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CHAPITRE 20
Néovaisseaux choroïdiens myopiques

N. LEVEZIEL,

E.H. SOUIED

Introduction
Selon les études, la myopie pathologique, définie par une augmentation progressive de la longueur axiale associée à des modifications dégénératives du pôle postérieur (amincissement choroïdien, staphylome, rupture de la membrane de Bruch et néovaisseaux), représente la deuxième à la cinquième cause de cécité dans la population caucasienne, et souvent la première cause de cécité en Asie [ 1 ]. Les néovaisseaux choroïdiens myopiques compliquent en général l'évolution d'une myopie pathologique, mais peuvent également survenir en cas de myopie modérée. Leur physiopathologie reste encore mal élucidée et les données d'incidence en population générale sont encore mal connues.
Les néovaisseaux myopiques apparaissent chez environ 5 à II % des patients ayant une myopie pathologique, mais du fait de l'âge d'apparition relativement précoce, celle-ci a un retentissement important sur l'activité professionnelle [ 2 , 3 ].
Les principales avancées dans le domaine concernent le développement de l'imagerie, qui permet sans doute de poser plus précocement le diagnostic, ainsi que l'avènement des anti-VEGF ( vascular endothelial growth factor ) qui a transformé le pronostic global des patients ayant des néovaisseaux myopiques.
Les néovaisseaux myopiques, le plus souvent des néovaisseaux de type 2, surviennent généralement dans le cadre d'une myopie pathologique ( fig. 20-1
Fig. 20-1
Néovaisseaux choroïdiens dits de type 2.Ceux-ci se développent, à partir de la choriocapillaire, entre la rétine neurosensorielle et l'épithélium pigmentaire.
). Ils sont en général de petite taille, se développant à partir de la choriocapillaire, entre l'épithélium pigmentaire et les photorécepteurs.
Le plus souvent de localisation rétrofovéale, ces néovaisseaux peuvent aussi se développer en juxta- ou extrafovéal, et passer alors inaperçus, découverts de façon fortuite lors d'un examen du fond d'œil.
Diagnostic
L'apparition de néovaisseaux myopiques entraîne souvent une baisse visuelle touchant fréquemment la vision de près, parfois associée à des métamorphopsies et à un scotome.
À l'examen du fond d'œil, la lésion néovasculaire est souvent de coloration grisâtre, entourée d'une bordure plus pigmentée. Les hémorragies rétiniennes, observées dans environ 50 % des cas, sont souvent discrètes et les exsudats rarement présents (3 % des cas) ( fig. 20-2
Fig. 20-2
Clichés couleur de deux néovaisseaux myopiques.a. Néovaisseaux de petite taille, se développant en bordure d'une lésion atrophique, associés à une hémorragie rétinienne. b. Néovaisseaux de plus grande taille, brunâtres, déjà partiellement fibrosés, associés à une hémorragie rétinienne, dans un contexte d'atrophie diffuse.
) [ 4 ].
ANGIOGRAPHIE À LA FLUORESCÉINE
Cet examen pourra être réalisé après avoir exclu les éventuelles contre-indications allergiques ou après prémédication du patient en cas de prise de bêta-bloquants, et après recueil d'un consentement signé.
L'angiographie met en évidence le lacis néovasculaire qui s'imprègne dès la phase précoce, parfois modérément, puis diffuse au temps tardif. Outre la taille de la composante visible, l'angiographie à la fluorescéine renseigne sur le caractère actif, exsudatif de la lésion néovasculaire et sa localisation par rapport à la fovéa, parfois difficile à identifier lors de cet examen, du fait de l'amincissement rétinien et de la raréfaction du pigment xanthophylle. L'angiographie montre aussi des lésions atrophiques, souvent associées. La diffusion en angiographie à la fluorescéine pourra constituer un argument de traitement, même en l'absence de signes exsudatifs en OCT [ 5 ] ( fig. 20-3
Fig. 20-3
Patient de 60 ans, myope fort de –12 D, suivi pour une membrane épirétinienne de l'œil gauche.a-d. Coupes de SD-OCT verticales et horizontales réalisées en juillet 2017. On note une épaisseur choroïdienne diminuée dans les deux yeux, une membrane épirétinienne entraînant des plis rétiniens et la présence de logettes en inféromaculaire à gauche (b et d). Compte tenu de l'acuité visuelle préservée à gauche (8/10e), une surveillance était préconisée. e-h. Consultation en janvier 2θ18 pour des métamorphopsies d'apparition récente. Acuité visuelle mesurée à 6/10e à droite et 5/10e à gauche. e, f. Cliché en angiographie à la fluorescéine à 1 minute et 30 secondes. Présence d'une membrane néovasculaire rétrofovéale bilatérale de petite taille, de type visible (néovaisseaux de type 2), entourée initialement d'un halo hypofluorescent au temps précoce (f) et qui diffuse déjà à 1 minute (e). g, h. Coupes verticales en SD-OCT : présence d'une lésion hyper-réflective située en avant de l'épithélium pigmentaire, entraînant un effacement de l'entonnoir fovéolaire et un épaississement maculaire. Présence de signes exsudatifs plus marqués à gauche (h). Noter l'absence d'hémorragie ou d'exsudats.
). En cas de cicatrice néovasculaire, le colorant imprégnera la fibrose qui apparaîtra alors progressivement hyperfluorescente, bien limitée, mais ne présentera pas de caractère de diffusion.
La récidive néovasculaire étant fréquente à partir d'une cicatrice fibrosée, l'angiographie à la fluorescéine permettra de faire la distinction entre la zone de fibrose qui ne diffuse pas et la zone de récidive néovasculaire qui diffuse.
En cas d'hémorragie rétinienne, l'angiographie à la fluorescéine permettra aussi de faire la part entre une rupture de la membrane de Bruch isolée ou compliquée d'une hémorragie rétinienne et des néovaisseaux myopiques compliqués d'une hémorragie rétinienne. L'absence de signes exsudatifs et la continuité du plan de l'épithélium pigmentaire constituent des arguments pour une hémorragie rétinienne isolée compliquant une rupture de la membrane de Bruch. Dans ce cas, il peut aussi exister des métamorphopsies ( fig. 20-4
Fig. 20-4
Cas d'une femme de 25 ans, myope forte, enceinte de 3 mois, consultant pour une baisse brutale de l'acuité visuelle à gauche (2013).a. Cliché en autofluorescence de l'œil gauche lors de la première consultation. Hypo-autofluorescence en rapport avec une hémorragie sous-rétinienne. b. Cliché en SD-OCT montrant l'hyper-réflectivité de l'hémorragie rétinienne entraînant une atténuation du signal en arrière. Noter que le plan de l'épithélium pigmentaire semble bien préservé, et qu'il n'y a pas de phénomènes exsudatifs. c, d. Clichés en autofluorescence et OCT correspondant 3 mois après. Résorption complète de l'hémorragie. e, f. Œil adelphe. Présence d'une cicatrice fibreuse extrafovéale, inféromaculaire en rapport avec des néovaisseaux myopiques anciens, fibrosés, méconnus par la patiente.
).
ANGIOGRAPHIE AU VERT D'INDOCYANINE
Cet examen ne permet pas d'identifier aussi clairement la lésion néovasculaire qu'en angiographie à la fluorescéine, car celle-ci n'apparaît pas toujours comme étant hypercyanescente aux temps précoces, en raison du caractère parfois peu actif de la lésion ( fig. 20-5
Fig. 20-5
Même cas que dans lafigure 20-4,5ans plus tard (2018).La patiente consulte pour une baisse visuelle à 5/10e avec des métamorphopsies de l'œil gauche. a, b. Angiographie à la fluorescéine montrant la présence de deux néovaisseaux myopiques, un de localisation interpapillomaculaire et l'autre rétrofovéolaire, qui diffusent au temps tardif (b). c, d. Angiographie au vert d'indocyanine. Présence d'une rupture de la membrane de Bruch hypocyanescente dès les temps précoces et au temps tardif. Les néovaisseaux apparaissent bien visibles au temps tardif sous la forme d'une lésion hypercyanescente centrée sur la rupture de la membrane de Bruch. e. SD-OCT centré sur les néovaisseaux. Perte de l'entonnoir fovéolaire, lésion néovasculaire apparaissant comme hyper-réflective, localisée en avant de l'épithélium pigmentaire, et présence d'une lame de liquide sous-rétinien. f. Cicatrice persistante rétrofovéale à 6 mois après traitement par anti-VEGF (acuité visuelle 10/10e).
).
Cet examen a néanmoins l'avantage d'identifier plus clairement des lésions atrophiques ou lignes de ruptures de la membrane de Bruch, ces dernières n'étant pas toujours aisément visibles au fond d'œil sur un pôle postérieur remanié et souvent mal visibles en angiographie à la fluorescéine. Aux temps tardifs, les lignes de ruptures de la membrane de Bruch apparaissent bien limitées, linéaires, hypocyanescentes, parfois interconnectées en un réseau. Les plages d'atrophie apparaissent aussi hypocyanescentes.
TOMOGRAPHIE EN COHÉRENCE OPTIQUE (OCT)
L'OCT en mode spectral domain ou swept source est un outil indispensable pour le suivi des patients avec néovaisseaux myopiques [ 6 ]. Il permet d'identifier les néovaisseaux comme une lésion le plus souvent arrondie ou fusiforme, située en avant du plan de l'épithélium pigmentaire, iso- ou hyper-réflective. Celle-ci est souvent mal limitée lorsqu'elle est active, tandis qu'une lésion inactive est bien limitée par une coque hyper-réflective pouvant entraîner une atténuation du signal en arrière [ 7 ].
L'OCT permet de préciser la taille de la lésion, sa localisation par rapport à la fovéa, son caractère exsudatif (œdème, logettes ou liquide sous-rétinien). Les signes exsudatifs peuvent d'ailleurs être limités à la présence de quelques logettes intrarétiniennes.
Cet examen renseigne l'ophtalmologiste sur la présence de lésions associées (plages atrophiques, membrane épirétinienne, rétinoschisis) et fournit également des informations importantes sur l'épaisseur choroïdienne, prédictive d'une potentielle évolution atrophique.
L'OCT permet en outre le suivi de ces lésions sous traitement, ce qui facilite le diagnostic en cas de récidive néovasculaire.
Néanmoins, il n'est pas toujours de réalisation aisée en cas de longueur axiale importante avec présence d'un staphylome myopique. Dans ce contexte, il représente un élément important du diagnostic et du suivi, mais doit être intégré aux autres éléments de l'examen clinique.
AUTOFLUORESCENCE
Cet examen permet surtout d'identifier la présence d'une atrophie choriorétinienne, hypo-autofluorescente, potentiellement associée aux néovaisseaux qui peuvent apparaître eux-mêmes hyper-auto-fluorescents [ 8 ].
OCT-ANGIOGRAPHIE
Ce nouvel outil d'investigation clinique permet de visualiser la vascularisation rétinienne ou choroïdienne de façon précise et non invasive en employant la détection des mouvements par décorrélation de phase ou d'amplitude. Cet examen permet la détection des néovaisseaux myopiques actuellement dans environ 90 % des cas. Néanmoins, la présence d'un staphylome myopique important et les difficultés de fixation de la part du patient peuvent rendre difficile la réalisation de cet examen [ 9–12 ] ( fig. 20-6
Fig. 20-6
Patiente jeune, consultant pour une baisse d'acuité récente de l'œil gauche.a, b. Cliché en angiographie à la fluorescéine avec diffusion du colorant au temps tardif (4 minutes) (a) et hypercyanescence discrète en angiographie au vert d'indocyanine au temps intermédiaire (6 minutes) (b). c. Coupe en SD-OCT montrant la lésion néovasculaire hyper-réflective rétrofovéale entraînant un épaississement rétinien et une déformation de l'entonnoir fovéolaire. d. OCT angiographie montrant un lacis néovasculaire de petite taille, rétrofovéal, bien visible.
).
Formes cliniques
Les néovaisseaux myopiques sont de type 2 ou classiques, prédominants dans environ 90 % des cas. Une composante occulte peut néanmoins s'y associer dans environ 14 % des cas [ 13 ] ( fig. 20-7
Fig. 20-7
Patiente de 70 ans, pseudophaque et myope forte, présentant des métamorphopsies de l'œil droit, avec une acuité visuelle à 9/10e des deux yeux.a-c. Œil droit, cliché en infrarouge (a) montrant un staphylome nasal englobant la papille. Angiographie au vert d'indocyanine (b, c) montrant un lacis néovasculaire au temps précoce (b) sans hypercyanescence évidente au temps tardif. d-f. Œil gauche, cliché en infra rouge (d) montrant un staphylome inférieur englobant la papille dysversée. Angiographie au vert d'indocyanine (e, f) montrant un lacis néovasculaire bien visible au temps précoce (e) avec un réseau néovasculaire étendu, bien visible au temps tardif (f).
et 20-8
Fig. 20-8
Coupes d'OCT centrées sur les lésions, réalisées pendant l'angiographie au vert d'indocyanine.Présence d'un décollement de l'épithélium pigmentaire assez marqué à droite (a) et plus plan à gauche (b). L'OCT-angiographie permet de mettre en évidence le lacis néovasculaire à gauche (c).
).
La taille de la lésion néovasculaire est variable : souvent petite chez le sujet jeune, elle tend à ressembler aux néovaisseaux de type classique de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) chez les sujets plus âgés, alors de plus grande taille et associés à davantage de phénomènes exsudatifs [ 5 , 14 ]. Le pronostic visuel est d'ailleurs moins bon chez les patients plus âgés que chez les sujets jeunes [ 14 ]. Le rattachement de ces néovaisseaux de plus grande taille, plus exsudatifs, à la DMLA ou à la myopie forte est parfois difficile. Néanmoins, l'absence de drusen ou d'altérations pigmentaires classiquement observés dans la DMLA et la présence d'un staphylome permettent de rattacher ces néovaisseaux à la myopie pathologique.
La localisation juxta- ou extrafovéale des lésions néovasculaires n'est pas rare, elle est retrouvée dans environ 20 % des cas (voir fig. 20-1 et 20-2 ) [ 14 ]. En outre, les néovaisseaux myopiques peuvent être de localisation juxtapapillaire en se développant en bordure du conus myopique (dans environ 4 % des cas), progressant vers la fovéa ( fig. 20-9
Fig. 20-9
Cas d'un patient myope fort, monophtalme, âgé de 60 ans, suivi depuis 5 ans. Acuité visuelle de 9/10e.a, b. Présence de néovaisseaux myopiques juxtapapillaires partiellement fibrosés, dont le lacis néovasculaire est bien visible au cours de l'angiographie à la fluorescéine. La réactivation partielle de la lésion néovasculaire (réapparition de logettes) nécessite de fréquentes injections intravitréennes. c. Aspect de l'œil adelphe en cliché multicouleur. d, e. Coupes d'OCT réalisées en 2013 (d) et 2018 (e). (Remerciements au Dr Stanescu.)
) [ 15 ]. Dans le cas d'un développement extrafovéal, une fibrose spontanée des néovaisseaux peut se produire. Néanmoins, l'extension de ces néovaisseaux de localisation extrafovéale se fait souvent en direction de la fovéa.
Évolution spontanée des néovaisseaux myopiques
La baisse visuelle s'accentue rapidement lors de l'apparition des néovaisseaux myopiques. En cas de localisation rétrofovéale, l'acuité visuelle est en général comprise entre 2/10e et 5/10e [ 13 ]. Au stade cicatriciel, l'acuité visuelle se stabilise souvent dans un premier temps, voire s'améliore, du fait d'une disparition des phénomènes exsudatifs. Elle diminue ensuite progressivement avec l'apparition et le développement progressif d'une atrophie périlésionnelle. Une étude menée avant l'ère de la photothérapie dynamique (PDT) et des anti-VEGF a montré que plus de 90 % des patients ayant des néovaisseaux myopiques ont une acuité visuelle inférieure à 1/10e 5 à 10 ans après l'apparition des néovaisseaux [ 16 ]. Cette baisse visuelle progressive est liée au développement, autour des néovaisseaux myopiques fibrosés, souvent hyperpigmentés, d'une lésion atrophique circulaire, l'ensemble constituant ce qu'il est convenu d'appeler une tache de Fuchs.
Dans ce contexte, une diffusion importante des néovaisseaux myopiques visualisée aux temps tardifs de l'angiographie à la fluorescéine est associée à un risque accru de développement d'une lésion cicatricielle fibrovasculaire étendue [ 17 ].
Facteurs de risque
Les principaux facteurs de risque de néovaisseaux myopiques sont l'augmentation de la longueur axiale, la présence d'un staphylome myopique, de ruptures de la membrane de Bruch, de lésions atrophiques, l'amincissement choroïdien et la présence de néovaisseaux dans l'œil controlatéral [ 18–21 ].
À 10 ans, le risque de développement de néovaisseaux myopiques chez des patients présentant une myopie pathologique (avec un équivalent sphérique inférieur ou égal à –8 D) est évalué à environ 10 %. En cas d'atteinte d'un premier œil, le risque d'atteinte de l'œil adelphe s'élève à environ 35 % à 8 ans (versus 6 % en l'absence de néovaisseaux). Sur la même période de suivi, en cas de rupture de la membrane de Bruch, le risque de développement de néovaisseaux myopiques est de 29,4 %, tandis qu'il est de 20 % s'il existe des lésions atrophiques à l'emporte-pièce dans la région maculaire [ 22 ].
Un risque plus élevé d'apparition de néovaisseaux myopiques est possible, mais non clairement démontré, en cas de chirurgie de la cataracte, potentiellement médié par l'inflammation qui en résulte. Néanmoins, une association a été établie entre le risque de développement de néovaisseaux myopiques et la présence de cytokines pro-inflammatoires (MCP-1, IL-8, VEGF) [ 23 ].
Des facteurs de risque génétiques ont par ailleurs été décrits dans quelques études cas-témoins. Un polymorphisme du facteur I du complément (CFI) et du pigment epithelium-derived factor (PEDF) ont ainsi été associés à la présence de néovaisseaux myopiques [ 24 , 25 ].
Diagnostics différentiels
HÉMORRAGIE RÉTINIENNE COMPLIQUANT UNE RUPTURE RÉCENTE DE LA MEMBRANE DE BRUCH
Le patient rapporte les mêmes symptômes : baisse visuelle, métamorphopsies et scotome. L'angiographie à la fluorescéine permet souvent de distinguer les deux ( fig. 20-10
Fig. 20-10
Rupture de la membrane de Bruch chez une jeune femme myope de –10 D.a. Cliché en autofluorescence montrant l'hypo-autofluorescence en rapport avec l'hémorragie rétinienne. b, c. Angiographie à la fluorescéine. Masquage du colorant par l'hémorragie rétinienne. Il n'apparaît pas de phénomène de diffusion pouvant faire suspecter des néovaisseaux. d. Rétinophotographie couleur du fond d'œil. L'hémorragie est à peine visible. e, f. Angiographie au vert d'indocyanine. L'hémorragie apparaît comme une lésion hypocyanescente située à l'extrémité d'une rupture de la membrane de Bruch horizontale, elle-même hypocyanescente au temps tardif.
). L'OCT, si l'hémorragie rétinienne est peu importante, montre la préservation du plan de l'épithélium pigmentaire et une hyper-réflectivité de la partie interne de l'hémorragie associée à un masquage de la réflectivité en arrière. Il n'y a en général pas de phénomène exsudatif visible. L'évolution se fait par une disparition progressive de l'hémorragie en quelques semaines.
NÉOVAISSEAUX CHOROÏDIENS EN RAPPORT AVEC UNE PATHOLOGIE INFLAMMATOIRE
Ces néovaisseaux peuvent compliquer l'évolution d'une choroïdite ponctuée interne [ 26 ] ou d'une choroïdite multifocale, deux entités cliniques intégrées dans le syndrome des taches blanches. Ces deux pathologies inflammatoires se développent souvent chez des femmes jeunes et myopes. La présence de lésions choriorétiniennes jaunâtres ou blanchâtres, mal limitées, multiples, de taille variable (plus petites en cas de choroïdite ponctuée interne) d'apparition récente, souvent présentes en nasal de la papille, évoluant progressivement vers l'atrophie, parfois associées au développement d'une fibrose sous-rétinienne, doit faire évoquer une pathologie inflammatoire associée ( fig. 20-11
Fig. 20-11
Néovaisseaux myopiques bilatéraux dans le cadre d'une probable choroïdite ponctuée interne chez une patiente de 33 ans, myope forte.La symptomatologie récente la mène à consulter pour une baisse visuelle de l'œil droit, en rapport avec des néovaisseaux myopiques apparaissant en bordure d'une plage atrophique, entraînant une hyperfluorescence et une diffusion lors de l'angiographie à la fluorescéine (a). Le cliché angiographique montre à gauche une lésion néovasculaire ancienne n'ayant jamais été traitée, au stade de tache de Fuchs (b). L'origine inflammatoire peut être suspectée sur la présence de multiples lésions atrophiques bilatérales arrondies.
). L'imagerie multimodale permet de visualiser ces lésions au stade inflammatoire. Elles apparaissent alors multiples, hyperfluorescentes, arrondies, mal limitées aux temps tardifs de l'angiographie à la fluorescéine, hypocyanescentes aux temps tardifs de l'angiographie au vert d'indocyanine. Un OCT centré sur les lésions inflammatoires met en évidence un infiltrat des couches externes rétiniennes associé à une surélévation de la couche de l'épithélium pigmentaire, à un épaississement choroïdien et à des points hyper-réflectifs intrachoroïdiens [ 27 ]. L'existence de lésions d'âges différents, actives et atrophiques, permet aussi d'évoquer le diagnostic.
PERSISTANCE DE LIQUIDE SOUS-RÉTINIEN COMPLIQUANT UNE MACULA BOMBÉE ET UNE DYSVERSION PAPILLAIRE
Dans ce contexte, le patient peut consulter avec une baisse de l'acuité visuelle et des métamorphopsies. Le cliché en autofluorescence peut mettre en évidence des coulées hyperautofluorescentes gravitationnelles (également visibles en cas de choroïdite séreuse centrale ou d'épithéliopathie rétinienne diffuse). L'OCT, parfois en association avec l'angiographie à la fluorescéine, permet en général de redresser le diagnostic. La prise en charge de ces patients reste difficile. Une résorption spontanée du liquide sous-rétinien est possible. L'apparition d'une atrophie ou de néovaisseaux choroïdiens peut émailler l'évolution.
Traitement et modalités de surveillance
L'utilisation des anti-VEGF, ranibizumab, bévacizumab ou aflibercept, a révolutionné la prise en charge des néovaisseaux myopiques [ 28 ].
Les autres modalités thérapeutiques (photocoagulation au laser ou PDT à fluorescéine) ont été supplantées. La photocoagulation – potentiellement utile en cas de lésion extrafovéale dans la mesure où la lésion néovasculaire reste à distance de la fovéa (à plus de 1 000 μm) – concerne environ 11 % des cas. Néanmoins, l'élargissement progressif de la cicatrice atrophique rend cette option difficilement acceptable actuellement.
La PDT a également été abandonnée en raison d'un risque important de développement de lésion atrophique chez ces patients ayant par ailleurs une choroïde plus fine. La réponse à cette modalité thérapeutique semblait meilleure pour les patients moins jeunes ayant des lésions juxtafovéales, sans lésion associée (rupture de la membrane de Bruch ou atrophie) [ 29 ].
Depuis l'obtention de leur autorisation de mise sur le marché, le ranibizumab et l'aflibercept sont utilisés en première intention pour traiter des néovaisseaux myopiques actifs. Des recommandations émanant d'un comité d'experts ont par ailleurs été publiées [ 30 ].
Les études évaluant les anti-VEGF utilisent un protocole de traitement adapté à l'activité néovasculaire ( pro re nata [PRN]) d'emblée ou une phase d'induction de trois injections mensuelles suivie d'un traitement en PRN. En cas de néovaisseaux myopiques de petite taille chez un patient jeune, il convient de réaliser une première injection suivie d'un traitement en PRN, fondé sur le suivi des signes exsudatifs en OCT et en angiographie s'il apparaît une discordance entre les symptômes et l'aspect en OCT. En cas de néovaisseaux plus exsudatifs et de plus grande taille – ce qui est souvent le cas chez les patients plus âgés –, une phase d'induction de trois injections intravitréennes suivie d'un protocole PRN pourra alors être proposée. Un algorithme de traitement et de suivi est proposé dans la figure 20-12
Fig. 20-12
Proposition d'algorithme de traitement des néovaisseaux choroïdiens (NVC) myopiques (selon les recommandations de la Fédération France Macula).AV : acuité visuelle; IVT : injections intravitréennes; PRN : pro re nata.
.
Après le premier trimestre de la grossesse, l'utilisation de ces traitements est possible, en discussion avec le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT).
En cas de pathologie inflammatoire associée, la mise en place d'un traitement immunosuppresseur pourra être discutée.
Points clés
  • Il faut systématiquement rechercher des néovaisseaux myopiques en cas d'hémorragie rétinienne d'apparition récente.
  • Les principaux diagnostics différentiels sont les ruptures de la membrane de Bruch, les pathologies inflammatoires compliquées de néovaisseaux, la macula bombée et la dysversion papillaire.
  • Le traitement par anti-VEGF est possible après le 1er trimestre de la grossesse.
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