la ligne du bas celle des lésions plus rares

(fig. 8-5)
Antérieur Postérieur
Ouvert Ouvert
Étroit Étroit
Ouvert Étroit
Étroit Ouvert
Stade plus de la maladie : dilatation veineuse et tortuosité artériolaire des vaisseaux rétiniens postérieurs dans au moins 2 quadrants horaires; une dilatation des vaisseaux iriens et des opacités vitréennes peuvent être présentes (fig. 8-6)
Figure 8-1
Rétinopathie du prématuré (ROP) stade 1. Photographie du fond d'œil révélant une discrète ligne de démarcation en temporal.
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)
Figure 8-2
ROP stade 2. Photographie du fond d'œil montrant une crête élevée de tissu mésenchymateux à la limite de la rétine vascularisée (rougeâtre) et de la rétine avasculaire (grisâtre).
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel, MD.)
Figure 8-3
ROP stade 3. Photographies du fond d'œil d'une ROP sévère au stade 3 avec des proliférations prérétiniennes marquées. Des hémorragies, vitréennes et prérétiniennes, sont visibles (en bas à droite).
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)
Figure 8-4
A. Représentation schématique du stade 4A de la ROP. B. Représentation du stade 4B. Les chiffres romains dans chaque cercle indiquent les zones, selon la classification internationale, les chiffres arabes indiquent les quadrants horaires.
(Remerciements à J. Arch McNamara, MD.)
Figure 8-5
ROP stade 5. Un décollement de rétine total est visible dans cette photographie du fond d'œil. La contraction de la fibrose prérétinienne agit comme le fil d'une bourse. Même à ce stade – stade 5, décollement de rétine à entonnoir ouvert –, l'arborisation des vaisseaux sanguins rétiniens près de la prolifération prérétinienne est visible. De plus, la présence de vaisseaux dilatés et tortueux signe le stade plus de la maladie.
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)
Figure 8-6
Atteinte prononcée du stade plus de la ROP. Les artères et les veines rétiniennes sont dilatées ; les artères en particulier sont tortueuses. La rétine avasculaire et la prolifération prérétinienne peuvent être vues en inférieur et en inférotemporal (en bas à droite).
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)

Sur la base de cette terminologie, la ROP est classée en plusieurs stades de gravité, importants pour les décisions de prise en charge et de traitement (tableau 8-2). On dit de la ROP qu'elle a une forme agressive postérieure (également appelée rush disease) lorsque la vascularisation se termine en zone I ou zone II très postérieure et est accompagnée du stade plus la maladie. La maladie « seuil » (ou ROP seuil) est caractérisée par la présence d'une néovascularisation prérétinienne sur 5 quadrants horaires contigus ou 8 quadrants cumulés, associée à un stade plus de la maladie et des vaisseaux rétiniens situés dans la zone I ou II (fig. 8-7). La ROP au stade « pré-seuil » est un terme inventé par l'étude de traitement précoce pour la rétinopathie de prématurité (Early Treatment for Retinopathy of Prematurity [ETROP]). Il englobe toutes les modifications des zones I et II, à l'exception de la zone II stade 1 et de la zone II stade 2 sans stade plus de la maladie, qui ne répondent pas aux critères de traitement de la maladie « seuil ». De plus, ce stade pré-seuil est divisé en ROP pré-seuil à haut risque, ou ROP de type 1, et ROP pré-seuil à risque moins élevé, ou ROP de type 2 (voir tableau 8-2).

Tableau 8-2
Classification de la rétinopathie du prématuré (ROP)
ROP postérieure agressive (rush disease)
La vascularisation se termine dans la zone I ou la zone II très postérieure et s'accompagne d'un stade plus de la maladie; peut progresser rapidement.
Stade « seuil »
  • 5 quadrants horaires contigus de néovascularisation extrarétinienne ou

  • 8 quadrants horaires cumulés de néovascularisation extrarétinienne associée à un stade plus de la maladie avec présence des vaisseaux rétiniens dans la zone I ou II

Stade « pré-seuil »
Toutes les anomalies des zones I et II, à l'exception de la zone II stade 1 et de la zone II stade 2 avec absence de stade plus de la maladie, qui ne répondent pas aux critères de traitement de la maladie « seuil » et subdivisées en type 1 et maladie de type 2 :
Type 1
  • zone I, tout stade ROP avec maladie au stade plus, ou

  • zone I, stade 3 ROP sans maladie plus, ou

  • zone II, phase 2 ou 3 ROP avec maladie plus

Type 2
  • zone I, stade 1 ou 2 ROP sans maladie plus, ou

  • zone II, stade 3 ROP sans maladie plus

Figure 8-7
Exemples de maladie « seuil », tels que définis dans la Multicenter Trial of Cryotherapy for Retinopathy of Prematurity. À droite, 8 quadrants horaires cumulés, non contigus d'un stade 3 de la maladie. À gauche, 5 quadrants horaires contigus de prolifération.
(Illustration de Mark M. Miller.)

Un œil est classé selon les lésions les plus avancées constatées ; cependant, la documentation devrait refléter toutes les zones et tous les stades observés, y compris leur étendue relative. Les yeux avec ROP dans la zone III ont généralement un bon pronostic visuel. Plus les lésions sont postérieure et plus l'ischémie rétinienne est étendue, plus le pronostic est sévère.

International Committee for the Classification of Retinopathy of Prematurity. The International Classification of Retinopathy of Prematurity revisited. Arch Ophthalmol. 2005 ; 123(7) : 991–999.

Physiopathologie de la ROP

Normalement, la vascularisation rétinienne se développe de la papille optique vers la périphérie; elle commence à la 16e semaine de gestation environ, et est achevée du côté nasal à environ 36 semaines et du côté temporal à 40 semaines de gestation. Lorsque le schéma normal de vascularisation est interrompu et devient anormal, une ROP peut se développer. Bien que la compréhension de la physiopathologie de la ROP soit encore incomplète, elle est considérée comme une phase 2 du processus. La première phase est caractérisée par la cessation du développement vasculaire normal. La cessation survient en grande partie à la suite d'une diminution du taux d'hormones et des facteurs de croissance qui régissent le développement vasculaire normal dans l'œil, tels que le vascular endothélium growth factor (VEGF) et l'insuline-like growth factor 1 (IGF-1). La diminution de l'expression et la chute des niveaux de ces facteurs de croissance seraient dues à l'augmentation de la tension d'oxygène systémique qui survient après la naissance et le début de la respiration par le nourrisson.

La deuxième phase commence à 31 à 34 semaines après la conception. Elle est caractérisée par une abondance de facteurs de croissance sécrétés par la rétine ischémique, notamment le VEGF et l'IGF-1, ainsi que par des lésions oxydatives des cellules endothéliales, ce qui conduit à une croissance vasculaire désorganisée. Initialement, ce processus entraîne la formation d'une crête de tissu visible (ROP stades 1, 2). Avec la progression de la maladie, la croissance vasculaire prolifère dans la cavité vitréenne (ROP stade 3). Par la suite, le changement des taux hormonaux et des facteurs de croissance provoque une involution des vaisseaux sanguins avec une contraction cicatricielle qui peut conduire à un décollement tractionnel de la rétine (ROP stades 4, 5).

Plus la néovascularisation est périphérique et plus sa taille et son étendue sont limitées, meilleure est la perspective d'une régression spontanée avec un minimum de cicatrices. La néovascularisation active avec dérivation du flux sanguin est associée à une dilatation et une augmentation de la tortuosité des vaisseaux rétiniens postérieurs. Un signe important de l'activité de la maladie est la densité et l'anomalie des arborisations terminales des vaisseaux rétiniens à mesure qu'ils approchent du shunt ou de la crête. De plus, des anomalies microvasculaires (micro-anévrismes, zones de non-perfusion capillaire, vaisseaux dilatés) peuvent être visibles en arrière de la crête.

En phase vasoproliférative, de nouveaux vaisseaux de taille et d'étendue variables se développent à partir des vaisseaux rétiniens, juste en arrière du shunt. Ces nouveaux vaisseaux peuvent induire une contracture du gel vitréen solidement attaché à la rétine, ce qui provoque un décollement tractionnel progressif de la rétine. Une hémorragie intravitréenne peut se produire dans les stades 3 et 5, de même qu'un décollement exsudatif de la rétine.

Hartnett ME, Penn JS. Mechanisms and management of retinopathy of prematurity. N Engl J Med. 2012 ; 367(26) : 2515–2526.

Évolution naturelle

Bien que les facteurs systémiques et/ou tissulaires locaux qui influencent la régression et la progression de la ROP ne soient pas connus, l'évolution dans le temps est prévisible. La ROP est une maladie transitoire chez la majorité des nourrissons, et la régression spontanée se produit dans 85 % des yeux. Le premier signe clinique de régression est le développement d'une zone claire de rétine au-delà du shunt, suivie du développement de vaisseaux droits traversant le shunt et d'un système artérioveineux alimentant la rétine avasculaire.

La ROP seuil se développe finalement chez environ 7 % des nourrissons ayant un poids de naissance de 1250 g ou moins. Les yeux qui présentent une progression de la maladie passent progressivement de la phase active à la phase cicatricielle de ROP. Celle-ci associe à des degrés variables fibrose, contracture du tissu prolifératif, traction vitréenne et rétinienne, distorsion maculaire et décollement de rétine.

Lésions associées et séquelles tardives

Les affections associées les plus susceptibles de se produire dans les yeux ayant une ROP régressive sont les suivantes :

  • myopie avec astigmatisme ;

  • anisométropie ;

  • strabisme ;

  • amblyopie ;

  • cataracte ;

  • glaucome ;

  • épithéliopathie pigmentaire maculaire ;

  • cicatrices vitréorétiniennes ;

  • décollement tractionnel de la rétine ;

  • anomalies de l'anatomie fovéolaire.

Bien que rares, les glaucomes par fermeture de l'angle et par blocage pupillaire peuvent tous deux se produire dans un œil myope ayant une ROP cicatricielle. Le glaucome par fermeture de l'angle survient habituellement avant l'âge de 10 ans, mais il peut se produire également à l'âge adulte chez les personnes atteintes. Un décollement de rétine rhegmatogène, une rétinopathie exsudative et des hémorragies intravitréennes récurrentes peuvent également se produire plus tard dans la vie. La ROP et ses séquelles peuvent causer des problèmes tout au long de la vie d'un patient ; une surveillance à long terme est donc cruciale. Le défaut de diagnostic et de traitement de la ROP et de ses complications en temps opportun, assorti d'un délai de prescription pouvant aller, dans de nombreux États américains, jusqu'à 20 ans à compter du moment d'évaluation ou de traitement, augmente l'exposition légale des médecins qui ont en charge des enfants avec ROP.

Day S, Menke AM, Abbott RL. Retinopathy of prematurity malpractice claims : the Ophthalmic Mutual Insurance Company experience. Arch Ophthalmol. 2009 ; 127(6) : 794–798.

Recommandations de dépistage

Le Groupe d'étude de cryothérapie dans la rétinopathie du prématuré (The Cryotherapy for Retinopathy of Prematurity Cooperative Group) a déterminé que des signes de ROP étaient présents chez 66 % des nourrissons ayant un poids à la naissance de 1250 g ou moins et chez 82 % des nourrissons ayant un poids de naissance inférieur à 1000 g. Les recommandations pour le dépistage des nourrissons prématurés à risque de ROP ont été publiées dans un communiqué conjoint de l'American Academy of Pediatrics, Section « Ophtalmologie », de l'American Association for Pediatric Ophthalmology and Strabismus et de l'American Academy of Ophthalmology (disponible à l'adresse http://one.aao.org/clinical-statement/screening-examination-of-premature-infants-retinop).

Une des réserves essentielles à reconnaître est que les facteurs de risque et les critères de sélection développés dans un pays ne s'appliquent pas nécessairement à un autre pays, surtout si le niveau de la qualité des soins médicaux ou périnataux disponibles n'est pas comparable.

Critères de sélection

Le dépistage consiste à effectuer des examens du fond d'œil après dilatation en ophtalmoscopie binoculaire indirecte à tous les nourrissons ayant un poids de naissance inférieur à 1500 g ou âgés de 30 semaines ou moins. De plus, le dépistage s'applique également aux nourrissons dont le poids à la naissance est compris entre 1500 g et 2000 g ou ayant un âge gestationnel supérieur à 30 semaines, avec une situation clinique instable, et qui sont considérés comme étant à haut risque par leurs pédiatres ou néonatologistes. Le premier examen doit généralement être effectué entre 4 et 6 semaines d'âge postnatal ou, alternativement, entre 31 et 33 semaines après la conception ou d'aménorrhée ; dans ce cas, la date est plus tardive.

Les niveaux systémiques d'IGF-1 et le gain de poids sont également associés au risque de ROP. Pris ensemble, le taux de gain de poids et les niveaux d'IGF-1 sont plus prédictifs du développement d'une ROP que chaque variable prise séparément. Un modèle plus récent – algorithme poids, IGF-1 et ROP néonatale (WINROP) – est en cours d'évaluation pour des efforts de dépistage plus ciblés, en remplacement des critères de sélection conventionnels. Dans certaines études, ce modèle a une sensibilité de 100 % dans la détection des nourrissons à risque tout en identifiant jusqu'à 90 % des nourrissons qui n'ont pas besoin de dépistage. Le modèle WINROP a suscité un intérêt pour le développement d'autres algorithmes, de préférence plus simples, pour identifier les nourrissons à risque de ROP qui exigent ainsi un dépistage.

Intervalles de suivi

Après chaque évaluation, l'intervalle de suivi doit être déterminé en fonction du stade de la maladie. Plus la maladie est grave, plus le suivi se fait à intervalles plus courts.

Un contrôle à une semaine ou moins si :

  • vascularisation immature : zone I – pas de ROP

  • la rétine immature s'étend dans la zone postérieure II, près de la limite de la zone I

  • stade 1 ou 2 de ROP : zone I

  • stade 3 de ROP : zone II

  • présence ou suspicion d'une ROP postérieure agressive

Un contrôle au bout de 1 à 2 semaines si :

  • vascularisation immature ; zone postérieure II

  • stade 2 de ROP : zone II

  • régression sans équivoque de la ROP : zone I

Un contrôle après 2 semaines si :

  • stade 1 de ROP : zone II

  • vascularisation immature : zone II – pas de ROP

  • régression sans équivoque de la ROP : zone II

Un contrôle au bout de 2 à 3 semaines si :

  • phase 1 ou 2 de ROP : zone III

  • régression de la ROP : zone III

Les examens de dépistage rétinien peuvent habituellement être interrompus devant l'un des critères suivants :

  • la vascularisation rétinienne atteint la zone III sans atteinte préalable de la zone I ou II (si l'examinateur a un doute sur la zone ou si l'âge gestationnel est inférieur à 35 semaines, des examens de confirmation peuvent être justifiés) ;

  • une vascularisation complète de la rétine à proximité immédiate de l'ora serrata sur 360°, c'est-à-dire à la distance normale, dans une rétine mature, entre la limite de la vascularisation et l'ora serrata. Ce critère doit être utilisé pour tous les cas de ROP traités uniquement par bévacizumab ;

  • âge gestationnel de 50 semaines avec absence de maladie pré-seuil ou plus

  • ou régression de la ROP (il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de tissu vasculaire anormal encore présent qui soit capable de réactivation et de progression vers la zone II ou III).

Fierson WM ; American Academy of Pediatrics Section on Ophthalmology ; American Academy of Ophthalmology ; American Association for Pediatric Ophthalmology and Strabismus ; American Association of Certified Orthoptists. Screening examination of premature infants for retinopathy of prematurity. Pediatrics. 2013 ; 131(1) : 189–195.

Les photographies du fond d'œil dans le dépistage de la ROP

La photographie ultra-large (120°) du fond d'œil des enfants prématurés est très utile à la fois pour documenter les résultats de l'examen clinique et pour le dépistage de la ROP. Les photographies du fond d'œil se sont imposées comme un outil efficace et peu coûteux de dépistage à distance de la ROP. Une étude menée par le Photographic Screening for Retinopathy of Prematurity Cooperative Group a conclu que l'interprétation à distance des images digitales hebdomadaires du fond d'œil était un complément utile au dépistage de la ROP au chevet du patient par ophtalmoscopie indirecte. L'étude a également conclu que, en raison des limitations de la qualité de l'image dans certains cas, le besoin d'un ophtalmologiste qualifié pour l'examen des yeux de ces prématurés continue à être nécessaire. En outre, l'étude a établi une définition de la ROP cliniquement significative qui nécessite la présence d'un ophtalmologiste pour l'examen et un possible traitement.

Prévention et facteurs de risque

Comme la ROP est devenue une entité cliniquement distincte et reconnue dans les années 1950, l'administration d'oxygène était impliquée comme facteur causal majeur. Les réductions substantielles d'utilisation de l'oxygène dans les unités de soins intensifs néonataux ont abouti à la baisse spectaculaire de l'incidence de la ROP. Les conséquences involontaires de la restriction d'oxygène étaient des résultats neurologiques défavorables et une élévation du taux de mortalité infantile. Une fois que l'oxygène a été utilisé plus librement à nouveau, les résultats neurologiques et la survie se sont améliorés, au prix d'une résurgence de la ROP.

La prévention de la ROP commence par la prévention de la prématurité grâce à des mesures pré-, péri- et postnatales. Les facteurs les plus importants sont d'éviter les poids de naissance extrêmement faibles et la grande prématurité. Il existe de plus en plus de preuves que l'évolution clinique postnatale augmente également le risque ; c'est-à-dire que les prématurés très malades courent un risque accru de développer une ROP. Les facteurs spécifiques qui augmentent le risque de ROP sont la septicémie, la transfusion sanguine et la faible prise de poids postnatale.

Récemment, le régime alimentaire a été reconnu comme un facteur de risque supplémentaire. Plusieurs études sont actuellement en cours pour évaluer les interventions nutritionnelles afin de réduire le risque de ROP ; une de ces interventions est l'addition du sucre inositol à l'alimentation du nouveau-né ou à celui de la mère.

BOOST II United Kingdom Collaborative Group ; BOOST II Australia Collaborative Group ; BOOST II New Zealand Collaborative Group, Stenson BJ, Tarnow-Mordi WO, Darlow BA, et al. Oxygen saturation and outcomes in preterm infants. N Engl J Med. 2013 ; 368(22) : 2094–2104.

Traitement

En 1988, l'étude Cryotherapy for ROP a démontré que l'ablation de la rétine avasculaire périphérique dans les yeux ayant une ROP avec une maladie seuil réduit d'environ de moitié le risque d'évolution défavorable telle que l'ectopie maculaire, le décollement de la rétine ou la formation d'une cicatrice rétrolentale. Le traitement a réduit la fréquence de ces séquelles de 47 % à 25 % à 1 an de suivi ; les résultats visuels étaient parallèles aux résultats anatomiques. À 10 ans, les yeux qui ont reçu une cryothérapie étaient encore beaucoup moins susceptibles d'être aveugles que les yeux témoins non traités.

L'étude ETROP a inclus des nourrissons ayant une ROP bilatérale à haut risque. Le traitement a été attribué de manière aléatoire : un œil bénéficiait de l'ablation précoce de la rétine avasculaire périphérique et l'autre œil bénéficiait du schéma thérapeutique conventionnel selon les méthodes de l'étude Cryotherapy for ROP. Le risque élevé a été établi à l'aide d'un modèle de calcul fondé sur la cohorte d'évolution naturelle de l'étude Cryotherapy for ROP. Ce modèle a utilisé les caractéristiques démographiques des nourrissons et les caractéristiques cliniques des ROP pour classer les yeux ayant une ROP pré-seuil comme étant à haut risque ou à faible risque. Chez les nourrissons présentant une ROP pré-seuil à haut risque, un traitement plus précoce a été associé à une réduction du taux des mauvaises acuités visuelles (de 19,5 % à 14,5 %, p = 0,01) et du taux des évolutions anatomiques défavorables (de 15,6 % à 9,1 %, p < 0,001) à 9 mois. L'étude a déterminé que les yeux présentant une ROP pré-seuil type 1 ou type 2 ont un risque d'évolutivité très similaire à celui des yeux au stade seuil.

Tous les yeux répondant aux critères de ROP de type 1 doivent être considérés pour un traitement ablatif rétinien, tandis que les yeux ayant une ROP de type 2 peuvent être surveillés à intervalles rapprochés et le traitement ablatif au laser sera réalisé s'ils évoluent vers une ROP de type 1 ou ROP seuil. Les auteurs de l'étude ETROP ont souligné que l'algorithme de traitement pré-seuil n'a pas tenu compte de tous les autres facteurs de risque connus de progression, tels que les atteintes systémiques, et que le jugement clinique est encore nécessaire pour une prise en charge optimale.

Early Treatment for Retinopathy of Prematurity Cooperative Group. Revised indications for the treatment of retinopathy of prematurity : results of the Early Treatment for Retinopathy of Prematurity Randomized Trial. Arch Ophthalmol. 2003 ; 121(12) : 1684–1694.

Wallace DK. Retinopathy of prematurity. Focal Points : Clinical Modules for Ophthalmologists. San Francisco : American Academy of Ophthalmology ; 2008, module 12.

Laser et cryothérapie

Le traitement ablatif de la ROP seuil ou pré-seuil type 1 doit être effectué chaque fois que possible avec le laser plutôt que la cryothérapie, le laser ayant moins d'effets secondaires. Le traitement doit être administré dans les 72 heures suivant la décision thérapeutique et appliqué en utilisant l'ophtalmoscope indirect. C'est un traitement confluent ou subconfluent, appliqué sur toute la rétine avasculaire en avant de la crête (fig. 8-8). Au niveau des méridiens horizontaux, le traitement au laser devrait être appliqué en diminuant les puissances pour éviter d'endommager les vaisseaux et nerfs ciliaires longs postérieurs. Les dommages causés à ces structures peuvent conduire à une ischémie sévère du segment antérieur. L'utilisation de la cryoablation rétinienne (fig. 8-9) est actuellement rare (aux États-Unis), mais la technique peut encore avoir une place en présence d'opacité des milieux ou devant une persistance de la vascularisation fœtale, ou quand un laser n'est pas disponible. Le traitement doit être effectué en collaboration avec le médecin pédiatre et nécessite une surveillance systémique stricte car des arrêts respiratoires et cardiorespiratoires peuvent se produire chez 5 % des nourrissons traités. L'utilisation systémique d'un analgésique est également recommandée pour minimiser le stress et les risques pour le nourrisson. Quelques néonatologistes préfèrent que les nourrissons subissent le traitement sous anesthésie générale en salle d'opération.

Figure 8-8
Photographie grand angle du fond d'œil après photocoagulation laser pour ROP « seuil ». Stade plus de la maladie visible en postérieur. La rétine avasculaire est évidente en inférieur et en inférotemporal (en bas à droite). L'arborisation du système vasculaire arrive jusqu'à la crête et les proliférations fibrovasculaires associées sont prononcées.
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)
Figure 8-9
Représentation schématique de la cryothérapie sur la rétine antérieure avasculaire dans un œil avec ROP seuil. Noter le modèle de traitement sans chevauchement, mais presque confluent. Le but est de traiter toute la rétine avasculaire.
(Illustration de Mark M. Miller.)

Brown GC, Tasman WS, Naidoff M, Schaffer DB, Quinn G, Bhutani VK. Systemic complications associated with retinal cryoablation for retinopathy of prematurity. Ophthalmology. 1990 ; 97(7) : 855–858.

Connolly BP, McNamara JA, Sharma S, Regillo CD, Tasman W. A comparison of laser photocoagulation with trans-scleral cryotherapy in the treatment of threshold retinopathy of prematurity. Ophthalmology. 1998 ; 105(9) : 1628–1631.

Laser ROP Study Group. Laser therapy for retinopathy of prematurity. Arch Ophthalmol. 1994 ; 112(2) : 154–156.

Médicaments anti-VEGF

Les auteurs de l'étude BEAT-ROP (Bevacizumab Eliminates the Angiogenic Threat of Retinopathy of Prematurity) ont mené un essai prospectif, randomisé et multicentrique pour évaluer la monothérapie intravitréenne par bévacizumab pour la ROP zone I ou zone II postérieure stade 3, avec stade plus de la maladie. Comparativement à la thérapie au laser conventionnel, un traitement par bévacizumab est statistiquement meilleur pour les ROP zone I, tandis que pour la zone II, les résultats étaient similaires avec l'un ou l'autre traitement. Une vascularisation rétinienne périphérique normale est préservée lors du traitement par bévacizumab intravitréen, alors que la thérapie au laser conduit à la destruction permanente de la rétine périphérique. Des récurrences se produisent, de façon significative, plus tardivement avec le bévacizumab qu'avec le laser. Par conséquent, un suivi prolongé et étroit est essentiel. Mais l'échantillon de cette étude était trop petit et le suivi trop court pour permettre une évaluation adéquate de la sécurité du bévacizumab intravitréen pour le traitement de la ROP. L'utilisation du bévacizumab dans les yeux précédemment traités au laser n'est pas recommandée.

Il est fort probable que les résultats de cette étude, et d'autres preuves publiées, entraîneront un changement spectaculaire dans la façon de traiter la ROP de zone I, et probablement toutes les ROP. Cependant, à ce jour, il n'existe pas de données suffisantes pour évaluer la sécurité, en particulier à long terme, des anti-VEGF dans le traitement de la ROP.

Mintz-Hittner HA, Kennedy KA, Chuang AZ ; BEAT-ROP Cooperative Group. Efficacy of intravitreal bevacizumab for stage 3 + retinopathy of prematurity. N Engl J Med. 2011 ; 364(7) : 603–615.

Vitrectomie et indentation sclérale

Les yeux avec une ROP au stade 4 (progressive, phase active) nécessitent une intervention chirurgicale par indentation sclérale ou vitrectomie avec épargne du cristallin pour atténuer les tractions vitréorétiniennes responsables du décollement de rétine. Les yeux bénéficiant d'une intervention chirurgicale au stade 4A – plutôt qu'aux stades ultérieurs 4B ou 5 – ont des résultats plus favorables. La vitrectomie avec épargne du cristallin pour les stades 4A peut réduire la progression vers les stades 4B et 5 de la ROP et est donc la méthode préférée pour améliorer les résultats visuels.

Pour les yeux atteints d'une maladie au stade 5, la vitrectomie associée à la dissection des membranes fibrovasculaires et du vitré adhérent a réussi à rattacher totalement ou partiellement la rétine dans environ 30 % des yeux. Néanmoins, seulement 25 % de ces rétines restent totalement attachées 5 ans plus tard. Parmi les patients dont les rétines étaient initialement rattachées, seulement 10 % ont une vision ambulatoire. Si une rétinotomie de drainage est effectuée ou si une déchirure iatrogène de la rétine se produit lors d'une vitrectomie pour ROP, le pronostic de cet œil devient uniformément médiocre.

  • Capone A Jr, Trese MT. Lens-sparing vitreous surgery for tractional stage 4A retinopathy of prematurity retinal detachments. Ophthalmology 2001 ; 108(11) : 2068–70.
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