Pathologies de la rétine et du vitré
Décollement de rétine et lésions prédisposantes
Une déhiscence rétinienne est un déficit de toute l'épaisseur de la rétine neurosensorielle. Les ouvertures sont cliniquement importantes car elles peuvent permettre le passage de liquide de la cavité vitréenne vers l'espace sous-rétinien, entre la rétine sensorielle et l'épithélium pigmentaire rétinien (EP), créant ainsi un décollement de rétine rhegmatogène. Certaines ouvertures sont provoquées par l'atrophie des couches internes de la rétine (trous) ; d'autres résultent de tractions vitréorétiniennes (déchirures). Les déhiscences faisant suite aux traumatismes sont exposées dans la prochaine partie.
Les déhiscences rétiniennes peuvent être classés comme suit :
- •
déchirures en clapet, ou déchirures en fer à cheval ;
- •
déchirures rétiniennes géantes ;
- •
trous à opercule ;
- •
dialyses ;
- •
trous rétiniens atrophiques.
Une déchirure en clapet survient lorsqu'une bande de rétine est attirée vers l'avant par une traction vitréorétinienne, souvent dans le cadre d'un décollement postérieur du vitré ou d'un traumatisme. Une déchirure est considérée comme symptomatique lorsque le patient rapporte des photopsies, des corps flottants, ou les deux. Une déchirure rétinienne géante s'étend sur 90° (trois quadrants horaires) ou plus de manière circonférentielle et survient fréquemment le long du bord postérieur de la base du vitré. Un trou à opercule survient lorsqu'une traction est suffisante pour déchirer complétement un morceau de rétine de la surface rétinienne adjacente. Une dialyse rétinienne est une ouverture rétinienne circonférentielle, linéaire, le long de l'ora serrata, avec la base du vitré attachée à la rétine postérieure au bord de la déchirure ; elle est souvent la conséquence d'un traumatisme à globe fermé. Un trou atrophique n'est généralement pas associé à une traction vitréorétinienne et n'est pas lié à un risque accru de décollement de rétine.
American Academy of Ophthalmology Retina/Vitreous Panel. Preferred Practice Pattern Guidelines. Posterior Vitreous Detachment, Retinal Breaks, and Lattice Degeneration. San Francisco : American Academy of Ophthalmology ; 2013. http://one.aao.org/guidelines.
Les traumatismes contondants ou pénétrants peuvent provoquer des ouvertures rétiniennes par perforation rétinienne directe, contusion, ou traction vitréenne. La prolifération fibrocellulaire survenant plus tard au niveau du site de traumatisme peut entraîner des tractions vitréorétiniennes et un décollement. Voir aussi chapitre 17.
Les traumatismes contondants peuvent provoquer des déchirures rétiniennes par atteinte contusive directe du globe par deux mécanismes : 1) coup, adjacent au point d'impact, et 2) contrecoup, opposé au point d'impact. Les traumatismes contondants compriment l'œil le long de l'axe antéropostérieur et s'étendent sur le plan équatorial. En raison de la nature viscoélastique du corps vitré, les compressions lentes de l'œil n'ont pas d'effets délétères sur la rétine. En revanche, une compression rapide de l'œil va provoquer de sévères tractions sur la base du vitré qui peuvent entraîner des déchirures rétiniennes.
Les blessures par contusion peuvent provoquer de grandes ouvertures équatoriales, des dialyses ou des trous maculaires. Les déchirures traumatiques sont souvent multiples, et elles sont fréquemment localisées dans les quadrants inférotemporal et supéronasal. Les lésions les plus courantes sont les dialyses, qui peuvent être aussi petites qu'une baie de l'ora (la distance entre deux dents de l'ora serrata) ou qui peuvent s'étendre sur 90° ou plus. Les dialyses sont généralement situées au niveau du bord postérieur de la base du vitré mais peuvent aussi apparaître sur le bord antérieur (fig. 15-1). L'avulsion de la base du vitré peut être associée à une dialyse qui est considérée comme pathognomonique d'une contusion oculaire. Même si la base du vitré peut se décoller de la rétine sous-jacente et de l'épithélium non pigmenté de la pars plana sans entraîner de déchirure, l'une de ces tuniques ou les deux sont généralement déchirées lors de ce processus. Plus rarement, des déchirures à type de fer à cheval (qui peuvent apparaître au bord postérieur de la base du vitré, à la partie postérieure d'un pli méridional, ou à l'équateur) ou de trou à opercule peuvent survenir dans les suites d'un traumatisme à globe fermé.
Même si les patients jeunes ont une incidence plus élevée de blessure à l'œil que les autres groupes d'âges, c'est seulement dans de rares circonstances que la rétine se détache immédiatement après un traumatisme contondant car un vitré jeune n'a pas encore subi de synérèse, ou de liquéfaction. Ainsi, le vitré ne produit pas de mouvement de liquide sur les déchirures rétiniennes ou les dialyses. Avec le temps, le vitré peut néanmoins se liquéfier autour de la déchirure, permettant le passage de liquide par l'ouverture qui va entraîner un décollement de la rétine.
La présentation clinique du décollement de rétine est généralement retardée :
- •
12 % de détachements sont identifiés immédiatement ;
- •
30 % sont identifiés dans le mois ;
- •
50 % sont identifiés dans les 8 mois ;
- •
80 % sont identifiés dans les 24 mois.
Les décollements de rétine traumatiques chez les patients jeunes peuvent être relativement plats et des signes de chronicité sont souvent retrouvés, tels que des lignes de démarcations multiples, des dépôts sous-rétiniens et un schisis intrarétinien.
Quand le décollement postérieur du vitré est présent ou se produit après un traumatisme, les ouvertures rétiniennes sont souvent associées à des adhérences vitréorétiniennes anormales et ressemblent à des ouvertures non traumatiques. Un décollement de rétine peut se produire rapidement chez ces patients.
Le gel vitréen est attaché fermement à la base du vitré, une zone circonférentielle chevauchant l'ora serrata et qui s'étend environ de 2 mm en antérieur et de 4 mm en postérieur de l'ora. Les fibres de collagène vitréen à cette base sont fermement attachées à la rétine et à l'épithélium de la pars plana, si bien que le vitré ne peut pas se détacher sans déchirer ces tissus. Le vitré est aussi solidement attaché aux bords du nerf optique, à la macula, autour des gros vaisseaux, sur les bords des dégénérescences palissadiques et sur les cicatrices choriorétiniennes.
La plupart des déchirures rétiniennes résultent de tractions survenant après un décollement postérieur du vitré (DPV) spontané ou traumatique (fig. 15-2). L'événement prédisposant est la synérèse du vitré central. Il existe de plus en plus de preuves que le DPV associé à l'âge est insidieux et lentement progressif sur plusieurs années. Un DPV débute classiquement par une petite dissection du cortex vitréen périfovéal. Le vitré liquéfié pénètre dans cette déchirure corticale et détache le cortex vitréen maculaire, provoquant un décollement partiel du vitré. Les stades précoces sont généralement asymptomatiques et occultes ; dans la plupart des yeux, l'évolution du DPV reste infraclinique pendant des années jusqu'à sa séparation de la margelle du nerf optique (aire de Martegiani). Cette séparation de la papille optique est souvent accompagnée de symptômes liés à l'apparition d'un anneau de Weiss. Le gel vitré demeure attaché à la base du vitré. Les tractions vitréennes sur la rétine peuvent provoquer une ouverture rétinienne, généralement au bord postérieur de la base du vitré (fig. 15-3).
La prévalence du DPV augmente avec l'âge. D'autres affections sont associées à la synérèse du vitré (collapsus), au synchisis (liquéfaction) et au DPV, telles que l'aphaquie, la pseudophaquie avec ouverture de la capsule postérieure, les maladies inflammatoires, les traumatismes, l'hémorragie du vitré et la myopie axile. Déterminer si le vitré est attaché ou séparé de la surface de la rétine est difficile en biomicroscopie. Les études cliniques révèlent une plus faible incidence du DPV chez les patients jeunes que chez ceux de moins de 50 ans. Des études avec autopsies ont montré la présence d'un DPV chez moins de 10 % des patients de moins de 50 ans, mais de 63 % chez ceux ayant plus de 70 ans.
Beaucoup de patients ne rapportent pas de symptômes aigus quand le DPV survient. Les symptômes du DPV à l'examen initial incluent des phénomènes de phosphènes (lumières scintillantes), des myodésopsies et un aspect de nuage traversant le champ visuel. Les patients présentant ces symptômes doivent être examinés rapidement, et le personnel paramédical doit être averti du caractère urgent de ces symptômes. Les phosphènes sont provoqués par la stimulation physique de la traction vitréorétinienne sur la rétine. Les myodésopsies sont provoquées par les opacités vitréennes comme le sang, des cellules gliales emportées du nerf optique, ou l'agrégation des fibres de collagène, toutes ces causes pouvant former des ombres sur la rétine.
Une hémorragie vitréenne peut survenir après l'avulsion d'un vaisseau rétinien superficiel ou prépapillaire, ou une rupture d'un vaisseau rétinien croisant une déchirure rétinienne. Les facteurs prédictifs de développer de nouvelles déhiscences rétiniennes sont l'hémorragie du vitré à l'examen initial et une augmentation du nombre de corps flottants après l'examen initial. Au total, 7 à 18 % des patients présentant un DPV symptomatique aigu ont des déchirures rétiniennes. Si une hémorragie du vitré est présente, alors 50 à 70 % ont des déchirures rétiniennes contre seulement 7 à 12 % sans hémorragie vitréenne. Les patients ayant un DPV aigu compliqué d'une déchirure rétinienne ont 7 fois plus de probabilité de présenter des pigments ou des granules vitréennes que ceux sans déchirure.
van Overdam KA, Bettink-Remeijer MW, Klaver CC, Mulder PG, Moll AC, van Meurs JC. Symptoms and findings predictive for the development of new retinal breaks. Arch Ophthalmol. 2005 ; 123(4) : 479–484.
van Overdam KA, Bettink-Remeijer MW, Klaver CC, Mulder PG, Moll AC, van Meurs JC. Symptoms and findings predictive for the development of new retinal breaks. Arch Ophthalmol. 2005 ; 123(4) : 479–484.
Afin d'établir un diagnostic clinique de DPV et d'écarter toute hypothèse de déhiscence ou de décollement rétiniens, on utilise l'ophtalmoscopie indirecte avec dépression sclérale ainsi que la biomicroscopie, effectuée à l'aide d'une lampe à fente sur laquelle est montée une lentille de contact (verre à trois miroirs) ou bien une lentille sans contact. Un réexamen du patient 2 à 4 semaines après l'examen initial peut s'avérer opportun, car de nouvelles déhiscences rétiniennes peuvent avoir lieu au fil de l'évolution du DPV dans le temps. Les facteurs de risque additionnels qu'il faut prendre en compte lors du suivi comprennent l'aphaquie, la myopie, les antécédents de l'œil adelphe, les antécédents familiaux de décollement rétinien et les signes du syndrome de Stickler. Il doit être exigé des patients qu'ils reviennent consulter leur ophtalmologiste immédiatement s'ils constatent que leurs symptômes évoluent, par exemple si le nombre de myodésopsies augmente ou bien s'ils notent un déficit de leur champ de vision.
Si une importante hémorragie du vitré empêche un examen complet, un pansement oculaire bilatéral ainsi qu'un repos au lit, avec la tête du patient surélevée à 45° ou plus pendant quelques jours, peuvent laisser le temps à l'hémorragie de se stabiliser suffisamment pour permettre la détection de déhiscences supérieures. Une échographie peut être réalisée afin de trouver des déchirures rétiniennes à clapet (également dites « en fer à cheval »), afin d'écarter toute hypothèse de décollement de la rétine ou d'autres lésions du fond d'œil. Si la cause de l'hémorragie ne peut pas être identifiée, le patient doit être réexaminé à intervalles fréquents et réguliers. Une vitrectomie peut être envisagée en vue de rechercher l'étiologie de l'hémorragie du vitré.
Byer NE. Natural history of posterior vitreous detachment with early management as the premier line of defense against retinal detachment. Ophthalmology. 1994 : 101(9) : 1503–1514.
La dégénérescence palissadique, une anomalie de l'interface vitréorétinienne, est présente dans 6 à 10 % de la population générale ; elle est bilatérale chez un tiers à un quart des patients atteints. Elle concerne le plus fréquemment – mais non exclusivement – les sujets atteints de myopie. Il existe une prédisposition familiale.
La dégénérescence palissadique peut prédisposer l'œil aux déhiscences et aux décollements de rétine. Parmi ses caractéristiques histologiques les plus importantes figurent des degrés variables d'atrophie, une irrégularité des couches internes, une poche sus-jacente de vitré liquéfié, ainsi qu'une condensation et une adhérence du vitré en bordure de la lésion (fig. 15-4, 15-5, 15-6).
On rencontre la dégénérescence palissadique dans environ 20 à 30 % des cas d'yeux présentant un décollement rétinien rhegmatogène. Toutefois, comme la dégénérescence palissadique n'en est pas nécessairement la cause, un traitement prophylactique au laser n'est pas systématiquement recommandé. Lorsque la dégénérescence palissadique se trouve être la cause du décollement de la rétine, une déchirure par traction en bordure latérale ou postérieure de la lésion palissadique, ou bien, moins communément, un trou atrophique au sein de la zone de palissade elle-même, ont lieu (fig. 15-7). Les décollements de la rétine consécutifs aux trous atrophiques concernent généralement de jeunes patients myopes, qui ne présentent aucun décollement du vitré ; ces décollements de la rétine sont généralement asymptomatiques jusqu'à ce que l'axe visuel soit atteint.
Byer NE. Lattice degeneration of the retina. Surv Ophthalmol. 1979 ; 23(4) : 213–248.
Byer NE. Long-term natural history of lattice degeneration of the retina. Ophthalmology. 1989 ; 96(9) : 1396–1402.
Les touffes de la périphérie rétinienne sont de petites zones périphériques focales d'hyperplasie gliale élevée, souvent associées à une adhérence et à une traction vitréennes ou zonulaires. Les touffes tractionnelles sont classées selon leurs distinctions anatomiques, pathogéniques et cliniques au sein des groupes suivants :
- •
touffes rétiniennes non kystiques (fig. 15-8) ;
- •
touffes rétiniennes kystiques ;
- •
touffes rétiniennes zonulaires tractionnelles (fig. 15-9).
Il est possible qu'une hyperplasie de l'épithélium pigmentaire rétinien entoure la touffe. Les touffes rétiniennes kystiques et les tractions zonulaires, toutes les deux caractérisées par une forte adhérence vitréorétinienne, peuvent prédisposer à des déchirures et des décollements de rétine.
Byer NE. Cystic retinal tufts and their relationship to retinal detachment. Arch Ophthalmol. 1981 ; 99(10) : 1788–1790.
Les plis méridionaux sont des plis de rétine excédentaire, généralement situés en zone supéronasale. Ils sont généralement associés aux dents de l'ora, mais peuvent s'étendre postérieurement à partir de baies de l'ora. Des déchirures de la rétine liées au DPV ont parfois lieu à la limite la plus postérieure des plis (voir fig. 1-3). Des déchirures de la rétine peuvent également avoir lieu sur les limites postérieures des baies encloses de l'ora ou à proximité ; ces dernières sont des îlots ovoïdes d'épithélium de la pars plana situés en zone immédiatement postérieure à l'ora serrata ; ces îlots sont intégralement, ou quasi intégralement, entourés de rétine périphérique (fig. 15-10). Des déchirures peuvent parfois avoir lieu sur des excavations de la rétine périphérique, ce qui constitue une forme modérée de dégénérescence palissadique. Ces excavations peuvent présenter de fortes adhérences vitréorétiniennes et soit sont adjacentes à l'ora serrata, soit lui sont postérieures, parfois jusqu'à quatre diamètres papillaires. Elles sont souvent alignées avec les plis méridiens.
Engstrom RE Jr, Glasgow BJ, Foos RY, Straatsma BR. Degenerative diseases of the peripheral retina. In : Tasman W, Jaeger EA, eds. Duane's Clinical Ophthalmology on DVD-ROM. Vol 3. Philadelphia : Lippincott Williams & Wilkins ; 2013 : chap 26.
La dégénérescence pavimenteuse se caractérise par des zones atrophiques de la rétine externe, qui sont petites, discrètes et périphériques. La dégénérescence pavimenteuse se manifeste chez 22 % des individus de plus de 20 ans (fig. 15-11). Les zones atrophiques peuvent survenir seules ou bien de façon groupée, et sont parfois confluentes. Histologiquement, ces « pavés » se caractérisent par une atrophie de l'EP et des couches rétiniennes externes, une atténuation ou bien une absence de la choriocapillaire, ainsi que des adhésions des couches neuroépithéliales restantes à la membrane de Bruch. On retrouve le plus fréquemment ces lésions dans les quadrants inférieurs, antérieurs à l'équateur. D'un point de vue ophtalmoscopique, elles sont d'un blanc jaunâtre et sont parfois entourées par une bordure d'EP hypertrophique. Parce que l'EP est absent ou bien hypoplasique, de grands vaisseaux choroïdiens sont visibles en dessous des lésions.
Lorsqu'elles sont stimulées par une traction chronique de bas grade, les cellules de l'EP prolifèrent. On peut alors observer une hyperplasie diffuse de l'EP chevauchant l'ora serrata, à des latitudes qui correspondent globalement à l'insertion de la base vitréenne ; ce phénomène peut également avoir lieu focalement sur la pars plana et la rétine périphérique, particulièrement dans des zones de traction focale, telles que des touffes vitréorétiniennes et des dégénérescences palissadiques. Des zones précédemment traumatisées ou anciennement sujettes à des inflammations peuvent également héberger une hyperplasie de l'EP.
L'hypertrophie acquise de l'EP est une évolution dégénérative liée à l'âge qui a généralement lieu en zone périphérique et qui se présente souvent de façon réticulaire. Histologiquement, elle se caractérise par de grandes cellules ainsi que de grands granules de mélanine de forme sphérique. L'hypertrophie congénitale de l'EP présente des caractéristiques histologiques similaires (pigmentation groupée, ou « empreintes d'ours »).
On retrouve la dégénérescence cystoïde périphérique typique, qui se caractérise par des zones microkystiques situées dans la rétine très périphérique, chez presque tous les adultes de plus de 20 ans. Bien que des trous rétiniens puissent se former dans ces zones, ils sont rarement à l'origine d'un décollement de la rétine. La dégénérescence cystoïde périphérique réticulée se trouve quasi invariablement en position postérieure par rapport à la dégénérescence cystoïde typique. Elle se déclenche généralement dans la rétine interne et se déploie de façon linéaire ou bien réticulée, en suivant les vaisseaux rétiniens. On retrouve cette forme de dégénérescence chez environ 20 % des adultes ; dans certains cas, elle peut évoluer vers un rétinoschisis bulleux.
Toute déhiscence rétinienne peut causer un décollement de la rétine en permettant au liquide de la cavité vitréenne de passer à travers la déhiscence et de séparer la rétine sensorielle de l'EP. Toutefois, la vaste majorité des trous ou des déhiscences de la rétine ne causent pas de décollement.
L'ophtalmologiste peut envisager de traiter les déhiscences de la rétine de façon prophylactique, dans le but de réduire les risques de décollement de la rétine. Le traitement n'élimine pas le risque de nouvelles déchirures ou de nouveaux décollements.
Les traitements prophylactiques au laser ou à la cryothérapie ont pour but de créer une adhérence choriorétinienne autour de chaque déhiscence, afin d'éviter que du liquide ne pénètre dans la zone sous-rétinienne. Si du liquide sous-rétinien est déjà présent, le traitement doit être prodigué de façon à ce qu'il entoure la zone contenant le liquide sous-rétinien. De manière similaire, lorsque l'on traite une dégénérescence palissadique, le traitement doit être appliqué tout autour de la lésion, dans son intégralité.
En ce qui concerne la prophylaxie, l'ophtalmologiste doit prendre en compte une multitude de facteurs, dont la présence de symptômes, les antécédents familiaux, la traction résiduelle, la taille et le lieu de la déhiscence, le statut du cristallin, la réfraction, l'état de l'œil controlatéral, la présence de liquide sous-rétinien et les possibilités de contrôles ultérieurs. La prophylaxie est parfois contre-indiquée dans les cas présentant une myopie de 6,00 D et une palissade de plus de six quadrants horaires. Les éléments de discussion qui suivent ne font office que de consignes générales, étant donné que beaucoup de facteurs cliniques doivent être pris en compte chez un même patient. (Voir également à ce propos les développements du chapitre 16 au sujet des vitréorétinopathies héréditaires avec un vitré optiquement vide.)
American Academy of Ophthalmology Retina/Vitreous Panel. Preferred Practice Pattern Guidelines. Posterior Vitreous Detachment, Retinal Breaks, and Lattice Degeneration. San Francisco : American Academy of Ophthalmology : 2013. http://one.aao.org/guidelines.
Chez environ 20 % des yeux atteints d'un DPV symptomatique, on constate lors de l'examen l'existence de déchirures par traction. De nombreuses études cliniques ont démontré que des déhiscences sévères et symptomatiques présentent un plus grand risque de mener à un décollement de la rétine, tout particulièrement lorsqu'elles sont corrélées à une hémorragie du vitré. C'est pourquoi les déchirures à clapet sévères et symptomatiques sont généralement traitées de façon prophylactique.
Les trous à opercule sont moins susceptibles de provoquer un décollement de rétine car il n'y a pas de traction résiduelle sur la rétine adjacente, et ils ne sont généralement pas traités. Toutefois, la prophylaxie doit être envisagée si une biomicroscopie effectuée à l'aide d'une lampe à fente révèle une traction persistante du vitré en marge d'un trou operculé, si le trou est grand ou localisé en zone supérieure, ou bien s'il existe une hémorragie du vitré.
Les trous atrophiques sont souvent des découvertes fortuites chez un patient qui présente un DPV sévère. Ils ne requièrent généralement pas de traitement.
Les déchirures à clapet asymptomatiques évoluent en décollement de rétine dans environ 5 % des cas. À cause de ce risque assez faible, le traitement n'est pas systématiquement recommandé chez les yeux phaques et emmétropes. Toutefois, les déchirures à clapet asymptomatiques assorties d'une dégénérescence palissadique, de myopie, de décollement infraclinique, d'aphaquie ou d'antécédents de décollement rétinien dans l'œil adelphe possèdent un risque accru de décollement de rétine, et un traitement doit être envisagé. Les trous à opercule asymptomatiques ainsi que les trous atrophiques provoquent rarement un décollement de rétine et ne sont généralement pas traités.
Byer NE. What happens to untreated asymptomatic retinal breaks, and are they affected by posterior vitreous detachment ? Ophthalmology. 1998 ; 105(6) : 1045–1050.
Bien que les données disponibles demeurent assez limitées, une étude ayant suivi pendant 11 ans des patients atteints de dégénérescence palissadique non traitée, sans déchirures symptomatiques, a montré qu'un décollement de rétine avait lieu dans environ 1 % des cas. Ainsi, la présence de palissade, avec ou sans trous atrophiques, ne requiert généralement pas de prophylaxie, en l'absence d'autres facteurs de risque ou de symptômes. Si la dégénérescence palissadique est avérée chez un patient présentant d'autres facteurs de risque, tels qu'un décollement de rétine de l'œil adelphe, une déchirure à clapet ou bien une aphaquie, un traitement prophylactique peut alors être envisagé.
Byer NE. Long-term natural history of lattice degeneration of the retina. Ophthalmology. 1989 ; 96(9) : 1396–1402.
Wilkinson CP. Interventions for asymptomatic retinal breaks and lattice degeneration for preventing retinal detachment. Cochrane Database Syst Rev. 2014 ; 9 : CD003170. [Epub 2014 Sep 5]
Parce que les yeux aphaques et pseudophaques présentent un plus grand risque de décollement de rétine par rapport aux yeux phaques (1 à 3 %), les patients concernés doivent être informés des symptômes potentiels et examinés attentivement si ces symptômes se manifestent. Une étude de cohorte sur 25 ans fondée sur la population générale a comparé les yeux ayant subi une chirurgie de la cataracte à ceux n'ayant pas subi cette intervention ; l'étude a montré que le ratio de probabilité d'un décollement de rétine des suites d'une chirurgie de la cataracte était le plus important au cours de la première année (le ratio était environ 11 fois plus important lors de la première, comparé à environ 4 fois plus important au cours de la 5e et la 20e année). Le risque cumulé de décollement de rétine progressait de façon stable pour atteindre 1,79 % au bout de 20 ans. Les facteurs de risque de décollement rétinien suite à une chirurgie de cataracte comprennent le sexe masculin, le jeune âge, la myopie, une longueur axiale plus importante, ainsi qu'une déchirure capsulaire postérieure.
Erie JC, Raecker MA, Baratz KH, Schleck CD, Burke JP, Robertson DM. Risk of retinal detachment after cataract extraction, 1980–2004 : a population-based study. Ophthalmology. 2006 ; 113(11) : 2026–2032.
Chez les patients présentant un décollement de rétine, le risque de décollement rétinien de l'œil controlatéral est d'environ 10 % pour les phaques et de 20 % à 36 % pour les aphaques ou pseudophaques. Un traitement prophylactique des déchirures à clapet ainsi que de la dégénérescence palissadique est souvent envisagé.
Folk JC, Arrindell EL, Klugman MR. The fellow eye of patients with phakic lattice retinal detachment. Ophthalmology. 1989 ; 96(1) : 72–79.
Le terme de décollement rétinien infraclinique est utilisé diversement. Bien qu'il puisse renvoyer à un décollement rétinien asymptomatique, il décrit généralement un décollement lors duquel le liquide sous-rétinien s'étend à plus d'un diamètre papillaire depuis le décollement, sans aller au-delà de 2 diamètres papillaires en arrière de l'équateur. Un traitement est souvent recommandé car environ 30 % de ces décollements évoluent. Un traitement est particulièrement recommandé chez les patients symptomatiques ou bien chez ceux présentant une traction sur le décollement. Une ligne de démarcation indique un risque plus faible ; une progression peut toutefois dépasser une ligne de démarcation.
Brod RD, Flynn HW Jr, Lightman DA. Asymptomatic rhegmatogenous retinal detachments. Arch Ophthalmol. 1995 ; 113(8) : 1030–1032.
On peut classer les décollements de rétine en trois catégories :
- •
rhegmatogènes ;
- •
tractionnels ;
- •
exsudatifs.
Le décollement le plus courant est le décollement rétinien rhegmatogène (DRR). Il est provoqué par le passage de liquide de la cavité vitréenne dans l'espace épithéliorétinien par une ouverture qui peut exister entre la rétine sensorielle et l'EP. Le terme est dérivé du grec rhegma qui signifie « déhiscence ». Les décollements tractionnels sont provoqués par des membranes proliférantes qui contractent et soulèvent la rétine ; ces décollements sont moins fréquents. Une combinaison d'éléments physiopathologiques tractionnels et rhegmatogènes peut également mener à un décollement rétinien. Le décollement exsudatif, dit secondaire, est provoqué par des maladies rétiniennes ou choroïdiennes lors desquelles le liquide s'écoule et s'accumule sous la rétine sensorielle.
Les diagnostics différentiels de décollement de rétine prennent en compte le rétinoschisis, les tumeurs choroïdiennes, ainsi que le soulèvement rétinien consécutif à un décollement de la choroïde. Le tableau 15-1 dresse la liste des caractéristiques diagnostiques de ces trois formes de décollement de rétine.
Décollement rhegmatogène (primaire) | Décollement non rhegmatogène (secondaire) | ||
---|---|---|---|
Tractionnel | Exsudatif | ||
Antécédents | Aphaquie, myopie, contusion, photopsie, corps flottants, défaillances du champ visuel ; antécédents progressifs, absence d'antécédents | Diabète sucré, prématurité, traumatisme pénétrant, anémie falciforme, occlusions veineuses | Facteurs systémiques tels que l'hypertension maligne, l'éclampsie, l'insuffisance rénale |
Déhiscence rétinienne | Identifié dans 90 % à 95 % des cas | Absence de déhiscence primaire ; peut provoquer une déhiscence secondaire | Absence de déhiscence (pas de déhiscence fortuite) |
Avancée du décollement | Décollement qui s'étend rapidement de l'ora jusqu'à la papille, bordures et surfaces convexes, soumis à la gravité | Décollement qui n'atteint pas l'ora la plupart du temps, peut être central ou périphérique | Décollement soumis à la gravité et au volume ; extension jusqu'à l'ora variable, peut être central ou périphérique |
Mobilité de la rétine | Bulles ou plis ondulants | Rétine tendue, bordures et surfaces concaves ; décollement le plus important au niveau des points de traction | Bulles lisses et élevées, absence de plis en général |
Signes de chronicité | Lignes de démarcation, macrokystes intrarétiniens, rétine atrophique | Lignes de démarcation | Néant en général |
Pigments dans le vitré | Présence dans 70 % des cas | Présence chez les cas traumatiques | Néant |
Modifications du vitré | Synérèse fréquente ; décollement postérieur du vitré ; traction sur le clapet de la déchirure | Traction vitréorétinienne | Clair en général, sauf dans les cas d'uvéite |
Liquide sous-rétinien | Clair | Clair, pas de déplacements | Peut être turbide et se déplacer rapidement au gré des mouvements de tête |
Masse choroïdienne | Néant | Néant | Présence éventuelle |
Pression intraoculaire | Fréquemment basse | Normale en général | Variable |
Transillumination | Normale | Normale | Normale ; transillumination toutefois bloquée si lésion choroïdienne pigmentée présente |
Exemples de maladies provoquant un décollement | Déhiscence rétinienne | Rétinopathie diabétique proliférante, rétinopathie des prématurés, toxocarose, anémie falciforme, traction vitréenne post-traumatique | Uvéite, tumeur métastasique, maladie de Vogt- Koyanagi-Harada, rétinoblastome, hémangiome choroïdien, maculopathie exsudative sénile, décollement exsudatif des suites d'une cryothérapie ou d'une diathermie |
Le Rochester Epidemiology Project, un institut de recherche mondialement reconnu qui produit des études épidémiologiques de haute qualité, a établi que le décollement rétinien rhegmatogène possède une incidence annuelle de 12,6 pour 100 000 personnes. Le risque pour un individu donné est modulé par la présence ou l'absence de certains facteurs, dont la myopie, les antécédents familiaux, une déchirure ou un décollement rétiniens de l'œil adelphe, un décollement récent du vitré, un traumatisme, des lésions à haut risque en périphérie, ainsi que des dégénérescences vitréorétiniennes. Un recours récurrent ou récent aux fluoroquinolones peut également être un facteur de risque, mais cette allégation demeure controversée.
Dans 90 à 95 % des DRR, on peut retrouver une déchirure rétinienne, souvent à l'aide des règles de Lincoff (fig. 15-12, 15-13). En ce qui concerne les autres cas, on suppose l'existence d'une déchirure occulte. Si aucune déchirure ne peut être constatée, l'ophtalmologiste doit écarter toute autre cause de soulèvement rétinien. La moitié des patients ayant un DRR présentent également des phosphènes ou des corps flottants. La pression intraoculaire est généralement plus faible dans l'œil affecté que dans l'œil adelphe, mais elle peut parfois être plus élevée. Le signe de Shafer, petits agglomérats de cellules pigmentées dispersées dans le vitré antérieur (« tobacco dust »), est fréquemment présent. La rétine se détache progressivement de la périphérie vers la papille ; ses bordures sont généralement convexes, d'apparence ondulée, tout particulièrement dans le cas de décollements récents ; elle ondule au rythme des mouvements de l'œil. Toutefois, dans le cas d'un DRR ancien, la rétine apparaît lisse et fine. Des plissements et une rigidité de la rétine consécutifs à une prolifération vitréorétinienne (PVR) sont presque toujours le signe d'un DRR. Des transferts de liquide peuvent avoir lieu, mais cette incidence demeure rare et est davantage typique des décollements séreux de la rétine.
La PVR est le facteur d'échec des procédures chirurgicales visant à corriger un DRR le plus répandu. Dans le cas d'une PVR, des cellules gliales, rétino-épithéliales ou autres prolifèrent puis migrent vers les surfaces rétiniennes internes et externes, ainsi que sur la face vitréenne ; elles forment alors des membranes. La contraction de ces membranes provoque des plis fixes, une traction équatoriale, le décollement de l'épithélium non pigmenté de la pars plana, ainsi qu'un rétrécissement généralisé de la rétine (fig. 15-14). Il en résulte que les déhiscences rétiniennes en cause se rouvrent parfois, que d'autres surviennent ou bien qu'un décollement tractionnel se développe.
Afin de mieux comparer l'anatomie préopératoire aux résultats postopératoires, les chercheurs ont développé une classification globalement partagée des PVR (tableau 15-2). La classification de 1991 comporte trois grades de PVR (A, B et C), qui correspondent à l'augmentation du degré de gravité de la maladie. Les implications antérieures et postérieures (CA, CP) se distinguent et se divisent de la sorte : focales, diffuses, sous-rétiniennes, circonférentielles et déplacement antérieur. L'étendue de la pathologie est décrite en cadrans horaires.
Grade | Caractéristiques |
---|---|
A | Vitré trouble (haze ), touffes de pigments vitréens, amas de pigments sur la rétine inférieure |
B | Des rides apparaissent sur la surface de la rétine interne ; raidissement de la rétine interne, tortuosité des vaisseaux, bordures du décollement rétinien ourlées et irrégulières, réduction de la mobilité du vitré |
CP 1-12 | Postérieur à l'équateur : plis focaux, diffus ou circonférentiels de pleine épaisseur *, cordons sous-rétiniens * |
CA 1-12 | Antérieur à l'équateur : plis focaux, diffus ou circonférentiels de pleine épaisseur *, cordons sous-rétiniens * déplacement antérieur, vitré condensé avec cordons |
Han DP, Lean JS. Proliferative vitreoretinopathy. In : Albert DM, Miller JW, Azar DT, Blodi BA, eds. Albert & Jakobiec's Principles and Practice of Ophthalmology. Philadelphia : Saunders ; 2008 : chap 183.
Rowe JA, Erie JC, Baratz KH, et al. Retinal detachment in Olmsted County, Minnesota, 1976 through 1995. Ophthalmology. 1999 ; 106(1) : 154–159
Les principes de la chirurgie du décollement de la rétine sont les suivants :
- •
localisation de toutes les déhiscences rétiniennes ;
- •
création d'une irritation choroïdienne autour de chaque déhiscence ;
- •
fermeture des déhiscences rétiniennes.
L'élément le plus important de la prise en charge est l'examen attentif de la rétine, d'abord en préopératoire puis en peropératoire. Les décollements de la rétine peuvent être refermés grâce à plusieurs méthodes, qui impliquent toutes de faire entrer en contact la rétine avec l'EP et la choroïde, et ce sur une durée suffisante afin de produire une adhésion choriorétinienne qui permettra de murer l'espace sous-rétinien. Ce procédé implique généralement l'une de ces trois approches : 1) une indentation sclérale, 2) une vitrectomie, ou 3) une rétinopexie pneumatique (voir le chapitre 19 pour un développement plus détaillé de ces techniques et de leurs issues).
Des membranes vitréennes générées par des plaies pénétrantes ou bien par des rétinopathies proliférantes, telle la rétinopathie diabétique, peuvent décoller la rétine neurosensorielle de l'EP, provoquant ainsi un décollement rétinien tractionnel. Les surfaces et les contours de la rétine ont pour caractéristique d'être lisses et concaves, et la rétine est immobile. Le décollement peut être central ou périphérique et, dans de rares cas, peut s'étendre de la papille jusqu'à l'ora serrata. Dans la plupart des cas, la membrane vitréenne mise en cause peut être observée au biomicroscope à l'aide d'une lentille de contact (verre à trois miroirs) ou bien d'une lentille sans contact (de 60 à 90 D). Si la traction est relâchée par vitrectomie, le décollement peut alors se résoudre.
Dans certains cas, la traction peut déchirer la rétine et provoquer un décollement rétinien à la fois rhegmatogène et tractionnel. D'un point de vue clinique, le décollement tractionnel perd sa surface concave et prend une forme qui rappelle davantage celle du DRR, c'est-à-dire une forme convexe. Toutefois, la mobilité rétinienne est souvent limitée comparée à celle d'un DRR à cause de la prolifération de tissus, solidement attachés ; à ceci s'ajoute un aspect ondulé, caractéristique d'un DRR. Du liquide sous-rétinien, en proportion plus importante que dans le cas d'un décollement tractionnel, peut par ailleurs se répandre de la papille jusqu'à l'ora. Le traitement peut nécessiter de combiner une vitrectomie avec une indentation sclérale afin de relâcher la traction et de refermer la déhiscence.
Il est crucial de déterminer si un décollement de la rétine est exsudatif car, à l'inverse des autres types de décollement, la prise en charge du décollement rétinien exsudatif n'est généralement pas chirurgicale. Un décollement exsudatif a lieu lorsque les vaisseaux sanguins de la rétine se mettent à fuir ou bien lorsque l'EP est endommagé, ce qui permet alors à du liquide de s'introduire dans l'espace sous-rétinien (fig. 15-15). Les maladies néoplasiques et inflammatoires sont la première cause de décollement exsudatif important.
Le fait que du liquide puisse se déplacer est le signe qu'un décollement exsudatif important a très certainement eu lieu. Parce que le liquide sous-rétinien est soumis à la force gravitationnelle, il décolle la partie de la rétine dans laquelle il s'accumule. Par exemple, lorsque le patient est assis, la rétine inférieure est décollée. Cependant, lorsqu'il s'allonge sur le dos, le liquide se déplace postérieurement en à peine quelques secondes ou minutes, décollant ainsi la macula. Une autre caractéristique du décollement exsudatif est l'aspect lisse de la surface rétinienne décollée, qui contraste avec l'aspect ondulé du DRR. Le diagnostic différentiel prend également en compte le décollement rhegmatogène inférieur bulleux, qui peut se déplacer et qui est relié par un sinus à une petite déchirure supérieure (voir fig. 15-12, règle 4). Dans le cas d'un décollement exsudatif, les plis rétiniens fixes, qui signalent généralement l'existence d'une PVR, sont rarement présents, voire inexistants. Lorsqu'un décollement exsudatif a lieu, la rétine est parfois suffisamment élevée pour pouvoir être directement visible à la lentille (par exemple maladie de Coats), chose qui reste rare dans le cas d'un DRR.
Presque tous les adultes sont sujets à la dégénérescence cystoïde typique de la rétine périphérique. Contiguë à l'ora serrata et pouvant s'étendre postérieurement de 2 à 3 mm, la zone de dégénérescence possède un aspect bulleux. Elle peut être observée convenablement à l'aide de la dépression sclérale. Les cavités cystoïdes de la couche plexiforme externe contiennent un mucopolysaccharide sensible à la hyaluronidase. Les seules complications connues de la dégénérescence cystoïde typique sont la coalescence et l'extension des cavités, ainsi qu'une évolution en rétinoschisis dégénératif typique.
La dégénérescence cystoïde réticulée de la rétine périphérique est presque toujours située de façon postérieure et contiguë à la dégénérescence cystoïde typique de la rétine périphérique, mais elle est considérablement moins fréquente. Elle se déploie de façon linéaire ou réticulée, en suivant les vaisseaux rétiniens, et sa surface interne est finement pointillée. Les espaces cystoïdes se trouvent dans la couche de fibres nerveuses. La maladie peut évoluer en rétinoschisis sénile dégénératif, de forme réticulée (aussi appelé rétinoschisis bulleux).
Bien que l'on établisse parfois des sous-catégories de rétinoschisis dégénératif qui distinguent sa forme bulleuse de sa forme typique, une différenciation clinique demeure difficile. Sa forme bulleuse est associée aux complications de l'extension postérieure ainsi qu'à une évolution en décollement de la rétine. Le rétinoschisis est bilatéral chez 50 % à 80 % des patients atteints ; il a souvent lieu dans le quadrant temporal inférieur et est fréquemment corrélé à de l'hypermétropie.
Dans le cas d'un rétinoschisis dégénératif typique, la rétine se déchire au niveau de la couche plexiforme externe. La couche externe est irrégulière et apparaît criblée de trous à la dépression sclérale. La couche interne est fine et son aspect clinique est celui d'une élévation ovoïde lisse, localisée généralement dans le quadrant temporal inférieur, mais qui se trouve parfois dans le quadrant temporal supérieur. De temps à autre, de petits points blancs irréguliers (parfois appelés « flocons de neige ») sont présents ; ce sont les pieds des cellules de Müller et des neurones qui comblent, ou comblaient précédemment, la cavité. Les vaisseaux rétiniens peuvent être sclérosés. Dans tous les cas, on trouve en position antérieure de la cavité kystique une dégénérescence cystoïde typique de la rétine périphérique d'apparence bulleuse. Le schisis peut s'étendre postérieurement à l'équateur, mais les complications telles que la formation de trous, le décollement de la rétine, ou bien une extension postérieure très nette demeurent assez rares. La fissure de la rétine ne s'étend postérieurement presque jamais au-delà de la macula.
Dans le cas d'un rétinoschisis bulleux, la fissure a lieu dans la couche de fibres nerveuses. La couche interne, très fine, peut être élevée de façon assez nette. Comme dans le cas du rétinoschisis typique, la couche externe est criblée de trous et les vaisseaux rétiniens sont sclérosés. L'extension postérieure est plus fréquente dans les cas de rétinoschisis bulleux plutôt que typiques. Environ 23 % des cas présentent des trous dans la couche externe ; ceux-ci peuvent être assez étendus et leurs bords ourlés (fig. 15-16).
Le rétinoschisis doit être différencié du DRR (tableau 15-3). Le rétinoschisis provoque un scotome total alors que le DRR provoque un scotome relatif. Dans le cas du rétinoschisis, une dispersion de cellules pigmentées (« tobacco dust »), une hémorragie, ou bien la présence conjointe de ces deux éléments se manifestent rarement dans le vitré, alors qu'ils peuvent être fréquemment observés dans le cas du DRR. Le rétinoschisis possède une surface lisse et se présente généralement sous la forme d'un dôme ; à l'inverse, la surface du DRR est souvent irrégulière et ondulée. Toutefois, dans le cas d'un DRR ancien, la rétine peut également apparaître lisse et fine, de façon similaire au rétinoschisis. Alors que le DRR ancien peut également présenter des signes d'atrophie de l'EP sous-jacent, une ou des ligne(s) de démarcation, ainsi qu'un schisis rétinien dégénératif (macrokystes), l'EP sous-jacent est normal dans le cas du rétinoschisis.
Caractéristiques cliniques | Décollement de rétine rhegmatogène | Rétinoschisis |
---|---|---|
Surface | Ondulée | Dôme lisse |
Hémorragie ou pigments | Présents | Généralement absents |
Scotome | Relatif | Total |
Réaction à la photocoagulation | Absente | Généralement présente |
Déplacement de liquide | Généralement absent | Absent |
Le rétinoschisis est associé à environ 3 % des décollements de la rétine de pleine épaisseur. Deux types de décollements liés au schisis peuvent survenir. Concernant le premier type, si des trous sont présents dans la couche externe mais non dans la couche interne de la cavité kystique, le contenu de la cavité peut migrer à travers le trou de la couche externe et décoller la rétine (voir fig. 15-16). Des lignes de démarcation ainsi qu'une dégénérescence de l'EP sous-jacent sont fréquentes. Une ligne de démarcation dans un œil atteint de rétinoschisis laisse supposer qu'un décollement rétinien de pleine épaisseur est présent, ou bien qu'il l'a été et qu'il a depuis spontanément régressé. En général, ce type de décollement lié au rétinoschisis ne progresse pas, ou bien lentement, et ne requiert un traitement que dans de rares cas.
Dans le second type de décollement lié au schisis, on constate la présence de trous dans les couches internes et externes. La cavité kystique peut s'effondrer, et un DRR progressif peut en résulter. De tels décollements évoluent souvent rapidement ; ils nécessitent un traitement la plupart du temps. Les déhiscences en cause peuvent être localisées très postérieurement et être ainsi difficiles à soigner à l'aide d'une indentation sclérale. Une vitrectomie peut s'avérer nécessaire.
Byer NE. Long-term natural history study of senile rétinoschisis with implications for management. Ophthalmology. 1986 ; 93(9) : 1127–1137.
Les fossettes colobomateuses de la papille sont de petites excavations du nerf optique de nature colobomateuse. Elles sont hypopigmentées, de couleur jaune ou blanche, et de forme ovale ou ronde ; on les trouve généralement dans la portion inférotemporale du bord de la papille optique (fig. 15-17). La plupart sont unilatérales et asymptomatiques. Toutefois, les fossettes colobomateuses peuvent mener à un décollement séreux maculaire dont le pronostic est mauvais si les fossettes ne sont pas traitées. L'épaississement et le décollement rétiniens maculaires s'étendent typiquement de la fossette à la fovéa, de façon ovoïde. La provenance du liquide sous-rétinien demeure incertaine, mais on soupçonne le liquide vitréen et le liquide cérébrospinal d'y jouer un rôle. La tomographie en cohérence optique révèle la présence d'un schisis maculaire ainsi que de liquide sous-rétinien. Les fossettes figurent parmi les quelques maladies liées au schisis maculaire. Plusieurs traitements efficaces, ayant recours à la vitrectomie avec injection de bulle de gaz, ont été recensés.
Les altérations glaucomateuses du nerf optique font partie du diagnostic différentiel des fossettes colobomateuses, à l'instar des changements éventuels des pôles inférieur ou supérieur du nerf optique, qui peuvent ressembler à ceux induits par les fossettes. Les fossettes colobomateuses sont également prises en compte dans le diagnostic différentiel de l'épaississement et du décollement rétiniens maculaires. Il est essentiel d'examiner attentivement le bord du nerf optique afin d'identifier cette affection.
Une variante distincte du DRR est causée par des trous maculaires, presque toujours dans la zone d'installation d'un staphylome postérieur chez des patients atteints de myopie forte (fig. 15-18). Le liquide de la cavité vitréenne pénètre l'espace sous-rétinien par le trou maculaire, et les forces tensionnelles de la rétine maculaire, qui s'exercent sur le staphylome, précipitent le décollement. Ces trous maculaires avec décollement de la rétine sont beaucoup moins aisés à soigner chirurgicalement comparés aux trous maculaires ou aux DRR typiques.
- Partie II
Pathologies de la rétine et du vitré - Chapitre 15
Décollement de rétine et lésions prédisposantes- Déhiscences rétiniennes
- Décollement postérieur du vitré
- Lésions prédisposant l'œil à un décollement de la rétine
- Lésions ne prédisposant pas l'œil à un décollement de rétine
- Traitement prophylactique des déhiscences rétiniennes
- Décollement de rétine
- Diagnostic différentiel du décollement de rétine
- Lésions maculaires liées à un décollement de la rétine