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CHAPITRE 27
Pathologies inflammatoires associées à la myopie

D. LAM,

N. MASSAMBA,

C. TERRADA,

B. BODAGHI

Introduction
Les affections inflammatoires oculaires associées à la myopie sont diverses mais mal connues pour ce qui est de leur physiopathologie. Elles touchent principalement la choriocapillaire, avec comme facteur favorisant la fragilité tissulaire liée aux modifications anatomiques myopiques, mais également un terrain génétique potentiellement à risque et/ou un facteur déclenchant infectieux. Des données expérimentales récentes montrent la relation étroite entre les médiateurs de l'inflammation et la myopie [ 1 ]. Malgré une histoire clinique relativement reproductible, peu de données précises sont connues sur le plan moléculaire ou microbiologique. La richesse sémiologique clinique et l'imagerie multimodale permettent de confirmer le diagnostic nosologique et de proposer une conduite à tenir allant d'une surveillance rapprochée à une stratégie incluant corticoïdes, immunosuppresseurs et/ou anti-VEGF ( vascular endothelial growth factor ) [ 2 , 3 ]. Le pronostic visuel final dépend du risque de néovascularisation et de la localisation des cicatrices atrophiques. Il faut également prendre en compte le fait que toute inflammation oculaire chez les patients myopes impose une prudence extrême dans le maniement de la corticothérapie locale, en particulier injectable, étant donné le risque de fragilité sclérale et de glaucome plus sévère en raison des altérations du nerf optique liées à la myopie.
Choroïdite multifocale
L'affection touche principalement des adultes caucasiens (80 % des cas), plus souvent de sexe féminin, âgés de 30 à 40 ans. La myopie, de degré variable, est souvent retrouvée [ 4 ] avec une réfraction moyenne autour de –2 D. L'atteinte est bilatérale dans 80 % des cas, mais peut être asymétrique ou unilatérale à la présentation [ 5 ]. Il n'y a pas de préférence géographique, pas de symptomatologie générale, mais un syndrome pseudogrippal est souvent retrouvé.
SYMPTÔMES
Les symptômes comprennent des photopsies, des myodésopsies et des scotomes de taille variable.
Les métamorphopsies, scotomes ou la baisse brutale de la vision centrale font évoquer une atteinte maculaire ou des néovaisseaux choroïdiens maculaires.
EXAMEN OPHTALMOSCOPIQUE
L'inflammation du segment antérieur est minime ainsi que la hyalite. Les lésions choroïdiennes multiples de taille variable (50 à 350 microns) sont disposées au pôle postérieur et en moyenne périphérie ( fig. 27-1
Fig. 27-1
Rétinophotographie mettant en évidence une choroïdite multifocale.
). Les formes actives sont crémeuses, alors que les lésions anciennes sont atrophiques à bords pigmentés. Elles peuvent s'élargir et devenir coalescentes. L'expression clinique pourrait être modifiée en présence d'un staphylome ou d'une dysversion [ 6 ]. La néovascularisation choroïdienne survient dans 30 % des cas et d'autres complications plus rares comprennent l'œdème maculaire cystoïde, la membrane épirétinienne, l'œdème papillaire, l'élargissement de la tache aveugle, les cicatrices péripapillaires et la fibrose sous-rétinienne.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Les examens complémentaires sont les suivants :
  • l'angiographie à la fluorescéine :
    • choroïdite aiguë : hypofluorescence précoce, imprégnation aux temps tardifs;
    • choroïdite chronique : hyperfluorescence précoce qui persiste aux temps tardifs (effet fenêtre);
    • imprégnation de la papille, des vaisseaux rétiniens et œdème maculaire cystoïde;
    • si présence d'un néovaisseau choroïdien : hyperfluorescence précoce bien définie avec fuite aux temps tardifs.
  • l'angiographie au vert d'indocyanine (ICG) est l'examen majeur montrant des lésions inflammatoire hypofluorescentes, plus nombreuses en ICG que cliniquement. Elle est également utilisée pour le suivi [ 7 ];
  • le cliché en autofluorescence – hypoautofluorescence des cicatrices (atrophie);
  • la tomographie en cohérence optique (OCT) – hyper-réflectivité au niveau des photorécepteurs et de l'épithélium pigmentaire. Les données de l'OCT-angiographie sont d'une aide importante, en particulier en présence d'une néovascularisation [ 8 ];
  • le champ visuel – identification de scotomes; aide au suivi de la progression de la maladie;
  • l'électrorétinogramme (ERG) :
    • il peut être normal ou révéler des anomalies non spécifiques;
    • l'ERG multifocal peut mettre en évidence une diminution globale des réponses en plus de zones focales avec une réponse davantage diminuée (correspondent aux scotomes du champ visuel).
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les diagnostics différentiels sont importants à éliminer avant de retenir le diagnostic car certains nécessitent une prise en charge spécifique. Ils appartiennent soit aux choriocapillaropathies primitives, soit aux choroïdites stromales :
  • choroïdite ponctuée interne : les lésions sont plus profondes et à l'emporte-pièce avec moins de hyalite que dans la choroïdite multifocale et un risque de néovascularisation plus important;
  • Birdshot rétinochoroïdopathie : patients plus âgés, HLA-A29 positif, avec des lésions plus grandes, disposées autour de la papille et parfois plus discrètes;
  • sarcoïdose, syphilis, tuberculose : elles sont de présentation variable mais généralement associées à une inflammation antérieure et/ou intermédiaire;
  • uvéoméningites : syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada et ophtalmie sympathique;
  • choroïdite serpigineuse après avoir éliminé une tuberculose;
  • syndrome de fibrose sous-rétinienne et histoplasmose oculaire, qui restent exceptionnelles.
TRAITEMENT
Les corticoïdes locaux ou systémiques sont à discuter dès que les foyers menacent la fonction visuelle.
Des traitements immunomodulateurs sont indiqués en cas de corticodépendance (azathioprine, mycophénolate mofétil). Ils diminuent le risque de complications maculaires (œdème maculaire cystoïde [OMC], membrane épirétinienne [MER], néovaisseau choroïdien [NVC]).
Pour les NVC, les corticoïdes et immunomodulateurs diminuent les récidives en contrôlant l'inflammation. Le traitement par injections intravitréennes d'anti-VEGF est devenu le standard de traitement même si de rares indications persistent pour la photothérapie dynamique ou le laser focal (en cas de NVC extrafovéolaire). Il faut éviter les injections itératives d'anti-VEGF sans le contrôle efficace et durable de l'inflammation.
PRONOSTIC
Soixante quinze pour cent des patients développent une baisse d'acuité visuelle permanente sur au moins un œil, liée à des lésions rétrofovéolaires (NVC, OMC chronique, fibrose sous-rétinienne). Le traitement par corticoïdes systémiques et immunomodulateurs améliore le pronostic, avec 83 % de réduction du risque de complication maculaire et 92 % de réduction de risque de baisse visuelle inférieure à 1/10e au niveau de l'œil atteint.
Choroïdite ponctuée interne
ÉPIDÉMIOLOGIE
La choroïdite ponctuée interne (CPI) est plus fréquente chez les Caucasiens (80 % des cas) de 20 à 40 ans (âge plus jeune que pour la choroïdite multifocale), avec une myopie retrouvée dans 85 % des cas. La CPI est souvent bilatérale [ 9 ] mais, dans les formes unilatérales, l'œil le plus myope est assez fréquemment touché. Il n'y a pas de lien avec une pathologie systémique ou d'association avec un typage HLA particulier. L'inflammation primitive touche la choriocapillaire. La CPI résulte de la non-perfusion de la choriocapillaire avec des lésions ischémiques secondaires de la rétine externe [ 5 ]. Les néovaisseaux choroïdiens sont la complication la plus fréquente parmi les autres choriocapillaropathies primitives.
SYMPTÔMES
Les symptômes comprennent les photopsies, des microscotomes, un scotome central, des métamorphopsies, une baisse d'acuité visuelle brutale en cas d'atteinte fovéolaire directe ou de NVC rétrofovéolaire.
EXAMEN OPHTALMOSCOPIQUE
Il n'y a pas d'inflammation du segment antérieur, ni du vitré. Le fond d'œil met en évidence de multiples (5 à 20) lésions profondes, grises, de petite taille (50 à 200 μm) au pôle postérieur. Ces lésions sont plus petites et moins pigmentée que celles de la choroïdite multifocale (CMF). Un décollement séreux rétinien est rarement associé. Les NVC surviennent jusque dans 70 % des cas (présence de liquide sous-rétinien, hémorragie sous rétinienne, exsudats), souvent dans l'année qui suit le début des symptômes. La fibrose sous-rétinienne est constatée dans 80 % des cas.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Les examens complémentaires sont les suivants :
  • angiographie à la fluorescéine ( fig. 27-2a
    Fig. 27-2
    Choroïdite ponctuée interne (CPI).a. Angiographie à la fluorescéine. Hyperfluorescence précoce avec imprégnation (respectivement 21 secondes, 7 minutes pour l'œil droit en haut, et 36 secondes, 6 minutes pour l'œil gauche en bas). b. Angiographie au vert d'indocyanine. Hypofluorescence des lésions inflammatoires du pôle postérieur; les lésions sont plus nombreuses en ICG que cliniquement. c. OCT maculaire de l'œil droit. CPI compliquée de néovaisseaux choroïdiens. d. OCT-angiographie de l'œil droit. Le lacis néovasculaire est détecté.
    ) :
    • sans NVC :
      • lésions actives : hyperfluorescence précoce avec imprégnation ou fuite au temps tardif, mais la plupart des lésions cliniques ne sont pas apparentes en angiographie à la fluorescéine;
      • remplissage du colorant aux temps tardifs, en cas de décollement séreux rétinien associé;
      • les cicatrices sont hypofluorescentes au temps précoce avec hyperfluorescence au temps tardif.
    • avec NVC : hyperfluorescence précoce avec diffusion au temps tardif.
  • angiographie au vert d'indocyanine ( fig. 27-2b ) :
    • hypofluorescence des lésions inflammatoires du pôle postérieur;
    • les lésions sont plus nombreuses en ICG que cliniquement;
    • l'ICG est le seul examen permettant de détecter l'extension des lésions actives [ 10 ].
  • autofluorescence : hypoautofluorescence des lésions du pôle postérieur;
  • OCT et OCT-angiographie ( fig. 27-2c,d ) : les caractéristiques sont identiques à celles de la CMF (hyper-réflectivité nodulaire au niveau de la couche des photorécepteurs et de l'épithélium pigmentaire rétinien). L'OCT-angiographie permet d'analyser plus précisément la néovascularisation choroïdienne.
  • champ visuel : les scotomes rapportés par le patient sont identifiés. Ils sont davantage centraux, comparativement à la CMF.
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les diagnostics différentiels sont similaires à ceux décrits plus haut dans le cadre des CMF qui appartiennent à un spectre physiopathologique très proche.
TRAITEMENT
Les corticoïdes systémiques sont administrés pour contrôler l'inflammation aiguë. Les injections intravitréennes d'anti-VEGF ou de corticoïdes pour le traitement des NVC et de l'OMC sont indiquées au cas par cas. Le traitement immunomodulateur peut être utile car la CPI est une maladie chronique et les NVC sont fréquents, avec des rechutes itératives. Il est mis en place en cas d'inflammation réfractaire ou chez des patients intolérants aux corticoïdes. Le mycophénolate mofétil, l'azathioprine, le méthotrexate et la ciclosporine A ont montré leur efficacité. Le traitement systémique diminue le risque de complication maculaire (OMC, MER, NVC) et aussi celui de baisse d'acuité visuelle. En cas de NVC, les corticoïdes et immunomodulateurs peuvent réduire les récidives en maîtrisant l'inflammation. Le traitement des NVC est identique à celui des NVC d'autres causes (corticoïdes intraoculaires, injections intravitréennes d'anti-VEGF, photothérapie dynamique, laser focal si extrafovéolaire).
PRONOSTIC
Le pronostic est réservé chez une majorité des patients en l'absence de traitement. Il dépend de la présence de NVC (fréquente), de fibrose sous-rétinienne ou de lésion fovéolaire [ 11 ].
Syndrome des taches blanches multiples évanescentes
Ce syndrome ( multifocal evanescent white dot syndrome [MEWDS] en anglais) correspond à une choriocapillaropathie inflammatoire multifocale rare de résolution spontanée avec un excellent pronostic visuel, dans la majorité des cas.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Ce syndrome survient principalement chez les femmes jeunes, en bonne santé, légèrement myopes entre la deuxième et la quatrième décennie. La cause est inconnue, mais une hypothèse infectieuse a été émise (les patients ayant un prodrome à type de syndrome pseudogrippal dans 50 à 60 % des cas) [ 12 ].
SYMPTÔMES
Les symptômes comprennent des photopsies, souvent en temporal du champ visuel, une vision floue, une acuité visuelle allant de 10/10e à 0,5/10e et un microscotome central.
EXAMEN OPHTALMOSCOPIQUE
L'examen met en évidence de multiples taches blanches, arrondies, prédominant au pôle postérieur et autour du nerf optique, s'étendant jusqu'en moyenne périphérie, de tailles variables, très discrètes, situées au niveau de la rétine externe et de l'épithélium pigmentaire [ 5 ]. La fovéa a un aspect granité orange. Il n'y a pas d'inflammation du segment antérieur, mais certains patients ont une hyalite modérée, avec parfois un déficit pupillaire afférent relatif et un œdème papillaire. Il s'agit le plus souvent d'un épisode monophasique, unilatéral.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ( fig. 27-3 )
Fig. 27-3
Syndrome MEWDS.a. Autofluorescence de l'œil droit. Hyperautofluorescence au pôle postérieur et en moyenne périphérie dans le cadre d'un MEWDS. b. Temps tardif d'une angiographie à la fluorescéine. Il y a une imprégnation des taches blanches et de la papille. c. Angiographie au vert d'indocyanine (ICG). Hypofluorescence persistante des taches au pôle postérieur et en moyenne périphérie. Halo hypofluorescent autour de la papille. Les lésions sont plus nombreuses en ICG que cliniquement ou en autofluorescence. d. OCT passant par les taches blanches. Les taches blanches apparaissent comme des défects dans la rétine externe et l'épithélium pigmentaire : interruption ou atténuation du signal dans la couche des photorécepteurs. e. OCT-angiographie. MEWDS compliqué de néovaisseau choroïdien.
Les examens complémentaires sont les suivants :
  • autofluorescence ( fig. 27-3a ) : elle met en évidence des taches blanches hyperautofluorescentes, des lésions plus nombreuses que celles vues cliniquement qui s'estompent et disparaissent en quelques semaines ou mois;
  • angiographie à la fluorescéine ( fig. 27-3b ) : elle montre une hyperfluorescence précoce et tardive des taches ainsi qu'une imprégnation tardive de la papille;
  • angiographie ICG ( fig. 27-3c ) : elle montre une hypofluorescence persistante des taches au pôle postérieur et en moyenne périphérie et un halo hypofluorescent péripapillaire. Les lésions sont plus nombreuses en ICG que cliniquement ou en autofluorescence avec des pin points transitoires au temps intermédiaire;
  • OCT ( fig. 27-3d,e ) : elle révèle des taches blanches apparaissant comme des défects dans la rétine externe et l'épithélium pigmentaire avec interruption ou atténuation du signal dans la couche des photorécepteurs.
  • champ visuel : il montre un élargissement de la tache aveugle et des microscotomes paracentraux.
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les diagnostics différentiels comprennent les autres syndromes de taches blanches, mais surtout le syndrome d'élargissement idiopathique de la tache aveugle et l ‘acute zonal occult outer retinopathy (AZOOR).
TRAITEMENT
Le traitement repose sur une surveillance rapprochée car le MEWDS est de résolution spontanée après plusieurs semaines à mois, avec retour à une vision normale chez la plupart des patients.
PRONOSTIC
Le pronostic est excellent avec de discrets changements pigmentaires au fond d'œil après résolution, mais certains patients gardent des déficits du champ visuel et des néovaisseaux choroïdiens maculaires. La bilatéralisation et les récidives sont rares.
Syndrome d'élargissement de la tache aveugle
Les symptômes sont unilatéraux, avec apparition brutale d'un scotome temporal et de scintillements dans la zone atteinte. Il y a une prépondérance chez les femmes souffrant de myopie modérée [ 13 ]. Le diagnostic différentiel est celui de la sclérose en plaques. L'acuité visuelle, la vision des couleurs, les réponses pupillaires, le fond d'œil et l'angiographie à la fluorescéine sont peu altérés, avec parfois une diffusion péripapillaire. L'élargissement de la tache aveugle est confirmé par le champ visuel. L'électrorétinogramme (ERG) multifocal indique une dysfonction péripapillaire. Le syndrome d'élargissement de la tache aveugle et le MEWDS feraient partie de la même entité. La seule différence est que les anomalies du fond d'œil du MEWDS ne sont pas présentes dans le syndrome d'élargissement de la tache aveugle. Les lésions étaient probablement transitoires, ayant disparu au moment de l'examen. L'ICG montrerait, si elle était réalisée dès le début des symptômes, une hypofluorescence péripapillaire, indiquant une non-perfusion choriocapillaire, responsable alors de l'élargissement de la tache aveugle. Cela pourrait indiquer une susceptibilité de la choriocapillaire péripapillaire à l'occlusion suite à une inflammation (ischémie de la rétine externe, dysfonction puis scotome péripapillaire). L'OCT montre parfois l'absence de la ligne ellipsoïde (IS/OS) [ 14 ]. L'évolution se fait vers une régression des anomalies du champ visuel.
AZOOR (acute zonal occult outer retinopathy)
Il s'agit d'une dysfonction idiopathique de la rétine externe associée à des anomalies du champ visuel et de l'ERG. L'élargissement de la tache aveugle est possible [ 15 ].
ÉPIDÉMIOLOGIE
Il s'agit d'une pathologie rare, touchant les femmes jeunes avec un sex-ratio de 3 pour 1 [ 16 ]. De 20 à 30 % des cas peuvent avoir une association avec une pathologie systémique auto-immune. L'AZOOR peut survenir chez des patients ayant un autre antécédent de « syndrome des taches blanches » (MEWDS, CMF, neurorétinopathie maculaire aiguë, syndrome d'élargissement de la tache aveugle, choroïdite ponctuée interne).
SYMPTÔMES
Les symptômes comprennent les photopsies, l'altération aiguë progressive du champ visuel sur une période de quelques semaines à quelques mois. Le champ visuel et l'acuité visuelle sont atteints de façon variable. L'atteinte est bilatérale, mais possiblement asymétrique (deuxième œil touché dans les semaines à mois qui suivent).
EXAMEN OPHTALMOSCOPIQUE
Il n'y a pas de changement cliniquement visible pendant la phase aiguë mais on note ensuite l'apparition d'un déficit pupillaire afférent relatif, d'une hyalite, d'une atrophie de l'épithélium pigmentaire, avec pigmentation anormale de celui-ci dans les semaines à mois qui suivent.
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les diagnostics différentiels sont les suivants :
  • syndromes des taches blanches;
  • rétinopathie associée au cancer ou au mélanome;
  • rétinopathie auto-immune;
  • neuropathie optique;
  • lésions chiasmatiques;
  • neurorétinite subaiguë unilatérale diffuse ( diffuse unilateral subacute necrosis [DUSN]);
  • syphilis.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Les examens complémentaires suivants sont réalisés :
  • angiographie à la fluorescéine : elle est normale à la phase aiguë;
  • antofluorescence ( fig. 27-4
    Fig. 27-4
    Cliché d'autofluorescence au cours d'un AZOOR.
    ) : elle est parfois normale à la phase aiguë de la maladie avec halo péripapillaire hypoautofluorescent et bord hyperautofluorescent;
  • une hypoautofluorescence périphérique et moins souvent du pôle postérieur peut être mise en évidence [ 17 ];
  • champ visuel : il révèle un élargissement de la tache aveugle avec extension arciforme aux quadrants temporaux;
  • ERG : on retrouve un temps implicite allongé sur le flicker à 30 Hz et une amplitude anormale de l'onde b sur les réponses photopiques;
  • l'ERG multifocal montre une dysfonction de la rétine externe;
  • l'OCT révèle une hyper-réflectivité de la rétine externe et une interruption généralisée des couches rétiniennes.
TRAITEMENT
Aucun traitement n'a démontré une efficacité sur l'acuité visuelle. Les antiviraux per os et la corticothérapie ont parfois été proposés.
PRONOSTIC
La perte du champ visuel se stabilise dans les 6 mois chez les trois quarts des patients. En cas de récupération, celle-ci est incomplète. Deux tiers des patients retrouvent une acuité visuelle de 5/10e , mais 18 % ont une cécité légale. Environ 30 % des patients ont des récidives de la maladie.
Modification de la réfraction et apparition d'une myopie induites par une uvéite
MYOPIE AIGUË LIÉE À L'INFLAMMATION SCLÉROCHOROÏDIENNE
L'inflammation sévère au cours des sclérites postérieures peut entraîner une myopie aiguë parfois jusqu'à 6 D avec une fermeture de l'angle. Le mécanisme est fondé sur un décollement ciliochoroïdien [ 18 ]. Ce phénomène est retrouvé dans les inflammations choroïdiennes sévères comme la phase aiguë de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH), comme rapporté récemment dans une série de 54 cas [ 19 ].
MYOPIE PAR MODIFICATION CRISTALLINIENNE DUE AUX STÉROÏDES
La cataracte cortisonique est généralement sous-capsulaire postérieure sans modification réfractive, contrairement aux formes nucléaires. Cependant, la myopisation est parfois possible par l'effet optique des opacités discoïdes postérieures [ 20 ].
MYOPIE INDUITE PAR L'UVÉITE ASSOCIÉE AUX UVÉITES ANTÉRIEURES CHRONIQUES PÉDIATRIQUES
Davantage d'erreurs réfractives à type de myopie sont retrouvées de façon significative chez les patients ayant une uvéite de type arthrite juvénile idiopathique (environ 43 % des patients), comparativement à un groupe contrôle du même âge [ 21 ]. L'explication possible est la fragilisation du tissu scléral, secondaire à l'inflammation chronique, prédisposant à la myopisation. L'évolution myopique de la réfraction après chirurgie de la cataracte emmétropisante dans l'enfance vient renforcer cette constatation.
Myopie transitoire iatrogène
Les médicaments de la famille des sulfamides provoquent une myopie transitoire [ 22 ]. L'ultrabiomiscroscopie (UBM) montre une effusion choroïdienne supraciliaire, responsable d'un déplacement vers l'avant du bloc corps ciliaire-cristallin-iris et une relaxation des fibres zonulaires, causant alors une myopie. La diminution rapide des taux d'inhibiteurs d'anhydrase carbonique sérique entraînerait une augmentation de production d'humeur aqueuse avec accumulation de liquide suprachoroïdien [ 23 ]. Ce phénomène survient avec les sulfamides utilisés pour le traitement de la toxoplasmose ou du syndrome d'Irvine-Gass. L'arrêt de ces médicaments conduit à une résolution complète de ces modifications anatomiques. L'utilisation du topiramate (un dérivé des sulfamides, utilisé dans le traitement des migraines, céphalées et crises convulsive) peut également s'accompagner de telles modifications. Le tamsulosine est un alpha-1-bloquant pouvant induire un décollement choroïdien inflammatoire et une myopie transitoire [ 24 ].
Conclusion
La myopie intervient clairement dans la genèse de certaines maladies inflammatoires oculaires, mais elle peut aussi être induite au cours d'affections auto-immunes ou, plus rarement, de façon iatrogène. La prise en compte de ce paramètre est importante, avec des conséquences potentielles sur la stratégie thérapeutique. Les avancées dans le domaine de l'imagerie multimodale [ 3 , 15 ] et les outils moléculaires performants nous permettront de mieux analyser les lésions reconnues précédemment sous la dénomination de « taches blanches » et qui sont maintenant mieux identifiées sous le nom de choriocapillaropathies primitives [ 2 ]. La classification est encore amenée à évoluer dans l'avenir pour une meilleure compréhension de chaque entité, préalable indispensable à une prise en charge thérapeutique individuelle et adaptée.
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