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Partie II
Pathologies de la rétine et du vitré
CHAPITRE 13
Dégénérescences rétiniennes associées à des pathologies systémiques

La rétine est un tissu neuronal hautement complexe avec des besoins métaboliques et oxydatifs importants. Elle peut être affectée par de multiples pathologies systémiques et désordres métaboliques. D'importantes questions diagnostiques et pronostiques surgissent devant un patient qui présente une dégénérescence rétinienne, parmi lesquelles :

  • L'atteinte dégénérative est-elle héréditaire ou acquise ?

  • La pathologie est-elle stable ou évolutive ?

  • Un diagnostic précis peut-il être établi ?

Une prise en charge optimale – incluant un conseil génétique et autres conseils, un soutien approprié, et un traitement local et général – est guidée par un diagnostic précis.

Dégénérescences rétiniennes avec atteinte systémique

La rétinopathie pigmentaire et les dégénérescences rétiniennes peuvent être associées à une large gamme d'affections génétiques ou acquises. Le terme de rétinopathie pigmentaire renvoie de manière large à une altération panrétinienne de la rétine et de l'épithélium pigmentaire (EP). Des dépôts pigmentaires caractérisent la plupart des rétinopathies pigmentaires et se présentent sous la forme d'amas de pigment ou spicules, mais certaines pathologies ont une dépigmentation diffuse caractérisée par de l'atrophie et peu ou pas de dépôts pigmentaires. Cette section résume des exemples importants de ces affections (tableau 13-1).

Tableau 13-1
Pathologies systémiques sélectionnées avec rétinopathies pigmentaires
Affection Caractéristiques
Affections autosomiques dominantes
Atrophie olivo-ponto-cérébelleuse Dégénérescence rétinienne (périphérique et/ou maculaire), ataxie cérébelleuse, possible ophtalmoplégie externe
Dégénérescence vitréorétinienne familiale de Wagner Vaisseaux rétiniens rétrécis et engainés, points pigmentés en périphérie rétinienne et le long des vaisseaux rétiniens, atrophie choroïdienne et atrophie optique, corps vitré liquéfié avec condensations membranaires ; ERG subnormal ; caractéristiques se chevauchant avec le syndrome de Stickler
Dysplasie artério-hépatique (syndrome d'Alagille) Syndrome cholestatique intrahépatique, embryotoxon postérieur, anomalie d'Axenfeld, maladie cardiaque congénitale, faciès et arête du nez aplatis, anomalies osseuses, myopie, rétinopathie pigmentaire
Dystrophie myotonique (maladie de Steinert) Fonte musculaire, cataracte en « arbre de Noël », dégénérescence rétinienne, pattern dystrophy ou dystrophie réticulée ; ERG subnormal à anormal
Maladie de Charcot-Marie-Tooth Rétinopathie pigmentaire, dégénérescence de la corne dorsale de la moelle épinière, atrophie optique
Syndrome de dysplasie oculodentodigitale Nez fin avec ailes hypoplasiques, narines étroites, anomalies des quatrième et cinquième doigts, émail dentaire hypoplasique, cataracte congénitale, colobomes
Syndrome de Stickler (arthro-ophtalmopathie) Myopie progressive avec choroïdose myopique dégénérative, arthropathie avec hyperlaxité et arthrite, hypoplasie moyenne de la face, palais profond ou fente palatine, luette dédoublée ; décollement de rétine courant ; ERG subnormal à anormal
Syndrome de Waardenburg Hypertélorisme, arête du nez large, surdité cochléaire, toupet blanc, hétérochromie de l'iris, poliose, altérations pigmentaires de l'EP, vitiligo choroïdien ; ERG normal à subnormal
Affections autosomiques récessives
Adrénoleucodystrophie néonatale Rétinopathie pigmentaire, atrophie optique, convulsions, hypotonie, atrophie adrénocorticale, troubles psychomoteurs, ERG éteint
Céroïde-lipofuscinose neuronale (maladie de Batten) Haltia-Santavuori, début entre 8 et 18 mois avec détérioration rapide, inclusions granulaires fines
Jansky-Bielschowsky, début entre 2 et 4 ans, détérioration rapide du SNC, inclusions curvilignes
Lake-Cavanagh, début entre 4 et 6 ans, ataxie, démence, inclusions curvilignes et empreintes digitales
Spielmeyer-Vogt-Batten, début entre 6 et 8 ans, lentement progressif, inclusions en empreintes digitales, maculopathie en œil de bœuf
Dégénérescence spinocérébelleuse Ataxie, mauvaise coordination des membres, surdité neuronale, maculopathie, dégénérescence rétinienne, atrophie optique
Dystrophie cristalline de Bietti Cristaux blanc jaune dispersés au pôle postérieur, dépôts pigmentaires sous-rétiniens arrondis, perte confluente de l'EP et de la choriocapillaire sur l'angiographie à la fluorescéine, possibles cristaux au limbe de la cornée
Homocystinurie Dégénérescence rétinienne finement pigmentée ou kystique, aspect marfanoïde, myopie, subluxation ou luxation cristallinienne, anomalies cardiovasculaires (thromboses), glaucome, handicap cognitif
Maladie de Refsum Augmentation de l'acide phytanique, rétinopathie pigmentaire, atrophie optique, surdité partielle, ataxie cérébelleuse, ichtyose
Mannosidose Macroglossie, nez plat, grandes tête et oreilles, anomalies du squelette, possible hépatosplénomégalie, matériel de surcharge au niveau rétinien, proche du syndrome de Hurler
Mucopolysaccharidose de type I H (syndrome de Hurler) Opacification cornéenne précoce, faciès de gargouille, surdité, handicap cognitif, nanisme, anomalies du squelette, hépatosplénomégalie, atrophie optique ; ERG subnormal
Mucopolysaccharidose de type I S (syndrome de Scheie) Faciès épaissi, insuffisance aortique, articulations raides, opacification cornéenne précoce, espérance de vie conservée, intelligence normale, rétinopathie pigmentaire
Mucopolysaccharidose de type III (syndrome de Sanfilippo) Stigmates somatiques plus modérés que dans le syndrome de Hurler, mais rétinopathie pigmentaire sévère
Syndrome (cérébro-hépato-rénal) de Zellweger Hypotonie musculaire, front haut et hypertélorisme, hépatomégalie, altération de la myélinisation cérébrale, nystagmus, cataracte, microphtalmie, dégénérescence rétinienne ; ERG indétectable
Syndrome d'Usher Surdité congénitale (profonde ou partielle), rétinopathie pigmentaire
Syndrome de Bardet-Biedl Rétinopathie pigmentaire, maculopathie en œil de bœuf, handicap cognitive modéré, polydactylie, obésité, hypogonadisme, perte progressive du champ visuel ; ERG sévèrement diminué à indétectable
Rétinopathies pigmentaires liées à l'X
Incontinentia pigmenti (syndrome de Bloch-Sulzberger) Pigmentation de la peau en traits et verticilles, alopécie, anomalies dentaires, atrophie optique, plis falciformes, cataracte, nystagmus, strabisme, marbrures localisées au fond d'œil, pigmentation conjonctivale
Maladie de Pelizaeus-Merzbacher Leucodystrophie infantile progressive, ataxie cérébelleuse, spasticité des membres, déficit cognitif, possible rétinopathie pigmentaire sans reflet fovéolaire
Mucopolysaccharidose de type II (syndrome de Hunter) Petite opacification cornéenne dans les formes bénignes ; formes débutant entre 2 et 4 ans : lèvres charnues, joues larges arrondies, nez large, langue hypertrophiée (macroglossie), handicap cognitif, rétinopathie pigmentaire ; ERG subnormal ; avec le temps, modification de la voix par hypertrophie des cordes vocales ; possible obstruction des voies aériennes par rétrécissement des voies aériennes
Affections mitochondriales
Syndrome de Kearns-Sayre ; diabète avec surdité de transmission maternelle (MIDD) ; syndrome MELAS (mitochondrial encephalopathy, lactic acidosis, stroke ) Ophtalmoplégie externe progressive, ptosis, rétinopathie pigmentaire et/ou atrophie maculaire, bloc cardiaque (syndrome de Kearns-Sayre) ; ERG normal à anormal
EP : épithélium pigmentaire ; ERG : électrorétinogramme ; SNC : système nerveux central.
Données issues de Rimoin DL, Connor JM, pyeritz Re, Korf BR, eds. Emery and Rimoin's Principles and Practice of Medical Genetics . 3 vols. 4th ed. New York : Churchill Livingstone ; 2002 : chap. 137.

Syndromes débutant chez le nourrisson et le jeune enfant

Tout nouveau-né suspecté de vision basse ou déclinante alors que les milieux sont clairs doit avoir une évaluation rétinienne. Si le signal ERG est sévèrement diminué ou éteint à la naissance, le clinicien devra en premier lieu envisager une amaurose congénitale de Leber (ACL) (voir aussi chapitre 12). Si le signal ERG est diminué et les modifications évolutives, l'examen devra rechercher méthodiquement un syndrome congénital ou un désordre métabolique pouvant affecter la rétine. Beaucoup de syndromes métaboliques et dégénératifs avec atteinte rétinienne précoce ont une altération progressive de la vision depuis la naissance, et beaucoup sont associés à des modifications pigmentaires. Parmi les affections qui doivent être recherchées, notons les céroïdes lipofuscinoses neuronales (syndrome de Batten), les affections peroxysomales comme la maladie de Refsum, le syndrome (cérébro-hépato-rénal) de Zellweger et l'adrénoleucodystrophie néonatale. La présence ou le développement de convulsions et la détérioration des fonctions neurologiques et mentales devraient suggérer un syndrome systémique. De manière courante, une basse vision est souvent rendue responsable de la diminution des capacités cognitives et neuromusculaires avant la mise en évidence d'un désordre métabolique.

den Hollander AI, Roepman R, Koenekoop RK, Cremers FP. Leber congenital amaurosis : genes, proteins and disease mechanisms. Prog Retin Eye Res. 2008 : 27(4) : 391–419.

Syndrome de Bardet-Biedl

Le syndrome de Bardet-Biedl comprend plusieurs entités différentes avec une myriade d'éléments similaires, incluant une rétinopathie pigmentaire (avec ou sans dépôts pigmentaires), une obésité, une polydactylie, un hypogonadisme et un déficit cognitif. Ces affections ont été précédemment classées comme autosomiques récessives, mais les études moléculaires suggèrent fortement que beaucoup sont multigéniques, avec deux voire trois mutations différentes contribuant au phénotype. Des études ont identifié au moins 18 gènes responsables, présents dans environ 75 % des familles atteintes. De plus en plus d'éléments suggèrent que les fonctions principales des protéines affectées par le syndrome de Bardet-Biedl sont de médier et réguler les processus de transport intracellulaire fondés sur des microtubules, faisant de ce syndrome une ciliopathie. D'autres ciliopathies rétiniennes résultant de mutations génétiques et responsables de dysfonctionnements ciliaires rétinien et systémique incluent les syndromes d'Alström, de Senior-Løken, de Joubert, de Jeune et les syndromes variés d'Usher.

Les patients présentant un syndrome de Bardet-Biedl ont typiquement une rétinopathie pigmentaire à bâtonnets prédominants sévère, le plus souvent sans pigment, avec une maculopathie atrophique en œil de bœuf (fig. 13-1). Un large spectre de sévérité de l'atteinte rétinienne est cependant observé, même au sein d'un génotype identique. Les patients atteints sont le plus souvent facilement identifiables du fait de l'obésité et de l'antécédent ou de la présence d'une polydactylie. Il peut être nécessaire d'inspecter les pieds ou les mains pour mettre en évidence une ablation de doigt surnuméraire. Les mains apparaissent souvent bouffies, rendant les articulations peu visibles. En raison de l'atteinte rétinienne sévère et du déficit cognitif de ces patients, les cliniciens doivent leur prêter une attention particulière afin d'aider les parents dans leurs efforts pour obtenir un support éducatif spécifique.

Figure 13-1
Syndrome de Bardet-Biedl. A, B. Photographies couleurs du fond d'œil montrant des modifications pigmentaires périphériques et maculaires. C. Photographie couleur du fond d'œil dans la fratrie retrouvant des modifications maculaires similaires. D. Photographie clinique du pied d'un patient avec 6 orteils (polydactylie).
(Remerciements au Dr David Sarraf.)

Blacque OE, Leroux MR. Bardet-Biedl syndrome : an emerging pathomechanism of intracellular transport. Cell Mol Life Sci. 2006 ; 63(18) : 2145–2161.

M'hamdi O, Ouertani I, Chaabouni-Bouhamed H. Update on the genetics of Bardet-Biedl syndrome. Mol Syndromol. 2014 ; 5(2) : 51–56.

Perte auditive et rétinopathie pigmentaire : le syndrome d'Usher

Le syndrome d'Usher est le nom le plus couramment utilisé pour décrire l'association d'une rétinopathie pigmentaire (RP) avec une perte auditive neurosensorielle congénitale, qu'elle soit partielle ou profonde. La maladie a été décrite la première fois en 1906 par Charles Usher, un ophtalmologiste britannique. Bien que certains patients présentant une RP puissent devenir sourds plus tard à l'âge adulte, cette surdité acquise n'est pas classée comme un syndrome d'Usher. Les deux formes, profonde (type 1) et partielle (type 2), ont un mode de transmission autosomique récessif et tendent à être stables tout au long de la vie adulte. Les ophtalmologistes doivent identifier les patients atteints de RP qui se présentent avec une voix nasonnée ou portent des aides auditives ; ces éléments suggèrent un syndrome d'Usher de type 2. Une surdité lentement progressive a été identifiée dans un sous-groupe de patients atteints de syndrome d'Usher ; ces patients présentent des mutations sur USH3A, qui est un gène codant pour la clarine-1, une protéine transmembranaire ayant un rôle possible dans les cellules ciliées et les synapses des photorécepteurs. Le niveau d'audition de la plupart des patients atteints du syndrome d'Usher est cependant typiquement stable avec le temps.

Actuellement, il existe 11 sous-types d'Usher de types 1 et 2 pour lesquels la localisation chromosomique est connue ; parmi eux, 9 ont eu le gène séquencé. Les protéines codées par ces gènes font partie d'un complexe protéique dynamique présent dans les cils de l'oreille interne et dans les segments externes des cellules photoréceptrices de la rétine. Par exemple, l'Usher de type 2A est causé par des mutations sur le gène usherin (en 1q41), qui code pour une protéine de membrane basale trouvée dans de nombreux tissus, y compris la structure des membranes basales de la rétine et de l'oreille interne. L'Usher de type 1B est causé par une myosine défectueuse, un composant courant des cils et microvillosités. Cet élément est intéressant car les photorécepteurs sont des cellules ciliées modifiées, et les cils sont également des structures sensorielles pour la fonction otologique. L'Usher de type 1C est causé par des mutations sur le gène harmonine, qui code pour une protéine exprimée dans les cellules ciliées de l'oreille interne

L'incidence exacte du syndrome d'Usher a été difficile à déterminer, mais les études des patients atteints de RP suggèrent qu'environ 10 % ont une surdité profonde, et l'examen ophtalmologique d'enfants dans les écoles pour les malentendants révèle qu'environ 6 % ont une RP. La prévalence du syndrome d'Usher est estimée à 3 cas pour 100 000 personnes.

Outre le syndrome d'Usher, d'autres maladies génétiques et atteintes environnementales peuvent conduire à une rétinopathie pigmentaire et une perte auditive, parmi lesquelles les syndromes d'Alport, d'Alström, de Cockayne et de Hurler, la dysplasie spondylo-épiphysaire congénitale, la maladie de Refsum et la rubéole congénitale. Par l'analyse approfondie des patients et de leur famille, les cliniciens peuvent diagnostiquer le syndrome d'Usher avec une relative certitude. Les analyses moléculaires pour les formes d'Usher spécifiques peuvent aider à confirmer le diagnostic.

Kremer H, van Wijk E, Märker T, Wolfrum U, Roepman R. Usher syndrome : molecular links of pathogenesis, proteins and pathways. Hum Mol Genet. 2006 ; 15(Spec No 2) : R262–R270.

Pathologies neuromusculaires

Une rétinopathie pigmentaire peut être associée à une pathologie neuromusculaire complexe dans des affections diverses, incluant certaines dégénérescences spinocérébelleuses, des formes d'atrophies olivo-ponto-cérébelleuses, la maladie de Charcot-Marie-Tooth, la dystrophie myotonique, les céroïdes lipofuscinoses neuronales (maladie de Batten), les syndromes d'ophtalmoplégie externe progressive et les maladies peroxysomales (syndrome de Zellwegger, maladie de Refsum et adrénoleucodystrophie néonatale) (voir tableau 13-1). Des modes de transmission mitochondriale, autosomique dominante et autosomique récessive sont retrouvés dans ce groupe de pathologies. Ces affections neurologiques varient largement pour l'âge d'entrée dans la maladie et les éléments rétiniens, et l'ophtalmologiste établit généralement le diagnostic en collaboration avec le neurologue ou le généticien. Les rôles de l'ophtalmologiste sont de confirmer la rétinopathie pigmentaire et faciliter la réadaptation visuelle du patient. Les anomalies ERG retrouvées dans ces pathologies neurologiques confirment la présence d'une rétinopathie, mais ne permettent de diagnostiquer aucune pathologie associée.

Bien que la dystrophie musculaire de Duchenne ne provoque pas de rétinopathie pigmentaire, il convient de signaler que le signal ERG retrouve une onde négative similaire à celle observée chez les patients atteints de cécité nocturne stationnaire congénitale (congenital stationary night blindness [CSNB]) – précisément : une onde a normale mais une onde b réduite (voir chapitres 3 et 11). Cette réponse ERG suggère une défaillance sur la voie de signalisation de la réponse « ON », mais les patients atteints de cette affection ne présentent pas de cécité nocturne. De manière intéressante, la dystrophie musculaire de Duchenne est causée par des mutations sur le gène de la dystrophine, une protéine abondante dans le muscle mais aussi retrouvée dans les régions synaptiques des neurones et dans la rétine. Exceptionnellement, la dystrophie musculaire de Duchenne peut être associée à une rétinopathie proliférante proche de la rétinopathie diabétique proliférante.

Barboni MT, Nagy BV, de Araújo Moura AL, et al. ON and OFF electroretinography and contrast sensitivity in Duchenne muscular dystrophy. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2013 ; 54(5) : 3195–3204.

Pathologies systémiques d'autres organes

La plupart des rétinopathies associées à des atteintes organiques systémiques sont rares et d'origine génétique, et les cliniciens pourront trouver le site internet Online Mendelian Inheritance in Man (www.omim.org) utile pour les reconnaître. La collaboration avec les généticiens pédiatriques et médicaux est souvent nécessaire pour identifier les affections rares potentielles.

Pathologies rénales

Plusieurs types d'atteintes rénales congénitales peuvent être associés à une dégénérescence rétinienne. La néphronophtise juvénile familiale est une affection de la famille des dysplasies réno-rétiniennes (et ciliopathie) caractérisée par une transmission autosomique récessive et une insuffisance rénale terminale dans l'enfance. Les syndromes de Senior-Løken et de Joubert peuvent se compliquer de formes précoces de RP avec une extinction du signal ERG et une constriction campimétrique annulaire sévère. Le syndrome de Joubert est identifiable par une malformation cérébelleuse (une déformation caractéristique en « dent de molaire » à l'imagerie en résonance magnétique du cerveau) et peut également être associé à un colobome choriorétinien. Les patients atteints du syndrome de Bardet-Biedl présentent couramment un reflux urétral avec pyélonéphrite et altération rénale, alors que les patients atteints du syndrome d'Alström, une autre ciliopathie rétinienne, peuvent présenter une obésité, une petite taille et une myocardiopathie associées à une pathologie rénale. Le syndrome de Jeune est une ciliopathie rétinienne intéressante qui se complique d'une atteinte rénale kystique avec dystrophie thoracique asphyxiante.

Pathologies hépatiques

Les patients affectés du syndrome d'Alagille présentent des anomalies hépatorénales incluant une jaunisse cholestatique et plusieurs signes oculaires caractéristiques : embryotoxon postérieur et rétinopathie pigmentaire pouvant avoir une prédilection péripapillaire et maculaire. 230 mutations différentes sur le gène JAG1 peuvent induire ce syndrome.

Pathologies gastro-intestinales

La polypose adénomateuse familiale (PAF, aussi appelée syndrome de Gardner) est associée à des lésions pigmentaires proches de celles de l'hypertrophie congénitale de l'EP. Les lésions de la PAF sont cependant plus petites, ovoïdes, plus hétérogènes et typiquement multiples et bilatérales. Plus de 4 lésions largement espacées, de petites tailles (< 1/2 diamètre papillaire) par œil avec atteinte bilatérale suggèrent une PAF. Noter que les pigmentations groupées congénitales (en « pattes d'ours ») ne sont pas associées à la PAF. Causée par des mutations sur le gène de la polypose adénomateuse (APC), la PAF a un mode de transmission autosomique dominant avec pénétrance variable. Les lésions rétiniennes pigmentées constituent un marqueur important pour identifier les membres de la famille à risque de polypes coliques ayant un fort potentiel malin.

Pathologies dermatologiques

L'ichtyose, comprenant des squames anormales, une sécheresse et une rugosité de la peau, peut se trouver associée à la rétinopathie pigmentaire de la maladie de Refsum ou la maculopathie cristalline du syndrome de Sjögren-Larsson. L'incontinentia pigmenti (syndrome de Bloch-Sulzberger) est une pathologie rare liée à l'X présente uniquement chez les femmes, la mutation étant létale chez les hommes. Elle se caractérise par des lésions marbrées de la peau, des anomalies dentaires et du système nerveux central (SNC). L'atteinte oculaire survient chez environ un tiers des femmes affectées sous la forme d'anomalies pigmentaires ou de non-perfusion rétinienne périphérique et de néovascularisation pouvant être responsable d'un décollement de rétine tractionnel et cicatriciel (voir aussi dans la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus). Le pseudoxanthome élastique est associé à un aspect de la peau en « poulet plumé », des stries angioïdes péripapillaires et un aspect de peau d'orange au fond d'œil (voir chapitre 4).

Holmström G, Thorén K. Ocular manifestations of incontinentia pigmenti. Acta Ophthalmol Scand. 2000 ; 78(3) : 348–353.

Traboulsi EI. Ocular manifestations of familial adenomatous polyposis (Gardner syndrome). Ophthalmol Clin North Am. 2005 ; 18(1) : 163–166.

Pathologies dentaires

L'amélogenèse imparfaite est une pathologie génétique responsable d'anomalies de développement de la dentition aboutissant à une production d'émail défectueux. Lorsqu'elle est associée à une rétinopathie pigmentaire à cônes prédominants (cone-rod dystrophy), elle est appelée syndrome de Jalili avec un éventail étendu de manifestations cliniques rétiniennes, incluant le colobome maculaire et la rétinopathie pigmentaire.

Rétinopathies paranéoplasiques et auto-immunes

De manière occasionnelle, une dégénérescence rétinienne peut compliquer un cancer par un mécanisme immunologique paranéoplasique. La Section 9 du BCSC, Intraocular Inflammation and Uveitis, explique le rôle du système immunitaire dans ce processus. Les deux principaux syndromes de rétinopathie paranéoplasique sont 1) la cancer-associated retinopathy (CAR) et 2) la melanoma-associated retinopathy (MAR). Une troisième entité, la rétinopathie auto-immune, correspond à une dégénérescence rétinienne acquise, présumée d'origine immunologique, proche d'une rétinopathie paranéoplasique survenant en dehors d'une néoplasie systémique identifiable.

La protéine recovérine de 23 kDa a été la première protéine rétinienne contre laquelle des anticorps ont été détectés dans un CAR ; c'est également la plus spécifique de cette pathologie. Des études ont depuis identifié des anticorps dirigés contre d'autres nombreuses protéines rétiniennes, dont l'énolase, l'arrestine, la transducine et les neurofilaments.

Les patients présentant une CAR et des anticorps anti-recovérine rapportent une perte rapidement progressive de la vision périphérique et centrale, souvent accompagnée de photopsies et d'un scotome annulaire. L'examen du fond d'œil retrouve un rétrécissement artériel typiquement sans modifications pigmentaires significatives associées (fig. 13-2). Tardivement au cours de l'évolution de l'affection, des modifications pigmentaires au niveau de l'EP peuvent apparaître. Alors que le signal ERG est sévèrement réduit (pour les ondes a et b) ou éteint dans la CAR, des ondes électronégatives ont été décrites au cours de la MAR. Les rétinopathies paranéoplasiques et auto-immunes associées aux anticorps anti-énolase se caractérisent par un dysfonctionnement des cônes, une perte de la vision centrale lentement progressive et une possible pâleur de la papille optique.

Figure 13-2
Rétinophotographie couleur d'une cancer-associated retinopathy (CAR) chez une patiente présentant un carcinome ovarien. Noter l'atténuation sévère des vaisseaux sans modifications évidentes de la pigmentation.
(Remerciements au Dr John R. Heckenlively.)

La perte de la fonction rétinienne peut précéder le diagnostic clinique du cancer. Ainsi, tout dysfonctionnement rétinien de début tardif, rapidement progressif, doit faire suspecter une néoplasie sous-jacente responsable d'une rétinopathie auto-immune. La prise en charge de ces affections implique un traitement immunosuppresseur par voie générale ou un corticoïde local.

D'autres syndromes paranéoplasiques avec atteintes rétiniennes ont été décrits. La prolifération bilatérale mélanocytaire uvéale diffuse (bilateral diffuse uveal melanocytic proliferation [BDUMP]) se caractérise par des lésions mélanocytaires multiples de la choroïde qui peuvent être associées à une cataracte sous-capsulaire postérieure rapidement progressive, des kystes iriens ou ciliaires et un décollement de rétine exsudatif. La BDUMP a été associée à différentes néoplasies systémiques (voir chapitre 9). La maculopathie vitelliforme polymorphe exsudative aiguë, caractérisée par de multiples lésions sous-rétiniennes vitelliformes cireuses et éphémères a été rapportée au cours du mélanome métastatique et d'autres néoplasies systémiques.

Rahimy E, Sarraf D. Paraneoplastic and non-paraneoplastic retinopathy and optic neuropathy : evaluation and management. Surv Ophthalmol. 2013 ; 58(5) ; 430–458.

Weleber RG, Watzke RC, Shults WT, et al. Clinical and electrophysiologic characterization of paraneoplastic and autoimmune retinopathies associated with antienolase antibodies. Am J Ophthalmol. 2005 ; 139(5) : 780–794.

Pathologies métaboliques

Lors du bilan de patients présentant une dégénérescence rétinienne, il est important d'envisager des pathologies métaboliques, bien que la description détaillée des nombreux désordres métaboliques associés à des manifestations rétiniennes va au-delà des objectifs de ce chapitre. Certaines affections, comme l'albinisme et des pathologies associées à des anomalies du SNC, sont davantage détaillées dans la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus. D'autres désordres métaboliques, comme l'abêtalipoprotéinémie et la maladie de Refsum, figurent parmi les diagnostics différentiels problématiques de RP, bien que leur rétinopathie puisse être granulaire et atypique.

Albinisme

L'albinisme regroupe différentes anomalies génétiques au cours desquelles la synthèse de mélanine est réduite ou absente. Le schéma de classification actuel se fonde sur la mutation génétique, remplaçant la terminologie plus ancienne des affections complètes ou partielles, tyrosine-kinase positives ou tyrosine-kinase négatives. Quand la réduction de la biosynthèse de la mélanine affecte les yeux, la peau et les follicules pileux, la pathologie est appelée albinisme oculocutané. Ces affections ont le plus souvent un mode de transmission autosomique récessif. Si la peau et les cheveux apparaissent normalement pigmentés et seule la pigmentation oculaire est atteinte cliniquement, l'affection est appelée albinisme oculaire. L'albinisme oculaire a un mode de transmission typiquement lié à l'X. Les femmes conductrices d'albinisme oculaire lié à l'X peuvent présenter un iris partiellement transilluminable et une mosaïque pigmentaire au fond d'œil. Le conseil génétique s'attachera à déterminer précisément le mode de transmission en s'aidant au besoin d'une analyse moléculaire.

Quel que soit le type d'albinisme, l'atteinte oculaire prend généralement un ou deux aspects cliniques : 1) acuité visuelle abaissée de manière congénitale (typiquement 2/10–1/20) et nystagmus ou 2) acuité visuelle normale ou légèrement abaissée sans nystagmus. La première présentation constitue l'albinisme vrai ; la seconde a été appelée albinoïdisme en raison de ses conséquences visuelles plus modérées. Les deux formes partagent les caractéristiques cliniques de photophobie, d'iris transilluminable et de fond d'œil dépigmenté. Elles diffèrent selon le développement normal ou anormal de la fovéa ; dans l'albinisme vrai, la fovéa est hypoplasique, sans dépression fovéale ni reflet ou pigment lutéal évident (fig. 13-3). L'élément de référence pour le diagnostic d'albinisme vrai est la présence d'anomalies caractéristiques aux potentiels évoqués visuels (PEV) flashes et damiers. En comparaison d'une réponse symétrique normale, la stimulation d'un œil, au cours de l'albinisme, induit une réponse occipitale asymétrique en raison d'un plus grand nombre de fibres ayant croisé la ligne médiane.

Figure 13-3
Albinisme. A. Rétinophotographie couleur montrant une hypopigmentation généralisée du fond d'œil. B. Rétinophotographie couleur de haute résolution montrant l'hypoplasie fovéale. Le reflet fovéal et le pigment lutéal ne sont pas visibles.
(Remerciements au Dr Carl D. Regillo.)

Dans l'enfance, tous les patients atteints d'albinisme oculocutané apparaissent hypopigmentés de manière homogène. Cependant, avec l'âge, les patients présentant une forme tyrosine-kinase positive accumulent progressivement plus de pigment et développent un lent assombrissement de la peau, des cheveux et des iris sur plusieurs années. En général, plus le patient développe une pigmentation, en particulier autour de follicules pileux et dans l'EP du pôle postérieur, meilleur sera le pronostic visuel. Beaucoup de patients voient leur nystagmus et leur acuité visuelle s'améliorer avec l'augmentation de la pigmentation.

Il est important pour le clinicien de connaître deux formes d'albinisme oculocutané avec complications systémiques potentiellement létales. La première, le syndrome de Chédiak-Higashi, combine albinisme et neutropénie avec une sensibilité extrême aux infections comme à d'autres complications de type saignements (dus à des plaquettes déficientes) pouvant être fatales dans l'enfance ou l'adolescence. La seconde, le syndrome de Hermansky-Pudlak, se caractérise par un déficit plaquettaire responsable d'ecchymoses faciles et de saignements. Aux États-Unis, la plupart des patients présentant un syndrome de Hermansky-Pudlak sont de descendance portoricaine. Si un de ces deux types d'albinisme est suspecté, une consultation hématologique est impérative.

King RA, Jackson IJ, Oetting WS. Human albinism and mouse models. In : Wright AF, Jay B, eds. Molecular Genetics of Inherited Eye Disorders. Chur, Switzerland : Harwood Academic ; 1994 : 89–122.

Anomalies métaboliques du système nerveux central

Un large éventail de modifications du fond d'œil, de la rétinopathie pigmentaire à l'aspect de macula rouge cerise, peut être associé à des pathologies métaboliques héréditaires connues pour affecter le SNC et la rétine. Bien qu'une description exhaustive soit au-delà des objectifs de ce chapitre, cette section décrit certaines des principales affections (voir tableau 13-1). Voir la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus, pour le détail des signes oculaires au cours des dysfonctionnements métaboliques congénitaux.

Céroïdes lipofuscinoses neuronales

Les céroïdes lipofuscinoses neuronales (CLN) sont un groupe d'affections autosomiques récessives causées par l'accumulation de lipopigments cireux (par exemple la céroïde et la lipofuscine) à l'intérieur des lysosomes des neurones et d'autres cellules, conduisant à un dysfonctionnement et une mort cellulaires, par possible apoptose. Ces affections se caractérisent par une démence évolutive, des convulsions et une perte de vision associée à une rétinopathie pigmentaire dans les cas à début précoce. Le diagnostic est posé cliniquement et confirmé par la présence, en microscopie électronique, d'inclusions caractéristiques curvilignes, en empreintes digitales, ou granulaires sur un frottis de sang périphérique ou une biopsie de tissue conjonctival ou autre.

Plusieurs types de CLN ont été décrits, en partie fondés sur l'âge de début des symptômes. À ce jour, plus de 12 gènes et plus de 400 mutations responsables de CLN humaines ont été identifiés, mail il reste des sous-groupes pour lesquels la cause génétique reste inconnue. Les types infantile et juvénile sont associés à des rétinopathies pigmentaires (voir tableau 13-1) :

  • CLN infantile (maladie de Haltia-Santavuori), début entre 8 et 18 mois ;

  • CLN infantile tardive (maladie de Jansky-Bielschowsky), début entre 2 et 4 ans ;

  • CLN juvénile précoce (maladie de Lake-Cavanagh), début entre 4 et 6 ans ;

  • CLN juvénile (maladie de Spielmeyer-Vogt-Batten), début entre 6 et 8 ans.

Les éléments oculaires dans la CLN infantile comprennent une atrophie optique, des modifications pigmentaires maculaires – incluant la maculopathie atrophique en œil de bœuf, un aspect marbré de la périphérie rétinienne et une atténuation vasculaire rétinienne – et des signaux ERG réduits ou absents (fig. 13-4). Les modifications rétiniennes dans les formes infantiles peuvent rendre l'affection difficile à distinguer d'une ACL. Les deux formes adultes de CLN n'ont pas de manifestations oculaires.

Figure 13-4
Maladie de Batten (céroïde lipofuscinose neuronale juvénile). Rétinophotographie couleur montrant une atrophie optique, une atténuation vasculaire rétinienne et une perte pigmentaire périphérique.
(Remerciements au Dr Elias Traboulsi.)

Abêtalipoprotéinémie et carence en vitamine A

L'abêtalipoprotéinémie est une affection autosomique récessive au cours de laquelle l'apolipoprotéine B n'est pas synthétisée, causant une malabsorption des graisses, des carences en vitamines liposolubles ainsi qu'une dégénérescence rétinienne et spinocérébelleuse. Les globules rouges présentent une acanthocytose. La supplémentation en vitamines A et E est nécessaire pour prévenir ou améliorer la dégénérescence rétinienne. L'analyse des niveaux de vitamine A est utile sur le plan diagnostique pour ces rétinopathies comme pour d'autres.

La forme la plus courante de rétinopathie par déficit en vitamine A survient chez des patients ayant bénéficié d'une chirurgie gastrique de bypass pour une obésité ou d'une résection partielle de l'intestin pour une maladie de Crohn. Ces patients présentent une malabsorption en vitamines liposolubles et peuvent développer un syndrome de l'anse borgne, au cours duquel une prolifération bactérienne consomme la vitamine A. Les patients rapportent une nyctalopie et, si le problème reste non traité, peuvent présenter une perte visuelle et des dépôts drusénoïdes diffus, proches de ceux observés dans la rétinite ponctuée albescente. Avant le développement de la dégénérescence rétinienne, le problème peut être complètement inversé par une supplémentation en vitamine A.

Pathologies peroxysomales et maladie de Refsum

Les maladies peroxysomales sont le plus souvent des affections autosomiques récessives causées par le dysfonctionnement ou l'absence de peroxysomes ou des enzymes peroxysomales. Les caractéristiques biochimiques sont une oxydation défectueuse et une accumulation d'acides gras à très longue chaîne. Le syndrome de Zellweger est le prototype des maladies peroxysomales. Une rétinopathie pigmentaire sévère débutant dans l'enfance est associée à une hypotonie, un handicap psychomoteur, des convulsions, un faciès caractéristique, des kystes rénaux et une fibrose interstitielle hépatique. La mort survient le plus souvent dans l'enfance. Les patients atteints d'adrénoleucodystrophie néonatale sont également atteints dans l'enfance mais survivent généralement jusqu'à l'âge de 7 à 10 ans (fig. 13-5).

Figure 13-5
Adrénoleucodystrophie néonatale. Rétinophotographie couleur montrant une atténuation artériolaire rétinienne, des altérations pigmentaires diffuses et une atrophie optique modérée.
(Remerciements au Dr Mark W. Johnson.)

Des éléments similaires mais moins sévères sont retrouvés dans la maladie de Refsum infantile, au cours de laquelle le niveau sérique d'acide phytanique est élevé. Parfois non diagnostiquée avant l'âge adulte, la maladie de Refsum se caractérise par une rétinopathie pigmentaire avec des signaux ERG réduits ou éteints, une ataxie cérébelleuse, une polyneuropathie, une anosmie, une perte auditive et une cardiomyopathie. Une nyctalopie peut être un symptôme précoce. Le diagnostic est porté devant l'élévation plasmatique de l'acide phytanique ou la réduction de l'activité de l'oxydase de l'acide phytanique sur des fibroblastes en culture. Un régime restrictif en précurseurs de l'acide phytanique peut ralentir ou stabiliser la neuropathie, mais typiquement pas la dégénérescence rétinienne.

Mucopolysaccharidoses

Les mucopolysaccharidoses (MPS) systémiques sont causées par des défects héréditaires au niveau des enzymes cataboliques lysosomales qui dégradent les glycosaminoglycanes : dermatane sulfate, kératane sulfate et héparane sulfate. Par voie de conséquence, des quantités excessives et incomplètement métabolisées d'acides mucopolysaccharides, des lipides complexes, ou les deux, sont stockés dans les lysosomes. Les MPS sont transmises sur un mode autosomique récessif, excepté pour le type II qui est une affection récessive liée à l'X (voir tableau 13-1).

Seules les MPS pour lesquelles l'héparane sulfate est stocké sont associées à des dystrophies rétiniennes. Cela inclut la MPS de type I H (syndrome de Hurler) et la MPS de type I S (syndrome de Scheie) ; leurs caractéristiques cliniques associent un faciès épais, un handicap cognitif, une cornée opacifiée et une dégénérescence rétinienne. Les modifications pigmentaires rétiniennes peuvent être discrètes, mais la réponse ERG est anormale. La MPS de type II (syndrome de Hunter) présente également une rétinopathie pigmentaire mais sans opacification cornéenne ; les patients ont un faciès épais et sont de petite taille et peuvent montrer des difficultés cognitives. La MPS de type III (syndrome de Sanfilippo) montre des stigmates somatiques modérés mais une rétinopathie pigmentaire sévère.

Autres pathologies métaboliques lysosomales

La maladie de Tay-Sachs (gangliosidose GM2 de type I), causée par une sous-unité A déficiente de l'hexosaminidase A, est la plus courante des maladies de surcharge en gangliosides. L'accumulation de glycolipides dans le cerveau et la rétine est responsable d'un handicap cognitif et d'une cécité, et la mort survient généralement entre 2 et 5 ans. Les cellules ganglionnaires autour de la macula se gorgent de gangliosides et apparaissent grisâtres ou blancs, induisant l'aspect de macula rouge cerise (fig. 13-6). La maladie de Sandhoff (gangliosidose GM2 de type II) et la gangliosidose généralisée (gangliosidose GM1 de type I) peuvent aussi donner un aspect de macula rouge cerise.

Figure 13-6
Maladie de Tay-Sachs. Rétinophotographie couleur montrant un aspect de macula rouge cerise.

La maladie de Gaucher, dans sa forme non neuropathique chronique de l'adulte, n'a pas de retentissement cérébral. Cette affection se caractérise par une forte accumulation de glucosylcéramides dans le foie, la rate, les ganglions lymphatiques, la peau et la moelle épinière. Certains patients ont un aspect de macula rouge cerise ; d'autres présentent des lésions blanchâtres superficielles de la moyenne périphérie du fond d'œil. L'analyse en tomographie en cohérence optique spectral-domain (SD-OCT) objective des lésions multiples hyperréflectives caractéristiques localisées le long de la surface rétinienne.

Les différents types de maladie de Niemann-Pick sont causés par l'absence de plusieurs isoenzymes de la sphingomyélinase. La maladie de Niemann-Pick de type B (chronique), aussi connue sous le nom de syndrome des histiocytes « bleu de mer », est la plus modérée, et bien qu'il n'y ait pas de retentissement fonctionnel au niveau du SNC, les patients présentent un halo maculaire qui est considéré comme diagnostique (fig. 13-7). La maladie de Niemann-Pick de type A (neuronopathique aiguë) est associée à une macula rouge cerise dans environ 50 % des cas.

Figure 13-7
Maladie de Niemann-Pick chronique. Rétinophotographie couleur montrant un halo maculaire.
(Remerciements au Dr Mark W. Johnson.)

Les aspects de macula rouge cerise sont également observés dans les sialidoses et les galactosialidoses. Ces pathologies incluent la mucolipidose de type I, le syndrome myoclonus-macula rouge cerise et le syndrome de Goldberg-Cotlier (gangliosidose GM1 de type IV). La mucolipidose de type IV cause une dégénérescence rétinienne diffuse.

La maladie de Fabry (angiokeratoma corporis diffusum) est une affection liée à l'X causée par des mutations sur le gène codant l'alpha-galactosidase A. Le trihexosylcéramide s'accumule dans les muscles lisses des vaisseaux sanguins des reins, de la peau, du tractus gastro-intestinal, du SNC, du cœur et du système réticulo-endothélial, et il est responsable d'éléments cliniques systémiques et oculaires variés. Le premier symptôme peut être des paresthésies à type de brûlure ou une douleur des extrémités tard dans l'enfance. Les signes oculaires associent la cornea verticillata (verticilles), des vaisseaux conjonctivaux tortueux, des vaisseaux rétinien dilatés et tortueux ainsi que des modifications cristalliniennes (fig. 13-8). La tortuosité des vaisseaux conjonctivaux et rétiniens est aussi caractéristique de la fucosidose.

Figure 13-8
Maladie de Fabry. A. Image biomicroscopique en lampe à fente montrant les verticilles cornéens (cornea verticillata). B. Rétinophotographie couleur montrant une tortuosité vasculaire rétinienne.

Haltia M. The neuronal ceroid-lipofuscinoses : from past to present. Biochim Biophys Acta. 2006 ; 1762(10) : 850–856.

Gregory-Evans K, Pennesi ME,Weleber RG. Retinitis pigmentosa and allied disorders. In : Ryan SJ, Schachat AP, Wilkinson CP, Hinton DR, Sadda SR, Wiedemann P, eds. Retina. 5th ed. Philadelphia : Elsevier/Saunders ; 2013 : 761–835.

Pathologies des acides aminés

Dans la cystinose, la cystéine intralysosomale s'accumule en raison d'un déficit du transport hors des lysosomes. Trois types, tous autosomiques récessifs, ont été identifiés : 1) néphropathique, 2) à début tardif (ou intermédiaire) et 3) bénin. Des cristaux de cystéine s'accumulent dans la cornée et la conjonctive dans les trois types, mais la rétinopathie ne se développe que chez les patients du type néphropathique. Ces patients sont asymptomatiques jusqu'à l'âge de 8 à 15 mois, moment où ils présentent une insuffisance rénale progressive, un retard de croissance, un rachitisme d'origine rénale et une hypothyroïdie. La rétinopathie se caractérise par des zones de dépigmentation de l'EP alternant avec des mottes pigmentaires irrégulièrement distribuées, et associée à de fins cristaux rétiniens. Malgré l'aspect anormal du fond d'œil, aucune altération significative de la vision ne survient. Le traitement à base de cystéamine peut être efficace ; il agit avec la cystine lysosomale pour constituer un disulfide mixte qui permet de sortir du lysosome. La dystrophie cristalline de Bietti peut aussi entraîner une kératopathie cristalline associée à une rétinopathie, avec des territoires de perte de choriocapillaire et d'EP et une perte concomitante des photorécepteurs, comme observé dans les analyses en SD-OCT.

Pathologies mitochondriales

Des mutations et délétions sur l'ADN mitochondrial sont associées à de multiples syndromes différents, la plupart entraînant une myopathie. L' ophtalmoplégie externe chronique progressive appartient à un groupe d'affections appelées de manière collective myopathies mitochondriales, dans lesquelles les mitochondries ont une structure anormale et sont augmentées en nombre. Des fibres rouges déchiquetées peuvent être évidentes sur les spécimens de biopsie musculaire. En plus de l'ophtalmoplégie externe progressive, le syndrome est associé à une RP atypique et des anomalies systémiques variées (fig. 13-9). Lorsqu'une cardiomyopathie et une anomalie de conduction cardiaque (bloc cardiaque) sont présentes, l'affection est connue sous le nom de syndrome de Kearns-Sayre et débute le plus souvent avant l'âge de 10 ans. La sévérité de la rétinopathie pigmentaire est hautement variable. La maladie se présente souvent comme une pigmentation irrégulière ou des modifications maculaires atrophiques de l'EP, bien visibles en autofluorescence, et se présente rarement comme une dégénérescence panrétinienne avec ostéoblastes.

Figure 13-9
Ophtalmoplégie externe progressive chronique (OEPC) et rétinopathie mitochondriale associée. A. Rétinophotographie couleur montrant un aspect marbré diffus de l'épithélium pigmentaire rétinien. B. Marbrures apparaissant hyper- et hypofluorescentes à la phase artérioveineuse de l'angiographie à la fluorescéine. C. Photographie couleur montrant le ptosis palpébral bilatéral, ainsi que les yeux non alignés en position exotropique par faiblesse des muscles extraoculaires en rapport avec une OEPC causée par une mutation mitochondriale.
(Remerciements au Dr David Sarraf.)

Beaucoup de patients conservent une bonne fonction visuelle et un signal ERG normal. Parmi les autres myopathies mitochondriales avec rétinopathie pigmentaire, notons le diabète avec surdité de transmission maternelle ou MIDD (maternally inherited diabetes and deafness ; fig. 13-10), les syndromes MELAS (mitochondrial encephalomyopathy, lactic acidosis, and stroke) et NARP (neuropathie périphérique, ataxie et rétinopathie pigmentaire).

Figure 13-10
Diabète avec surdité de transmission maternelle (MIDD). Rétinophotographie couleur (A), cliché tardif d'angiographie à la fluorescéine (B), et image en autofluorescence du fond d'œil (C) montrant une atrophie de l'épithélium pigmentaire rétinien de distribution périfovéolaire chez un patient présentant un MIDD, causé par une mutation mitochondriale. Ces éléments étaient tous présents de manière symétrique dans l'œil adelphe.
(Remerciements au Dr Herb Cantrill.)