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Partie II
Pathologies de la rétine et du vitré
CHAPITRE 10
Inflammations choroïdiennes et rétiniennes focales et diffuses

Certaines maladies inflammatoires sont associées à des lésions jaunâtres au niveau de la rétine et de la choroïde. Ce chapitre traite des nombreuses maladies inflammatoires focales ou diffuses de la rétine et de la choroïde responsables de ces lésions, en incluant l'épidémiologie et la description clinique de ces entités. Quand le terme de « traitement standard » est utilisé pour décrire l'aspect thérapeutique, les options pour les maladies auto-immunes incluent les corticoïdes à la phase d'attaque et les agents immunosuppresseurs pour la phase d'entretien. Voir la Section 9 du BCSC, Intraocular Inflammation Intraoculaire and Uveitis, pour plus d'informations sur ces entités, plus de détails sur les approches thérapeutiques et des illustrations additionnelles.

Agarwal A. Gass' Atlas of Macular Diseases. 2 vols. 5th ed. Philadelphia : Saunders ; 2012 : 805–1064.

Foster CS, Vitale AT, Jakobiec FA. Diagnosis and Treatment of Uveitis. 2nd ed. New Delhi : Jaypee Brothers Medical Publishers ; 2013.

Yannuzzi LA. The Retina Atlas. Philadelphia : Saunders ; 2010 : 305–380.

Inflammations rétiniennes et choroïdiennes non infectieuses
Syndrome des taches blanches

Le terme de syndrome des taches blanches a été utilisé pour décrire les entités suivantes :

  • l'épithéliopathie en plaques (EPP) ;

  • la choroïdite serpigineuse ;

  • le syndrome des taches blanches évanescentes et multiples ;

  • la rétinochoroïdopathie de type birdshot ;

  • la choroïdite multifocale (CMF) ;

  • la choroïdite multifocale avec panuvéite ;

  • la choroïdite ponctuée interne (punctate inner choroidopathy [PIC]).

De nombreux auteurs pensent que la CMF et la PIC sont une seule et même entité au sein d'un continuum ; dans ce chapitre, ces entités sont appelées CMF (voir plus loin). Le syndrome d'AZOOR (acute zonal occult outer retinopathy), la neurorétinite maculaire aiguë, ou acute macular neuroretinitis (AMN), et la maculopathie idiopathique aiguë ont souvent été inclus dans les syndromes des taches blanches, compte tenu de leur étiologie supposée inflammatoire et du tableau clinique similaire : baisse visuelle, scotome et photopsies.

Buggage RR. White dot syndrome. Focal Points : Clinical Modules for Ophthalmologists. San Francisco : American Academy of Ophthalmology ; 2007, module 4.

Matsumoto Y, Haen SP, Spaide RF. The white dot syndromes. Compr Ophthalmol Update. 2007 ; 8(4) : 179–200.

Épithéliopathie en plaques

L'épithéliopathie en plaques (EPP) est une maladie inflammatoire bilatérale, rare, caractérisée par un début brutal associant une vision floue, des scotomes et des photopsies chez certains patients. Environ un tiers des patients décrivent un syndrome pseudogrippal précédant l'affection. Hommes et femmes d'âge jeune ou d'âge moyen sont affectés avec un sex ratio de 1:1. Une inflammation modérée de la chambre antérieure ou du vitré peut être présente. Les lésions sont typiquement multiples, jaunâtres, placoïdes, variables en taille et se situent au niveau de la rétine externe (épithélium pigmentaire de la rétine [EP]) et au niveau de la choroïde interne (choriocapillaire) (fig. 10-1). Les récurrences sont rares. L'étiologie est inconnue, bien qu'une hypoperfusion de la choriocapillaire ayant pour conséquence une ischémie de l'EP caractérise cette affection. Une atteinte ischémique (essentiellement une vasculite cérébrale) peut se rencontrer, bien que cela reste rare. Des lésions ressemblant à une EPP peuvent être présentes chez des patients atteints de sarcoïdose, de syphilis ou de tuberculose ; par conséquent, il est nécessaire d'exclure ces affections par des examens complémentaires.

Figure 10-1
Épithéliopathie en plaques. A. Photographie couleur du fond d'œil montrant de nombreuses lésions jaunâtres du pôle postérieur. B. Image de phase précoce de l'angiographie à la fluorescéine montrant une hypofluorescence résultant à la fois d'une diminution de perfusion de la choriocapillaire et d'un épaississement des lésions de l'épithélium pigmentaire rétinien (EP). C. Phase tardive de l'angiographie montrant une hyperfluorescence dans les zones atteintes.
(Remerciements au Dr J. Donald M. Gass.)

À la phase aiguë, l'angiographie à la fluorescéine (AF) montre au niveau des lésions actives un blocage suivi d'une fuite tardive de fluorescéine et d'un effet « staining ». L'angiographie au vert d'indocyanine (indocyanine green [ICG]) retrouve une hypofluorescence précoce persistante à la phase tardive de l'angiographie, révélant souvent plus de lésions qu'au fond d'œil ou qu'à l'AF. Les coupes en tomographie en cohérence optique (ocular coherence tomography [OCT]) à travers des lésions actives d'EPP retrouvent une atteinte de la rétine externe en forme de dôme, avec interruption de la ligne des photorécepteurs et de l'EP. L'autofluorescence des lésions actives ou autour de ces lésions peut varier au cours du temps ; elle peut être hypoautofluorescente ou hyperautofluorescente. Il existe, toutefois, une tendance à l'hypoautofluorescence à mesure que l'activité de la maladie diminue. Avec le temps, une hypoautofluorescence se développe dans les zones d'interruption de l'EP. Le fond d'œil et les symptômes s'améliorent au cours des semaines qui suivent. Le pronostic à long terme est plutôt bon, bien que de minimes scotomes puissent persister ; la vision peut être limitée en cas d'atteinte maculaire.

Aucun traitement n'est indiqué en cas d'EEP, sauf dans les formes avec atteinte maculaire centrale ou en cas de vascularite cérébrale associée, où les corticoïdes par voie systémique sont à envisager. Les formes sévères d'EPP sont parfois difficiles à distinguer d'une choroïdite serpigineuse (voir le paragraphe suivant), expliquant le terme d'ampigineuse pour ces formes frontières d'EPP et de choroïdite serpigineuse. D'autres entités placoïdes ont été décrites, par exemple la maculopathie placoïde persistante (placoid persistant maculopathy) caractérisée par une atteinte maculaire centrale, un temps de guérison plus long et un haut risque de formation de néovaisseau choroïdien (NVC). Une autre entité est la choriorétinite placoïde récidivante (relentless placoid chorioretinitis) caractérisée par l'existence de petites lésions récidivantes distribuées géographiquement et nécessitant fréquemment un traitement immunosuppresseur.

Steiner S, Goldstein DA. Imaging in the diagnosis and management of APMPPE. Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 211–219.

Choroïdite serpigineuse

La choroïdite serpigineuse (aussi appelée choroïdite géographique ou choroïdite péripapillaire hélicoïdale) est une maladie inflammatoire rare, souvent menaçante pour la vision, récidivante et affectant la rétine externe (EP) et la choroïde interne (choriocapillaire). Classiquement, les lésions apparaissent en premier lieu à proximité du nerf optique et s'étendent de façon centrifuge sous forme de serpentin. Avec les récidives fréquentes, un aspect serpigineux (pseudopode) ou en carte de géographie se développe au niveau des cicatrices choriorétiniennes (fig. 10-2). L'aspect clinique ou en imagerie multimodale des lésions actives de choroïdite serpigineuse ressemble à celui des lésions d'EEP à la phase aiguë. Les lésions ont tendance à se développer à proximité de cicatrices inactives ou d'épisodes inflammatoires passés. Des scotomes persistants ou une baisse de l'acuité visuelle sont des symptômes fréquents. La choroïdite serpigineuse affecte légèrement plus souvent les hommes que les femmes, typiquement d'âge moyen. Dans des zones d'endémie, comme en Inde, la tuberculose est reconnue pour donner des lésions pseudoserpigineuses, conduisant les cliniciens à décrire ces lésions dans un tableau de choroïdite tuberculeuse pseudoserpigineuse. En plus de la recherche de tuberculose, les patients ayant des lésions pseudoserpigineuses doivent avoir un bilan afin d'éliminer une sarcoïdose ou une syphilis. Les traitements immunosuppresseurs sont souvent utilisés.

Figure 10-2
Choroïdite serpigineuse. A. Photographie couleur du fond d'œil d'une cicatrice choriorétinienne aux bordures irrégulières, en forme de serpentin menaçant la fovéa. B. Photographie couleur du fond d'œil du même œil quelques années plus tard, montrant l'extension de la cicatrice choriorétinienne qui touche la macula en nasal et en supérieur, caractéristique de la choroïdite serpigineuse.
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)

Bansal R, Gupta A, Gupta V. Imaging in the diagnosis and management of serpiginous choroiditis. Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 229–236.

Syndrome des taches blanches évanescentes et multiples

Le syndrome des taches blanches évanescentes et multiples (ou multiple evanescent white dot syndrome [MEWDS]) est un syndrome de début brutal, caractérisé par des taches multiples blanches, jaunâtres ou grisâtres au niveau de la rétine externe, touchant le pôle postérieur (fig. 10-3). Chez certains patients, un aspect de granité fovéolaire transitoire (constitué de mouchetures fines orangées au niveau de l'EP) peut se développer et est hautement évocateur de MEWDS. Les anomalies en angiographie à l'ICG suggèrent une atteinte choroïdienne simultanée. Une inflammation modérée de la chambre antérieure ou du vitré peut être présente. Les patients sont typiquement jeunes ou d'âge moyen et sont souvent myopes ; les femmes sont plus atteintes que les hommes. Les symptômes sont plus fréquemment unilatéraux et incluent : une baisse de vision, des scotomes et parfois des photopsies. Des anomalies du champ visuel temporal et un élargissement de la tache aveugle sont fréquents, et un déficit pupillaire afférent relatif est souvent retrouvé. L'étiologie est inconnue, même si un tiers des patients décrivent un syndrome pseudogrippal.

Figure 10-3
Les points disparaissent rapidement au cours du syndrome des taches blanches évanescentes et multiples (MEWDS). A. Les lésions aiguës sont grisâtres (flèche longue) ; elles se résolvent de façon centripète (flèche courte) laissant un discret changement de couleur (tête de flèche). B. L'image en angiographie à la fluorescéine (à gauche) montre une couronne de points. L'angiographie à l'ICG correspondante (à droite) montre des lésions placoïdes plus sombres autour des points. C. L'image d'angiographie à l'ICG grand champ montre que l'atteinte est bien plus importante que celle observée au fond d'œil.
(Remerciements au Dr Richard F. Spaide.)

L'angiographie à la fluorescéine révèle de multiples points, hyperfluorescents associés aux taches observées cliniquement, prenant un aspect en forme de couronne. Une fuite tardive modérée de fluorescéine et une imprégnation de la papille sont souvent retrouvées. L'angiographie en ICG montre une hypofluorescence autour de la papille ainsi que de nombreux points hypofluorescents qui sont souvent plus nombreux qu'au fond d'œil ou en angiographie à la fluorescéine. Les coupes en OCT au niveau des lésions actives retrouvent des lésions de la rétine externe en forme de dôme, avec modification de la réflectivité de ces couches. L'autofluorescence retrouve souvent des foci hyperautofluorescents dans la zone des taches blanches. Sur l'électrorétinogramme (ERG), certains patients ont un retard des réponses au flicker 30 Hz et une décroissance de l'onde a en ambiance scotopique. Les symptômes et le fond d'œil commencent à s'améliorer en 2 à 6 semaines, sans traitement. Dans de rares cas, le MEWDS peut être récidivant ou bilatéral, être associé à un scotome persistant ou un déficit du champ visuel, ou bien le développement de néovaisseau choroïdien (NVC) peut s'observer à long terme.

dell'Omo R, Pavesio CE. Multiple evanescent white dot syndrome (MEWDS). Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 221–228.

Rétinochoroïdopathie de type birdshot

La rétinochoroïdopathie de type birdshot est une affection bilatérale qui touche légèrement plus fréquemment les femmes que les hommes, en général d'âge mur. Les symptômes initiaux incluent des myodésopsies et un flou visuel ou une baisse d'acuité visuelle. Plus tardivement dans la maladie, une héméralopie, une diminution de la sensibilité aux contrastes ou de la vision des couleurs peuvent survenir. L'examen retrouve une inflammation du vitré en général modérée, associée à de multiples taches jaunâtres, choroïdiennes, observées initialement à la partie inférieure de la papille (fig. 10-4). L'angiographie à la fluorescéine montre souvent une vascularite rétinienne active avec une fuite des vaisseaux rétiniens et de la papille, expliquant l'œdème maculaire cystoïde (OMC) retrouvé fréquemment. Une atrophie des couches externes de la rétine peut aussi être présente, responsable d'un effet fenêtre en angiographie ; quand ces zones d'atrophie sont extensives, cela est responsable d'une hyperfluorescence diffuse en AF. Les lésions choroïdiennes sont mieux vues en angiographie à l'ICG. L'OCT et les clichés en autofluorescence peuvent être utilisés pour suivre l'extension et la progression de l'atrophie rétinienne.

Figure 10-4
Photographie couleur du fond d'œil montrant de multiples taches jaunes au cours d'une rétinochoroïdopathie de type birdshot.
(Remerciements au Dr Richard F. Spaide.)

Il s'agit d'une maladie chronique, progressive et sujette à des épisodes d'inflammation récidivants. La diminution de l'acuité visuelle peut être causée par l'OMC, la formation d'une membrane épirétinienne et/ou l'atrophie des couches externes de la rétine qui peut être extensive et associée à une atrophie du nerf optique dans les cas avancés. Presque tous les patients atteints d'une rétinochoroïdopathie de type birdshot sont caucasiens et HLA A29 positifs ; dans le cas contraire, le diagnostic de birdshot doit être remis en question. L'activité de la maladie et sa progression sont appréciées au mieux par l'imagerie multimode (AF, angiographie à l'ICG, spectral-domain OCT, clichés en autofluorescence), mais aussi grâce à l'électrophysiologie, à la vision des couleurs et aux champs visuels – chacun de ces examens pouvant montrer une atteinte bien plus sévère que ne le suggérait la mesure de l'acuité visuelle. Les traitements immunosuppresseurs sont employés, bien que la maladie soit difficile à contrôler.

Levinson RD, Monnet D. Imaging in birdshot chorioretinopathy. Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 191–198.

Shah KH, Levinson RD, Yu F, et al. Birdshot chorioretinopathy. Surv Ophthamol. 2005 ; 50(6) : 519–541.

Choroïdite multifocale

L'utilisation dans la littérature des termes choroïdite multifocale idiopathique, choroïdite multifocale avec panuvéite (CMFPU), choroïdite multifocale récidivante (CMR), choroïdite ou choroïdopathie ponctuée interne (CPI), de syndrome d'histoplasmose oculaire présumée (ou presumed ocular histoplasmosis syndrome [POHS]), parmi d'autres, est à la fois infondée et déroutante. Les recommandations récentes suggèrent que seul le terme de choroïdite multifocale (CMF) doit être employé pour caractériser la survenue de lésions choriorétiniennes discrètes en l'absence d'infection sous-jacente identifiable (par exemple tuberculose ou histoplasmose) ou d'inflammation systémique (par exemple sarcoïdose). Dans la CMF, les lésions sont souvent regroupées au niveau de la macula et autour de la papille, bien qu'elles puissent se voir aussi en moyenne ou en lointaine périphérie, fréquemment alignées de manière curviligne – configuration que certains appellent lignes de Schlaegel. Les patients sont typiquement des femmes jeunes. L'examen clinique ne retrouve pas d'inflammation de la chambre antérieure (ou minime) ni du vitré, bien que certains patients aient une inflammation du vitré minime à modérée – une présentation clinique que certains appellent CMFPU. Une vision floue ou diminuée et des scotomes sont les symptômes les plus fréquents. La diminution de la vision centrale est causée le plus souvent par une atteinte directe maculaire ou par le développement de NVC (qui touche un tiers des patients). La fibrose sous-rétinienne peut survenir autour des lésions, et quand la macula est atteinte, elle peut limiter la vision (fig. 10-5). Les traitements standard incluent les immunosuppresseurs.

Figure 10-5
Photographie couleur du fond d'œil d'une choroïdite multifocale avec fibrose sous-rétinienne.
(Remerciements au Dr Richard F. Spaide.)

Essex RW, Wong J, Jampol LM, Dowler J, Bird AC. Idiopathic multifocal choroiditis : a comment on present and past nomenclature. Retina. 2013 ; 33(1) : 1–4.

Fung AT, Pal S, Yannuzzi NA, et al. Multifocal choroiditis without panuveitis : clinical characteristics and progression. Retina. 2014 ; 34(1) : 98–107.

Jung JJ, Khan S, Mrejen S, et al. Idiopathic multifocal choroiditis with outer retinal or chorioretinal atrophy. Retina. 2014 ; 34(7) : 1439–1450.

Acute zonal occult outer retinopathy (AZOOR)

L'acute zonal occult outer retinopathy (AZOOR), une maladie présumée inflammatoire, touche les zones externes de la rétine de façon uni- ou bilatérale. Typiquement, l'AZOOR survient chez des femmes jeunes myopes et est de début brutal, unilatéral. Les trois quarts des cas se bilatéralisent. Les symptômes initiaux incluent des photopsies, une perte du champ visuel nasal, et parfois un élargissement de la tache aveugle ; l'acuité visuelle est rarement diminuée. À la présentation initiale, le fond d'œil paraît normal ou retrouve une hyalite modérée (fig. 10-6). Environ 25 % des patients ont un déficit pupillaire afférent relatif. L'angiographie peut montrer une fuite capillaire rétinienne ou au niveau de la papille, en particulier chez les patients avec une hyalite. Sur l'ERG, une réponse retardée sur le flicker 30 Hz est classique. L'examen du champ visuel peut montrer des scotomes qui peuvent s'élargir sur des semaines ou des mois. Le pronostic est plutôt favorable.

Figure 10-6
Photographie couleur du fond d'œil d'un AZOOR à un stade avancé.
(Remerciements au Dr J. Donald M. Gass.)

Certains patients récupèrent de l'AZOOR, alors que d'autres patients ont des déficits du champ visuel persistants, qui tendent à se stabiliser sur 6 mois. Les déficits permanents du champ visuel sont souvent associés à des modifications tardives du fond d'œil. Les dépigmentations de grandes zones de l'EP correspondent habituellement aux scotomes ; un rétrécissement des vaisseaux rétiniens peut être visible au niveau de ces zones. L'apparence du fond d'œil au stade tardif peut mimer une rétinopathie associée au cancer (cancer-associated retinopathy [CAR]) ou une rétinite pigmentaire. Les images en angiographie à la fluorescéine sont normales au stade débutant puis, de façon attendue, anormales en cas d'altérations de l'EP. L'angiographie à l'ICG peut montrer une hypofluorescence tardive dans certains cas. L'OCT retrouve typiquement une atrophie de la rétine externe, incluant une interruption de la zone ellipsoïde (ou zone jonction segment interne/segment externe) et de la couche nucléaire externe dans les zones atteintes. L'autofluorescence est typiquement diminuée dans les zones atteintes et parfois associée à un aspect punctiforme ou à un anneau hyperautofluorescent. Les traitements immunosuppresseurs ne sont pas efficaces.

Le terme de complexe d'AZOOR a été introduit pour englober la CMF, le MEWDS et l'AZOOR, puisque ces maladies peuvent avoir des formes de chevauchement chez certains patients et peuvent prendre la forme d'un continuum. Ce terme est controversé et ces maladies doivent être pour l'instant considérées comme des entités différentes.

Gass JD, Agarwal A, Scott IU. Acute zonal occult outer retinopathy : a long-term follow-up study. Am J Ophthalmol. 2002 ; 134(3) : 329–339.

Monson DM, Smith JR. Acute zonal occult outer retinopathy. Surv Ophthalmol. 2011 ; 56(1) : 23–35.

Neurorétinite maculaire aiguë

La neurorétinite maculaire aiguë (ou acute macular neuroretinitis [AMN]) est une maladie rare caractérisée par un début brutal avec scotome paracentral dans un des yeux ou les deux chez des patients jeunes et en bonne santé. Le sex ratio est de 6 femmes pour 1 homme atteint. Cliniquement, des lésions brun rouge ou en forme de dôme sont observées en périfovéolaire et pointent au niveau central de la fovéa. Les lésions peuvent être difficiles à identifier sur le fond d'œil ou sur des rétinophotographies du fond d'œil, mais sont bien vues sur des clichés en proche infrarouge (near-infrared). Les vaisseaux rétiniens et le nerf optique ne sont pas affectés, et il n'y a pas d'inflammation du vitré. L'OCT haute résolution est particulièrement important et peut montrer deux modèles : le type 1, qui touche la rétine intermédiaire ou la couche nucléaire interne ; le type 2, qui touche la rétine externe – incluant à la fois la couche nucléaire externe et les bandes hyperréflectives associées aux photorécepteurs de la zone ellipsoïde. Les deux modèles sont supposés résulter d'une ischémie du plexus capillaire profond de la rétine centrale.

Les lésions se résolvent typiquement au bout de quelques semaines avec amélioration concomitante de l'acuité visuelle, excepté dans de rares cas qui restent symptomatiques sur plusieurs années. La physiopathogénie de l'AMN est incertaine. Plusieurs associations ont été constatées, incluant un épisode pseudogrippal, l'utilisation d'une contraception orale ou de caféine et l'injection d'adrénaline ou d'épinéphrine. Des lésions ressemblant à une AMN peuvent survenir après un traumatisme minime ou modéré. La question de savoir si ces lésions sont une AMN ou une maculopathie traumatique reste controversée.

Bos PJ, Deutman AF. Acute macular neuroretinopathy. Am J Ophthalmol. 1975 ; 80(4) : 573–584.

Fawzi AA, Pappuru RR, Sarraf D, et al. Acute macular neuroretinopathy : long-term insights revealed by multimodal imaging. Retina. 2012 ; 32(8) : 1500–1513.

Sarraf D, Rahimy E, Fawzi AA, et al. Paracentral acute middle maculopathy : a new variant of acute macular neuroretinopathy associated with retinal capillary ischemia. JAMA Ophthalmol. 2013 ; 131(10) : 1275–1287.

Maculopathie aiguë idiopathique

La maculopathie aiguë idiopathique (MAI) est une maladie rare, se manifestant par une baisse sévère et soudaine de la vision centrale ou paracentrale, typiquement chez des individus jeunes suivant un épisode pseudogrippal. Les hommes et les femmes sont touchés de façon équivalente. Des lésions centrales unilatérales ont été décrites initialement, mais des lésions bilatérales et maculaires ont été ajoutées au spectre des MAI. Le principal élément clinique est un décollement maculaire exsudatif de la rétine neurosensorielle, avec peu ou pas d'inflammation du vitré, et accompagné d'un soulèvement variable de l'EP sous-jacent. Une turgescence modérée de la papille, des hémorragies rétiniennes, des vasculites et des infiltrats sous-rétiniens surviennent de façon peu fréquente. L'angiographie à la fluorescéine montre typiquement une hyperfluorescence irrégulière au niveau de l'EP, suivie d'un remplissage dans l'espace du décollement aux phases tardives. L'angiographie à l'ICG montre une hypofluorescence précoce et persistante. Les images en OCT haute résolution permettent de documenter la taille et l'extension de l'espace du décollement et montrent une perte des bandes hyperréflectives de la rétine externe associées aux photorécepteurs et à l'EP. Les lésions se résolvent spontanément mais laissent un aspect en « œil de bœuf » de l'EP altéré, dont l'AF montre une hypofluorescence centrale entourée d'une hyperfluorescence. Il y a typiquement une remontée quasi complète de la vision au cours des semaines ou des mois qui suivent. La cause est inconnue, même si des cas isolés ont été associés à une infection par le virus Coxasckie.

Hoang QV, Strauss DS, Pappas A, Freund KB. Imaging in the diagnosis and management of acute idiopathic maculopathy. Int Ophthlamol Clin. 2012 ; 52(4) : 263–268.

Yannuzzi LA, Jampol LM, Rabb MF, Sorenson JA, Beyrer C, Wilcox LM Jr. Unilateral acute idiopathic maculopathy. Arch Ophthalmol. 1991 ; 109(10) : 1411–1416.

Maladies choriorétiniennes auto-immunes

Les sections suivantes traitent de maladies auto-immunes affectant la rétine et la choroïde. Ces maladies nécessitent généralement des traitements immunosuppresseurs. Les traitements spécifiques sont mentionnés si besoin.

Vascularite inflammatoire
Maladie de Behçet

La maladie de Behçet est une maladie systémique complexe caractérisée par des inflammations récurrentes et des occlusions vasculaires impliquant plusieurs organes. Les ulcérations orales récurrentes affectent presque tous les patients, et les lésions cutanées comme l'érythème noueux sont fréquentes. L'atteinte du système nerveux central peut se développer chez plus de 50 % des patients et doit être suspectée chez tout patient ayant des signes neurologiques. Les autres manifestations systémiques incluent l'arthrite, l'épididymite et les ulcères intestinaux. La maladie de Behçet semble affecter plus souvent les hommes que les femmes et est particulièrement fréquente au Japon, en Asie du Sud, au Moyen-Orient et dans la région méditerranéenne. L'étiologie est inconnue.

L'uvéite est fréquente et peut être antérieure, postérieure ou diffuse (panuvéite). L'atteinte postérieure peut inclure une hyalite, une vascularite rétinienne occlusive, des hémorragies intrarétiniennes, un œdème maculaire, des foyers de nécrose rétinienne et une neuropathie optique ischémique. Des épisodes récurrents de vascularite rétinienne peuvent aboutir à une ischémie rétinienne sévère et à une néovascularisation rétinienne, qui doit être traitée par une photocoagulation rétinienne. Malgré le traitement, le pronostic visuel est souvent réservé à cause de l'ischémie rétinienne progressive secondaire aux épisodes de vascularite rétinienne occlusive. L'utilisation d'agents biologiques comme les anti-TNF alpha (tumor necrosis factor alpha) ou l'interféron semble prometteuse.

Tugal-Tutkun I. Imaging in the diagnosis and management of Behçet disease. Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 183–190.

Tugal-Tutkun I, Gupta V, Cunningham ET Jr. Differential diagnosis of Behçet uveitis. Ocul Immunol Inflamm. 2013 ; 21(5) : 337–350.

Vascularite lupique

Le lupus érythémateux systémique (LES) est une maladie systémique auto-immune qui affecte essentiellement les femmes jeunes en âge de procréer. Les femmes de couleur noire ou d'origine hispanique sont plus à risque que les femmes de couleur blanche. En tant que maladie systémique, le LES peut toucher toutes les structures oculaires et périoculaires. Environ 3 à 10 % des patients avec LES ont une atteinte rétinienne allant de nodules cotonneux asymptomatiques et d'hémorragies intrarétiniennes jusqu'à l'infarctus maculaire responsable d'une baisse de vision centrale sévère (fig. 10-7). La choroïdopathie lupique est moins fréquente et se manifeste par des décollements séreux rétiniens multifocaux. Les pathologies rétiniennes et choroïdiennes sont vasculaires et d'origine probablement auto-immune.

Figure 10-7
Vascularite secondaire à un lupus érythémateux systémique. A. Photographie couleur du fond d'œil montrant une hémorragie du vitré secondaire à une néovascularisation. B. Phase tardive de l'angiographie à la fluorescéine révélant une non-perfusion choroïdienne et rétinienne, un effet d'imprégnation périvasculaire et une diffusion secondaire à la néovascularisation.
(Remerciements au Dr Matthew A. Thomas.)

La présence d'une occlusion vasculaire rétinienne, incluant des nodules cotonneux, témoigne d'une activité inflammatoire systémique et nécessite un traitement rapide. La sarcoïdose peut être responsable d'une vascularite rétinienne (fig. 10-8) et doit être recherchée.

Figure 10-8
Sarcoïdose. Photographie couleur du fond d'œil montrant un engainement périvasculaire.
(Remerciements au Dr Ramin Schadlu.)

Read RW. Clinical mini-review : systemic lupus erythematosus and the eye. Ocul Immunol Inflamm. 2004 ; 12(2) : 87–99.

Uvéite intermédiaire

L'uvéite intermédiaire consiste en une atteinte du segment postérieur qui touche primitivement la cavité vitréenne. Quatre-vingt pour cent des uvéites intermédiaires sont idiopathiques. Les causes les plus fréquemment identifiées en Amérique du Nord et en Europe incluent la sarcoïdose et la sclérose en plaques. L'utilisation du terme pars planite est inconstante mais souvent utilisée pour décrire les débris inflammatoires recouvrant la pars plana (« banquise »), et ce peu importe la cause. Il est préférable de décrire précisément si une banquise est présente et si la cause de l'uvéite intermédiaire est connue ou non, comme dans ces exemples : « uvéite intermédiaire idiopathique avec banquise » ou « uvéite intermédiaire sans banquise dans le cadre d'une sarcoïdose ».

L'uvéite intermédiaire est typiquement bilatérale et peut survenir chez les enfants, les adolescents ou les adultes. Les symptômes fréquents sont les myodésopsies et une baisse de la vision. Les manifestations oculaires caractéristiques incluent l'inflammation du vitré, la banquise et des agrégats de cellules vitréennes (« snowballs »). La banquise et les snowballs sont plus fréquemment observés en inférieur. Une néovascularisation périphérique peut se former au niveau de la banquise inférieure dans 5 à 10 % des cas et peut aboutir à la survenue d'une hémorragie intravitréenne avec décollement de rétine tractionnel ou rhegmatogène. Quand l'uvéite intermédiaire est active, les périphlébites, une papillite et un OMC sont fréquents. Une membrane épirétinienne peut aussi survenir.

Des cellules vitréennes ou des périphlébites segmentaires en l'absence de baisse de la vision peuvent être simplement surveillées. La présence d'un OMC doit être traitée par des corticoïdes.

de Boer J, Berendschot TT, van der Does P, Rothova A. Long-term follow-up of intermediate uveitis in children. Am J Ophthalmol. 2006 ; 141(4) : 616–621.

Vidovic-Valentincic N, Kraut A, Hawlina M, Stunf S, Rothova A. Intermediate uveitis : long-term course and visual outcome. Br J Ophthalmol. 2009 ; 93(4) : 477–480.

Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada

La maladie (ou syndrome) de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH) est une maladie systémique auto-immune dirigée contre les mélanocytes de l'œil, du système auditif, des méninges et de la peau. La maladie de VKH affecte essentiellement les personnes asiatiques, les Indiens Américains, les Indiens asiatiques, les Afro-Américains et les personnes issues du Moyen-Orient. Les patients hispaniques ou afro-américains qui ont la maladie ont souvent des ascendants indo-américains. Les signes oculaires sont typiquement bilatéraux et incluent l'inflammation du vitré associée à un décollement séreux rétinien. Une turgescence de la papille ou un œdème papillaire sont fréquents. Les études de l'angiographie à la fluorescéine peuvent être particulièrement utiles et montrer des fuites multiples de l'EP dans la zone du décollement séreux, signe souvent appelé « voie lactée » (milky way) ou « nuit étoilée » (starry night) (fig. 10-9).

Figure 10-9
Maladie de Vogt-Koyanagi-Harada. A. Photographie couleur du fond d'œil montrant un décollement séreux rétinien. B. Angiographie à la fluorescéine à la phase veineuse montrant les zones nombreuses de retard du remplissage choroïdien. C. La phase de recirculation montre une diffusion précoce dans l'espace sous-rétinien. D. Grossissement au niveau temporal de la macula montrant les nombreux pin points (« ciel étoilé »).
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)

Le diagnostic de maladie de VKH ne peut être fait qu'en l'absence d'antécédent de traumatisme pénétrant de l'œil ou de chirurgie oculaire. La maladie de VKH est dite probable quand les signes oculaires inflammatoires surviennent en l'absence d'atteinte cutanée ou neurologique ; elle est dite incomplète si une atteinte cutanée ou une atteinte neurologique (mais pas les deux en même temps) est présente ; enfin, elle est dite complète quand des signes neurologiques et cutanés sont tous deux présents.

L'évolution de la maladie de VKH peut être divisée en trois phases :

  • 1.

    phase prodromale : caractérisée par des symptômes pseudogrippaux pouvant inclure : maux de tête, raideur méningée, acouphène et dysacousie ;

  • 2.

    phase uvéitique active : survient après la phase prodromale ; caractérisée par une photophobie et une baisse de vision accompagnée par le début d'une panuvéite bilatérale avec décollement séreux rétinien ;

  • 3.

    phase chronique (de convalescence) : l'uvéite s'apaise, mais une dépigmentation de la peau et de l'uvée peut survenir ; la dépigmentation oculaire peut se développer au niveau du limbe (signe de Sugiura), du trabéculum (signe d'Ohno) ou au niveau de la choroïde (signe du coucher de soleil).

La maladie de VKH tend à répondre aux traitements standard. Un délai retardé entre le diagnostic et le traitement est associé à un risque élevé de dépigmentation de la peau et de l'œil et à un risque augmenté de complications oculaires incluant la cataracte, le glaucome et la fibrose sous-rétinienne.

Rao NA, Gupta A, Dustin L, et al. Frequency of distinguishing clinical features in Vogt-Koyanagi-Harada disease. Ophthalmology. 2010 ; 117(3) : 591–599.

Read RW, Holland GN, Rao NA, et al. Revised diagnostic criteria for Vogt-Koyanagi-Harada disease : report of an international committee on nomenclature. Am J Ophthalmol. 2001 ; 131(5) : 647–652.

Ophtalmie sympathique

L'ophtalmie sympathique est une maladie rare qui est cliniquement et histologiquement indiscernable des signes oculaires de la maladie de VKH, excepté qu'elle survient seulement après un traumatisme oculaire pénétrant ou une chirurgie oculaire. L'inflammation de l'œil sympathisant (blessé ou opéré) et de l'œil sympathisé (œil controlatéral) peut survenir des jours ou des années après le traumatisme initial. Comme dans la maladie de VKH, l'inflammation est bilatérale et caractérisée par la présence d'une panuvéite souvent associée à des zones de décollement séreux rétinien et de choroïdite focale (lésions choriorétiniennes nummulaires). Des complications non oculaires comme le vitiligo ou la poliose peuvent survenir mais sont bien moins fréquentes qu'au cours de la maladie de VKH. De plus, dans les rares cas où l'ophtalmie sympathique fait suite à un traumatisme ou une chirurgie, les traitements standard contrôlent presque toujours l'inflammation. Par conséquent, l'énucléation d'un œil traumatisé afin de minimiser les risques d'ophtalmie sympathique ne doit être réalisée que si l'œil est atteint structurellement et n'a pas de perception lumineuse.

Castiblanco CP, Adelman RA. Sympathetic ophthalmia. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2009 ; 247(3) : 289–302.

Pseudo-uvéite : lymphome intraoculaire

Le lymphome vitréorétinien primitif était anciennement nommé sarcome du système réticulé, lymphome hystiocytique et lymphome non hodgkinien du système nerveux central. La plupart des cas sont des tumeurs agressives à cellules B. La moitié des cas de lymphome vitréorétinien primitif surviennent après 60 ans. Environ 80 % des patients atteints d'un lymphome vitréorétinien primitif développent une atteinte du système nerveux central (SNC). Inversement, 20 % des patients ayant une atteinte du SNC développeront une atteinte oculaire. L'infection par le VIH est associée à un risque augmenté de lymphome de 50 fois (en cas de traitement par antirétroviral) à plus de 500 fois (en l'absence de, ou avant traitement antirétroviral). Les signes cliniques suggestifs incluent la réponse incomplète ou transitoire aux corticoïdes, la présence de cellules vitréennes atypiques – qui peuvent être blanches aspécifiques – et la présence d'infiltrats sous-rétiniens qui peuvent être transitoires et/ou à des endroits variables (fig. 10-10). Un œdème papillaire ou un décollement séreux rétinien peuvent aussi survenir. Les patients chez qui l'on suspecte un lymphome vitréorétinien primitif doivent avoir une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale avec injection de produit de contraste ainsi qu'une ponction lombaire pour études cytologiques, afin d'évaluer l'atteinte du SNC. Une biopsie du SNC ou vitréorétinienne est souvent réalisée. Il est bien connu que le diagnostic de lymphome vitréorétinien primitif est difficile sur les prélèvements vitréens, en raison de la faible concentration de cellules lymphomateuses et de la propension de ces cellules à s'autolyser. Les meilleurs résultats sont obtenus en cas de traitement et d'analyse rapides en cytologie, après études de réarrangement des gènes des récepteurs des cellules T ou des immunoglobulines, après cytométrie de flux, ou après analyse des cytokines. La prise en charge actuelle comprend à la fois la chimiothérapie et la radiothérapie mais le taux de récidive est élevé et le pronostic à long terme est réservé.

Figure 10-10
Lymphome intraoculaire. A. Photographie couleur du fond d'œil montrant les infiltrats au niveau de l'EP. B. Préparation cytologique de cellules vitréennes révélant de nombreuses cellules atypiques avec de grands noyaux et des nucléoles multiples. Des cellules fantômes (flèches) sont aussi présentes.
(Remerciements au Dr David J. Wilson.)

Le lymphome uvéal est quant à lui plus indolent et associé à un lymphome systémique jusqu'à un tiers des cas. Les signes cliniques caractéristiques incluent l'épaississement uvéal, qui ressemble souvent à un tableau de « pseudo-birdshot » avec ou sans décollement séreux rétinien. L'atteinte épisclérale antérieure peut se manifester par une infiltration saumonée de la conjonctive. L'atteinte épisclérale postérieure se présente comme une masse juxtasclérale en échographie. La biopsie des tissus atteints permet de confirmer le diagnostic. L'évaluation à la recherche d'atteintes systémiques inclut la réalisation d'un scanner thoraco-abomino-pelvien ou d'une tomographie par émission de positons.

Chan CC, Sen HN. Current concepts in diagnosing and managing primary vitreoretinal (intraocular) lymphoma. Discov Med. 2013 ; 15(81) : 93–100.

Infections rétiniennes et choroïdiennes inflammatoires

Les sections suivantes apportent des descriptions brèves de maladies infectieuses sélectionnées qui peuvent entraîner une inflammation rétinienne et choroïdienne.

Rétinite à cytomégalovirus

La rétinite à cytomégalovirus (CMV) est la plus fréquente des infections opportunistes chez les patients au stade sida et survient quand le taux de CD4 est inférieur à 50/μl. Les patients ayant une rétinite à CMV se plaignent classiquement de myodésopsies ou d'une baisse de l'acuité visuelle. Cliniquement, la rétinite à CMV a une présentation caractéristique consistant en une opacification de la rétine nécrosée, typiquement le long des vaisseaux rétiniens et souvent dans des zones avec hémorragies (fig. 10-11). Les périphlébites voire une angéite givrée peuvent être des signes importants. Le degré d'inflammation du vitré est très variable. Une rétinite à CMV, à la phase précoce, peut être confondue avec les nodules cotonneux de la rétinopathie liée au VIH. Bien que le diagnostic soit souvent fait cliniquement, une analyse en PCR (polymerase chain reaction) des liquides oculaires peut être utile dans certains cas atypiques.

Figure 10-11
Photographie couleur du fond d'œil montrant la distribution périvasculaire d'une rétinite à CMV.
(Remerciements au Dr Mark W. Johnson.)

La rétinite à CMV peut être traitée par ganciclovir ou par foscarnet, administré par voie systémique ou intravitréenne. Un traitement d'induction à forte dose est administré pendant 2 à 3 semaines, puis un traitement d'entretien est poursuivi jusqu'à la reconstitution de l'immunité résultant de la restauration de l'immunité cellulaire T anti-CMV (habituellement lorsque le taux de CD4 est supérieur à 200/μl). L'uvéite de reconstitution immunitaire et ses complications, notamment l'OMC et la formation d'une membrane épirétinienne, surviennent chez environ 20 % des patients VIH + après la reconstitution immunitaire. Jusqu'à 50 % des yeux ayant une rétinite à CMV développent finalement un décollement de rétine rhegmatogène.

La rétinite à CMV peut survenir en l'absence d'infection par le VIH. Cependant, ce scénario n'est pas fréquent, et il est presque toujours associé à une immunodépression relative, survenant par exemple après un traitement par corticoïdes systémiques ou immunosuppresseurs, ou après une chimiothérapie ; secondaire à un cancer ou à un déficit immunitaire non lié au VIH (par exemple syndrome de Good) ; soit secondaire à un âge avancé.

Takakura A, Tessler HH, Goldstein DA, et al. Viral retinitis following intraocular or periocular corticosteroid administration : a case series and comprehensive review of the literature. Ocul Immunol Inflamm. 2014 ; 22(3) : 175–182.

Rétinite herpétique nécrosante (CMV exclu)

Le virus varicelle-zona (VZV) et l'herpès simplex virus (HSV) peuvent tous deux causer une rétinite nécrosante chez des patients immunodéprimés ou non. Contrairement au CMV, ces infections peuvent progresser rapidement et doivent être traitées de façon agressive. Deux syndromes cliniques distincts ont été décrits : 1) le syndrome de nécrose rétinienne aiguë (acute retinal necrosis [ARN]) et 2) le syndrome de nécrose rétinienne progressive (progressive outer retinal necrosis [PORN]). Le syndrome ARN, lorsqu'il survient, ne requiert pas qu'un patient soit sévèrement immunodéprimé. Les signes caractéristiques incluent la présence d'un ou typiquement de plusieurs foyers de rétinite, qui surviennent en périphérie et sont souvent associés à une vascularite occlusive rétinienne et une inflammation modérée ou sévère de la chambre antérieure ou du vitré (fig. 10-12). L'ARN tend à survenir chez des patients âgés lorsque l'immunité contre le VZV diminue, alors que la rétinite à HSV affecte typiquement les patients plus jeunes, certains d'entre eux ayant un antécédent d'encéphalite herpétique.

Figure 10-12
Rétinite nécrosante périphérique herpétique ( acute retinal necrosis [ARN]). Photographie couleur d'un montage du fond d'œil montrant des hémorragies intrarétiniennes ainsi qu'une opacification complète de la rétine.
(Remerciements au Dr Mark W. Johnson et à Richard Hackel, CRA. Source : Aizman A, Johnson MW, Elner SG. Treatment of acute retinal necrosis syndrome with oral antiviral medications. Ophthalmology. 2007 ; 114(2) : 307–312. Reproduction autorisée.)

Le PORN survient chez des patients qui sont gravement immunodéprimés, souvent suite au sida, et se manifeste par une nécrose rétinienne multifocale rapidement progressive, avec peu ou pas d'inflammation de la chambre antérieure ou du vitré. L'atteinte initiale de la rétine périphérique est la plus fréquente (fig. 10-13), bien que la macula puisse aussi être atteinte au diagnostic. En fait, bien que l'inflammation des yeux de rétinite nécrosante herpétique puisse diminuer chez les patients immunodéprimés, la rétinite nécrosante à VZV ou HSV peut toucher initialement n'importe quelle portion de la rétine, indépendamment du statut immun.

Figure 10-13
Rétinite nécrosante progressive (PORN). Photographie couleur en supérotemporal du fond d'œil montrant de nombreuses lésions blanches, rondes, peu confluentes au niveau du pôle postérieur, ce qui est caractéristique de cette maladie. Les lésions semblent toucher la rétine externe. Au niveau des zones non visibles du fond d'œil, des lésions similaires sont présentes au niveau de la rétine en moyenne périphérie et confluent à la partie la plus antérieure.
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)

Les examens complémentaires doivent inclure une sérologie syphilitique de même qu'une analyse des liquides intraoculaires par PCR à la recherche d'ADN de VZV, HSV, CMV et Toxoplasma gondii. Puisque l'ARN et le PORN progressent rapidement, le traitement doit être commencé immédiatement dès la suspicion diagnostique. Certains spécialistes initient le traitement par des injections intraoculaires de ganciclovir ou foscarnet, surtout si la macula ou le nerf optique sont menacés. Une dose forte d'antiviraux, soit de l'aciclovir intraveineux, soit du valaciclovir per os pour une durée minimale de 7 jours, doit être administrée. Par la suite, les patients immunocompétents doivent être traités par voie orale pendant 3 à 4 mois et les patients au stade sida doivent être traités au moins jusqu'à ce que le taux de CD4 soit supérieur à 200/μl ou peut-être indéfiniment (tableau 10-1). Une fois le traitement antiviral initié, les corticoïdes par voie systémique peuvent être utilisés avec prudence et poursuivis pendant 3 à 6 semaines.

Tableau 10-1
Options thérapeutiques pour les rétinites herpétiques causées par le cytomégalovirus (CMV), le virus varicelle-zona (VZV) ou l'herpès simplex virus (HSV)
Traitements par voie intraoculaire
CMV, VZV, HSV
Ganciclovir, 2 mg Foscarnet, 1,2–2,4 mg
Ganciclovir, implant intraoculaire (traitement à long terme *)
Traitements par voie systémique
Médicament Induction/forte dose Entretien
CMV Ganciclovir ** 5 mg/kg, intraveineux, toutes les 12 heures pendant 2 semaines Valganciclovir, 900 mg, une fois ou deux fois par jour
ou
Ganciclovir, implant intraoculaire *
Foscarnet ** 90 mg/kg, intraveineux, toutes
les 12 heures pendant 2 semaines
VZV/HSV Aciclovir ** 15 mg/kg/jour, intraveineux, en 3 doses 800 mg, per os, 5 fois par jour
Valacyclovir **
Prednisone (optionnel)
2 g, per os, 3 fois par jour 1 g, per os, 3 fois par jour
0,5 mg/kg/jour pour 3–6 semaines
*NdT

* Difficile à obtenir depuis l'utilisation des traitements antirétroviraux intensifs.

** Doses standard pour l'adulte. Surveillance rénale requise, car il existe une toxicité rénale.

Surveillance de la numération-formule sanguine car il existe une toxicité hématologique.

Après avoir initié un traitement antiviral.

Wong RW, Jumper JM, McDonald HR, et al. Emerging concepts in the management of acute retinal necrosis. Br J Ophthalmol. 2013 ; 97(5) : 545–552.

Endophtalmie endogène bactérienne

Une endophtalmie endogène bactérienne résulte d'une contamination endogène de l'œil, typiquement durant une bactériémie transitoire. Bien que la baisse de la vision et la douleur oculaire soient des symptômes fréquents, de nombreux patients n'ont aucun symptôme. Une grande variété de bactéries est responsable d'endophtalmie endogène bactérienne. En Amérique du Nord, 40 % des cas surviennent chez des patients avec endocardite, classiquement secondaire à un staphylocoque ou à un streptocoque. En revanche, 60 % des cas d'endophtalmie endogène en Asie surviennent chez des patients présentant un abcès hépatique à Klebsiella pneumoniae. Environ un tiers des cas surviennent chez des patients ayant une infection du tractus urinaire, causée le plus souvent par Escherichia coli. Les autres cas peuvent être associés à l'utilisation de drogues par voie intraveineuse ou toute autre procédure connue pour induire une bactériémie, notamment les sondes à demeure.

La présentation clinique peut varier et dépend de la taille de l'inoculum ainsi que de la virulence du micro-organisme ; cela va d'une choriorétinite focale (fig. 10-14) avec peu d'inflammation vitréenne jusqu'à une panophtalmie dense qui ne permet pas d'accéder au segment postérieur. Le patient doit subir une évaluation systémique à la recherche d'une porte d'entrée infectieuse et doit être traité par antibiothérapie systémique. De plus, une injection vitréenne d'antibiotiques ciblant la bactérie peut être préconisée.

Figure 10-14
Photographie couleur d'une endophtalmie endogène bactérienne.
(Remerciements au Dr Janet L. Davis.)

Binder MI, Chua J, Kaiser PK, Procop GW, Isada CM. Endogenous endophthalmitis : an 18-year review of culture-positive cases at a tertiary care center. Medicine (Baltimore). 2003 ; 82(2) : 97–105.

Durand ML. Endophthalmitis. Clin Microbiol Infect. 2013 ; 19(3) : 227–234.

Endophtalmie fongique

Une endophtalmie d'origine fongique peut être soit endogène, soit exogène. Une endophtalmie fongique exogène est rare en Amérique du Nord et en Europe. En revanche, dans les régions tropicales comme en Inde, les champignons représentent jusqu'à un cinquième des cultures positives après chirurgie ou traumatisme. Une endophtalmie fongique endogène est rare et survient typiquement soit chez les patients immunodéprimés sévères lors d'une fongémie persistante, soit chez les toxicomanes (sains) par voie intraveineuse après fongémie transitoire. La présentation clinique est souvent subaiguë et le diagnostic est fréquemment retardé de quelques semaines. Aspergillus (fig. 10-15) et Fusarium sont les champignons les plus fréquemment retrouvés. Une kératite fongique peut aussi progresser vers l'endophtalmie, surtout quand elle est causée par Fusarium. Le traitement est fréquemment difficile et comprend la vitrectomie, l'injection intravitréenne d'amphotéricine B et/ou de voriconazole ainsi qu'un traitement systémique antifongique. Deux tiers des patients avec endophtalmie fongique perdent leur vision utile.

Figure 10-15
Photographie couleur d'une endophtalmie causée par un champignon du genre Aspergillus. A. Il existe une hyalite modérée, une lésion maculaire choriorétinienne cicatricielle diffuse accompagnée d'un pseudo-hypopion sous-rétinien et sous-hyaloïdien, d'hémorragies rétiniennes et d'une papillite. B. Même œil 2 mois après traitement. Il existe une cicatrice maculaire avec préservation des vaisseaux rétiniens sus-jacents et une pâleur de la papille optique. L'acuité visuelle finale est de 1/20.
(Source : Weishaar PD, Flynn HW Jr, Murray TG, et al. Endogenous Aspergillus endophthalmitis. Clinical features and treatment outcomes. Ophthalmology. 1998 ; 105(1) : 60.)

Rao NA, Hidayat AA. Endogenous mycotic endophthalmitis : variations in clinical and histopathologic changes in candidiasis compared with aspergillosis. Am J Ophthalmol. 2001 ; 132(2) : 244–251.

Wykoff CC, Flynn HW Jr, Miller D, Scott IU, Alfonso EC. Exogenous fungal endophthalmitis : microbiology and clinical outcomes. Ophthalmology. 2008 ; 115(9) : 1501–1507.

Endophtalmie à levure (Candida)

L'endophtalmie endogène à levure fait suite à une infection causée par une levure du genre Candida. Les patients affectés ont fréquemment soit une sonde à demeure, soit une antibiothérapie au long cours, soit un traitement immunosuppresseur. De nombreux patients ont aussi des antécédents de suralimentation, de chirurgie abdominale récente ou de diabète. L'inflammation intraoculaire initiale est classiquement minime à modérée, et les lésions jaunâtres choroïdiennes ou choriorétiniennes peuvent être uniques ou multiples (fig. 10-16). Les infiltrats sous-rétiniens peuvent confluer en un nodule blanc en forme de champignon qui se projette à travers la rétine jusqu'au vitré. Une endophtalmie exogène à Candida est rare.

Figure 10-16
Endophtalmie endogène à levure (Candida). A. Photographie couleur du fond d'œil montrant des infiltrats vitréens en forme de collier de perles. B. Photographie couleur d'un fond d'œil d'endophtalmie avant traitement. C. Photographie couleur du fond d'œil d'une endophtalmie endogène guérie après traitement par vitrectomie et injection intravitréenne d'amphotéricine B.
(Remerciements au Dr Harry W. Flynn, Jr.)

Le diagnostic d'endophtalmie à Candida est généralement réalisé en fonction des antécédents, des signes cliniques et notamment de l'aspect caractéristique du fond d'œil. Les cultures d'échantillon intraoculaire sont plus rentables après une vitrectomie à la pars plana plutôt qu'un simple prélèvement vitréen. Après réalisation d'une vitrectomie complète, une injection intravitréenne d'amphotéricine B ou de voriconazole est réalisée.

L'ophtalmologiste doit adresser son patient en consultation de maladies infectieuses à la recherche d'atteinte systémique ainsi que pour l'évaluation du planning thérapeutique. Si la macula n'est pas touchée, le pronostic visuel après traitement est généralement bon. Les lésions choriorétiniennes focales sont traitées avec succès uniquement à l'aide d'un traitement systémique. Le voriconazole et le fluconazole par voie intraveineuse pénètrent bien dans l'œil et ont été utilisés pour traiter les lésions focales.

Oude Lashof AM, Rothova A, Sobel JD, et al. Ocular manifestations of candidemia. Clin Infect Dis. 2011 ; 53(3) : 262–268.

Tuberculose

Même si un tiers de la population mondiale a été exposée à Mycobacterium tuberculosis, une uvéite active à M. tuberculosis est rare, même en zones d'endémie. Les signes cliniques classiques incluent une choroïdite unique (fig. 10-17) ou multifocale, une choriorétinite pseudoserpigineuse et une pseudomaladie d'Eales (uvéite associée à une non-perfusion périphérique). Les patients suspects d'avoir une uvéite tuberculeuse doivent avoir des examens à la recherche d'une exposition antérieure à M. tuberculosis, incluant une radiographie des poumons et soit une intradermoréaction à la tuberculine (IDR), soit un test au Quantiferon®.

Figure 10-17
Tuberculose oculaire. Photographie couleur du fond d'œil montrant un granulome choroïdien en supérotemporal de la papille.
(Remerciements au Dr Janet L. Davis.)

Une fois que le diagnostic de tuberculose est soit confirmé, soit fortement suggéré, le patient devrait être traité comme s'il s'agissait d'une tuberculose extrapulmonaire, ce qui est recommandé par les US Centers for Disease Control and Prevention ou par l'Organisation mondiale de la santé.

Abouammoh M, Abu El-Asrar AM. Imaging in the diagnosis and management of ocular tuberculosis. Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 97–112.

Gupta A, Bansal R, Gupta V, Sharma A, Bambery P. Ocular signs predictive of tubercular uveitis. Am J Ophthalmol. 2010 ; 149(4) : 562–570.

Choriorétinite syphilitique

L'uvéite est souvent le mode de révélation d'une syphilis oculaire, mais celle-ci peut survenir à n'importe quel stade de l'infection. L'uvéite syphilitique est confirmée par des tests sérologiques à la fois sensibles et spécifiques comme le FTA-abs (fluorescent treponemal antibody absorption) et par un test non spécifique comme le VDRL ou le RPR (rapid plasma reagin), qui sont complémentaires. Les patients qui ont une uvéite d'origine syphilitique devraient avoir aussi un titrage des anticorps anti-tréponèmes au niveau du liquide céphalorachidien au moment du diagnostic et à la fin du traitement pour attester d'une réponse complète.

De nombreux patients avec uvéite syphilitique se présentent avec une panuvéite assez banale, justifiant la recherche systématique d'une syphilis devant toute uvéite chez l'adulte. Les signes classiques spécifiques incluent une inflammation oculaire hypertensive, une roséole irienne et une rétinochoroïdite (fig. 10-18). La rétinochoroïdite est souvent diaphane (apparaissant moins opaque qu'une rétinite nécrosante herpétique ou secondaire à une toxoplasmose) et est accompagnée par une accumulation d'infiltrats inflammatoires nommés précipités rétiniens. Une forme distincte de rétinite syphilitique est nommée choriorétinite syphilitique aiguë placoïde postérieure, caractérisée par la présence d'une lésion placoïde, ronde ou ovale, jaunâtre qui touche la macula ou très proche de la macula. La co-infection par le VIH est fréquente. Les patients ayant une uvéite syphilitique devraient être traités comme pour une neurosyphilis.

Figure 10-18
Rétinochoroïdite syphilitique. A. Photographie couleur du fond d'œil montrant une lésion placoïde jaune touchant la macula. B. Phase précoce de l'angiographie à la fluorescéine montrant une hypofluorescence. C. Phase tardive de l'angiographie montrant une hyperfluorescence diffuse.
(Remerciements au Dr J. Donald M. Gass.)

Cunningham ET Jr, Eandi CM, Pichi F. Syphilitic uveitis. Ocul Immunol Inflamm. 2014 ; 22(1) : 2–3.

Maladie des griffes du chat

La maladie des griffes du chat est associée à deux syndromes oculaires : 1) le syndrome oculoglandulaire de Parinaud, qui correspond à une inflammation conjonctivale avec adénopathie prétragienne ; 2) la neurorétinite stellaire de Leber qui inclut la formation d'une étoile maculaire et d'un œdème papillaire souvent associés à un décollement séreux maculaire péripapillaire (fig. 10-19). Des petites zones de rétinite focale ou de choriorétinite surviennent fréquemment chez les patients avec neurorétinite. Les adultes immunocompétents ayant une maladie des griffes du chat sont traités par la doxycycline 100 mg deux fois par jour pendant 4 à 6 semaines. L'érythromycine par voie orale peut être utilisée chez l'enfant. Un traitement prolongé par doxycycline et rifampicine peut être utilisé chez les adultes immunodéprimés ou chez les patients avec infection persistante.

Figure 10-19
Photographie couleur du fond d'œil d'une neurorétinite secondaire à la maladie des griffes du chat (Bartonella henselae) montrant l'œdème papillaire et l'étoile maculaire.
(Remerciements au Dr George Alexandrakis.)

McClintic J, Srivastava SK. Imaging in the diagnosis and management of ocular cat scratch disease. Int Ophthalmol Clin. 2012 ; 52(4) : 155–161.

Roe RH, Jumper JM, Fu AD, Johnson RN, McDonald HR, Cunningham ET Jr. Ocular bartonella infections. Int Ophthalmol Clin. 2008 ; 48(3) : 93–105.

Rétinochoroïdite toxoplasmique

La rétinochoroïdite toxoplasmique est la cause la plus fréquente d'infection du segment postérieur dans le monde entier. L'organisme responsable, Toxoplasma gondii, est un parasite intracellulaire protozoaire. La séropositivité pour T. gondii est très fréquente et par conséquent ne confirme pas l'origine toxoplasmique d'une uvéite. L'atteinte congénitale survient lors de l'acquisition du micro-organisme par une femme enceinte exposée aux kystes ou aux oocystes d'une viande mal cuite ou de substances contaminées par les fèces du chat (voir aussi la Section 6 du BCSC, Pediatric Ophthalmology and Strabismus, chapitre 28). Le signe évocateur d'une toxoplasmose congénitale est l'existence d'une cicatrice choriorétinienne, habituellement au niveau maculaire et souvent bilatérale. La plupart des cas de toxoplasmose sont présumés acquis en postnatal, bien que cela soit difficile à prouver. Une sérologie positive en immunoglobuline M (IgM) anti-T. gondii renforce le diagnostic de maladie acquise.

Une baisse de vision et des myodésopsies sont les symptômes initiaux les plus fréquents de rétinochoroïdite toxoplasmique. Cliniquement, la maladie se présente comme une zone focale intense de nécrose rétinochoroïdienne, accompagnée d'une inflammation vitréenne sus-jacente (fig. 10-20). Une maladie récurrente est suggérée par un nouveau foyer adjacent à une cicatrice rétinochoroïdienne. Des lésions multiples actives sont rares et doivent faire réaliser une sérologie VIH. Les patients VIH+ avec atteinte oculaire d'une toxoplasmose ont un haut risque d'atteinte du SNC et doivent réaliser une IRM cérébrale avec injection de produit de contraste.

Figure 10-20
Rétinochoroïdite toxoplasmique. A. Photographie couleur du fond d'œil de la rétine nasale montrant une zone ovoïde d'opacification rétinienne avec une cicatrice pigmentée à la partie inférotemporale de la lésion, qui témoigne d'une rétinochoroïdite toxoplasmique récidivante. B. Montage d'une rétinophotographie couleur montrant une rétinochoroïdite toxoplasmique primitive chez un patient immunocompétent, avec une réaction vitréenne minime et la rétine superficielle semble très peu affectée. C. Photographie couleur du fond d'œil montrant une rétinochoroïdite toxoplasmique péripapillaire active et une cicatrice rétinochoroïdienne inactive adjacente. Un œdème papillaire et un décollement séreux rétinien péripapillaire sont aussi présents.
(Parties A et B, remerciements au Dr Colin A. McCannel ; partie C, remerciements au Dr Nancy M. Holekamp.)

Plusieurs approches sont admises pour traiter une toxoplasmose oculaire active. L'approche la plus simple est l'utilisation de sulfaméthoxazole-triméthoprime. Le traitement classique utilise la sulfadiazine avec la pyriméthamine et la prednisone ; l'ajout de clindamycine résulte d'une quadruple thérapie. Aucune de ces approches n'a montré de supériorité sur une autre au regard de l'acuité visuelle finale, de la taille des lésions ou du taux de récidives. Le traitement dure classiquement 4 à 6 semaines et la guérison complète des lésions actives survient dans les 4 à 6 mois. Quand ils sont utilisés, les corticoïdes par voie systémique doivent être donnés sous couverture antibiotique. L'utilisation de corticoïdes retard par voie périoculaire ou intraoculaire devrait être évitée. Un traitement d'entretien au long cours par sulfaméthoxazole-triméthoprime a été utilisé pour diminuer le risque de récidive chez les patients ayant des récurrences fréquentes ou chez les patients sévèrement immunodéprimés. Une injection intravitréenne de clindamycine avec ou sans dexaméthasone a été utilisée pour traiter les lésions menaçant la macula pour des patients intolérants au traitement per os ou qui ne répondent pas au traitement classique.

Holland GN. Ocular toxoplasmosis : a global reassessment. Part I : epidemiology and course of disease. Am J Ophthalmol. 2003 ; 136(6) : 973–988.

Holland GN. Ocular toxoplasmosis : a global reassessment. Part II : disease manifestations and management. Am J Ophthalmol. 2004 ; 137(1) : 1–17.

Toxocarose

La toxocarose est une infection parasitaire causée par l'un des deux vers ronds : Toxocara canis ou Toxacara cati, parasites intestinaux commensaux des chiens et des chats respectivement. Les humains sont infectés suite à l'ingestion de terre ou de légumes contaminés par l'œuf. Bien que l'atteinte oculaire de la toxocarose fasse partie d'une infection systémique par le nématode, les manifestations systémiques comme la larva migrans, la fièvre et l'hyperéosinophilie sont relativement rares. Les enfants et les jeunes adultes sont préférentiellement atteints. Les symptômes classiques comprennent la baisse d'acuité visuelle et les myodésopsies. L'atteinte est unilatérale dans la plupart des cas et se présente de l'une des façons suivantes : 1) un granulome périphérique qui souvent se complique d'une bride tractionnelle s'étendant vers la macula (fig. 10-21) et qui parfois peut mimer une uvéite intermédiaire unilatérale avec banquise ; 2) un granulome du pôle postérieur qui peut faire diminuer l'acuité visuelle de façon spectaculaire lorsque le centre de la macula est atteint ; ou 3) une panuvéite modérée à sévère qui peut mimer une endophtalmie endogène. Un test ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay), bien que peu sensible, réalisé au niveau du sérum ou au niveau des liquides intraoculaires peut aider à établir le diagnostic dans ces cas difficiles. L'inflammation du vitré, l'OMC et le décollement de rétine tractionnel sont les causes les plus fréquentes de baisse d'acuité visuelle. La plupart des spécialistes pensent que l'uvéite secondaire à la toxocarose représente une réponse immunitaire aux antigènes relargués par le vers mort ou en train de mourir. Ainsi, le traitement comprend les corticoïdes par voie locale ou systémique et le traitement anti-helminthique n'a pas ou peu d'effet.

Figure 10-21
Photographie couleur du fond d'œil d'un garçon de 6 ans présentant une baisse d'acuité et une distorsion visuelles. Cette image montre un kyste périphérique de toxocarose associé à la fibrose. Cette réaction fibreuse a pour conséquence une traction considérable ; la macula est étirée vers le bas et déformée.
(Remerciements au Dr Colin A. McCannel.)

Arevalo JF, Espinoza JV, Arevalo FA. Ocular toxocariasis. J Pediatr Ophthalmol Strabismus. 2013 ; 50(2) : 76–86.

Stewart JM, Cubillan LD, Cunningham ET Jr. Prevalence, clinical features, and causes of vision loss among patients with ocular toxocariasis. Retina. 2005 ; 25(8) : 1005–1013.

Woodhall D, Starr MC, Montgomery SP, et al. Ocular toxocariasis : epidemiologic, anatomic, and therapeutic variations based on a survey of ophthalmic subspecialists. Ophthalmology. 2012 ; 119(6) : 1211–1217.

Maladie de Lyme

La maladie de Lyme est causée par la spirochète Borrelia burgdorferi, qui est transmise aux humains par les tiques de réservoirs animaux : rats principalement, cerf, oiseaux, chats et chiens. Les manifestations systémiques précoces incluent les myalgies, les arthralgies, la fièvre, les céphalées, le malaise et une lésion cutanée caractéristique connue sous le nom d'érythème migrant ou en forme de cocarde, qui est constituée d'un anneau érythémateux entourant un centre plus clair. Aux stades tardifs, quand les manifestations neurologiques ou musculosquelettiques apparaissent, l'inflammation oculaire peut se développer mais est rare. Les atteintes oculaires de la maladie de Lyme incluent la kératite, la sclérite et l'uvéite, qui peut elle-même inclure une inflammation de chambre antérieure ou du vitré, une vascularite rétinienne, une papillite, ou une neuropathie optique. Une uvéite chronique chez des patients qui résident ou qui ont voyagé dans des zones d'endémie ou qui ont eu une morsure récente de tiques, ou qui ont eu une lésion cutanée ressemblant à un érythème migrans doit faire suggérer la possibilité d'une maladie de Lyme. La sérologie initiale est réalisée en utilisant un test ELISA. Si le résultat du test ELISA est positif ou équivoque, il convient donc de séparer au cours d'un immunoblot les IgM des IgG dans le sérum. Parce que le test ELISA et le Western blot ont une sensibilité limitée dans les zones d'endémie, les résultats positifs doivent être interprétés prudemment. Le traitement au stade débutant comprend les tétracyclines, la doxycycline ou la pénicilline. Un stade tardif peut nécessiter un traitement intraveineux par ceftriaxone ou pénicilline.

Karma A, Seppälä I, Mikkilä H, Kaakkola S, Viljanen M, Tarkkanen A. Diagnosis and clinical characteristics of ocular Lyme borreliosis. Am J Ophthalmol. 1995 ; 119(2) : 127–135.

Mikkilä HO, Seppälä IJ, Viljanen MK, Peltomaa MP, Karma A. The expanding clinical spectrum of ocular lyme borreliosis. Ophthalmology. 2000 ; 107(3) : 581–587.

Neurorétinite subaiguë unilatérale diffuse

La neurorétinite subaiguë unilatérale diffuse ou diffuse unilateral subacute neuroretinitis (DUSN) est une maladie rare qui survient chez des jeunes patients, sains par ailleurs, et causée par la présence d'un nématode sous-rétinien mobile. Un diagnostic et un traitement rapides peuvent aider à prévenir une baisse de vision qui peut être sévère. Les signes cliniques du DUSN peuvent être divisés en fonction du stade de la maladie. À la phase aiguë, les patients ont fréquemment une baisse d'acuité visuelle, une hyalite, une papillite, quelques lésions grisâtres ou jaunâtres de la rétine externe et de la choroïde. La répartition de ces lésions est importante puisqu'elle aide à localiser la présence du vers. Le degré de perte de vision est souvent plus important que celui attendu au vu de l'examen clinique. En l'absence de traitement, des séquelles tardives ultimes se développent et incluent une atrophie optique, un rétrécissement des artères rétiniennes et la rupture diffuse de l'EP responsables d'une baisse d'acuité sévère. Les changements tardifs peuvent être confondus avec une rétinite pigmentaire unilatérale.

Les nématodes impliqués dans le DUSN doivent être encore précisés, bien que les vers suivants aient tous été impliqués : Toxocara sp., Baylisascaris procyonis et Ancylostoma caninum. L'exposition aux ratons laveurs est fréquente en Amérique du Nord. Les lésions caractéristiques sont supposées être la conséquence d'une migration d'un vers unique à travers l'espace sous-rétinien. Si le nématode peut être observé, ce qui arrive dans moins de la moitié des cas, il doit être détruit grâce à une photocoagulation laser. Une fois le vers tué, la vision se stabilise généralement.

de Amorim Garcia Filho CA, Gomes AH, de A Garcia Soares AC, de Amorim Garcia CA. Clinical features of 121 patients with diffuse unilateral subacute neuroretinitis. Am J Ophthalmol. 2012 ; 153(4) : 743–749.

Choriorétinite secondaire au virus West Nile

L'infection par le virus West Nile (WNV) est transmise aux humains par un moustique infecté du genre Culex, les oiseaux servant de réservoir primaire. L'infection humaine est souvent asymptomatique, bien qu'un pic fébrile survienne dans 20 % des cas. Les manifestations oculaires surviennent chez des patients diabétiques sévères avec encéphalite. Une choriorétinite multifocale bilatérale incluant des lésions distribuées selon une orientation curviligne qui suit les fibres optiques est très fréquente (fig. 10-22). La vision reste bonne tant que les lésions ne touchent pas le centre de la macula.

Figure 10-22
Choriorétinite au virus West Nile. Montage d'une angiographie à la fluorescéine montrant des lésions perforées se distribuant au niveau de stries confluentes dans certaines zones. Des altérations causées par une rétinopathie diabétique non proliférante sont aussi visibles ; la choriorétinite du virus West Nile survient typiquement chez les patients diabétiques.
(Remerciements au Dr Robert Beardsley et au Dr Colin A. McCannel.)

  • Khairallah M, Kahloun R. Ocular manifestations of emerging infectious diseases. Curr Opin Ophthalmol 2013 ; 24(6) : 574–80.