Chapitre 6Amblyopie

S. Arsène, F. Audren, C. Benso-Layoun, E. Bui Quoc, D. Denis, F. Matonti, A. Péchereau, R. Sekfali, E. Zanin

I - Définition et classifications des amblyopies

E. Bui Quoc

Comment expliquer au(x) parent(s) ce qu’est une amblyopie ? Comment l’expliquer à l’enfant également, car il ou elle veut savoir même à quatre ou cinq ans pourquoi il ou elle va voir si souvent un docteur et pourquoi on le tracasse avec la mise en place d’un pansement, si joli ou si coloré soit-il !

Se référer à notre dictionnaire Bailly et évoquer une « vision » (ώπή) « faible » (άμβλεία) ne va pas vraiment éclairer le patient. On peut tenter d’effrayer les parents en faisant le parallèle entre leur enfant amblyope et un borgne, afin de les inciter à (mieux) faire le traitement par occlusion… Un amblyope serait un borgne fonctionnel : une telle définition serait certes simpliste mais efficace.

Définir une amblyopie est malaisé car l’amblyopie est une pathologie développementale complexe aux multiples facettes. Tous les amblyopes ne sont pas identiques, de par l’étiologie de leur amblyopie, de par la sévérité ou la légèreté de leur affection. L’amblyopie est une maladie dont la conséquence première est une vision anormale mais, pour autant — ce qu’il faut comprendre pour le faire comprendre —, ce n’est pas une maladie de l’œil. C’est une « maladie du cerveau » ou, plutôt, une maladie des connexions neuronales, c’est-à-dire une maladie de l’intégrateur visuel, le récepteur étant normal. Il ne faut pas trop effrayer les parents qui vont croire que le cerveau du bambin est anormal, sans pour autant minimiser la pathologie car il faut la traiter avec force.

Amblyopie fonctionnelle versus amblyopie organique

Dans la problématique de définition et de classification de l’amblyopie, on va distinguer l’amblyopie fonctionnelle de l’amblyopie organique. Elles se définissent en opposition l’une par rapport à l’autre, et tout ce qui n’est pas une amblyopie fonctionnelle est une amblyopie organique, et inversement, à l’instar de la prose et des vers du Bourgeois Gentilhomme…

Dans ce cadre, l’amblyopie fonctionnelle est définie comme une baisse de la vision d’un œil par rapport à l’autre alors qu’il n’est retrouvé aucune anomalie anatomique de l’œil ou des voies visuelles [1]. Il existe trois causes à cette amblyopie fonctionnelle : l’anisométropie, le strabisme, la privation visuelle — nous y reviendrons dans la section suivante : « Pourquoi un œil devient amblyope ? ». Rappelons :

  • dans l’anisométropie, l’amblyopie est induite par le flou d’une image ;

  • dans le strabisme, l’amblyopie est un mécanisme antidiplopique avec suppression d’une des deux images ;

  • dans la privation, c’est l’absence d’une image qui induit l’amblyopie.

Dans l’amblyopie organique, inversement, il existe une anomalie de l’œil ou des voies visuelles, c’est-à-dire une perturbation de la transmission, de la perception ou de l’intégration du message visuel.

Ceci est bien schématique et trop simple, tant il est vrai, par exemple, que dans la cataracte congénitale unilatérale on retrouve un phénomène de privation de l’image (caractère fonctionnel) mais aussi une anomalie anatomique (caractère organique). Après traitement se surajoutent souvent un strabisme (déviation de l’œil opéré) et une anisométropie — du fait de la problématique du calcul d’implant chez un tout petit enfant dont l’œil n’a pas atteint la taille adulte, de sorte que si on rendait l’œil opéré emmétrope au moment de l’intervention avec un implant de 30 d à 40 d, il serait à terme fort myope ; mais, à l’inverse, sous-corriger la puissance de son implant à 25 d à 30 d le rendrait immédiatement très hypermétrope… ; et nous n’évoquons pas, en outre, le problème de la presbytie immédiate et précoce induite par l’implantation monofocale, ce qui a encouragé certains à employer des implants multifocaux mais dont l’efficacité chez le petit enfant reste un sujet de controverse.

Les amblyopies organiques sont, dans la définition francophone, les amblyopies induites par une anomalie organique/anatomique de l’œil ou des voies visuelles. On y inclut les pathologies rétiniennes au niveau cellulaire (rétinopathies pigmentaires, par exemple), dans lesquelles le fond d’œil peut être initialement (sub)normal, de même que les pathologies du nerf optique. Pour autant, on l’a vu, les phénomènes amblyopigènes sont souvent multiples car il existe de façon surajoutée une problématique « fonctionnelle » telle qu’on la définissait plus haut : suppression dans la cataracte congénitale ou dans tout ce qui entraîne une opacité des milieux, anomalies palpébrales (ptosis, hémangiome, autres), anisométropie séquellaire (astigmatisme cornéen, problématiques réfractives de la cataracte, etc.), strabisme associé d’un œil amblyope pour une raison « organique ».

Ainsi, finalement, on pourrait modifier la définition : l’amblyopie est toujours fonctionnelle et, parfois, une part organique se surajoute (et/ou est un des mécanismes expliquant la part fonctionnelle). On pourrait également supprimer la définition de l’amblyopie organique ou de l’amblyopie mixte (fonctionnelle et organique), en disant que l’amblyopie « organique » est toujours mixte.

De plus, il faut souligner la différence de terminologie entre les francophones et les anglophones — si l’auteur de ces lignes était polyglotte, il aurait tenté d’analyser les subtilités de définitions dans d’autres langues ; nous nous contenterons de la langue de Shakespeare qui s’opposera à celle de l’auteur de notre Bourgeois Gentilhomme que nous évoquions plus haut. Von Noorden rappelle la définition de l’amblyopie fonctionnelle outre-Atlantique [8] : il s’agit d’une diminution de la vision du fait d’une privation visuelle ou bien du fait d’une anomalie de l’interaction binoculaire — dans laquelle nous autres francophones pouvons ranger à la fois l’amblyopie strabique et l’amblyopie anisométropique puisque, dans ce cas, l’interaction binoculaire est perturbée non pas par une déviation angulaire motrice mais par l’asymétrie de l’image, l’une étant nette et l’autre floue… Citons la définition in extenso de von Noorden : « Decrease of visual acuity by pattern vision deprivation or abnormal binocular interaction for which no causes can be detected by the physical examination of the eye. » Par opposition, l’amblyopie organique est celle des « patients with loss of vision in one eye caused by retinal damage that is not detectable with the ophtalmoscope », c’est-à-dire de patients dont la baisse de vision est due à des lésions rétiniennes non détectables à l’ophtalmoscope ; ces lésions sont plus loin définies comme « subtle, sub-ophtalmoloscopic morphologic changes », c’est-à-dire discrètes, infra-ophtalmoscopiques. Il faut rappeler que cette définition de von Noorden est ancienne, son magnifique ouvrage datant de 1974, c’est-à-dire à une époque qui ne connaissait pas la tomographie en cohérence optique ou l’électrorétinogramme multifocal, lesquels outils permettent désormais de faire le diagnostic de ces baisses d’acuité visuelles à fond d’œil « normal ». Il faudrait donc désormais oublier le terme d’organic amblyopia qui ne correspond plus à une réalité dans la langue anglaise. En français, ce terme devrait peut-être aussi être abandonné, car il correspond en fait à une amblyopie « fonctionnelle » mais de cause organique/anatomique puisque, comme souligné plus haut, toute amblyopie est fonctionnelle ; ceci est confirmé par le fait que finalement l’ancienne définition francophone d’« amblyopie fonctionnelle » est l’équivalent à celle anglophone d’« amblyopia ».

Une notion temporelle devrait également être ajoutée à la définition de l’amblyopie, ce qui permet ainsi d’intégrer la problématique développementale et celle de la période sensible du développement visuel car, sinon, la cataracte adulte serait aussi une cause d’amblyopie puisqu’elle entraîne une baisse de vision par privation…

L’amblyopie pourrait donc alors être définie comme une diminution plus ou moins sévère de la fonction visuelle du fait d’une altération précoce de l’expérience visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil et/ou des voies visuelles retrouvée.

Nous sommes conscients de la lourdeur de la définition qui veut finalement intégrer toutes les amblyopies : fonctionnelle et mixte (anciennement « organique »), mono- et bi(n)oculaires, etc. Il est plus facile d’expliquer aux parents, qu’on soit dans un cadre « fonctionnel » ou « anatomique », que l’amblyopie est une anomalie des connexions entre l’œil et le cerveau ou encore une paresse d’un œil. Mais si l’œil ne voit pas, mettons des lunettes, s’interroge le parent…

C’est pourquoi il faut rappeler et ajouter encore un qualificatif à notre définition : l’amblyopie est une baisse de la fonction visuelle malgré la correction optique car, si les lunettes permettent à l’image d’être sur la rétine et pas à côté (en avant ou en arrière pourrait-on dire), elles ne permettent pas aux connexions déficientes (fatiguées, ralenties) de fonctionner correctement.

Dans certains cas d’amblyopie organique, on est proche de la malvoyance, par exemple en cas de pathologie bilatérale, comme dans l’albinisme oculaire ; c’est pourquoi il a été proposé de rapprocher notre « amblyopie organique » du « visual impairment » (déficience visuelle) ; cela ne nous semble pas tout à fait exact et on sera, dans ces cas de déficience visuelle, dans le cadre de l’amblyopie bi-oculaire, ou bilatérale (cf. infra).

L’amblyopie organique serait alors uniquement celle concernant les anomalies unilatérales sans forcément déficience visuelle puisqu’un œil est sain (cataracte unilatérale, cicatrice de toxoplasmose maculaire unilatérale, etc.).

Amblyopie monoculaire versus amblyopie binoculaire

L’amblyopie est la baisse de la fonction visuelle d’un œil par rapport à l’autre, c’est-à-dire qu’il existe une asymétrie entre la vision d’un œil et la vision de l’autre, ce qui sous-tend une notion de compétition de l’information sensorielle en provenance d’un œil par rapport à l’autre. Ceci va correspondre en fait à une amblyopie monoculaire et le terme « amblyopie » est largement synonyme d’« amblyopie monoculaire ». Dans l’amblyopie monoculaire, la fonction visuelle d’un œil est normale, alors que la fonction visuelle de l’autre œil est anormale. De fait, l’acuité visuelle est asymétrique. Rappelons qu’il y a asymétrie de l’acuité visuelle dès lors qu’une différence est retrouvée… si on la cherche : il ne suffit pas d’avoir 10/10 des deux yeux pour ne pas être amblyope car, si un des deux yeux a 16/10, il est une réalité que l’œil qui n’a que 10/10 est amblyope, relativement à son compère.

À l’opposé de l’amblyopie monoculaire est définie l’amblyopie binoculaire qui ne correspond pas à une baisse de vision des deux yeux, mais à l’absence de vision binoculaire normale, laquelle peut être définie par un résultat au test TNO égal ou inférieur à 30 secondes d’arc. L’amblyopie binoculaire est la conséquence d’une altération très précoce de l’expérience visuelle, dans la première année de vie, qui a entre autres comme conséquence l’absence de maturation normale des neurones de la couche II/III du cortex, qui n’acquièrent pas la propriété de binocularité et demeurent des neurones monoculaires. C’est le cas dans le strabisme précoce ou dans la cataracte congénitale précoce survenant dans la première année de vie. Il existe également une amblyopie binoculaire si l’amblyopie monoculaire est profonde, c’est-à-dire si l’acuité visuelle de l’œil amblyope ne dépasse pas 1/10. Enfin, en cas d’amblyopie bilatérale/bi-oculaire moyenne à profonde, il existe une amblyopie binoculaire associée.

Amblyopies bilatérales/bi-oculaires

Il existe des cas d’altérations précoces de l’expérience visuelle bilatérales curables, par exemple une cataracte bilatérale, une opacité de cornée bilatérale comme dans l’anomalie de Peters, ou incurables et dans ce cas évolutives ou non, par exemple l’albinisme oculaire (non évolutif) ou la rétinopathie pigmentaire (évolutive). Les amétropies fortes sont curables bien entendu par la correction optique mais, pour autant, la vision peut plafonner après correction ; il s’agit d’une amblyopie réfractive, possible dès lors que la myopie est supérieure à 6 d, que l’hypermétropie est supérieure à 4 d, que l’astigmatisme est supérieure à 2 d. Les nystagmus sont de grands pourvoyeurs d’amblyopies bilatérales, qu’ils soient primitifs ou secondaires à une pathologie organique (nystagmus sensoriel).

Pathologie curable

Dans les cas curables, après chirurgie bilatérale de la cataracte, selon la précocité de celle-ci et selon le moment de l’intervention et l’importance ou non des complications possibles en postopératoire (du fait en particulier des réactions inflammatoires plus fréquentes chez l’enfant et la possibilité même de cataracte secondaire correspondant à une réelle régénération de cellules et masses cristalliniennes), l’acuité visuelle des deux yeux peut ne pas être normale et plafonner. Il existe alors une amblyopie bilatérale, symétrique ou non. L’amblyopie bilatérale asymétrique est fréquente après greffe de cornée bilatérale dans l’anomalie de Peters. Dans ces cas, la greffe de cornée peut être retardée après l’âge de six mois, car elle est plus périlleuse avant cet âge et difficile techniquement du fait de la taille de l’œil, ce qui engendre une longue privation visuelle chez le nourrisson ; le chirurgien doit faire la part des choses entre ce risque d’amblyopie et le risque de l’intervention trop précoce ; pour la greffe de cornée éventuelle du second œil, elle ne doit pas être trop précoce après le premier œil pour deux raisons : il est plus sage d’attendre que tous les fils du premier œil soit enlevés avec un greffon fonctionnel et, par ailleurs, la réaction inflammatoire et antigénique induite par la greffe peut être délétère pour l’œil controlatéral si la procédure est trop précoce ; mais il est vrai aussi que le pronostic fonctionnel de la greffe du second œil (en l’absence de tout problème de rejet ou d’infection) sera compromis par un trop long délai entre les deux greffes. Ces problèmes sont complexes et c’est ce qui a conduit des équipes américaines à proposer d’emblée des kératoprothèses dans les anomalies de Peters, avec malheureusement un préjudice esthétique majeur et un risque d’infection et de rejet tardif inacceptables, sans parler de la difficulté de faire une réfraction objective sur une kératoprothèse…

Pathologie incurable

L’amblyopie dite binoculaire est ici à la limite de la malvoyance ou du handicap visuel, tant il est vrai que si l’amblyopie se définit comme une pathologie développementale avec des anomalies induites des réseaux neuronaux du fait de l’expérience visuelle anormale, dans ces cas la baisse de vision est d’abord due à la pathologie rétinienne ou à la pathologie du nerf optique originelle.

Degrés d’amblyopie

L’amblyopie est une pathologie de la différence. C’est une pathologie de l’asymétrie. De fait, l’expérience visuelle anormale d’un œil va entraîner une baisse de vision de celui-ci, et la profondeur de l’amblyopie sera définie selon la fonction visuelle d’un œil par rapport à l’autre. Mais l’expérience visuelle anormale bilatérale (symétrique ou non) va induire également une baisse de vision des deux yeux, avec ou sans différence.

Il faut donc définir l’amblyopie relative et l’amblyopie absolue.

Rappelons que, même si l’usage de la notation décimale peut être autorisé, il est fondamental de se référer à l’échelle logarithmique quand on définit et traite une amblyopie car :

  • dans la définition, les différentiels de vision entre les deux yeux correspondent aux lignes de LogMAR ;

  • au cours du traitement de l’amblyopie, la progression initiale qui peut sembler faible en acuité décimale est significative en échelle logarithmique [2] : ainsi, si on passe de 0,10 à 0,20 en décimale, on a franchi trois lignes logarithmiques, ce qui est mieux que de passer de 0,40 à 0,63 (deux lignes logarithmiques) (tableau 6-I).

Il convient toujours de tester les fortes acuités visuelles. Si un œil a 10/10 et l’autre 20/10, il existe une amblyopie.

Pour définir l’amblyopie relative, on va rechercher une différence interoculaire :

  • amblyopie légère : différence de plus d’une ligne logarithmique ;

  • amblyopie moyenne : différence de plus de trois lignes logarithmiques ;

  • amblyopie profonde : différence de plus de dix lignes logarithmiques.

Pour définir l’amblyopie absolue, on se fonde sur l’acuité visuelle :

  • amblyopie légère : la vision est inférieure à 0,2 LogMAR, soit 6/10 (0,63 exactement) ;

  • amblyopie moyenne : la vision est inférieure à 0,6 LogMAR, soit 2 à 3/10 (0,25 exactement) ;

  • amblyopie profonde : la vision est inférieure à 1,0 LogMAR soit 1/10.

En ce qui concerne l’amblyopie binoculaire, on rappelle que la vision binoculaire normale est de 30 secondes d’arc ou moins — seul le test TNO peut déterminer cette vision binoculaire normale, puisque le test de Wirt ne teste que 40  secondes d’arc maximum (test des losanges : de 800’’ à 40’’ ; test des animaux : 400’’, 200’’ ou 100’’ ; test de la mouche 3 000’’) et que le test de Lang de type I correspond à 1 200’’ pour le chat, 600’’ pour l’étoile et 550’’ pour la voiture.

Chiffrer l’amblyopie est fondamental et il faut se souvenir du handicap social qu’une baisse de vision uni- ou bilatérale peut engendrer. Il faut au moins 5/10 en binoculaire pour conduire, si les deux yeux ont plus de 1/10, en France pour un permis B. Pour la conduite des poids lourds, cette limite monte à 8/10. Certaines professions requièrent des aptitudes visuelles minimales monoculaires ou bi(n)oculaires (armée, police, etc.).

Enfin et ceci concerne en particulier les amblyopies bilatérales, l’Organisation mondiale de la santé définit les degrés de malvoyance suivants :

  • « déficience visuelle modérée » : vision entre 6/60 et 6/18 (1,0  LogMAR à 0,48 LogMAR) ;

  • « déficience visuelle sévère » : acuité visuelle entre 6/60 et 3/60 (1,3 à 1,0 LogMAR) ;

  • « cécité » : acuité visuelle < 3/60 (< 1,3  LogMAR ou encore < 0,05 ou 1/20).

Le lecteur s’est rendu compte que seule l’acuité visuelle de loin est présente dans les définitions de l’amblyopie, ce qui parfois n’est pas pertinent, car un amblyope profond peut avoir une vision de près correcte (avec agrandissement ou pas) : ceci est fondamental dans la prise en charge de la malvoyance et les conseils d’orientation scolaire. Une amblyopie bilatérale profonde n’empêche pas toujours une scolarité normale, comme dans certains nystagmus qui ont une mauvaise vision de loin mais qui préservent une vision de près suffisante. Il faut le faire comprendre aux parents, aux médecins scolaires et aux équipes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le cas échéant.

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Tableau 6-I –  Concordances entre échelle logarithmique et échelle décimale (Monoyer).

Autres facettes de l’amblyopie

La fonction visuelle ne se limite pas à l’acuité visuelle et il existe, en cas d’amblyopie monoculaire, une altération des autres fonctions visuelles : vision des couleurs, fonction de sensibilité aux contrastes [7], etc. Ces anomalies sensorielles s’accompagnent d’anomalies motrices, tant on sait que la fonction visuelle est sensorielle et motrice. Rendons hommage au professeur Quéré et au docteur Delplace qui ont si bien montré ces anomalies des saccades et des poursuites de l’œil amblyope par leurs travaux en électro-oculographie [56], poursuivis bien plus tard par d’autres en vidéo-oculographie [3].

L’amblyopie motrice est une particularité du strabisme précoce, non obligatoire c’est-à-dire inconstante dans ce type de strabisme. Il existe dans le strabisme précoce une convergence des yeux qui entraîne une fixation croisée. L’enfant adopte alors une position de torticolis et l’œil demeure en adduction lorsqu’il est fixateur. Il n’y a pas de risque d’amblyopie si le torticolis est alternant et, avec le temps, le champ moteur du regard s’élargit de telle sorte que l’œil fixateur atteint la position primaire. Dans les cas où cet élargissement du champ moteur ne se produit que sur un œil, il y a un risque de maintien de cette position bloquée d’un œil en adduction et de dominance dite motrice de l’autre œil, l’œil dominé ayant par définition une amblyopie motrice, qu’il faut traiter par l’occlusion et/ou l’atropinisation de l’œil dominant voire, maintenant, par une injection de toxine botulique.

Conclusion

Comment expliquer simplement aux enfants et aux parents ce qu’est une amblyopie quand il n’est déjà pas toujours facile pour « celui qui sait ou est censé savoir » de donner une définition claire ? Les amblyopies sont multiples : monoculaires ou bi-oculaires/bilatérales ; monoculaires ou binoculaires ; fonctionnelles ou mixtes — puisque les amblyopies organiques ont toujours une part fonctionnelle — ; strabiques, anisométropiques et/ou de privation… C’est pourquoi notre définition globale est complexe : l’amblyopie est une diminution plus ou moins sévère de la fonction visuelle, après correction optique, du fait d’une altération précoce de l’expérience visuelle le plus souvent asymétrique, par privation d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil ou des yeux et/ou des voies visuelles retrouvée.

Le degré de l’amblyopie et sa régression due au traitement doivent être évalués selon une échelle logarithmique qui montre mieux aux parents les progrès au début du traitement d’une amblyopie moyenne ou profonde, ce qui les encourage.

Mieux définir la maladie pour le soignant permet au patient (ou au moins ses parents) de mieux comprendre la maladie, ce qui permet à la fois de mieux comprendre le traitement mais aussi de mieux l’entreprendre, puisque ce sont les parents qui sont les acteurs majeurs du traitement.

Les amblyopies sont un ensemble de pathologies du développement secondaires à une expérience visuelle anormale dans les premières années de vie. La cause organique ou anatomique ayant été traitée au mieux si elle est présente et si cela est possible, la part fonctionnelle due à des connexions entre l’œil et le cerveau, plus lentes ou moins performantes (il faut réveiller les synapses endormies !) sera alors traitée avec énergie.

Bibliographie

[1]  Audren F. Physiopathologie de l’amblyopie fonctionnelle et de l’amblyopie organique. Cahiers de Sensorio-Motricité. A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, Nantes, 2009 : 75-87.

[2]  Cordonnier M. Mesure de l’acuité visuelle. A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, Nantes, 2009 : 29-40.

[3]  Niechwiej-Szwedo E, Kennedy SA, Colpa L, Chandrakumar M, Goltz HC, Wong AM. Effects of induced monocular blur versus anisometropic amblyopia on saccades, reaching, and eye-hand coordination. Invest Ophthalmol Vis Sci, 2012 ; 53 : 4354-4362.

[4]  Péchereau A. Principes du traitement de l’amblyopie. In : L’amblyopie. XXXIIe Colloque de Nantes (2007). A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, Nantes, 2009 : 87-96.

[5]  Quéré M-A. Abnormal ocular movements in amblyopia. Trans Ophthalmol Soc U K, 1979 ; 99 : 401-406.

[6]  Quéré M-A, Delplace M-P. Les incomitances des ésotropies fonctionnelles. Ann Ocul (Paris), 1972 ; 205 : 533-548.

[7]  Repka MX, Kraker RT, Beck RW, Cotter SA, Holmes JM, Arnold RW, Astle WF, Sala NA, Tien DR ; Pediatric Eye Disease Investigator Group. Contrast sensitivity following amblyopia treatment in children. Arch Ophthalmol, 2009 ; 127 : 1225-1227.

[8]  Von Noorden G. Binocular vision and ocular motility. 6th ed. St Louis, Mosby, 2002.

II - Pourquoi un œil devient-il amblyope ?

E. Bui Quoc

L’amblyopie, dont la signification selon son étymologie grecque est une « vue » (? ?p?) « faible » (?µß?e?a), est fondamentalement la cause d’une asymétrie entre l’image perçue/transmise/intégrée en provenance d’un œil par rapport à l’autre. Nous reviendrons sur ces notions de perception, de transmission et d’intégration de l’information sensorielle. Il est déjà parfois malaisé d’expliquer à un parent ce qu’est l’amblyopie de leur enfant et le praticien est parfois pris au dépourvu quand il tente d’expliquer les problématiques d’une amblyopie « mixte » — par exemple, une cataracte congénitale unilatérale opérée, donc organique, mais aussi fonctionnelle puisque, bien entendu, cet œil atteint a un strabisme, un nystagmus pourquoi pas, et une anisométropie puisqu’il a été implanté à l’âge de trois mois avec un calcul d’implant difficile puisque l’œil atteint sa taille adulte entre deux et trois ans… Nous nous éloignons de notre sujet, certes, mais il n’est pas forcément plus facile d’expliquer une simple amblyopie strabique. Or, il est fondamental de comprendre pourquoi un œil devient amblyope, afin de le faire comprendre, car si la pathologie est bien comprise, le traitement sera d’autant mieux conduit.

L’amblyopie monoculaire, c’est une vision plus faible d’un œil par rapport à l’autre : la réponse simple qu’on peut donner à un patient ou à ses parents qui s’interroge sur ce qu’est cette « amblyopie » qu’il va falloir « rééduquer », c’est que les connexions entre l’œil et la partie du cerveau qui intègre le message visuel ne sont pas normales/parfaites. En somme, le récepteur (la caméra vidéo) fonctionne, mais les câbles sont défectueux… L’auteur est bien conscient du raccourci qu’il fait, mais cela peut aider les parents. Ils vont poser une seconde question : « Pourquoi mon enfant est amblyope ? » ; il va falloir répondre que ce câblage se met en place pendant une période de croissance/de maturation qui se poursuit jusqu’à six, huit, dix ans après la naissance. Pendant cette période de maturation de la vision, l’altération de l’expérience visuelle perturbe le développement harmonieux, équilibré et symétrique de la vision d’un œil par rapport à l’autre, et la plasticité cérébrale qui existe a alors un effet négatif et délétère. Mais il faut précisément profiter de cette plasticité cérébrale encore présente pour utiliser ses effets positifs et traiter l’amblyopie, de façon efficace, énergique et déterminée, tout en évitant de parler de « rééducation de l’amblyopie », expression affreuse qui ramène à une notion de « tare » terrible, de fardeau, qu’il va en plus falloir traiter par le « fardeau » de l’occlusion (burden en anglais : voir « the burden of subsequent amblyopia therapy » évoqué par des auteurs du PEDIG [1] — car soyons conscients de certains présupposés de ces études, à savoir dévaloriser l’utilisation du traitement efficace de l’amblyopie qu’est l’occlusion…) Bref, il faut parler de traitement ou de thérapeutique de l’amblyopie, dont nous allons revenir maintenant sur les causes.

Compétition interoculaire

Un œil devient amblyope car l’information sensorielle qui parvient à un œil est perturbée, ceci de façon asymétrique. En revanche, la transmission et la perception de l’information sensorielle sont initialement normales.

Il faut distinguer trois mécanismes amblyopigènes (fig. 6-1) :

  • la privation de contraste ;

  • la privation des hautes fréquences spatiales ;

  • la suppression.

En cas de privation monoculaire, il existe une privation de contraste. C’est ce qui se passe dans la cataracte congénitale unilatérale (ou dans le ptosis complet, par exemple) (fig. 6-2). Une des deux images ne parvient pas à la rétine.

En cas d’anisométropie, une des deux images est nette, alors que l’autre (la réfraction n’étant pas corrigée) est floue, avec privation des hautes fréquences spatiales (fig. 6-3).

Enfin, en cas de strabisme, les deux axes visuels n’étant pas alignés, il existe deux images non superposées. Pour éviter la diplopie, il existe une suppression d’une image (sous-tendue par une modification de la balance entre des neurones excitateurs et des neurones inhibiteurs, avec mise en jeu de neurotransmetteurs également inhibiteurs ou excitateurs) et, lorsque cette suppression affecte toujours l’image en provenance du même œil, en l’absence d’alternance du strabisme, une amblyopie s’installe (fig. 6-4).

Ces trois mécanismes basiques sont bien sûr intriqués, l’amblyopie pouvant induire une anisométropie (myopisation de l’œil amblyope) ou le strabisme (strabisme sensoriel), l’anisométropie pouvant induire un strabisme. Nous évoquions en introduction la problématique de la cataracte congénitale unilatérale opérée. Prenons l’exemple d’une anomalie de Peters bilatérale, ayant eu une greffe de cornée bilatérale, avec asymétrie du résultat réfractif du fait d’une kératométrie différente des cornées ; dans ce cas existent un strabisme, une anisométropie, une amblyopie binoculaire avec un œil amblyope relativement à l’autre (fig. 6-5 et 6-6).

Ainsi, dans l’amblyopie mixte, il existe une intrication de ces mécanismes. Rappelons que ce que nous définissons comme une amblyopie mixte, c’est la conjonction d’une amblyopie fonctionnelle — strabique, anisométropique, de privation « simple » comme un ptosis complet — et une anomalie organique oculaire, curable ou pas… Une cataracte peut être opérée certes, mais ne restitue pour autant pas un œil ad integrum puisqu’il existe la problématique chez l’enfant de l’implant et de l’absence d’accommodation qui perturbe de façon conséquente l’équilibre entre les deux yeux. La cataracte congénitale est une cause d’amblyopie à la frontière entre le fonctionnel et l’organique. D’autres anomalies correspondent plus précisément à la définition anglo-américaine stricte de l’« organic amblyopia » — que rappelle von Noorden : « loss of vision in one eye caused by retinal damage that is not detectable with the ophthalmoscope » [11] — et que nous appelons en Europe plutôt les baisses d’acuité visuelles inexpliquées, mais qui, grâce aux progrès de définitions des méthodes d’imagerie anatomique et fonctionnelle de la rétine, peuvent avoir une explication trouvée. Parallèlement, ces « amblyopies organiques » correspondent parfois plutôt à des cas de malvoyance ou mauvaise vision d’étiologie variée : aniridie, albinisme, tropie nystagmique

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Fig. 6-1 Modèle classique pour expliquer l’amblyopie : asymétrie, compétition entre l’information sensorielle en provenance des deux yeux.

(D’après Barret, 2004 [2].)

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Fig. 6-2 Privation monoculaire par privation des contrastes : modèle de la cataracte congénitale unilatérale.

a. Cataracte et persistance du vitré primitif. b. Cataracte congénitale à 2 ans associée à une myotonie. c. Cataracte congénitale dominante autosomique à 2 mois. d. Cataracte congénitale blanche.

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Fig. 6-3 Amblyopie par anisométropie : privation des hautes fréquences spatiales.

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Fig. 6-4 Amblyopie par strabisme : « neutralisation » monoculaire.

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Fig. 6-5 Amblyopie intriquée : anomalies de Peters avant (a) et après kératoplastie (b, c, d).

a. Juin 2006. b. Mai 2009.

c. Avril 2010. d. Juin 2011.

OD : – 10 (115°) + 5 (P = 47 d ; LA = 21,75). OG : – 0,75 (120°) + 3 (P = 41,5 d ; LA = 20,22).

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Fig. 6-6 Mécanismes amblyopigènes et amblyopie mixte, organique et fonctionnelle.

Développement normal et pathologique de la vision

La complexité du cerveau des mammifères supérieurs est telle que celui-ci n’a pas achevé sa maturation à la naissance. L’être humain, considéré comme le mammifère supérieur le plus évolué, parachève son développement après la naissance. Au plan visuel, les structures impliquées dans la vision poursuivent leur développement. Ici on ne parle pas de l’œil en soi, mais du corps géniculé latéral dorsal, petite structure nichée dans l’hypothalamus, et des cortex visuels, c’est-à-dire pas uniquement le cortex visuel primaire, mais toutes les structures corticales dédiées à la vision, soit un quart au moins du cerveau… Le cerveau en développement est un enchevêtrement d’axones et de neurones non organisés et non structurés. Il existe d’ailleurs une exubérance d’axones et de terminaisons synaptiques qui n’ont pas encore régressé. Au cours du développement, des connexions précises se mettent en place. Un jardin à la française vient remplacer un jardin anglais…

Ce développement visuel a lieu pendant une période précise après la naissance. Ce sont Hubel et Wiesel qui ont défini la période sensible ou période critique du développement visuel, montrant que les neurones du cortex visuel primaire ont des propriétés précises, par exemple de sélectivité à l’orientation ou de binocularité, et que ces propriétés ne sont pas innées mais acquises pendant une période définie en postnatal. De plus, une altération précoce de l’expérience visuelle perturbe ce processus normal de développement. Enfin, si on induit expérimentalement une altération précoce de l’expérience visuelle mais qu’on rétablit ensuite une expérience visuelle normale avant une certaine date, il peut y avoir une réversibilité des altérations des propriétés neuronales lésées. Hubel et Wiesel ont dénommé cette période de temps la « period of susceptibility » du développement visuel, puis « critical period » et « sensitive period » [5-913].

La correspondance avec l’humain est l’existence d’une maturation visuelle (sensorielle et motrice) pendant les premières années de la vie, un enfant atteignant par exemple une acuité visuelle de 10/10 entre quatre et six ans, de même que ses poursuites verticales ne sont plus saccadiques vers dix ans. En cas d’expérience visuelle anormale, il existe un risque d’amblyopie jusqu’à six ans environ. L’amblyopie est réversible si elle est bien traitée jusqu’à six, huit à dix ans… : il est difficile de préciser une date de fin de la période sensible du développement visuelle car il demeure toujours une plasticité cérébrale, même à l’âge adulte.

Il n’existe pas une période sensible du développement visuel mais plusieurs, dépendant au plan fondamental de la propriété visuelle étudiée et du type de neurone visuel étudié. Schématiquement, plus l’intégration perceptive est complexe, plus la période sensible est longue [3]. Lorsqu’on représente une courbe schématique de la période sensible du développement visuel, le plus souvent en cloche, son début est imprécis et elle ne se termine pas (fig. 6-7)…

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Fig. 6-7 Profil de la période sensible (ou période critique) du développement visuel.

Conséquences d’une altération précoce de l’expérience visuelle

Comme évoqué plus haut, l’amblyopie est la conséquence de l’absence d’image ou du flou d’une image ou encore de la présence de deux images.

Les conséquences en termes d’amblyopie de ces altérations précoces de l’expérience visuelle sont variables :

  • selon la date d’apparition de l’anomalie ;

  • selon le type d’altération.

Plus l’altération de l’expérience visuelle est précoce, plus les dommages sont importants. De fait, en cas par exemple de cataracte congénitale survenue dans la première année de vie, le risque d’amblyopie est majeur si la privation visuelle est longue, ce qui est souvent difficile à évaluer car la cataracte peut avoir été partielle non obturante puis s’être majorée, ou bien présente depuis plusieurs mois mais découverte tardivement du fait de la leucocorie ou d’un strabisme sensoriel. C’est pourquoi, dans ces cas, l’intervention chirurgicale doit être le plus précoce possible, programmée au moment du diagnostic de cataracte congénitale obturante amblyopigène, et le traitement de l’amblyopie être le plus énergique qui soit. Si, dans le strabisme précoce, le risque d’amblyopie monoculaire est modéré (de l’ordre d’un cas sur quatre) ; en revanche, l’amblyopie binoculaire, c’est-à-dire l’absence de vision binoculaire normale, est constante, rendant cette pathologie « incurable » au plan sensoriel [10] ; en cas de cataracte congénitale unilatérale survenue dans la première année de vie, la vision binoculaire demeure également le plus souvent anormale, même si l’amblyopie monoculaire n’est pas sévère.

Les bases fondamentales de ces altérations précoces du développement visuel correspondent à des connexions neuronales anormales et/ou à des synapses non fonctionnelles. Les réseaux neuronaux impliqués dans la vision ont une architecture précise. Cette architecture se modèle pendant la période sensible du développement visuelle, avec des connexions exubérantes juvéniles qui régressent et des connexions nouvelles normales qui se forment. En cas d’altération précoce de l’expérience visuelle et en l’absence de traitement adéquat, il existe d’abord une non-fonctionnalité des synapses entre neurone : le traitement de l’amblyopie va tendre à les rendre de nouveau fonctionnelles. Avec le temps et en l’absence de traitement, les connexions anormales demeurent, avec une architecture anatomique fixée et irréversible. Ces mécanismes sont sous-tendus par l’intervention de neuromédiateurs agissant sur la croissance ou la régression neuronale [4] (fig. 6-8).

Conclusion

Un œil devient amblyope car le cerveau d’un enfant est encore en développement. Les connexions neuronales portant l’information sensorielle en provenance d’un œil et de l’autre sont symétriques et équivalentes. Si une asymétrie de l’expérience visuelle survient, l’information sensorielle est soit absente (privation) soit de mauvaise qualité (anisométropie) soit en trop grande quantité avec élimination d’une des images (strabisme). Les processus normaux de régression d’axones exubérants, de croissance neuronale, de connexion entre synapses sont perturbés et les réseaux neuronaux deviennent anormaux. Si on intervient à temps (traitement de l’amblyopie), il existe encore une plasticité cérébrale permettant d’agir non plus dans un sens négatif mais dans un sens positif. Il n’est pour autant jamais trop tard, car la neurophysiologie montre bien qu’il persiste une certaine plasticité cérébrale à l’âge adulte. Cependant, les études statistiques montrent que bien peu en bénéficient.

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Fig. 6-8 Cascade d’événements moléculaires, depuis une modification de la balance excitation-inhibition des neurones par l’expérience visuelle jusqu’à leurs changements structurels.

(D’après Hensch, 2004 [4].)

Bibliographie

[1]  Cotter SA. Pediatric Eye Disease Investigator Group, Edwards AR, Wallace DK, Beck RW, Arnold RW, Astle WF, et al. Treatment of anisometropic amblyopia in children with refractive correction. Ophthalmology, 2006 ; 113 : 895-903.

[2]  Barrett BT, Bradley A, McGraw PV. Understanding the neural basis of amblyopia. Neuroscientist, 2004 ; 10 : 106-117.

[3]  Daw NW, Fox K, Sato H, Czepita D. Critical period for monocular deprivation in the cat visual cortex. J Neurophysiol, 1992 ; 67 : 197-202.

[4]  Hensch TK. Critical period regulation. Annu Rev Neurosci, 2004 ; 27 : 549-579.

[5]  Hubel DH, Wiesel TN. Binocular interaction in striate cortex of kittens reared with artificial squint. J Neurophysiol, 1965 ; 28 : 1041-1059.

[6]  Hubel DH, Wiesel TN. Effects of monocular deprivation in kittens. Naunyn Schmiedebergs Arch Exp Pathol Pharmakol, 1964 ; 248 : 492-497.

[7]  Hubel DH, Wiesel TN. Receptive fields of single neurones in the cat’s striate cortex. J Physiol, 1959 ; 148 : 574-591.

[8]  Hubel DH, Wiesel TN. Shape and arrangement of columns in cat’s striate cortex. J Physiol, 1963 ; 165 : 559-568.

[9]  Hubel DH, Wiesel TN. The period of susceptibility to the physiological effects of unilateral eye closure in kittens. J Physiol, 1970 ; 206 : 419-436.

[10]  Péchereau A. Strabisme chez l’enfant. Rev Prat, 2003 ; 53 : 1827-1833.

[11]  Von Noorden G. Binocular vision and ocular motility. 6th ed. St Louis, Mosby, 2002.

[12]  Wiesel TN, Hubel DH. Effects of visual deprivation on morphology and physiology of cells in the cats lateral geniculate body. J Neurophysiol, 1963 ; 26 : 978-993.

[13]  Wiesel TN, Hubel DH. Extent of recovery from the effects of visual deprivation in kittens. J Neurophysiol, 1965 ; 28 : 1060-1072.

III - Traitement

F. Audren, S. Arsène

Principes
F. Audren

L’amblyopie fonctionnelle est définie par une baisse d’acuité visuelle d’origine corticale. Elle peut être réfractive, strabique ou mixte. La nécessité du traitement de l’amblyopie ne se discute pas, car elle est responsable de handicap visuel majeur en cas de pathologie ophtalmologique de l’œil non amblyope (traumatisme, dégénérescence maculaire liée à l’âge). Les principes du traitement reposent sur les notions de période critique (traitement précoce), de synchronisation (correction optique) et de commutation (gestion du temps de fixation par chaque œil). Les moyens du traitement sont la correction optique, l’occlusion, les pénalisations optiques. Le traitement repose sur une phase d’attaque par une occlusion totale de l’œil amblyope jusqu’à obtention de l’isoacuité, puis une phase d’entretien qui peut reposer sur l’occlusion ou les pénalisations optiques ou les filtres. Le seul cas où l’occlusion totale n’est pas indiquée est l’amblyopie réfractive pure sans strabisme (anisométropie modérée, avec vision binoculaire normale, sans microstrabisme). La durée totale d’un traitement d’amblyopie est justifiée par le risque de récurrence qui existe jusqu’à l’âge de dix ans. Le principal problème des traitements et la principale cause d’échec sont la mauvaise observance. Le rôle des parents dans le traitement est essentiel.

FAUT-IL TRAITER L’AMBLYOPIE FONCTIONNELLE ?

L’amblyopie fonctionnelle a trois causes : la déprivation monoculaire, les anomalies réfractives, le strabisme [5] (cf. fig. 6-1). Les amblyopies de privation sont rares et représenteraient au plus 3 % du total des amblyopies : elles sont le fait d’amblyopies mixtes, organiques et fonctionnelles — anomalie de la voie visuelle responsable d’une amblyopie organique, avec une part fonctionnelle ajoutée — ; on peut leur rapprocher les amblyopies de privation « pures » compliquant les ptosis (sans strabisme), qui sont exceptionnelles. Les amblyopies réfractives et strabiques sont largement majoritaires : réfractives dans 17 % à 37 % des cas, strabiques dans 24 % à 57 % des cas, ou mixtes (association d’anomalies réfractives et strabiques) dans 24 % à 35 % des cas [435570].

On estime généralement la prévalence de l’amblyopie fonctionnelle comprise entre 0,5 % et 3,5 % chez l’enfant [1630, 6769]. Dans la population adulte, elle est d’environ 3 % (acuité visuelle inférieure ou égale à 20/40) [468], avec une acuité visuelle inférieure ou égale à 20/80 chez 38 % des amblyopes. L’amblyopie fonctionnelle est la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle unilatérale entre les âges de vingt ans et soixante-dix ans [43262].

Dispositions concernant le permis de conduire

(Journal officiel, arrêté du 31 août 2010.)

  • Groupe I (véhicule léger) : il y a incompatibilité si l’acuité binoculaire est inférieure à 5/10 ; ou, si un des deux yeux a une acuité visuelle nulle ou inférieure à 1/10, il y a incompatibilité si l’autre œil a une acuité visuelle inférieure à 5/10.

  • Groupe II (véhicule lourd) : il y a incompatibilité si l’acuité visuelle est inférieure à 8/10 pour l’œil le meilleur et à 1/10 pour l’œil le moins bon.

L’amblyopie fonctionnelle a un retentissement sur la qualité de vie de l’adolescence et à l’âge adulte [5065]. Chez le sujet âgé, la présence d’une amblyopie fonctionnelle est facteur de handicap et de dépendance s’il y a une atteinte organique de l’œil non amblyope (dégénérescence maculaire liée à l’âge principalement) [24]. Chez l’adulte jeune, il y a également un risque accru de cécité par rapport à la population générale, surtout par traumatisme de l’œil non amblyope [4763].

La question de savoir s’il faut traiter une amblyopie fonctionnelle ne se pose pas ; en effet :

  • si l’on peut se dire qu’une bonne vision d’un seul œil est « suffisante », celle-ci expose à une qualité de vie moindre, au handicap en cas de baisse visuelle de ce bon œil ;

  • l’amblyopie fonctionnelle est curable, son dépistage et sa prise en charge précoces diminuent sa prévalence [26, 28] ;

  • d’un point de vue économique, les traitements de l’amblyopie ont un excellent rapport coût-efficacité [25, 31].

QUELQUES ASPECTS DE LA PHYSIOPATHOLOGIE DE L’AMBLYOPIE FONCTIONNELLE ET LEURS IMPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
PLASTICITÉ CÉRÉBRALE

La plasticité cérébrale est maximale entre les âges de six mois et deux ans et décroît lentement jusqu’à dix à onze ans (stabilisation des réseaux neuronaux, cf. fig. 6-7 et 6-8). Cette période critique de développement du système visuel correspond au moment pendant lequel le traitement de l’amblyopie est possible ; plus le diagnostic — d’où importance du dépistage — et le traitement seront précoces, meilleurs seront les résultats. Ceux-ci sont très bons avant l’âge de six ans, puis diminuent progressivement avec l’âge, mais des réponses peuvent être observées jusqu’à au moins dix-sept ans. Un des corollaires de la période critique pendant laquelle il existe une plasticité cérébrale est le risque de rechute de l’amblyopie à l’arrêt du traitement. Les rechutes sont très fréquentes avant l’âge de sept ans : elles se rencontrent dans 24 % des cas à l’arrêt du traitement, particulièrement si on arrête brutalement le traitement (risque multiplié par 4 à l’arrêt brutal d’une occlusion qui était supérieure à six heures par jour) [19] ou si on avait obtenu une bonne acuité visuelle avant l’arrêt de l’occlusion, et en cas de forte amplitude de gain sous occlusion ou d’un antécédent de récurrence de l’amblyopie, qui témoignent de la plasticité du système visuel. Le risque de récurrence est présent jusqu’environ l’âge de dix ans et est inversement corrélé à l’âge de l’enfant [6].

La plasticité cérébrale est donc aussi le justificatif de la durée du traitement, qui doit se prolonger jusqu’à ce que le risque de récurrence disparaisse (dix à onze ans), ce qui correspond le plus souvent à une durée de traitement de cinq ans minimum, mais elle pourra être plus longue en cas de prise en charge tardive, d’amblyopie profonde, de difficultés de traitement (lenteur de récupération, mauvaise observance) ou d’amblyopie organique [40].

SYNCHRONISATION

Le développement de la fonction visuelle (aires corticales visuelles) est marqué pendant les premiers mois de vie par une synaptogenèse intense établissant des connexions entre les colonnes de dominance issues des deux yeux, suivie par une élimination des synapses inutiles. Ce tri est conditionné par l’activité de ces synapses, elle-même conditionnée par l’activité des neurones visuels qu’elles lient. En schématisant à l’extrême, seront conservées les synapses entre des neurones dont l’activité est synchrone (coordonnée), c’est-à-dire dont l’activité est induit par un stimulus visuel symétrique au niveau des deux yeux [40, 5464]. Le corollaire est la nécessité de la présence de l’information visuelle au niveau des deux yeux (absence de pathologie-amblyopie organique) et qu’elle soit de qualité équivalente aux deux yeux. La synchronisation est l’action de coordonner plusieurs opérations entre elles en fonction du temps ; il s’agit d’une condition essentielle dans le développement harmonieux des réseaux neuronaux. Deux images de qualité ou de taille différente en raison d’un trouble réfractif entraînent un conflit au niveau du cortex visuel par désynchronisation (non-corrélation), notamment par privation en hautes fréquences spatiales en cas d’anisométropie [5]. En cas d’amétropies ou d’anisométropies, la correction optique totale est le seul moyen d’égaliser les qualités perceptives des deux yeux et le signal neuronal arrivant au cortex visuel. Les objectifs du traitement seront donc d’obtenir le meilleur signal visuel — c’est-à-dire la correction la plus parfaite possible de tous les éléments anatomiques : cataracte, etc. — et de corriger tous les vices de réfraction. La correction optique totale après cycloplégie est la base de toute thérapeutique. Elle est l’élément qui va égaliser l’information visuelle en emmétropisant les deux yeux [43].

DÉVIATION STRABIQUE ET CONSÉQUENCES

La déviation strabique va entraîner un conflit au niveau au niveau du cortex visuel. L’œil fixateur envoie au cortex visuel une image qui est l’image de référence. L’image de l’œil non fixateur (dévié) est modifiée car la zone non fovéolaire correspondant à la fovéola de l’œil fixateur, du fait de la structure rétinocorticale, envoie un message de qualité inférieur à celle de l’œil fixateur. De plus, la déviation entraîne, de facto, une inadaptation du système optique de l’œil entraînant une dégradation de l’image transmise [40]. Les conséquences sont donc une altération de la qualité de l’image de l’œil dévié et une diplopie (immédiate, due à la compétition entre les stimuli des deux yeux, secondaire à la déviation des axes visuels). Chez l’enfant, la plasticité cérébrale est telle que le conflit entre les stimuli des deux yeux va être géré par une adaptation du système visuel pour laquelle il faut distinguer situations, binoculaire et monoculaire :

  • en binoculaire, des mécanismes neuronaux vont être mis en œuvre, reposant sur une stratégie d’oubli de l’information visuelle de l’œil dévié (neutralisation) ;

  • en monoculaire :

    • soit le sujet retrouve une fonction monoculaire normale, les troubles notés en binoculaire disparaissent et la primauté de la fovéola de l’œil dévié est retrouvée : c’est le phénomène de commutation sur laquelle la prise en charge de l’amblyopie repose et qui a été clairement explicité par M.-A. Quéré, C. Rémy et A. Péchereau [40] ;

    • soit la déstructuration corticale de l’image de l’œil dévié persiste en condition monoculaire : elle est alors permanente ; à la déviation strabique, se surajoute l’amblyopie fonctionnelle (pathologie spécifique du cortex visuel).

Dans tous les cas où il y a une compétition entre l’information visuelle des deux yeux et qu’il n’y a pas de diplopie (strabisme, anisométropie forte, etc.), un phénomène de commutation se met en place en binoculaire. L’information fovéolaire de l’œil dévié, spontanément ou par un artifice (quel qu’il soit), est oubliée. Le principe fondamental des traitements de l’amblyopie repose sur la notion de commutation : son seul objectif est de gérer le temps de stimulation de la fovéola de chaque œil.

On peut diviser les amblyopies en deux groupes en fonction de la présence ou non d’une commutation.

S’il existe une commutation, le système fonctionne sur un mode binaire : soit l’œil dominé fixe et l’information visuelle de la fovéola de l’œil dominant n’est pas utilisée, soit l’œil dominant fixe et l’information visuelle de la fovéola de l’œil dominé n’est pas utilisée. Dans la pathologie strabique et anisométropique (de plus de 1,5 d), la commutation unifie toutes les méthodes qui fonctionnent toutes sur le même mode : la division du temps. La suppression complète de l’information visuelle d’un œil (aucun signal structuré) fait disparaître la compétition entre les stimulations des fovéas des deux yeux, d’où l’intérêt du port permanent (24 heures sur 24) de l’occlusion. Il existe deux modes de traitements :

  • les méthodes qui divisent le temps lui-même ; elles sont au nombre de deux :

    • l’occlusion : le temps d’occlusion est l’élément discriminant ;

    • les filtres : en présence d’une commutation de l’information fovéolaire, le niveau d’acuité visuelle résiduelle n’a que peu d’importance, la fovéola de l’œil dévié est toujours « off » ; du fait de la commutation, ils ne sont qu’un succédané de l’occlusion ;

  • les méthodes qui divisent le temps par le biais de l’espace :

    • pénalisations et atropinisation : le temps d’utilisation de chaque œil est fonction de sa spécialisation : loin (temps de loin) et près (temps de près) ; l’alternance de la fixation est capitale à obtenir pour que ce type de traitement soit efficace ;

    • les secteurs : le temps d’utilisation de chaque œil est fonction de sa spécialisation : droite (temps du regard vers la droite) et gauche (temps du regard vers la gauche).

Plus rarement, il n’existe pas de commutation et, dans ce cas, plusieurs conditions doivent être remplies : il existe une amblyopie, sans strabisme, et une ébauche de vision binoculaire. Il s’agit du tableau clinique d’amblyopie par anisométropie faible (jusqu’à 1,5 d). Dans ce cas, la dégradation de la fonction visuelle du bon œil (par filtre ou pénalisation calibrés) en dessous du niveau d’acuité visuelle de l’œil amblyope est logique.

QUAND FAUT-IL TRAITER ?

Le traitement d’une amblyopie fonctionnelle doit être systématique dès le diagnostic posé. La prise en charge (dépistage, diagnostic positif, traitement) doit être le plus précoce possible.

AFFIRMER L’AMBLYOPIE

La définition clinique de l’amblyopie fonctionnelle est l’objet d’un consensus.

L’amblyopie est définie par une différence d’acuité visuelle corrigée d’au moins deux lignes entre les deux yeux, mesurée sur une échelle logarithmique.

Au-delà de cette définition stricte, on pourra aussi différencier amblyopie relative et amblyopie absolue [40].

Amblyopie relative (différence interoculaire)

Elle existe quand il y a une différence supérieure à une ligne d’acuité visuelle en échelle logarithmique :

  • amblyopie légère = 2 lignes en acuité visuelle logarithmique ;

  • amblyopie moyenne = 4 lignes en acuité visuelle logarithmique ;

  • amblyopie profonde = 11 lignes en acuité visuelle logarithmique.

Amblyopie absolue (acuité visuelle du moins bon œil)

On définit le plus souvent deux niveaux (de seuil variable selon les auteurs) [40] :

  • amblyopie moyenne = – 0,4 en acuité visuelle logarithmique (= 4/10 sur une échelle de Monoyer) ;

  • amblyopie profonde = – 1 en acuité visuelle logarithmique (= 1/10 sur une échelle de Monoyer).

De facto, cette définition exclut les enfants d’âge préverbal, dont on ne peut chiffrer l’acuité visuelle. Le seul cas où l’amblyopie pourra être affirmée chez des enfants chez qui l’acuité ne peut être chiffrée est quand des signes moteurs d’amblyopie sont présents, c’est-à-dire une anomalie de la fixation monoculaire de l’œil amblyope (absence de fixation, fixation instable, fixation excentrique [69]). La seule fixation préférentielle d’un œil par rapport à l’autre peut être un signe d’amblyopie, mais sa corrélation est mauvaise avec l’acuité visuelle réelle [217] et elle ne permet pas d’affirmer une amblyopie. En revanche, s’il existe une déviation strabique, elle incite à débuter un traitement (préventif).

PLACE DE LA CORRECTION OPTIQUE

Le diagnostic d’amblyopie repose sur la mesure de l’acuité visuelle corrigée, c’est-à-dire que la correction optique (mesurée sous cycloplégie adaptée), si elle a été prescrite, doit avoir été portée de façon permanente pendant un temps suffisant. La durée de port généralement préconisée avant d’affirmer le diagnostic d’amblyopie est généralement d’un à deux mois.

Il ne faut pas ignorer que le port de la correction optique peut améliorer l’acuité visuelle pendant un temps plus long, comme cela a été montré par une étude du PEDIG, qui portait sur l’évolution de l’acuité visuelle observée avec le port de la correction optique seule, en cas d’amblyopie réfractive modérée (différence d’acuité visuelle d’au moins trois lignes, acuité mesurée après dix à trente minute de port de la correction optique), chez des enfants de trois à sept ans : un gain d’acuité visuelle d’au moins deux lignes était retrouvé dans 77 % des cas, avec une disparition de l’amblyopie (définie comme une différence entre les deux yeux d’une ligne au plus) dans 27 % des cas et une stabilisation de l’acuité visuelle obtenue dans 90 % des cas, dans les dix-sept premières semaines (jusqu’à trente semaines) [10]. Le même type d’amélioration a été rapporté en cas d’amblyopie strabique avec anomalie réfractive après port de la correction optique [9]. Compte tenu de ces données, en cas d’amblyopie modérée et si l’acuité visuelle augmente avec le port de la correction optique, il semble raisonnable d’attendre avant d’adjoindre un autre traitement de l’amblyopie (contrôle tous les mois ou tous les deux mois).

En cas d’amblyopie sévère, notamment si elle ne semble pas s’expliquer par un facteur réfractif (composante strabique ?) et/ou que l’acuité ne remonte pas rapidement avec la correction optique seule, le traitement à proprement parler de l’amblyopie doit être commencé.

PRÉVENIR L’AMBLYOPIE

L’amblyopie fonctionnelle est la conséquence soit d’une anomalie réfractive, soit d’un strabisme. La prévention consiste donc à traiter ces facteurs de risque.

Chez un enfant ne présentant pas de déviation strabique, les valeurs seuils à partir desquelles on estime qu’une anomalie réfractive justifie de la prescription d’une correction optique (risque d’amblyopie et/ou d’apparition d’un strabisme [21-23]) sont :

  • une sphère de base = +2 d ou une sphère méridienne = +3,5 d à l’âge d’un an ;

  • une anisométropie > 1 d ;

  • un cylindre > 1,5 d.

En cas de déviation strabique manifeste, même si une amblyopie n’est pas suspectée, un traitement est souvent commencé — visant à contrôler le temps de fixation de chaque œil, par une occlusion alternée, par exemple.

QUELS SONT LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT ?

L’objectif du traitement est l’obtention pour tous les patients de l’acuité visuelle maximale pour l’œil amblyope, c’est-à-dire l’isoacuité [41]. Remarquons qu’idéalement celle-ci se conçoit en se donnant les moyens de mesurer l’acuité corrigée maximale de l’œil non amblyope (au-delà de 10/10 en échelle de Monoyer, c’est-à-dire, 12/10, 16/10, voire 20/10…).

RÉSULTATS DU TRAITEMENT : DES PREUVES SCIENTIFIQUES ?

Si l’objectif du traitement est l’isoacuité, les résultats publiés, notamment à long terme, peuvent sembler décevants ; nous ne les détaillerons pas [27, 37, 57]. Les causes de ces mauvais résultats sont multiples : tolérance/observance du traitement, problèmes de dosage (temps d’occlusion), durée du traitement (traitement trop court, fréquence des récurrences), mauvaise prise en charge réfractive, compréhension et collaboration des parents, etc. Ces différentes causes sont bien connues.

Le traitement par occlusion fait office de référence historique et pratique, mais l’occlusion totale et permanente telle que nous la pratiquons ne fait pas l’objet d’un consensus mondial reposant sur des éléments d’evidence-based medicine. La littérature sur le sujet fait état de la diversité des pratiques [1557].

Les études cliniques concernant les traitements de l’amblyopie fonctionnelle sont décevantes malgré le problème de santé publique que cette pathologie représente. Il y a à cela plusieurs explications : difficultés pratiques des évaluations visuelles chez l’enfant, durée du suivi nécessaire (soit des années jusqu’à un âge où il n’y aurait plus de risque de récurrence), ou questionnements, plus ou moins explicitement exposés, sur l’acceptabilité (« tolérance sociale » de l’occlusion) qui relèguent au second plan l’exigence du meilleur résultat possible du traitement en termes d’acuité visuelle. Ce dernier point est particulièrement vrai en ce qui concerne les études récentes du PEDIG qui, malgré des essais prospectifs contrôlés rigoureux, n’ont jamais pour objectif thérapeutique la meilleure acuité visuelle corrigée ou l’isoacuité (cf. la section qui leur est consacrée plus loin dans ce chapitre). L’absence de référence d’evidence-based medicine indiscutable en matière de traitement de l’amblyopie a pour conséquence de réelles variations de prise en charge en fonction des lieux et des habitudes [62]. Les études existantes, en un sens, représentent plus « ce qui se fait » que « ce qui devrait se faire » et illustrent souvent les erreurs les plus fréquentes — traitements pas assez agressifs, trop courts, problèmes d’observance, etc. Les résultats décevants de ces études cliniques contrastent d’ailleurs avec les résultats a priori attendus par les praticiens [62]. Les points de vue apparemment dogmatiques de la plupart des ophtalmologistes pédiatres et des strabologues et leur attente d’un excellent résultat peuvent paraître contradictoires avec le manque d’essais cliniques indiscutables. Cependant, cette attente est légitimée par les connaissances fondamentales actuelles sur le développement visuel, les strabismes et l’amblyopie, l’expérience clinique, les données de la littérature scientifique si tant est qu’on soit suffisamment critique à son égard.

Conclusion

La compréhension de la pathologie amblyopique et une certaine attente d’excellence en matière de performance visuelle semblent nous inciter à la plus grande exigence en ce qui concerne les objectifs du traitement d’une amblyopie fonctionnelle. Ceci a pour corollaire inévitable une rigueur opiniâtre dans l’application du traitement tel que nous le concevons. Les difficultés du traitement sont habituelles et ne doivent avoir pour réponse que la persévérance des thérapeutes pour convaincre parents et enfants du bien-fondé et du respect d’un traitement par essence long et contraignant.

Moyens
F. Audren

L’amblyopie fonctionnelle est définie par une baisse d’acuité visuelle, d’origine corticale. Elle peut être réfractive, strabique ou mixte. La nécessité du traitement de l’amblyopie ne se discute pas, car elle est responsable de handicap visuel majeur en cas de pathologie ophtalmologique de l’œil non amblyope (traumatisme, dégénérescence maculaire liée à l’âge). Les principes du traitement reposent sur les notions de période critique (traitement précoce), de synchronisation (correction optique) et de commutation (gestion du temps de fixation par chaque œil). Les moyens du traitement sont la correction optique, l’occlusion, les pénalisations optiques. Le traitement repose sur une phase d’attaque par une occlusion totale de l’œil amblyope jusqu’à obtention de l’isoacuité, puis une phase d’entretien qui peut reposer sur l’occlusion ou les pénalisations optiques ou les filtres. Le seul cas où l’occlusion totale n’est pas indiquée est l’amblyopie réfractive pure sans strabisme (anisométropie modérée, avec vision binoculaire normale, sans microstrabisme). La durée totale d’un traitement d’amblyopie est justifiée par le risque de récurrence qui existe jusqu’à l’âge de dix ans. Le principal problème des traitements et la principale cause d’échec sont la mauvaise observance. Le rôle des parents dans le traitement est essentiel.

Le traitement de l’amblyopie comprend des outils thérapeutiques, des phases, des acteurs.

OUTILS DU TRAITEMENT

Ce sont :

  • la correction optique proprement dite (correction optique totale, évoquée plus haut) ;

  • l’occlusion  :

    • sur peau : par pansement occlusif, la méthode de référence ;

    • par bandeau ;

    • sur lunettes : film opaque ou translucide brouillant complètement la vision ;

  • les pénalisations :  

    • optiques : elles se limitent actuellement surtout aux surcorrections hypermétropiques (surcorrection de + 3,00 d en plus de la correction optique totale) ;

    • pharmacologiques (atropinisation) ;

    • éventuellement leur association ;

  • les filtres calibrés : filtres Ryser (ou de Bangerter).

PHASES DU TRAITEMENT

Le prérequis du traitement est le port de la correction optique quand elle a été prescrite (notion de synchronisation). On distingue une phase de traitement d’attaque puis une phase de traitement d’entretien (ou de prévention de la récidive). Cette distinction de deux phases, si elle est communément admise les ophtalmologistes francophones [40], n’est pas retrouvée explicitement dans la littérature ophtalmologique étrangère, notamment anglo-saxonne [57]. Scott rapporte une récurrence de l’amblyopie dans 45 % des cas à l’arrêt de l’occlusion totale, qui, quand elle survient, est traitée alors par occlusion partielle, mais il ne s’agit pas d’un relais systématique [51]. La phase d’attaque est la phase de début du traitement, elle repose sur l’occlusion totale et permanente jusqu’à l’obtention de l’isoacuité (notion de commutation). La phase d’attaque est relayée par une phase d’entretien (prévention de la récurrence, notion de plasticité cérébrale), jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de risque de rechute.

ACTEURS DU TRAITEMENT

Ils sont au nombre de trois :

  • l’enfant ;

  • les thérapeutes (ophtalmologiste et orthoptiste) ;

  • les parents.

Les parents ont un rôle stratégique dans le traitement et ils doivent être informés de ses enjeux (principes, contraintes, résultats attendus).

On se doit de préciser la situation actuelle, quitte à employer des formules marquantes : « Votre enfant est un borgne fonctionnel. » (M.-A. Quéré) [41]. Il faut indiquer les chances de succès, les moyens (correction optique totale, occlusion, etc.) et les conditions du succès du traitement, que sont la rigueur et permanence du traitement. Pendant le traitement d’attaque : « Cinq minutes sans traitement, c’est huit jours en arrière. » (M.-A. Quéré) [41]. Il est également nécessaire d’indiquer la durée du traitement et l’âge auquel celui-ci est le plus susceptible d’agir. Les parents doivent être informés des risques du traitement comme de l’amblyopie à bascule ou de l’augmentation d’une déviation strabique. Des travaux cliniques ont souligné l’importance de l’information des parents dans l’adhésion au traitement [3536], ainsi que celle du soutien psychologique aux parents que peuvent apporter les ophtalmologistes ou les orthoptistes [1153].

Traitement d’attaque
F. Audren

Le traitement repose sur une phase d’attaque par une occlusion totale de l’œil amblyope jusqu’à obtention de l’isoacuité, puis une phase d’entretien qui peut reposer sur l’occlusion ou les pénalisations optiques ou les filtres. Le seul cas où l’occlusion totale n’est pas indiquée est l’amblyopie réfractive pure sans strabisme (anisométropie modérée, avec vision binoculaire normale, sans microstrabisme). La durée totale d’un traitement d’amblyopie est justifiée par le risque de récurrence qui existe jusqu’à l’âge de dix ans. Le principal problème des traitements et la principale cause d’échec sont la mauvaise observance. Le rôle des parents dans le traitement est essentiel.

OBJECTIFS

L’objectif du traitement d’attaque est l’isoacuité.

OUTILS DU TRAITEMENT

Le traitement de référence est l’occlusion sur peau, sous la forme d’un pansement opaque collé sur la peau, dont il existe deux formes commerciales : Opticlude® et Ortopad® (fig. 6-9). Cette occlusion permet une obturation complète de l’œil équipé, qui peut être difficile à enlever. La correction optique est portée par-dessus l’œil occlus, ne servant alors qu’à la vision de l’œil amblyope. Il existe d’autres techniques d’occlusion comme la ventouse placée derrière le verre de lunettes, les occlusions sur peau par d’autres types de pansements (« bricolage » des parents quand l’enfant arrache son pansement [1]), les bandeaux.

L’occlusion sur le verre de lunette est à proscrire en traitement d’attaque, l’enfant pouvant facilement regarder autour de la monture.

image

Fig. 6-9 Occlusion sur peau.

a. Exemple de pansement d’occlusion totale. b. Un film noir intégré permet une diminution maximum de la perception visuelle de l’œil occlus.

(Avec l’aimable autorisation d’Ortopad®.)

MODALITÉS DU TRAITEMENT

En cas d’amblyopie modérée ou sévère, le traitement initial (à l’exception de l’amblyopie par anisométropie faible, cf. infra) est de règle une occlusion totale et permanente, c’est-à-dire que l’enfant devra « oublier » la vision de son bon œil. « Totale et permanente » signifie que le pansement servant à l’occlusion devra être toujours parfaitement collé, et qu’il devra être changé à chaque fois qu’il est abîmé (au minimum une fois par jour, souvent le matin avant le réveil) et qu’il est porté jour et nuit. « Cinq minutes sans occlusion, c’est huit jours en arrière pour le traitement. » (M.-A. Quéré) [41]. La durée initiale de ce traitement est d’une semaine par année d’âge en traitement d’attaque avant le premier contrôle (par exemple à quatre ans : quatre semaines d’occlusion totale avant le premier contrôle). Cette occlusion sera ensuite poursuivie jusqu’à l’isoacuité. La durée de l’occlusion totale n’a pas de limite fixe a priori : cette durée dépend de la récupération, qui est conditionnée par la profondeur de l’amblyopie et l’âge de l’enfant.

SURVEILLANCE

La surveillance est obligatoire et essentielle : les contrôles permettent de constater l’évolution et d’encourager enfants et parents dans la poursuite du traitement. Ces contrôles portent sur l’acuité visuelle de l’œil amblyope, sur celle de l’œil occlus, sur la tolérance et l’observance du traitement.

À l’arrivée en consultation de surveillance, l’enfant doit arriver avec le cache en place. L’acuité visuelle de l’œil amblyope doit augmenter progressivement à chaque visite. Il est souvent dit que l’acuité de près augmente avant celle de loin. Ceci peut être discuté : d’un point de vue physiologique (et par définition), l’acuité visuelle de loin est la même que celle de près. Il ne faut pas négliger chez l’enfant les problèmes de distance de lecture de près (qui sont spontanément moindres que chez l’adulte), ainsi que le défaut de standardisation des échelles de mesure de loin et de près chez l’enfant ; dans des conditions rigoureuses, il peut exister des différences entre les acuités de loin et de près chez les amblyopes, mais elles ne sont pas systématisées et seraient dues en partie à des fluctuations de réponse de l’enfant aux tests [769]. L’augmentation de l’acuité visuelle est plus rapide sur les optotypes séparés que sur ceux en ligne [61].

La mesure de l’acuité visuelle de l’œil occlus justifie d’une attention particulière : on notera d’abord dès qu’on enlève l’occlusion quel est l’œil fixateur. Si l’acuité visuelle du bon œil semble diminuée, il ne faudra pas hésiter à attendre quelques dizaines de minutes avant de la remesurer (voire une à deux heures [1]), pour souvent s’apercevoir qu’elle n’a en réalité pas baissé, mais que le bon œil fait l’objet d’une « sidération » à l’ablation du pansement. Si en revanche l’acuité est et reste diminuée par rapport au contrôle précédent ou inférieure à l’œil initialement amblyope (bascule d’amblyopie), ou s’il y a un changement d’œil fixateur (prise de fixation systématique par l’œil initialement amblyope), il faut modifier le traitement et passer au traitement d’entretien.

Rappelons que par rapport à un enfant normal, un enfant amblyope a une acuité visuelle maximale du bon œil qui sera atteinte plus tard (cinq ans et neuf ans respectivement) [66].

Les visites de surveillance sont toujours l’occasion d’évaluer la tolérance à l’occlusion (cutanée notamment), l’observance de l’occlusion, et d’encourager les parents et l’enfant à la poursuite du traitement.

QUAND ARRÊTER LE TRAITEMENT D’ATTAQUE ?

Le traitement d’attaque s’arrête quand l’isoacuité est atteinte voire que l’acuité de l’œil initialement amblyope est meilleure que celle de l’œil adelphe, ou quand on constate une baisse d’acuité de l’œil non amblyope, ou une bascule de fixation. Dans ces cas, le traitement d’attaque est systématiquement relayé par un traitement d’entretien.

Inversement, il peut exister des cas où l’objectif du traitement n’est pas atteint malgré un traitement bien suivi, il s’agit souvent d’amblyopie fonctionnelle sévère avec fixation excentrique (témoignant de la profondeur des anomalies sensorielles), d’une prise en charge tardive, d’une amblyopie organique avec potentiel visuel limité (que la tentative de traitement de la part fonctionnelle par le traitement d’attaque confirme). Dans ces cas, il faut discuter :

  • soit la poursuite du traitement, si l’acuité est suffisante pour un développement et une scolarité normaux de l’enfant en fonction de son âge (avec une occlusion en dehors de l’école seulement parfois) ;

  • soit l’arrêt total du traitement si la fonction visuelle est trop mauvaise.

RÉSULTATS
CINÉTIQUE DE RÉPONSE

Le plus souvent, le gain d’acuité visuelle maximum est observé au plus dans les trois mois après le début du traitement et surtout pendant les cinq premières semaines [20293338394456].

RÉPONSE MAXIMALE

L’objectif de l’occlusion totale du traitement d’attaque est l’isoacuité. Il est difficile de dire dans quelle mesure cet objectif est atteint en l’absence d’étude prospective évaluant ce mode de traitement de façon totalement rigoureuse. L’occlusion totale, quand l’observance est bonne, donne des résultats dans tous les cas d’amblyopie fonctionnelle, et de façon rapide [121329]. Il n’existe pas d’étude prospective satisfaisante comparant différents régimes d’occlusion et démontrant la supériorité de l’occlusion totale en traitement d’attaque. Récemment, le PEDIG a réalisé un certain nombre d’essais comparant différents régimes d’occlusion ou des régimes d’occlusion à des pénalisations par atropine mais, malheureusement, ces études souffrent de biais méthodologiques ou d’objectifs (pas l’isoacuité) qui ne permettent pas de tirer de conclusion pertinente sur la supériorité d’une modalité thérapeutique sur une autre. L’occlusion maximale est le traitement qui fait remonter l’acuité visuelle le plus rapidement, même s’il n’y a pas d’avantages clairement démontrés en termes de gain d’acuité visuelle à la fin du suivi [20]. Le principal obstacle à l’interprétation d’une relation dose-effet dans le traitement par occlusion est le problème de l’observance du traitement, que nous évoquons plus loin.

La plus grande série de patients traités par occlusion totale est celle de l’étude rétrospective de Scott et al., portant sur six cents patients amblyopes (amblyopies réfractives, strabiques ou mixtes) traités initialement par occlusion totale avec pour objectif final l’isoacuité. Au terme du suivi, 60 % des patients avaient une isoacuité et 89 % un résultat considéré comme un succès, c’est-à-dire au moins 20/30 ou une acuité de l’œil amblyope supérieure ou égale à l’œil non amblyope (étudié éventuellement par la préférence de fixation) [52].

FACTEURS INFLUENÇANT LE RÉSULTAT

Un certain nombre de facteurs influencent le résultat du traitement, ils sont liés soit au patient, soit au traitement lui-même.

L’âge de début du traitement est un facteur déterminant [20295159], les enfants les plus jeunes répondants mieux et plus vite que les plus âgés [5160]. Une amblyopie traitée à partir de six ou sept ans nécessitera donc un traitement plus long qu’un enfant plus jeune ; or, à partir de cet âge, la tolérance à l’occlusion est généralement mauvaise, ce qui est la principale cause de mauvais résultat — plus que l’âge en lui-même pour certains auteurs [3857] —, ce qui grève encore plus le pronostic. La fonction visuelle initiale de l’œil amblyope est aussi facteur pronostique (meilleure elle est au début du traitement, meilleur sera le résultat) [5159] ; les anomalies de fixation sont de mauvais pronostic (fixation instable, excentrique) [3459].

Il existe une relation dose-réponse démontrée : dans une étude de monitoring électronique de l’observance au traitement, il a été retrouvé une relation linéaire dose-réponse de 0,1 log de ligne d’acuité visuelle pour 120 heures d’occlusion dans les douze premières semaines de traitement [60]. Tout problème d’observance joue donc un rôle crucial, et c’est d’ailleurs le principal facteur d’échec du traitement [29]. L’occlusion est un traitement par essence contraignant, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique (stigmatisation sociale éventuelle). L’observance rapportée varie beaucoup d’un auteur à l’autre, allant de 49 % à 87 % en fonction de la façon de l’évaluer [57]. Paradoxalement, il n’est pas certain qu’une occlusion totale et permanente ait une observance moins bonne qu’une occlusion partielle — il n’est même pas exclu que cela soit le contraire, comme le suggère Scott [52]. Un certain nombre de facteurs de risque de mauvaise observance ont été identifiés [57 :

  • pauvreté, catégories socioprofessionnelles défavorisées ;

  • mauvaise compréhension des objectifs du traitement ou son application ;

  • absence de progrès sous traitement ;

  • amblyopie anisométropique modérée ou, inversement, amblyopie strabique et/ou profonde ;

  • enfants très jeunes ou également, inversement, trop âgés.

EFFETS INDÉSIRABLES DU TRAITEMENT

Les effets indésirables du traitement ne sont pas rares.

Les problèmes de tolérance cutanée sont fréquents, à type d’irritation cutanée minime le plus souvent (jusqu’à 41 % des cas), rarement modérée à sévère (6 % des cas) [42]. Il faudra savoir alterner des pansements de tailles différentes pour que la partie collante ne soit pas toujours sur le même endroit de la peau, mouiller le pansement avant de le décoller, utiliser des émollients si nécessaire. Il est rare de devoir abandonner l’occlusion pour intolérance sévère, auquel cas les méthodes alternatives seront utilisées (ventouse, occlusion sur lunettes, etc.).

L’amblyopie à bascule, définie comme une baisse de l’acuité de l’œil non amblyope en dessous de celle de l’œil amblyope ne doit pas être crainte ; pour certains auteurs, il s’agit même de l’objectif du traitement (témoin de la plasticité du système visuel, de l’observance du traitement) [40]. La baisse de l’acuité visuelle du bon œil en cours de traitement n’est en fait pas rare (jusqu’à 25 % des cas) [5266] mais est totalement exceptionnellement irréversible et se rencontrerait plus chez le petit enfant (avant l’âge d’un an).

La majoration d’un angle d’un strabisme est toujours possible [49], les parents doivent en être prévenus avant le début du traitement.

En cas d’amblyopie très sévère (acuité visuelle non chiffrable), les premiers jours de traitement peuvent être difficilement vécus, l’enfant restant littéralement prostré, et ceci jusqu’à ce que l’acuité commence à remonter. Les parents doivent être prévenus de cette possibilité.

L’occlusion (au même titre que la correction optique) est un traitement « visible », non dénué de retentissement social. Depuis quelques années, des questionnaires de qualité de vie adaptés à la pathologie strabique et à ses traitements ont vu le jour, concernant tant le vécu des parents que des enfants. Il apparaît que la tolérance à l’occlusion jusqu’à l’âge de six ans est bonne [18]. Il n’existe cependant pas d’étude sur le long terme et il ne faut pas occulter le fait que, passé l’âge de six ans, la tolérance d’une occlusion par l’enfant en classe est très difficile à faire accepter pour des raisons sociales (regard des autres enfants).

CAS PARTICULIERS
AMBLYOPIE PAR ANISOMÉTROPIE FAIBLE (= 1,5 d)

Dans ce cas, le statut binoculaire est un bon facteur pronostique de récupération de l’amblyopie [59]. L’occlusion totale est proscrite, car elle constitue une entrave à la vision binoculaire, risque de la perturber à une période sensible et d’entraîner l’apparition d’un réel strabisme. C’est la seule circonstance où le principe de commutation ne s’applique pas et où on devra savoir n’utiliser qu’une occlusion partielle (plusieurs heures par jour) ou une pénalisation.

GRAND ENFANT

Plus l’enfant est grand, plus le traitement doit être prolongé et agressif. Cependant, la scolarité à partir du CP et l’acceptation par l’enfant à cet âge rendent l’occlusion totale très difficile. En cas d’amblyopie modérée, le traitement pourra commencer dans ces cas par une occlusion maximale en dehors de l’école (le soir après la classe, toute la journée le mercredi et le week-end), à adapter en fonction des cas. En cas d’amblyopie sévère, si l’enfant est grand, la seule solution efficace est souvent de commencer une occlusion totale pendant des vacances scolaires.

Il n’y a pas de limite d’âge fixe pour débuter un traitement de l’amblyopie, des résultats étant rapportés jusqu’à au moins dix-sept ans [45]. Chez les enfants les plus grands, l’indication d’un traitement devra toujours être discutée en fonction de la profondeur de l’amblyopie, de l’âge, de la motivation des parents et de l’enfant.

AVANT L’ÂGE D’UN AN

Il est classique de ne pas débuter d’occlusion totale avant l’âge d’un an, en raison de la plasticité du système visuel à cet âge, du risque d’amblyopie à bascule. La « règle » alors appliquée est d’une occlusion d’une heure par jour et par année d’âge (par exemple, à six mois : six heures d’occlusion par jour pendant les heures d’éveil).

TROUBLES NEUROLOGIQUES ASSOCIÉS

En cas de trouble neurologique (retard psychomoteur, pathologie neurologique quelle qu’elle soit), s’il existe une amblyopie fonctionnelle, elle devra être traitée comme tout autre cas. C’est seulement si le traitement représente une entrave aux progrès de l’enfant dans son développement et ses progrès que la poursuite, l’adaptation ou l’arrêt du traitement devrait être prise collégialement avec les autres intervenants de rééducation (orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, etc.).

Traitement d’entretien
S. Arsène

Le traitement d’entretien de l’amblyopie est indiqué après un traitement d’attaque maximal de l’amblyopie, donc en principe lorsque l’isoacuité est obtenue. Le but du traitement d’entretien est d’éviter la récidive de l’amblyopie. Il n’est pas exceptionnel de prolonger cette prophylaxie jusqu’à l’âge de douze ans, le risque de rechute décroissant progressivement avec l’âge.

RÉCIDIVE DE L’AMBLYOPIE

Il faut citer l’aphorisme suivant : « La thérapeutique doit être suffisamment prolongée pour éviter la récidive de l’amblyopie. » Cet aphorisme est aussi important que celui sur la nécessité de rapidité de la mise en place du traitement de l’amblyopie. Monsieur le professeur Maurice-Alain Quéré appelait cela la prophylaxie de la récidive de l’amblyopie [46]. Le risque de récidive de l’amblyopie est de 30 % en moyenne et peut survenir jusqu’à l’âge de dix ans [619]. La récidive survient le plus souvent dans l’année qui suit l’arrêt du traitement. Il existe des facteurs favorisant la récidive : le jeune âge du patient, l’existence d’un microstrabisme, l’existence d’un strabisme avec anisométropie, l’existence d’un strabisme non alternant, la difficulté de la mise en place du traitement d’attaque antérieur et l’importance de la profondeur de l’amblyopie initiale.

MOYENS DU TRAITEMENT D’ENTRETIEN DE L’AMBLYOPIE
PÉNALISATIONS OPTIQUES POSITIVES DE LOIN OU SURCORRECTIONS OPTIQUES

Ce sont les surcorrections positives qui sont employées dans le traitement d’entretien. Les pénalisations optiques positives peuvent être unilatérales ou bilatérales.

La surcorrection optique unilatérale, de 3 d en moyenne, est placée devant l’œil non amblyope et l’œil amblyope porte la correction optique totale (COT) obtenue après cycloplégie. Dans ces conditions, l’œil dominant voit de près et l’œil amblyope de loin. Si cette bonne balance spatiale est obtenue lors des consultations de suivi, alors c’est un gage d’efficacité du traitement. La pénalisation positive unilatérale lutte également contre le facteur accommodatif, puisqu’en vision de près, la fixation est prise en général par l’œil dominant pénalisé dont l’accommodation est alors moins sollicitée.

Les pénalisations optiques positives peuvent être bilatérales, placées alternativement devant un œil puis devant l’autre, en provoquant une prise de fixation alternée en vision de loin et en vision de près (fixation de loin avec l’œil ne portant pas la surcorrection optique et fixation de près avec l’œil portant la surcorrection optique) (fig. 6-10). Deux paires de lunettes sont nécessaires ; une avec la surcorrection optique associée à la correction optique totale pour le verre correcteur droit et la correction optique totale seule pour le verre gauche, l’autre paire avec la correction optique totale seule sur le verre droit et la surcorrection optique associée à la correction optique totale pour le verre gauche.

La pénalisation de loin alternante a pour but de maintenir une isoacuité spontanée ou acquise et d’éviter une bascule d’amblyopie. La pénalisation sera portée soit de façon symétrique en changeant d’œil fixant de loin chaque jour, ou de façon asymétrique, un jour sur deux ou un jour contre plusieurs jours en fonction du degré d’amblyopie initiale. Cette dernière méthode a l’avantage d’éviter les contrôles trop fréquents.

Exemple de traitement d’entretien par pénalisation de loin alternante

Prenons le cas d’une amblyopie découverte à l’âge de trois ans et demi, avec une acuité visuelle inférieure à 1/10 pour l’œil droit et à 8/10 pour l’œil gauche, l’enfant présentant une ésotropie et une anisométropie. Lorsque l’isoacuité sera obtenue après traitement par occlusion sur peau, nous pourrons faire un relais pour le traitement d’entretien avec une pénalisation alternée de 3 d, avec l’alternance suivante : cinq jours (du lundi au vendredi) pour la pénalisation portée sur l’œil non amblyope gauche, deux jours (le week-end) pour la pénalisation sur l’œil amblyope droit. Ce rythme d’alternance pourra être maintenu pendant trois à six mois, en vérifiant le niveau d’acuité visuelle tous les deux mois, puis diminuer progressivement pour arriver à une alternance un jour/un jour ou un jour/deux jours.

La pénalisation optique de loin est un moyen efficace de traitement d’entretien pour l’amblyopie plus ou moins rebelle et dont la récupération peut demander plusieurs années. Elle permet surtout la prévention du risque de récidive de l’amblyopie face à la persistance de facteurs déclenchant. La pénalisation optique de loin peut être prescrite à partir de l’âge de dix-huit mois.

La surveillance du bon fonctionnement d’une pénalisation repose sur l’examen sensoriel et l’examen moteur. Il faudra vérifier le niveau d’acuité visuelle et la réalité de la bonne balance spatiale. De près, la fixation doit être obtenue et maintenue par l’œil pénalisé. À deux mètres, la fixation doit être assurée par l’œil non pénalisé. La monofixation loin-près est fréquente chez le jeune enfant. Si cette monofixation alterne avec le changement de correction optique, il n’y a pas de risque d’amblyopie. La balance spatiale recherchée est remplacée par la balance temporelle.

Le traitement par pénalisation sera maintenu jusqu’à obtention durable de l’isoacuité et le contrôle de la dominance. Si la dominance reste manifeste ou si l’amblyopie initiale était profonde, la pénalisation sera plutôt effectuée sur le mode monoculaire. En cas de bon équilibre, nous choisirons plutôt une pénalisation alternée. En pratique, la pénalisation devra être maintenue un an après le dernier temps chirurgical de strabisme ; jusqu’à l’âge de sept à huit ans en cas de bonne isoacuité avec ensuite prescription de la correction optique totale bilatérale. Elle pourra être poursuivie au-delà de l’âge de dix ans dans les situations visuelles non favorables.

Les pénalisations peuvent révéler la composante latente d’un nystagmus et majorer l’angle strabique. Il faut en avertir les parents au préalable. La suppression de la pénalisation sera aussi étroitement surveillée et, à la moindre rechute d’amblyopie, le traitement par pénalisation sera repris après vérification de la réfraction objective sous cycloplégie.

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Fig. 6-10 Exemple de pénalisation alternante avec balance spatiale.

Suivant la paire de lunettes portée, le patient utilise soit un œil soit l’autre pour regarder soit de loin soit de près. Il s’agit du phénomène de balance spatiale qu’il faut systématiquement vérifier pendant le port d’une surcorrection optique unilatérale ou alternante. Avec les surcorrections unilatérales ou alternantes, l’espace permet de diviser le temps, donc de contrôler le temps d’utilisation de chaque œil.

(Clichés A. Péchereau).

PÉNALISATION LÉGÈRE

La pénalisation légère a pour but de favoriser l’association binoculaire en freinant la dominance. L’œil dominé reçoit la correction optique totale et l’œil dominant une surcorrection optique positive modérée de 0,50 d à 1,5 d. L’équilibre sensoriel sera mesuré avec des tests polarisés avec obtention d’une isoacuité avec perception de tous les tests d’une même ligne.

La pénalisation légère n’a pas d’application dans le traitement d’entretien de l’amblyopie strabique avec une correspondance rétinienne anormale. Elle pourra être prescrite comme une pénalisation atténuée, mais suffisante pour conserver la fixation de l’œil initialement amblyope dans les cas d’amblyopie avec une correspondance rétinienne normale. Elle aura alors un intérêt en relais d’une pénalisation complète de loin, pour la conservation prolongée d’un traitement anti-dominance, avant le passage en correction optique totale seule.

OCCLUSION SUR VERRE

L’occlusion sur verre peut être un relais après l’occlusion sur peau lorsque l’isoacuité est obtenue. Il faudra alors réaliser une alternance d’occlusion, selon la profondeur de l’amblyopie initiale, avec bien sûr une occlusion de l’œil non amblyope plus longue que l’occlusion de l’œil initialement amblyope ; puis, le rythme de l’alternance pourra être changé en fonction des progrès visuels et surtout de la stabilité de l’acuité visuelle de l’œil initialement amblyope, pour arriver à une alternance un jour/un jour. Cette occlusion sur verre est réalisée avec un film sparadrap transparent occlusif de type Blenderm® vendu en pharmacie. Ce traitement sera inefficace si l’enfant regarde par-dessus ses verres correcteurs : l’adaptation parfaite de la monture lunettes est primordiale et doit être vérifiée. Ce film plastique peut être posé chaque jour par les parents en le découpant et en réalisant ainsi l’alternance, en nettoyant alors le verre avec de l’alcool à 70°. Sinon, il faut prescrire deux paires de lunettes avec la correction optique totale et le filtre opaque sur un verre différent pour chaque monture.

Ce traitement par occlusion sur verre sera préconisé dans les cas d’amblyopies profondes ou moyennes initialement anisométropiques et/ou en cas d’hypermétropie forte, alors que pour les amblyopies strabiques nous préférerons les pénalisations optiques de loin alternées, permettant un effet antiaccommodatif surajouté. Ce traitement sera à poursuivre aussi longtemps que nécessaire.

L’occlusion sur verre ou sur peau intermittente peut être proposée par certains thérapeutes dans le traitement d’entretien de l’amblyopie, à raison d’un minimum de sept heures d’occlusion par semaine de l’œil non amblyope [14]. L’inconvénient de cette méthode est qu’il faut une coopération excellente de la famille pour que le traitement soit effectué. En outre, le risque de rechute de l’amblyopie est grand car la dissociation bi-oculaire n’est pas en place, permettant à l’œil non amblyope de rester fixateur lorsque le patient n’a pas d’occlusion. Ainsi, selon le phénomène de la commutation, la fovéa de l’œil amblyope n’est pas utilisée sauf sept heures par semaine en moyenne.

FILTRES RYSER, OU FILTRES PRÉCALIBRÉS

Les filtres calibrés sont posés sur le verre de l’œil non amblyope. Ils sont gradués en fonction de l’acuité visuelle permise malgré le filtre. Il faut quand même vérifier le niveau d’acuité visuelle de l’œil pénalisé par le Ryser. L’œil pénalisé doit voir entre 2/10 et 4/10 de moins que l’œil initialement amblyope pour rendre ce dernier fixateur.

Les filtres présentent un avantage esthétique, un avantage économique et un avantage sensoriel dans les cas de vision binoculaire normale (amblyopies anisométropiques jusqu’à 1,5 d). Ce traitement par filtre Ryser sera préconisé dans les cas d’amblyopies moyennes ou légères initialement, avec une correspondance rétinienne normale. Ce traitement sera à poursuivre aussi longtemps que nécessaire.

Les limites des filtres sont l’insuffisance d’efficacité si l’œil non amblyope reste fixateur (il faut alors augmenter la puissance du Ryser) ou l’inefficacité si l’enfant regarde par-dessus ses lunettes. Il faut alors revoir la forme des lunettes et savoir passer à nouveau à l’occlusion sur peau si nécessaire.

RÈGLES GÉNÉRALES DU TRAITEMENT D’ENTRETIEN

Pour mettre en place le traitement d’entretien de l’amblyopie, il faut respecter initialement trois points :

  • connaître la réfraction objective exacte et son évolution, nécessitant des contrôles cycloplégiques répétés ;

  • prescrire la correction optique totale ;

  • s’assurer de la permanence du port de la correction optique totale.

CHOIX DU TYPE DE TRAITEMENT D’ENTRETIEN

Ce choix est expliqué ci-dessus dans la description des différents moyens de traitement préventif : pénalisations optiques de loin positives unilatérales ou bilatérales, pénalisations de loin légères, occlusions sur verre ou filtres Ryser. Il dépend du type d’amblyopie, de sa sévérité initiale et du principe de la commutation [48]. En effet, un phénomène de commutation se met en place en binoculaire, dès qu’il y a une compétition entre l’information visuelle des deux yeux et qu’il n’y a pas de diplopie (strabisme, anisométropie forte, etc.). L’information de l’œil dévié, spontanément ou par un artifice, est oubliée. S’il n’y a pas de diplopie, la situation est binaire : la fovéa de l’œil observé est soit « on » soit « off ». Le thérapeute n’a alors que la gestion du temps d’utilisation pour stimuler la fovéa de chaque œil. Ainsi, pour toutes les amblyopies où il existe le phénomène de commutation, c’est-à-dire les amblyopies strabiques, les amblyopies anisométropiques (supérieures à 1,5 d), le traitement de celles-ci sera selon des méthodes qui divisent le temps (l’occlusion) ou qui divisent le temps par le biais de l’espace (les pénalisations optiques positives). Pour les amblyopies où il n’existe pas de phénomène de commutation, c’est-à-dire les amblyopies sans strabisme, avec une ébauche de vision binoculaire, par anisométropie faible (jusqu’à 1,5 d), le traitement par la dégradation de la fonction visuelle du bon œil (filtre ou pénalisation calibrés) en dessous du niveau d’acuité visuelle de l’œil amblyope est suffisant.

DURÉE DU TRAITEMENT

Le traitement d’une amblyopie se doit d’être continu et adapté à la différence d’acuité visuelle entre les deux yeux. Il faut éviter les traitements intermittents. C’est la constance du traitement qui assure la progression continue du niveau d’acuité visuelle.

Le traitement d’entretien doit avoir une durée minimum de deux ans et sera à poursuivre longtemps, en moyenne jusqu’à l’âge de neuf à dix ans, avec un traitement en tout de l’amblyopie sur une durée de cinq ans au minimum.

Dans tous les cas, ce traitement est d’autant plus long qu’il est commencé tôt. Plus on est à distance du début du traitement de l’amblyopie et/ou plus l’âge de l’enfant est élevé, moindre est le risque de rechute de l’amblyopie.

Le traitement d’entretien sera interrompu de manière brutale, sans phase de transition, avec une surveillance régulière ensuite tous les trois mois au départ.

SURVEILLANCE RÉGULIÈRE

La surveillance du bon fonctionnement du traitement d’entretien de l’amblyopie repose sur l’examen sensoriel et l’examen moteur. Il faudra vérifier le niveau d’acuité visuelle de loin et de près de chaque œil avec la correction optique totale et aussi avec le traitement d’entretien (pénalisation, occlusion ou filtre Ryser). Le comportement binoculaire doit aussi être apprécié avec la correction optique totale et aussi avec le traitement d’entretien. Un contrôle de l’acuité visuelle sera obligatoire après l’arrêt du traitement d’entretien dans un délai d’un à trois mois.

Conclusion

Il ne faut jamais oublier que le traitement d’entretien d’une amblyopie représente une longue contrainte pour le patient et sa famille. Ce traitement sera donc long, sur plusieurs années et il faudra veiller à ce que l’équipe thérapeutique aide efficacement moralement l’enfant et sa famille. On peut constater quelquefois des régressions de l’enfant sur le plan comportemental et scolaire. Il faut toujours bien expliquer le risque de récidive à la famille si on arrête trop tôt le traitement. Il faut aussi bien expliquer que ce traitement sera continu sur une durée de cinq ans en moyenne, période où les deux yeux du patient ne doivent pas être en compétition, donc sans vision simultanée, impliquant en théorie pas d’intermittence du traitement. Dans une amblyopie fonctionnelle, le taux de succès du traitement de l’amblyopie est de 90 % alors que théoriquement il devrait être de 100 %. Le taux d’échec est lié à un traitement mal réalisé. Les contraintes de ce traitement sont d’ordre social et aussi d’ordre psychosocial. C’est donc à nous thérapeutes de faire passer le message, c’est à nous « de mouiller notre chemise » en quelque sorte pour que les parents entendent la nécessité absolue de la bonne application du traitement. Il ne faut pas hésiter par exemple à convoquer le père si la mère est votre seule interlocutrice ; ne pas hésiter à parler de la responsabilité des parents pouvant laisser « borgne » leur enfant si le traitement n’est pas fait ; ne pas hésiter à faire un parallèle avec un traitement par plâtre lors d’une fracture, traitement qui ne sera jamais enlevé par la famille.

Le thérapeute devra établir un véritable contrat avec les parents. Le thérapeute devra avoir une ligne de conduite bien établie par rapport au traitement de l’amblyopie proposé, et cela sera le fil conducteur pour l’équipe soignante mais aussi pour les parents qui sont les véritables thérapeutes de l’enfant.

Traitement préventif
S. Arsène

Le traitement préventif de l’amblyopie est fondamental pour que le nombre d’amblyopes adultes diminue. Pour pouvoir mettre en place un traitement préventif, il faudra tout d’abord dépister les petits enfants à risque de développer une amblyopie, notamment fonctionnelle. Ainsi, le traitement préventif de l’amblyopie sera à instituer le plus souvent dès l’âge préverbal et c’est à ce moment-là que ce traitement sera le plus efficace. C’est un véritable enjeu de santé publique car la fréquence de l’amblyopie dans les pays développés est de 3,5 % environ, ce qui donnerait en France un nombre de plus de 2 200 000  amblyopes avec près de 30 000 nouveaux cas par an.

L’amblyopie peut être organique lorsqu’elle est liée à un obstacle sur la chaîne de transmission des images perçues jusqu’à leur intégration par le cerveau. Une lésion responsable d’amblyopie organique peut être curable ou non, comme la cataracte congénitale par exemple. L’amblyopie fonctionnelle est liée à un non-apprentissage visuel par le cortex visuel durant la période sensible de développement visuel, liée soit à une privation monoculaire, soit à une anisométropie, soit à un strabisme. L’amblyopie mixte résulte de l’association d’une amblyopie fonctionnelle qui s’est développée sur une anomalie organique oculaire ou des voies visuelles durant la période sensible de développement visuel. Le traitement préventif de l’amblyopie s’adresse à l’amblyopie fonctionnelle. Il commencera par le dépistage des facteurs de risque de celle-ci.

FACTEURS DE RISQUE DE L’AMBLYOPIE FONCTIONNELLE

Il y a un risque d’amblyopie fonctionnelle chaque fois que l’un des deux yeux est ou devient anormalement dominant par rapport à l’autre.

STRABISME

Strabisme et amblyopie sont très liés, notamment cinq à six fois plus pour le strabisme convergent que pour le strabisme divergent. Le risque d’amblyopie est d’autant plus grand que l’enfant est plus jeune au moment de l’apparition du strabisme, maximum à l’âge de six mois. La survenue de l’amblyopie est consécutive à l’apparition d’une dominance unilatérale anormale, qui peut survenir soudainement [40].

Pour toute ésotropie, il y a un risque d’apparition d’une amblyopie dans 45 % à 70 % des cas selon les auteurs si le traitement médical du strabisme n’est pas mis en place assez tôt et correctement. Ainsi, dès que le strabisme sera connu il faudra mettre en place un traitement préventif de l’amblyopie.

Les facteurs de risque de strabisme se confondent donc avec les facteurs de risque d’amblyopie. Ils sont constitués par les antécédents familiaux de strabisme, la prématurité, les amétropies notables, l’anisométropie, la grossesse pathologique, les accidents néonataux, les anomalies chromosomiques et génétiques.

TROUBLES RÉFRACTIFS

Il s’agit de l’hypermétropie (> 3,5 d à l’âge d’un an et/ou > 2 d à l’âge de quatre ans) ; de la myopie (> 1 d) ; de l’astigmatisme (> 1,5 d) et de l’anisométropie (> 1 d). Le risque d’amblyopie dans ces conditions et selon les auteurs est alors multiplié par 2 à 17 fois [38].

ATTEINTES ORGANIQUES DE L’ŒIL, OBSTACLES SUR LE TRAJET DES RAYONS LUMINEUX

Ces atteintes sont beaucoup plus rares que les deux précédentes. Il s’agit le plus souvent d’amblyopies mixtes. Les atteintes organiques les plus fréquentes sont les rétinopathies, le rétinoblastome, la cataracte, les opacités cornéennes, le nystagmus et le glaucome congénital. Les obstacles les plus fréquents sur le trajet des rayons lumineux sont le ptosis et l’hémangiome palpébral.

Il faudra toujours traiter la part potentiellement fonctionnelle d’une amblyopie organique et ne pas méconnaître la part organique non diagnostiquée dans une amblyopie fonctionnelle qui résisterait au traitement.

NOTIONS FONDAMENTALES
PLASTICITÉ CÉRÉBRALE

La période de plasticité cérébrale est limitée dans le temps, au maximum de six mois à deux ans, puis elle décroît jusqu’à dix ans. De ce fait, le dépistage de l’amblyopie et son traitement préventif devront être réalisés le plus tôt possible pour obtenir de bons résultats. Il faudra donc dépister non seulement les amblyopies à l’âge préverbal mais aussi les situations à risque d’amblyopie avec ses facteurs de risque.

SYNCHRONISATION

C’est une condition essentielle pour le développement harmonieux des réseaux neuronaux notamment ceux de la vision binoculaire. La qualité de l’information visuelle doit être performante en monoculaire, puis équivalente aux deux yeux. Ainsi, toute amétropie ou anisométropie notables peuvent entraîner un conflit au niveau du cortex visuel par la différence de qualité et de taille des images visuelles de chaque œil. De même toute déviation strabique peut entraîner un conflit au niveau du cortex visuel, avec l’image de l’œil fixateur qui sera la référence, et l’image de l’œil dévié qui sera de moins bonne qualité car non fovéolaire. Ceci entraînera en binoculaire une diplopie intolérable qui fera place à une neutralisation de la fovéa de l’œil dévié. En monoculaire, si aucun traitement n’est mis en place, il y aura une dégradation de l’image de l’œil dévié par réorganisation pathologique du cortex cérébral, qui donnera l’amblyopie.

De cette synchronisation essentielle découle la thérapeutique du traitement préventif de l’amblyopie : obtenir le meilleur signal visuel en corrigeant tous les éléments anatomiques pathologiques (cataracte, par exemple) ; corriger tous les vices de réfraction en prescrivant la correction optique totale (COT) après cycloplégie. Elle est l’élément qui va égaliser le mieux l’information visuelle en emmétropisant les deux yeux.

COMMUTATION

Le phénomène de commutation se met en place en binoculaire, dès qu’il y a une compétition entre l’information visuelle des deux yeux et qu’il n’y a pas de diplopie (strabisme, anisométropie forte, etc.). L’information de l’œil dévié, spontanément ou par un artifice, est oubliée. S’il n’y a pas de diplopie, la situation est binaire : la fovéa de l’œil observé est soit « on » soit « off ». Le thérapeute n’a alors que la gestion du temps d’utilisation pour stimuler la fovéa de chaque œil. Ainsi, pour toutes les situations à risque d’amblyopie où il existe le phénomène de commutation, c’est-à-dire les strabismes et les anisométropies fortes (de plus de 1,5 d), le traitement préventif de celles-ci sera selon des méthodes qui divisent le temps (l’occlusion) ou qui divisent le temps par le biais de l’espace (les pénalisations optiques positives). Pour les situations à risque d’amblyopie où il n’existe pas de phénomène de commutation, c’est-à-dire les amblyopies sans strabisme, avec une ébauche de vision binoculaire, par anisométropie faible (1,5 d et moins), le traitement préventif par la dégradation de la fonction visuelle du bon œil (filtre ou pénalisation calibrés) en dessous du niveau d’acuité visuelle de l’œil amblyope est suffisant.

MISE EN PLACE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE L’AMBLYOPIE
DÉPISTAGE DES ENFANTS À RISQUE

Les jeunes enfants présentant des facteurs de risque familiaux ou personnels de strabisme, de fortes amétropies, de prématurité, doivent être dépistés dès l’âge de neuf mois s’ils ne présentent pas de strabisme visible par leurs proches. Là, il faudra réaliser un examen clinique ophtalmologique complet, un bilan oculomoteur et une réfraction sous cycloplégie. La recherche de la réaction à l’occlusion doit être systématique, notamment en âge préverbal.

Tout enfant présentant une déviation oculaire constatée par son entourage ou une anomalie de la sphère oculopalpébrale doit être examiné le plus rapidement possible.

Ensuite, un dépistage systématique des anomalies visuelles et oculomotrices devra être effectué au début de l’âge verbal par les pédiatres, dans le cadre de la protection maternelle infantile et de la médecine scolaire. Si une anomalie est dépistée l’enfant sera alors dirigé vers un ophtalmologiste et un orthoptiste. En France, un dépistage est ainsi réalisé en école maternelle et permet de dépister 10 % d’anomalies sur les enfants testés.

PRESCRIPTION DE LA CORRECTION OPTIQUE TOTALE

La correction optique totale sera prescrite après réfraction sous cycloplégie dès qu’il y aura une amétropie ou anisométropie décelées selon les normes citées ci-dessus et/ou dès qu’il y aura une déviation oculaire objectivée ou même suspectée, car la déviation oculaire peut être intermittente au départ — il faut donc bien écouter les parents qui vivent quotidiennement avec l’enfant. Le port de la correction optique totale sera permanent et cela devra bien être expliqué aux parents de l’enfant. La mesure de la réfraction constitue un temps majeur de l’examen de part sa fiabilité et parce que la moitié des amblyopies ont une origine réfractive pure. De plus, la réfraction est non physiologique dans 70 % des strabismes. Il faudra répéter les examens de la réfraction sous cycloplégie pour prescrire toujours la correction optique totale la plus exacte, l’hypermétropie pouvant se dévoiler souvent avec le port de la correction optique totale [14].

TRAITEMENT PAR OCCLUSION OU PÉNALISATION OPTIQUE DE LOIN

L’enfant sera revu un mois après de port de la correction optique totale. Deux cas de figure s’imposent :

  • soit il y a des signes manifestes de déviation oculaire et/ou des signes de dominance unilatérale anormale : il faudra alors mettre en place un traitement permettant de faire travailler chaque œil séparément ;

  • soit il n’y a pas de signes de déviation oculaire ni de dominance unilatérale anormale : le port de la correction optique totale sera suffisant, avec des contrôles réguliers tous les trois à six mois notamment jusqu’à l’âge verbal.

Dans le cadre d’un strabisme précoce avant l’âge de la marche, nous préférerons les secteurs binasaux (si ésotropie) ou l’occlusion sur verre alternée par demi-journée. Après la marche, nous opterons pour l’occlusion sur verre alternée par journée, puis, à partir de dix-huit mois, pour les pénalisations optiques de loin alternées ou l’occlusion sur verre alternée. Il faudra toujours occlure ou pénaliser plus en temps l’œil dominant.

S’il n’y a pas de strabisme, la pénalisation légère ou les filtres Ryser auront un rôle dans le traitement préventif de l’amblyopie dans le cadre d’anomalies réfractives isolées comme l’anisométropie primitive ou les fortes réfractions hypermétropiques et cylindriques. Ces fortes amétropies isolées évoluent souvent vers l’anisométropie.

Articulation pratique des traitements
S. Arsène

Le prérequis du traitement de l’amblyopie est le port de la correction optique totale (COT). La prescription de la correction optique totale sera donnée lors de la première consultation ophtalmologique. Cette première consultation doit pouvoir être réalisée au maximum quelques semaines après la détection des premiers signes cliniques d’amblyopie et doit s’assurer de la présence réelle d’une amblyopie, de la réalisation de la réfraction sous cycloplégie et de la réalisation du bilan clinique ophtalmologique à la recherche d’une étiologie organique. Le traitement d’attaque va ensuite être institué jusqu’à l’obtention de l’isoacuité. Puis fera suite le traitement d’entretien sur une période plus ou moins longue avec une durée moyenne totale de traitement sur cinq à six ans.

QUAND ARRÊTER LE TRAITEMENT D’ATTAQUE ?

Le traitement d’attaque s’arrête quand l’isoacuité est atteinte ou si l’acuité de l’œil initialement amblyope est meilleure que celle de l’œil adelphe, ou quand on constate une baisse d’acuité de l’œil non amblyope, ou une bascule de fixation. Dans ces cas, le traitement d’attaque est systématiquement relayé par le traitement d’entretien.

Inversement, il peut exister des cas où l’objectif du traitement n’est pas atteint malgré un traitement bien suivi ; il s’agit souvent d’amblyopie fonctionnelle sévère avec fixation excentrique (témoignant de la profondeur des anomalies sensorielles), d’une prise en charge tardive, d’une amblyopie organique avec potentiel visuel limité (que la tentative de traitement de la part fonctionnelle par le traitement d’attaque confirme). Dans ces cas, il faut discuter soit la poursuite du traitement, si l’acuité est suffisante pour un développement harmonieux et une scolarité normale de l’enfant en fonction de son âge (avec une occlusion en dehors de l’école seulement parfois), soit l’arrêt total du traitement si la fonction visuelle est trop mauvaise.

Douze recommandations dans le traitement de l’amblyopie

A. Péchereau

  • Dès le premier examen, la cause de l’amblyopie doit être trouvée.

  • Le dépistage est essentiel.

  • La correction optique totale est prescrite systématiquement.

  • L’occlusion est le traitement de l’amblyopie.

  • L’occlusion doit être totale et permanente.

  • Elle doit être par cycle d’une semaine par année d’âge.

  • Ne pas craindre l’amblyopie à bascule.

  • Arrêter l’occlusion à l’isoacuité.

  • Relais de l’occlusion : surcorrections optiques unilatérales ou alternantes.

  • Traitement de cinq ans au minimum pour empêcher la récidive.

  • Plus le traitement est tardif, plus le traitement sera long.

  • L’isoacuité, sinon c’est un échec.

AMBLYOPIE À BASCULE

L’amblyopie à bascule est définie comme une baisse de l’acuité visuelle de l’œil non amblyope en dessous de celle de l’œil amblyope. Elle ne doit pas être crainte et, pour certains auteurs, il s’agit même de l’objectif du traitement (témoin de la plasticité du système visuel, de l’observance du traitement) [40]. La baisse de l’acuité visuelle du bon œil en cours de traitement n’est en fait pas rare (jusqu’à 25 % des cas), mais est totalement exceptionnellement irréversible, et se rencontrerait plus chez le petit enfant (avant l’âge d’un an) [5266].

Quand l’amblyopie à bascule apparaît, il faut inverser le traitement par réalisation de l’occlusion de l’œil amblyope pendant quelques jours voire une à deux semaines. Puis une alternance d’occlusion sera à nouveau effectuée en occluant plus longtemps l’œil non amblyope que l’œil amblyope. Ensuite, il y aura un relais par une pénalisation de loin alternante. Il faudra instituer alors une surveillance accrue du traitement.

Le pronostic de l’amblyopie à bascule est favorable et annonce en général une guérison de l’amblyopie.

Sa possibilité de survenue doit être expliquée initialement aux parents en début de traitement, en expliquant qu’un suivi régulier permet de la dépister et d’y remédier rapidement.

QUAND ARRÊTER LE TRAITEMENT D’ENTRETIEN ?

Le traitement d’entretien doit avoir une durée minimum de deux ans et sera à poursuivre longtemps, en moyenne jusqu’à l’âge de neuf à dix ans, avec une durée de cinq ans au minimum. Il n’y aura pas de phase de transition entre le traitement d’entretien et son arrêt. Ainsi, les pénalisations optiques de loin pourront être arrêtées du jour au lendemain. Un contrôle de l’acuité visuelle sera réalisé à trois mois puis tous les six mois pendant deux ans, puis tous les ans.

Malgré un traitement d’entretien suffisamment long, une récidive de l’amblyopie peut arriver même à l’âge de huit ans, d’où la nécessité d’une surveillance régulière. Le traitement par occlusion ou par pénalisation sera alors repris et la pénalisation sera maintenue encore sur une période de deux ans.

Conclusion

L’articulation pratique du traitement de l’amblyopie ne peut se concevoir sans l’adhésion sans faille des parents. Les thérapeutes leur doivent des explications claires et précises sur le projet thérapeutique pour leur enfant amblyope. Le succès du traitement de l’amblyopie demande donc beaucoup de ténacité de la part de tous ses acteurs mais nous donne aussi beaucoup de satisfaction car il doit permettre la récupération visuelle de nos jeunes patients.

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IV - Études du PEDIG

F. Audren

L’occlusion sur peau est le traitement de référence de l’amblyopie fonctionnelle depuis des décennies, efficace, quasi systématique et recommandé surtout au début du traitement (traitement d’attaque). Les autres moyens thérapeutiques comme les pénalisations (optiques ou par cycloplégie) sont réputés moins efficaces et sont plutôt employés comme traitement d’entretien, en relais de l’occlusion, une fois l’acuité visuelle suffisamment remontée.

Les traitements de l’amblyopie sont en fait essentiellement empiriques et, jusqu’à une période récente, ils n’avaient pas vraiment fait l’objet d’études contrôlées. L’absence de ces études se comprend assez facilement. D’une part, elles posent des problèmes méthodologiques : à quoi comparer un traitement très efficace ? Comment mesurer le critère principal qu’est l’acuité visuelle (problème de la méthode de mesure de l’acuité visuelle chez l’enfant) ? D’autre part, ce type d’étude nécessite un nombre important de patients, en raison essentiellement de la variabilité de l’acuité visuelle. Enfin, le financement de telles études est problématique car ce sujet n’est pas réellement un enjeu de santé publique vu le coût dérisoire des traitements proposés (occlusion, atropine) : elles n’intéressent donc pas l’industrie pharmaceutique.

Malgré ces contraintes, une abondante bibliographie a été produite depuis 2001. Elle émane du Pediatric Eye Disease Investigator Group (PEDIG), qui est un réseau de praticiens universitaires et libéraux, tous membres de l’American Association for Pediatric Ophthalmology and Strabismus (AAPOS1) ou ayant une qualification équivalente, localisés en Amérique du Nord. Ce groupe a été créé après que le constat a été fait qu’à part les études sur la rétinopathie des prématurés, il existait peu de données scientifiques valides sur les pathologies ophtalmologiques infantiles [1].

L’organisation particulière en réseau de ces praticiens permet d’obtenir facilement des données cliniques simples (comme l’acuité visuelle), dans des conditions de pratique courante. De nombreux essais peuvent être réalisés, avec un centre coordonnateur qui change pour chaque étude, incluant rapidement de nombreux patients, parfois dans plusieurs dizaines de centres investigateurs simultanément ; les résultats sont ensuite analysés de façon centralisée. Cette organisation particulière permet une économie de moyens notable par rapport aux essais contrôlés classiques. Le PEDIG a réalisé de multiples études contrôlées multicentriques2, notamment concernant le traitement de l’amblyopie fonctionnelle (une trentaine de publications entre 2001 et 2012).

Les questions abordées dans les différentes études sur l’amblyopie fonctionnelle concernent : la méthode de mesure de l’acuité visuelle, la comparaison de différents régimes d’occlusion, la comparaison de différentes posologies d’atropine, la comparaison de l’occlusion et de l’atropine, l’effet de la correction optique, l’effet des activités de près, les rechutes et facteurs de risque de l’amblyopie, ainsi que l’efficacité du traitement de l’amblyopie chez les grands enfants et les adolescents.

Nous ne détaillerons pas les méthodes et les résultats publiés par le PEDIG concernant tous ces sujets, mais évoquerons simplement des aspects concernant la mesure de l’acuité visuelle et la comparaison des traitements. Toutes les études ne s’intéressent qu’à des amblyopies réfractives, strabiques ou mixtes. Le critère principal était toujours l’acuité visuelle et les traitements dominés par la correction optique, l’occlusion ou la pénalisation par atropine.

Principales études
ACUITÉ VISUELLE

Le protocole de mesure de l’acuité visuelle est standardisé et très précis, inspiré des scores ETDRS ; les optotypes sont présentés un à un de manière aléatoire sur un moniteur (échelle logarithmique). Avant l’âge de sept ans, les optotypes sont désignés par appariement (lettres « HOTV », fig. 6-11) [711] ; de sept à treize ans, l’acuité visuelle est mesurée en utilisant les mêmes optotypes que ceux utilisés dans les scores ETDRS [3]. Le résultat est donné en logarithme de meilleure acuité visuelle (LogMAR), en équivalent Snellen ou en score ETDRS. Pour le détail de la méthodologie de la mesure de l’acuité visuelle, on se reportera aux articles correspondants [37]. Ces méthodes de mesure de l’acuité visuelle ont été évaluées : elles sont utilisables à partir de l’âge de trois ans et sont très reproductibles. Tous comme pour les scores ETDRS, il a été démontré qu’une différence au-delà de deux lignes d’acuité visuelle lors de deux mesures n’est pas due à la variabilité de la mesure.

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Fig. 6-11 Aspect d’un optotype isolé (« HOTV ») entouré de barres, qui améliorent la sensibilité de détection d’une acuité visuelle basse due à une amblyopie, comme utilisé pour mesurer l’acuité visuelle chez les enfants de 3 ans à 7 ans [7].

AMBLYOPIE
GÉNÉRALITÉS

Dans toutes les études du PEDIG, l’amblyopie est définie comme une différence entre les deux yeux de trois lignes ou plus. L’amblyopie est modérée si l’acuité visuelle est comprise entre 20/40 et 20/100, et sévère si l’acuité visuelle est comprise entre 20/100 et 20/400.

Il existe une condition « optique » à la mesure de l’acuité visuelle, qui est le port de la correction optique pendant quatre semaines avant la mesure (mesurée sous cyclopentolate, avec une assez grande souplesse laissée au prescripteur en cas d’hypermétropie modérée notamment).

Un des postulats de la plupart des études est qu’en cas d’amblyopie, il n’y a pas d’amélioration spontanée de l’acuité visuelle.

Toutes les études comparatives des traitements sont prospectives, contrôlées et randomisées.

COMPARAISON DE DIFFÉRENTS RÉGIMES D’OCCLUSION

Une étude du PEDIG a montré qu’en cas d’amblyopie modérée (enfants de trois à sept ans, = 189), une occlusion de deux heures ou de six heures donne un gain d’acuité visuelle de 2,4 lignes à quatre mois (pas de différence significative entre les deux groupes, fig. 6-12) [13].

Une autre étude a montré qu’en cas d’amblyopie sévère (enfants de trois à sept ans, = 175), une occlusion de six heures versus une occlusion totale donne un gain d’acuité visuelle de 4,8 versus 4,7 lignes à quatre mois (pas de différence significative entre les deux groupes, fig. 6-13) [9].

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Fig. 6-12 Distributions cumulées des scores d’acuité visuelle de l’œil amblyope jusqu’à 4 mois après le début du traitement dans les deux groupes : « Amblyopie modérée traitée par occlusion 2 heures par jour » et « Amblyopie modérée traitée par occlusion 6 heures par jour ».

(D’après Repka et al., PEDIG, 2003 [13].)

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Fig. 6-13 Distributions cumulées des scores d’acuité visuelle de l’œil amblyope jusqu’à 4 mois après le début du traitement dans les deux groupes : « Amblyopie sévère traitée par occlusion 6 heures par jour » et « Amblyopie sévère traitée par occlusion permanente ».

(D’après Holmes et al., PEDIG, 2003 [9].)

COMPARAISON DE DIFFÉRENTS RÉGIMES D’ATROPINE

Une étude a montré qu’en cas d’amblyopie modérée (enfants de trois à sept ans, n = 168), l’administration d’atropine 1 % tous les jours versus le week-end seulement donne un gain d’acuité visuelle de 2,3 lignes à quatre mois (pas de différence significative entre les deux groupes) [14].

COMPARAISON DE L’OCCLUSION À L’ATROPINE

Une étude a montré qu’en cas d’amblyopie modérée (enfants de trois à sept ans, = 419), l’occlusion (minimum six heures) versus l’administration d’atropine 1 % tous les jours donne un gain d’acuité visuelle de 3,16 versus 2,84  lignes à six mois (pas de différence significative entre les deux groupes, en dehors d’un gain plus rapide avec l’occlusion) [12].

DISCUSSION

Dès leur parution, les résultats des études sur les traitements de l’amblyopie du PEDIG, qui semblaient aller contre les idées reçues, ont été très critiqués.

Notons d’abord que les objectifs des études ne sont clairement pas la recherche du meilleur résultat — l’isoacuité, qu’on attend a priori avec l’occlusion totale — mais seulement une comparaison de différents traitements, avec une arrière-pensée de « compromis » efficacité/acceptabilité (retentissement psychologique sur les enfants, les parents) [2]. Ceci explique les relativement mauvais résultats des différents traitements dans des cas où on s’attendrait à une normalisation de l’acuité visuelle.

Par ailleurs, sur le plan de la méthodologie, ces études ne sont pas dénuées de faiblesses. Concernant l’occlusion, on peut se poser la question de l’adéquation entre l’occlusion prescrite et occlusion réelle. L’observance était quantifiée par un questionnaire rempli par les parents, mais il peut bien sûr exister une différence entre l’observance rapportée par les parents et l’observance réelle. Dans la correspondance publiée après les résultats de certaines études, où les commentateurs sont très surpris de ne pas trouver d’« effet dose » de l’occlusion, les auteurs se défendent en argumentant qu’on compare des traitements « prescrits » plutôt que des traitements effectivement « suivis ».

Outre les problèmes de l’observance, une des critiques qu’on peut adresser à une partie des travaux du PEDIG sur l’amblyopie porte sur la correction optique : rigueur de la cycloplégie effectuée systématiquement sous cyclopentolate 1 % et règles de prescription assez souples, loin des positions dogmatiques de correction optique totale en vigueur auprès de la plupart des strabologues européens.

Pour finir, malgré un esprit de systématisation qui, à première vue, pourrait paraître irréprochable, les études du PEDIG sur les traitements de l’amblyopie reposent sur un postulat qui est l’absence d’amélioration spontanée de l’acuité visuelle sans traitement (après port de la correction optique pendant quatre semaines avant l’inclusion dans les protocoles). Or ce postulat est faux, ce qui a été montré par le PEDIG lui-même dans une étude dont les résultats ont été publiés en 2006. Cette étude prospective porte sur l’évolution de l’acuité visuelle observée avec le port de la correction optique seule en cas d’amblyopie réfractive modérée (enfant de trois à sept ans, = 84 ; pas de groupe contrôle). Nous ne détaillons pas les règles de prescription de la correction, mais les résultats sont un gain d’acuité visuelle de deux lignes ou plus dans 77 % des cas, avec une disparition de l’amblyopie (définie comme une différence entre les deux yeux d’une ligne au plus) dans 27 % des cas et une stabilisation de l’acuité visuelle obtenue dans 90 % des cas dans les dix-sept premières semaines (jusqu’à trente semaines) [4]. Le même type d’amélioration a été rapporté en cas d’amblyopie strabique avec anomalie réfractive après port de la correction optique [5].

Ces deux études invalident de fait les résultats des études publiées précédemment, car si l’on considère les amplitudes de gain d’acuité visuelle des essais comparant différents traitements, on constate qu’ils sont de l’ordre de ce qui est observé avec la correction optique seule. Cette correction n’ayant été portée que quatre semaines avant l’inclusion dans les études, l’effet de la correction optique sur l’acuité visuelle est un biais majeur influençant l’acuité visuelle, dont l’effet n’est pas distinguable de celui des autres traitements de l’amblyopie administrés.

Suite à ces études sur le port de la correction optique, un autre essai a été réalisé, portant sur cent quatre-vingts patients de trois à sept ans présentant une amblyopie réfractive modérée à sévère ayant porté la correction optique pendant seize semaines, ou sans augmentation de leur acuité visuelle à deux visites successives. Le traitement attribué était une occlusion de deux heures par jour ou une absence de traitement (en dehors de la correction optique). Le meilleur gain d’acuité visuelle mesuré après ce traitement était de 2,2 lignes et de 1,3 ligne dans le groupe contrôle (p < 0,001). Ceci prouve donc bien que, pour une amblyopie réfractive, l’occlusion a aussi un effet, qui s’ajoute à celui de la correction optique.

Au total, les résultats observés sont mauvais compte tenu de ce qu’on pourrait espérer (isoacuité), et la plupart des résultats des études du PEDIG mélangent les effets de la correction optique (portée seulement un mois avant l’inclusion dans les premiers essais) aux autres modalités thérapeutiques, ce qui fait que les essais tels qu’ils sont conçus ne peuvent mettre en évidence les différences entre les différents traitements.

RÉCURRENCES

Un des volets intéressants des études du PEDIG concerne les récurrences d’amblyopie (c’est-à-dire les baisses d’acuité visuelle à l’arrêt du traitement). Les études sur ce sujet sont prospectives et non contrôlées, et portent sur des groupes de patients homogènes inclus préalablement dans les études comparatives sur les traitements de l’amblyopie.

Une première étude portant sur cent cinquante-six enfants de moins de sept ans traités pour une amblyopie modérée avec un gain d’acuité visuelle d’au moins trois lignes sous traitement (occlusion au moins deux heures par jour ou atropine) a retrouvé une récurrence (définie comme une baisse d’au moins deux lignes) dans 24 % des cas. Le risque de récurrence était multiplié par 4,4 en cas d’arrêt brutal d’une occlusion de plus de six heures par jour par rapport à une diminution progressive [8].

Une seconde étude, sur soixante-six patients de moins de sept ans traités pour une amblyopie modérée par une occlusion d’au moins six heures par jour, a identifié des facteurs de risque de récurrence : une bonne acuité visuelle avant l’arrêt de l’occlusion, une grande amplitude de gain d’acuité sous occlusion, un antécédent de récurrence. Une orthotropie ou une l’existence d’une stéréoacuité ne sont pas des facteurs protecteurs de la récurrence [10].

Une autre étude sur quatre-vingts patients de sept à douze ans retrouve une récurrence dans 7 % des cas [6].

Ces études prospectives, bien qu’elles ne soient pas contrôlées, sont très intéressantes pour deux raisons :

  • elles révèlent la fréquence des récurrences à l’arrêt du traitement (un quart des cas environ, mais jusque 44 % des cas si une occlusion de plus de six heures est arrêtée brutalement [8]), ce qui implique la nécessité d’un traitement d’entretien de l’amblyopie après le traitement d’attaque ; celui-ci n’est pas moins nécessaire si le gain d’acuité a été bon avec le traitement, le bon résultat augmentant même le risque de récurrence, ce qui témoigne probablement de la grande plasticité cérébrale du système visuel dans ce cas ;

  • le risque de récurrence est lié à l’âge, diminue après sept ans mais est toujours présent jusqu’à douze ans, ce qui est un argument en faveur de la prolongation suffisante d’un traitement d’entretien au moins jusqu’à sept ans.

Que retenir ?

Une des principales qualités du PEDIG est son mode de fonctionnement original, qui permet de réaliser des études sur des problèmes de prise en charge d’ophtalmologie pédiatrique courante. Dans le domaine de l’amblyopie, les meilleurs points sont surtout le développement de la méthode de la mesure de l’acuité visuelle, qui devrait logiquement faire office de méthode de référence, les études sur l’effet de la correction optique et sur les récurrences.

Les résultats assez troublants sur l’équivalence de différents régimes d’occlusion ou la pénalisation sont sujets à discussion, surtout sur les points de l’observance et de la correction optique. Il ne faut surtout jamais oublier que jamais les objectifs de ces essais ne sont l’obtention d’une acuité visuelle maximale ou de l’isoacuité, objectifs pourtant admis par tous.

Les résultats des études du PEDIG sur l’amblyopie ne doivent pas embrouiller les esprits, et elles ne sont pas des références opposables. Malheureusement, en l’absence d’essais contrôlés indiscutables, les publications du PEDIG légitiment en partie déjà les résultats de nouvelles études plus ou moins sérieuses, par acupuncture par exemple [16], où finalement on ne peut dire s’il y a un réel effet du traitement, mais où les auteurs comparent l’effet de leur traitement à celui mesuré dans un essai du PEDIG, qui lui-même est sujet à caution [15]…

Conclusion

Les résultats du PEDIG ne bousculent finalement ni les idées en place ni notre pratique, qui reste centrée sur la correction optique totale et l’occlusion maximale en traitement d’attaque. L’objectif de ce traitement est l’acuité maximale possible ou l’isoacuité. Le traitement d’entretien ou de prévention de la rechute est justifié par le risque élevé de rechute, surtout avant l’âge de sept ans.

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V - Bilan à long terme

S. Arsène

Devenir à long terme de la récupération de l’acuité visuelle

La perception monoculaire dans l’amblyopie est profondément altérée à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Le niveau de l’acuité visuelle doit être considéré comme le meilleur marqueur de la déstructuration de la perception globale de l’œil amblyope plutôt que le témoin de la seule atteinte du pouvoir de discrimination. L’amélioration de l’acuité visuelle est au cœur du projet thérapeutique. Elle est le préalable de tout, permettant ainsi s’il y a guérison la normalisation des fonctions d’oculomotricité et de sensorialité [3].

Le patient qui a guéri d’une amblyopie fonctionnelle unilatérale reste marqué du sceau de l’amblyopie. Un traitement d’entretien long doit être institué, pour lutter entre autres contre la dominance anormale. Ce traitement sera d’autant plus long qu’il s’agira d’un strabisme avec binocularité anormale, d’une anisométropie, d’une amblyopie profonde initialement ou d’un enfant plus âgé au début du traitement. L’acuité visuelle atteinte par l’œil amblyope, en l’absence de l’effet suppressif de l’œil adelphe, l’isoacuité ou un niveau maximum obtenu, doit être tolérée par ce dernier. Lorsque l’acuité visuelle normale n’a pu être entièrement récupérée, en raison d’une fixation instable ou juxtafovéolaire, l’acuité visuelle diminue à nouveau dès l’arrêt du traitement. Elle s’améliore à nouveau sous l’effet de la reprise du traitement. Mais, dans ces cas-là, jusqu’à quand devons-nous poursuivre le traitement ? Probablement jusqu’à l’âge de dix à douze ans si l’enfant le supporte. Dans ces cas, la binocularité est anormale, l’acuité visuelle de l’œil amblyope n’est en réalité pas utilisée dans les conditions binoculaires. Mais, en cas de perte malheureusement du bon œil, l’œil amblyope récupérera au moins le maximum qui avait pu être atteint lors du traitement de l’amblyopie.

Le traitement de l’amblyopie donne des résultats excellents s’il est débuté avant l’âge de deux ans (99 % de succès), de très bons résultats avant l’âge de six ans (90 % de succès) et aucun résultat (ou exceptionnellement) après l’âge de huit ans. Il faut donc dépister le plus tôt possible les amblyopes puisque le traitement est alors plus efficace et il faut aussi instituer un traitement préventif dans les situations à risque d’amblyopie.

Il y a peu d’étude qui relate le niveau d’acuité visuelle à long terme des yeux amblyopes. Une étude rétrospective de Scott, portant sur six cents patients amblyopes (amblyopies réfractives, strabiques ou mixtes) traités initialement par occlusion totale, montre qu’au terme du suivi, 60 % des patients avaient une isoacuité, et 89 % un résultat considéré comme un succès, c’est-à-dire au moins 20/30, ou une acuité de l’œil amblyope supérieure ou égale à l’œil non amblyope [4]. La prévalence de l’amblyopie fonctionnelle dans la population adulte est d’environ 3 % (acuité visuelle inférieure ou égale à 20/40) [1, 6], avec une acuité visuelle inférieure ou égale à 20/80 chez 38 % des amblyopes. L’amblyopie fonctionnelle est la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle unilatérale entre les âges de vingt et soixante-dix ans [1, 2, 5].

L’œil fixateur

L’œil non amblyope reste dans la majorité des cas l’œil fixateur à long terme. Il n’y a donc pas alternance de fixation, ce qui protège en quelque sorte le patient de la diplopie permanente, même si le traitement de l’amblyopie est poursuivi longtemps.

Bibliographie

[1]  Attebo K, Mitchell P, Cumming R, Smith W, Jolly N, Sparkes R. Prevalence and causes of amblyopia in an adult population. Ophthalmology, 1998 ; 105 : 154-159.

[2]  National Eye Institute, Office of Biometry and Epidemiology, National Institutes of Health, Public Health Service, Dept. of Health and Human Services. Report on the National Eye Institute’s Visual Acuity Impairment Survey. Washington, DC, 1984.

[3]  Péchereau A et al. L’amblyopie. XXXIIe Colloque de Nantes (2007). A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, Nantes, 2009.

[4]  Scott WE, Kutschke PJ, Keech RV, Pfeifer WL, Nichols B, Zhang L Amblyopia treatment outcomes. J AAPOS, 2005 ; 9 : 107-111.

[5]  Simons, K. Preschool vision screening: rationale, methodology and outcome. Surv Ophthalmol, 1996 ; 41 : 3-30.

[6]  Vinding T, Gregersen E, Jensen A, Rindziunski E., et al. Prevalence of amblyopia in old people without previous screening and treatment. An evaluation of the present prophylactic procedures among children in Denmark. Acta Ophthalmologica, 1991 ; 69 : 796-798.

VI - Perspectives d’avenir

E. Bui Quoc

Quelle tristesse que de ne proposer qu’une occlusion monoculaire dans le traitement de l’amblyopie. On est au xxie siècle ! En plus c’est très inesthétique… Et de toute façon, comme nous l’enseigne le PEDIG, c’est un fardeau inhumain et un stigmate social [811]. Il y a certainement d’autres traitements. En plus, l’enfant n’en veut pas de son occlusion et l’enlève sans cesse…

Le lecteur aura compris que l’auteur de ces lignes ne veut ici que souligner l’importance et l’intérêt du traitement de l’amblyopie par l’occlusion. Mais l’auteur comme le lecteur peuvent se poser la question d’éventuels nouveaux traitements de l’amblyopie. Certes, pourquoi chercher ou proposer un nouveau traitement dans une pathologie alors que le traitement de référence est efficace ? Et en plus pas cher… Un laboratoire pharmaceutique dépenserait-il des centaines de millions d’euros, de dollars ou de yuans pour développer une nouvelle thérapeutique qu’il ne pourrait pas vendre plus cher que le traitement de référence (le prix d’un médicament en France étant — on le rappelle — fixé selon l’ASMR, amélioration du service médical rendu, et selon le prix du médicament actuellement utilisé dans la pathologie visée, s’il existe) ?

Plusieurs raisons expliquent l’intérêt pour de nouveaux traitements de l’amblyopie :

  • même si elle ne remporte pas a priori notre assentiment, la justification de rechercher des alternatives à l’occlusion du fait de la mauvaise compliance au traitement, fruit de la mauvaise image que rendrait la société/l’école/la famille à un enfant portant un cache, est réelle aux États-Unis et c’est une des raisons pour lesquelles le PEDIG3 a réalisé de nombreuses études (parfois biaisées et de parti pris ; se reporter à l’excellent article du Dr François Audren dans ce chapitre) comparant l’occlusion à l’atropine par exemple. Nous ne traiterons pas ici du traitement pharmacologique de l’amblyopie au moyen de l’atropine ;

  • les études neurophysiologiques chez l’animal montrent bien l’implication de neuromédiateurs ou de facteurs de croissance dans le développement visuel normal ou pathologique, d’où l’idée d’employer des dopaminergiques, des sérotoninergiques ou d’autres substances dans le traitement de l’amblyopie ;

  • les progrès technologiques (électroniques, informatiques, vidéos bi- et tridimensionnelles, etc.) permettent des systèmes de stimulation visuelle programmée, fondée en particulier sur des processus haploscopiques de stimulation des deux yeux par deux images différentes ou complémentaires, mais aussi parfois par la stimulation monoculaire calibrée.

Après avoir évoqué les thérapeutiques pharmacologiques et de stimulation visuelle, nous citerons les systèmes de contrôle électronique du temps d’occlusion, les méthodes chirurgicales d’occlusion — ce qui souligne l’intérêt de l’occlusion, quelle qu’elle soit — et ne manquerons pas de citer l’utile acupuncture.

Thérapeutiques pharmacologiques
NEUROMÉDIATEURS, FACTEURS DE CROISSANCE ET DÉVELOPPEMENT VISUEL : AGIR SUR LE CERVEAU EN DÉVELOPPEMENT

La neurochimie du développement visuel est hautement complexe et fait intervenir de nombreux neuromédiateurs au cours de cascades métaboliques dont le fonctionnement normal est dépendant de l’expérience visuelle. De fait, il est mis en évidence par les neurophysiologistes le rôle de neuromédiateurs excitateurs comme le NMDA (N-méthyl-D-aspartate) ou inhibiteur comme le GABA (acide gamma-aminobutyrique), de même que le rôle de facteurs de croissance. Ces phénomènes conduisent à la mise en place de l’architecture neuronale précise nécessaire à une vision normale. Un neurone précis de telle aire précise du cortex visuel, dans une couche précise du cortex visuel a des connexions précises et particulières avec tel autre neurone. Au cours du développement, la régression de connexions exubérantes juvéniles anormales entre les neurones et le développement de connexions fonctionnelles précises nécessitent des signaux moléculaires, une expression génétique à la chronologie précise. Expérimentalement, une multitude de paradigmes sont exploités pour tester le rôle de telle ou telle molécule dans l’amblyopie : il est procédé chez l’animal à des dosages de protéines in situ dans le liquide ventriculaire dans des modèles d’amblyopie induite (privation ou strabisme) ; l’injection de telle autre molécule in situ dans le cerveau animal peut mettre en évidence une modification/amélioration des perturbations neuronales induites par une expérience visuelle anormale. Ainsi, les physiologistes nous apprennent le rôle de l’acétylcholine, de l’adrénaline, de la noradrénaline, de la dopamine, de la sérotonine, du GABA, etc. dans le développement visuel.

Ainsi, par exemple, il a été démontré que la protéine Lynx1, qui est impliquée dans le système cholinergique, voit son expression augmentée chez la souris au cours du temps, ce qui limite la plasticité cérébrale en stabilisant les réseaux neuronaux matures ; en revanche, si l’expression de cette protéine est freinée, il existe alors une augmentation du signal médié par les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine [26].

C’est avec les systèmes inhibiteurs/excitateurs que joue le physiologiste… : ainsi cette équipe chinoise qui a montré que la lévodopa pourrait améliorer la fonction visuelle en augmentant la concentration intracorticale du NMDAR1 (sous-unité 1 du récepteur au NMDA) qui est un neuromédiateur excitateur [36] ; il a été étudié chez soixante rats de deux semaines la concentration de NMDA1R dans le cortex visuel dans quatre situations au bout de quatre semaines : groupe normal, groupe monoculaire (amblyopie expérimentale par déprivation), groupe traité par lévodopa à la dose de 40 mg/kg et groupe traité avec un placebo ; le taux de NMDA1R est plus faible dans le groupe normal par rapport au groupe amblyope et il est plus élevé dans le groupe traité par lévodopa que dans le groupe traité par placebo. De même, il a été démontré que le traitement par un dopaminergique d’un animal chez qui une amblyopie expérimentale avait été induite par déprivation monoculaire modifie de façon significative :

  • les structures des neurones ;

  • la concentration dans le cortex du NGF (Nerve Growth Factor), facteur de croissance neuronale qui promeut le développement des cellules [20].

Passer de la neurophysiologie la pharmacologie n’est pas aisé et, si l’expérimentateur peut réaliser in situ des injections de substances actives dans le cerveau, on imagine mal le strabologue proposer à une maman et un papa une quelconque injection d’un produit miracle dans le cerveau de son rejeton amblyope. Pour autant, la médecine moderne sait jouer avec le cerveau, le moduler, le façonner, le traiter… par des psychotropes par exemple ; la pharmacopée est riche. Alors, quels médicaments utiliser ?

AMBLYOPIE ET DOPAMINE

La lévodopa est un précurseur de la dopamine et elle passe la barrière hématoencéphalique. Elle se transforme en dopamine après action d’une enzyme : la décarboxylase. Au niveau périphérique, c’est-à-dire hors du système nerveux central, la dopamine a des effets à types de nausées, hypotension artérielle ; c’est pourquoi la lévodopa — utilisée bien sûr comme traitement de référence dans la maladie de Parkinson — est toujours administrée avec de la carbidopa, qui est un inhibiteur de la décarboxylase périphérique et uniquement de celle-ci, pas de la décarboxylase centrale, car la carbidopa ne passe pas la barrière hématoencéphalique. Elle empêche donc la lévodopa périphérique d’être métabolisée en dopamine et permet une réduction de la quantité de lévodopa administrée, la quantité de dopamine périphérique étant diminuée (ou tout du moins pas augmentée).

Les tentatives d’utilisation des dopaminergiques dans le traitement de l’amblyopie sont anciennes. Ainsi, en 1992, Leguire a montré une amélioration de la fonction visuelle chez des enfants amblyopes alors que ce n’était pas le cas chez les adultes [16]. Cinq enfants amblyopes unilatéraux dont la vision moyenne était de 20/159 ont reçu une dose de 100 mg de lévodopa associée à 25 mg de carbidopa. On note une amélioration transitoire de l’acuité visuelle à 20/83, de même qu’une amélioration des seuils de fonction de sensibilité aux contrastes et de l’amplitude des potentiels évoqués visuels en stimulations structurées (PEV-pattern). Ceci survient entre une et cinq heures après l’ingestion du médicament. Il n’y a aucune modification de la fonction visuelle chez les deux adultes normaux recevant une dose de 400 mg de lévodopa et de 100 mg de carbidopa — à noter : la fréquence et la sévérité des effets secondaires à type de nausées et vomissements chez cinq des sujets.

La même équipe montre que l’administration de lévodopa augmente la fonction visuelle mais, paradoxalement, entraîne une diminution de la réponse évoquée en IRM fonctionnelle [2]. Dans cette étude, une dose unique de 2 mg/kg de lévodopa avait été administrée à neufs sujets normaux et six patients amblyopes. Une IRM fonctionnelle avait été réalisée quatre-vingt-dix minutes avant et quatre-vingt-dix minutes après l’ingestion de médicament, étudiant le signal cortical évoqué par une stimulation visuelle. Dans le groupe des sujets amblyopes, alors que l’acuité visuelle progresse de 0,72  ± 0,21  LogMAR avant traitement à 0,64  ± 0,24 LogMAR après traitement, le signal IRM évoqué par stimulation de l’œil amblyope diminue après le traitement, tandis qu’il n’est pas modifié en stimulation monoculaire de l’œil sain ou en stimulation binoculaire. Chez les neuf sujets normaux, il n’y a aucune modification de la fonction visuelle et du signal évoqué en IRM fonctionnelle, quel que soit le type de stimulation.

Au contraire, pour Yang, il est montré que le signal cortical recueilli par IRM fonctionnelle après stimulation de l’œil amblyope est augmenté par un traitement par lévodopa chez l’adulte amblyope [39] : chez cinq patients adultes amblyopes, il avait été administré 0,5 mg/kg de lévodopa et 0,125 mg/kg de carbidopa trois fois par jour pendant une semaine ; l’IRM fonctionnelle réalisée avant traitement avait été comparée à celle réalisée après le traitement et il n’avait pas été noté d’effet sur la réponse évoquée par stimulation de l’œil sain mais, en revanche, il était retrouvé une amélioration de la réponse évoquée par stimulation de l’œil amblyope.

Dans une série de plus grande taille, l’effet de l’adjonction de lévodopa au traitement habituel de l’amblyopie par occlusion a été étudié [6]. Il s’agissait de quarante enfants de six à dix-huit ans, avec une moyenne de 10,9 ans, amblyopes strabiques dans dix-neuf cas et amblyopes anisométropes dans vingt et un cas. Chez la moitié des patients, une association de lévodopa et carbidopa avec un ratio habituel de 4:1 était administrée pendant quatre semaines en plus du traitement habituel par occlusion, celle-ci étant poursuivie ensuite quatre mois avant évaluation des résultats et comparaison. L’autre moitié avait reçu un placebo. La dose de lévodopa avait varié de 1,33 à 2,36 mg/kg par jour avec une moyenne de 1,86 mg/kg par jour. On ne retrouve pas de différence significative entre le groupe traité et le groupe non traité en ce qui concerne l’acuité visuelle, alors que, dans les deux groupes, on retrouvait une amélioration transitoire de la fonction de sensibilité aux contrastes, revenant aux valeurs antérieures à trois mois… À noter : peu d’effets secondaires du traitement.

Rashad montre dans sa série des résultats un peu plus encourageants puisqu’il compare les résultats de l’adjonction de dopaminergiques à l’occlusion chez soixante-trois patients enfants et adultes amblyopes recevant un traitement par lévodopa et carbidopa pendant six semaines, avec évaluation de la fonction visuelle à un, trois et douze mois [28]. On retrouve une amélioration de l’acuité visuelle significative dans le groupe traité chez les patients de moins de douze ans (42,5 % contre 30 %) et chez les amblyopes sévères (34,3 % contre 22 %). Pour autant, les résultats globaux ne montrent pas de différence significative dans l’acuité visuelle à un, trois et douze mois respectivement dans les deux groupes : 0,52, 0,52, et 0,51 LogMAR dans le groupe avec occlusion et 0,58, 0,49, et 0,56 dans le groupe avec occlusion et traitement pharmacologique. Dans les deux groupes, on retrouve une amélioration significative de l’acuité visuelle à toutes les évaluations par rapport à l’acuité visuelle initiale : 0,68 dans le groupe avec occlusion seule et 0,81 dans le groupe traité également par dopaminergique.

AMBLYOPIE ET SÉROTONINERGIQUES

La sérotonine est la « molécule du bonheur », comme chacun sait, et la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, augmentant les concentrations intracorticales de sérotonine, constitue une puissante famille d’antidépresseurs. Il n’existe pas à notre connaissance d’études cliniques sur l’utilisation des sérotoninergiques chez l’humain dans le traitement de l’amblyopie, même si des résultats intéressants expérimentalement chez l’animal ont pu être montrés, comme par exemple Maya-Vetancourt qui montre que, chez le rat adulte amblyope, l’administration chronique de fluoxétine améliore la fonction visuelle évaluée par électrophysiologie et par l’étude du comportement [23].

AMBLYOPIE ET CITICOLINE

La citicoline (CDP-choline ou, plus précisément, la cytidine-diphosphate-choline ou encore la cytidine-5’-diphosphocholine) est une molécule organique complexe qui participe à la biosynthèse des phospholipides membranaires et qui a la capacité de passer la barrière hématoencéphalique [32]. Elle est proposée comme traitement neuroprotecteur et est utilisée dans les déficits cognitifs liés à l’âge, dans la maladie d’Alzheimer, dans la rééducation suite aux accidents vasculaires cérébraux, dans les blessures cérébrales et de la moelle spinale [3]. Plus récemment, elle a été proposée en ophtalmologie dans le glaucome puis dans l’amblyopie. La citicoline est commercialisée en France comme complément alimentaire.

La citicoline augmente la synthèse de dopamine, probablement via une augmentation de l’activité tyrosine hydroxylase, en inhibant la recapture de la dopamine au niveau des terminaisons nerveuses. L’augmentation d’acétylcholine en soi favorise également l’augmentation de dopamine. Par ailleurs un deuxième effet est la participation à la synthèse de sphingomyéline et donc des membranes cellulaires [1].

Expérimentalement chez l’animal, il a été montré une augmentation de la dopamine dans la neurorétine [29] : chez le lapin albinos, il était administré 50 mg/kg deux fois par jour de citicoline ou de son excipient ; puis, les taux de catécholamines rétiniennes étaient mesurés par chromatographie. Il a été montré une augmentation des taux de dopamine, d’adrénaline, mais pas de noradrénaline.

L’utilisation de la citicoline chez l’humain dans le traitement de l’amblyopie est relativement ancienne puisqu’en 1995 Campos publie son premier article sur le sujet, portant sur l’étude depuis 1991 de cinquante patients amblyopes de plus de six ans traités par injection intramusculaire de 1 g par jour de citicoline pendant quinze jours, sans autre traitement, avec amélioration de l’acuité visuelle des deux yeux, à la fois l’œil amblyope et l’œil sain, dans quarante-six cas soit 92 %. Cette amélioration se prolonge pendant quatre mois puis s’étiole [7].

La même équipe montre dans un groupe d’adultes amblyopes d’âge moyen de 24,8 ans une amélioration de l’acuité visuelle de 1,5 ligne de l’œil amblyope et de 0,4 ligne de l’œil sain, après administration intramusculaire pendant quinze jours de citicoline à la dose de 1 g par jour [27]. Les mesures étaient faites avant le traitement et juste après son arrêt. Il était noté par ailleurs une amélioration de 3  décibels de la fonction de sensibilité aux contrastes des deux yeux et de 30 % de l’amplitude des potentiels évoqués visuels de l’œil amblyope.

QUELS TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES UTILISER EN FRANCE EN 2012 ?

Dans l’hypothèse où le praticien s’aventure à prescrire un composé pharmacologique dans le traitement de l’amblyopie (au moins en complément de l’occlusion et pas de façon isolée), il n’a finalement que peu le choix actuellement, car les produits proposés sont des médicaments d’adultes aux posologies peu adaptées à l’enfant.

En ce qui concerne les dopaminergiques, nous présenterons deux possibilités :

  • l’association de lévodopa et de benserazide (inhibiteur de la dopadécarboxylase périphérique), disponible soit en gélule soit en comprimé dispersible (ce qui est nécessaire chez certains patients parkinsoniens pour lesquels avaler un comprimé ou une gélule est malaisé), avec des associations 50 mg/12,5 mg ou 100 mg/25 mg ou 250 mg/50 mg de lévodopa et de benserazide, respectivement, ce qui permet finalement toutes les posologies possibles adaptées à l’enfant ;

  • l’association de lévodopa et de carbidopa (inhibiteur de la dopadécarboxylase périphérique), en comprimés avec une association 100 mg/10 mg ou 250 mg/25 mg de lévodopa et de carbidopa, respectivement.

Les antidépresseurs de la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sont nombreux : citalopram, dapoxétine, fluoxétine, maléate de fluvoxamine, oxalate d’escitalopram, paroxétine, sertraline, etc. (par ordre alphabétique), mais aux posologies et à la galénique peu adaptées chez l’enfant ; et il serait très hasardeux d’imaginer utiliser — c’est l’avis de l’auteur de ces lignes — de tels psychotropes chez l’enfant…

La citicoline est disponible en France sous forme de complément alimentaire vendu par boîte de 30 sachets de poudre de 3,5 g contenant chacun 400 mg de citicoline. Il est rappelé que cette voie galénique orale et cette posologie sont bien différentes de la voie intramusculaire à la posologie de 1 g des études de Campos.

La nouvelle pléoptique

La pléoptique est et doit être abandonnée. Les post-images et houppes de Haidinger ne sont plus d’actualité. La « rééducation » de la correspondance rétinienne anormale au synoptophore est bien plus délétère qu’efficace.

La pléoptique a pour autant un but noble : une « plus grande » (p?e???) « vue » (????) ; c’est le but de l’ophtalmologiste et de l’orthoptiste, mais il ne faut pas :

  • qu’un traitement soit délétère et inutile ;

  • qu’un traitement peu efficace remplace un traitement efficace.

Ce que nous appelons la nouvelle pléoptique dans le traitement de l’amblyopie correspond à quelques méthodes de stimulation visuelle qui pourraient constituer un traitement d’appoint de l’occlusion. Elles sont possibles grâce aux progrès techniques et informatiques, et peuvent être divisées en  :

  • techniques de stimulations visuelles assistées par ordinateur ;

  • apprentissage perceptuel (perceptual learning) ;

  • stimulation photopique intermittente (IPS, Intermittent Photopic Stimulation).

STIMULATIONS VISUELLES ASSISTÉES PAR ORDINATEUR

La stimulation visuelle spécifique s’est développée dans les années 2000, grâce en particulier aux progrès technologiques et de l’informatique. L’équipe de Nottingham en Angleterre a développé le « VIRART » (Virtual Reality Applications Research Team) [9] puis le I-Bit (Interactive Binocular treatment for amblyopia4) [37].

Le principe de ce système est de faire jouer l’enfant à un jeu vidéo ou le faire regarder un film avec une stimulation visuelle différente pour chaque œil. Dans un premier temps, il était utilisé des systèmes haploscopiques de telle sorte que chaque œil reçoive une image différente ; puis plus tard a été développé le système plus ergonomique de « shutter glasses » qui sont des lunettes qui ferment alternativement un œil puis l’autre, avec un couplage en temps réel aux images présentées sur la vidéo, de telle sorte qu’est contrôlé en permanence quelle image stimule quel œil. Quel que soit le système, le principe de base est de présenter à l’œil amblyope la partie la plus intéressante du jeu ou du film, alors que l’œil sain reçoit par exemple l’image du fond de scène. Dans le système initial, les deux yeux sont stimulés simultanément. Avec les « shutter glasses », la stimulation visuelle est séparée avec alternativement stimulation d’un œil ou de l’autre, mais de façon extrêmement rapide. Waddingham publia en 2006 une étude chez six patients amblyopes : trois patients présentant un échec du traitement conventionnel et trois patients ayant refusé le traitement conventionnel. Leur âge moyen était de 6,25 ans (5,42 à 7,75 ans) et le traitement virtuel a été de 4,4 heures en moyenne, par sessions de deux fois vingt minutes par semaine (sept à quinze sessions). L’acuité visuelle de l’œil amblyope variait avant le traitement de 6/12 à 6/120 et après le traitement de 6/7,5 à 6/76.

La stimulation vidéo virtuelle a été employée par des Américains chez l’adulte amblyope également avec des résultats prometteurs. Ainsi, Li présente une étude chez vingt adultes de quinze à soixante et un ans avec une amblyopie unilatérale et une acuité visuelle de l’œil amblyope variant entre 20/25 et 20/480 [20]. Ces patients avaient été divisés en trois groupes : patients recevant un traitement vidéo actif (= 10), patients ne recevant pas de traitement vidéo actif (= 3), patients recevant alternativement le traitement ou l’absence de traitement (groupe « cross-over », = 7). Il est démontré après environ quarante à quatre-vingts heures de traitement à raison de deux heures par jour que l’amélioration de la fonction visuelle est cinq fois plus rapide que ce qui est habituellement observé par le traitement par occlusion, selon les auteurs. On retrouve une amélioration de l’acuité visuelle dans 33 % des cas, de l’acuité positionnelle dans 16 % des cas, de la vision binoculaire dans 54 % des cas. L’étude du groupe « cross-over », dans lequel les vingt premières heures de traitement sont de l’occlusion et les quarante heures suivantes sont le traitement vidéo actif, suggère que l’effet bénéfique ne peut être uniquement attribué à l’occlusion et qu’il est probablement majoré par la stimulation vidéo.

Malgré ces résultats préliminaires sur de petites séries, la réalité virtuelle est séduisante. Faut-il l’utiliser en pratique ? Que penser du problème du coût ? Certes les stimulations calibrées et adaptées à tel type d’amblyopie devraient améliorer les résultats du traitement, mais l’auteur de ces lignes peut conseiller finalement qu’avec nos pauvres moyens, il suffit de suggérer aux parents — ce que nous faisons déjà tous — de faire le traitement habituel par occlusion, quitte à installer le bambin devant son écran plat favori ou sa tablette préférée…

APPRENTISSAGE PERCEPTUEL (PERCEPTUAL LEARNING)

La littérature évoque désormais un nouveau concept : l’« apprentissage perceptuel » (perceptual learning) dans le traitement de l’amblyopie. Ce concept n’est pas si nouveau que cela et il s’agit en fait d’améliorer les capacités perceptives d’un sujet, quelle que soit la modalité sensorielle : visuelle, auditive, olfactive, tactile. Pour ce faire, les tenants de cette méthode développent des stimuli adaptés censés mettre en jeu de façon spécifique des processus cognitifs précis [19]. Il s’agit en fait d’un concept proche de la stimulation par réalité virtuelle.

Évidemment, la question est de savoir si cela est efficace et utile d’imposer à un enfant (et ses parents) des sessions thérapeutiques répétées chronophages.

Liu étudie l’effet de l’apprentissage perceptuel en cas d’amblyopie chez dix sujets dont le traitement par occlusion n’est plus efficace et chez treize sujets qui n’ont jamais eu de traitement par occlusion [22]. Ces patients étaient âgés de huit à dix-sept ans et soumis à une tâche visuelle pendant quarante à soixante sessions avec, dans chaque groupe, une moitié de patients soumis en plus à une tâche de reconnaissance de « E » de Snellen isolés ou mélangés. Il est montré dans le groupe préalablement traité par occlusion une diminution de la vision de 2,1 %, alors que dans le groupe jamais occlus on retrouvait une amélioration de la vision de 36,1 %. La tâche complémentaire des « E » de Snellen améliorait la vision de 0,8 ligne dans le groupe occlus préalablement et de 1,3 ligne dans le groupe jamais occlus, ce qui est à comparer avec une amélioration de 5 lignes par le traitement par occlusion dans le sous-groupe concerné. Au total, ces tâches d’apprentissage perceptuel sont considérées par les auteurs comme utiles en thérapie d’appoint dans les amblyopies moyennes.

STIMULATION LUMINEUSE INTERMITTENTE (IPS, INTERMITTENT PHOTIC STIMULATION)

La stimulation lumineuse intermittente est utilisée en neurologie pour déterminer le seuil de déclenchement de phénomènes épileptiques, de façon couplée avec un électroencéphalogramme. Il est recherché le seuil de déclenchement d’une activité cérébrale anormale par une stimulation lumineuse d’intensité et de fréquence variables.

La stimulation lumineuse intermittente a été proposée en ophtalmologie dans le traitement de l’amblyopie, l’idée étant de stimuler de façon spécifique et ciblée les voies visuelles, avec des grandes longueurs d’onde (« rouge ») et des fréquences de l’ordre de 4 à 5 Hz. Il existe peu de publications sur le sujet. Evans présente une étude dans laquelle la stimulation lumineuse intermittente (six sessions d’une demi-heure sont les plus utiles pour atteindre un maximum d’efficacité) est utilisée dans le traitement de l’amblyopie chez trente sujets de dix à cinquante-sept ans avec une efficacité en cas d’amblyopie anisométropique mais pas en cas d’amblyopie strabique, et un retour aux niveaux de vision préthérapeutiques un an après [10]. Les résultats sont modestes puisqu’on note dans le groupe traité par rapport au groupe non traité un gain d’une ligne d’acuité visuelle environ, les sujets étant certes relativement âgés. La stimulation lumineuse intermittente demeure d’une efficacité hypothétique dans le traitement de l’amblyopie.

Occlusions
OCCLUSIONS ÉLECTRONIQUES

Finalement nous ne cessons de répéter que seule l’occlusion est efficace mais, pour autant, la technologie peut aider à l’utiliser ou la contrôler. Ainsi, l’adjonction à un dispositif d’occlusion d’un capteur mesurant en particulier la chaleur corporelle et donc enregistrant le temps de pose sur l’œil peut permettre de calculer exactement le temps d’occlusion et donc contrôler l’observance réelle et non l’observance déclarée. Ces dispositifs sont anciens comme en témoigne l’étude de Fielder qui présente en 1995 une étude sur quinze enfants traités avec ce dispositif. Il montre que c’est « techniquement faisable et cliniquement informatif »… [12]. La même équipe montre en 2004 l’intérêt des dispositifs de mesure d’enregistrement du temps d’occlusion par système électronique pour montrer l’effet de la dose d’occlusion sur la réponse au traitement de l’amblyopie, démontrant une réponse linéaire dose-réponse, qui n’améliore cependant pas le résultat final au-delà de deux heures d’occlusion par jour [35].

Simonsz aux Pays-Bas utilise un moniteur de dose d’occlusion depuis plusieurs années [33] et son équipe publie en 2012 une étude portant sur vingt-quatre enfants utilisant pendant huit jours les quatre types de système actuellement sur le marché, en les évaluant [30]. On ne retrouve pas de différence selon les marques, mais le confort n’est pas parfait et il est clair que des améliorations demeurent encore nécessaires…

AUTRES TYPES D’OCCLUSION

On en revient encore et toujours à l’occlusion et les progrès peuvent être obtenus par des « patchs » collés que les enfants ne peuvent enlever car un produit spécial est nécessaire pour ce faire [31] !

Et pourquoi ne pas utiliser des lentilles de contact occlusives ? Cela peut être efficace mais, parfois, la lentille n’est pas tolérée. Joslin retrouve chez treize enfants une efficacité dans un tiers des cas [15].

La suture palpébrale transitoire est une alternative qui peut être efficace et Charles Rémy à Lyon est le précurseur en France de cette technique. Hakim en Arabie Saoudite présente une technique similaire utilisée chez quinze enfants de quatre à six ans, d’âge médian de 5,2 ans, présentant une amblyopie sévère rebelle au traitement conventionnel par occlusion, chez lesquels les paupières de l’œil sain ont été suturées de façon transitoire pendant deux à quatre semaines, avec amélioration de l’acuité visuelle dans douze cas sur quinze [13].

Une autre technique chirurgicale consiste à suturer autour de l’œil un « patch » occlusif spécial qui possède des orifices pour passer le fil de polypropylène 3/0 dans le dispositif et dans la peau. Une équipe d’Alaska publie les résultats de ce traitement chez dix enfants traités ainsi avec une durée variable de douze à trente-six jours [4]. On retrouve dans cette série une amélioration de l’acuité visuelle de l’œil amblyope de 0,77  ± 0,30 LogMAR, soit 20/119 en échelle de Snellen, à 0,45  ± 0,19 LogMAR, soit 20/57 en échelle de Snellen, ce qui correspond à un gain de 0,32  ± 0,16 LogMAR.

Enfin, une alternative est l’injection de toxine botulique dans le muscle releveur de la paupière supérieure, ce qui est élégant, mais le problème est la nécessité d’une occlusion réelle et complète. Il y a donc une difficulté d’être prévisible : à la fois en qualité d’occlusion, mais aussi en temps d’occlusion totale [14].

Autres

Nous vivons une époque formidable ! Tout peut être essayé dans le traitement de tout…

Alors, par exemple, il est suggéré la diète dans le traitement de l’amblyopie, car celle-ci favorise la plasticité cérébrale chez le rat [34]. Ceci a été démontré très sérieusement dans le cortex du rat chez lequel une restriction alimentaire diminue l’inhibition corticale et, de façon très intéressante, sans une intervention du BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor)… Nous ne pouvons donc qu’encourager les enfants — amblyopes ou non d’ailleurs — à éviter de ne consommer que des bonbons, des frites ou des glaces, et à manger plutôt des fruits et des légumes (au moins cinq bien entendu).

L’acupuncture semble un traitement encore plus prometteur et elle a été testée de façon prospective et randomisée dans l’amblyopie, avec des résultats meilleurs que l’occlusion, selon les auteurs chinois [40], même si cet article a suscité de nombreux commentaires sur la réalité de l’efficacité, les biais, l’effet placebo ou suggestif, la vérification de la compliance à l’occlusion [1718, 24, 2538]. De fait, l’étude de Zhao compare l’efficacité de deux heures d’occlusion à cinq séances d’acupuncture par semaine chez quatre-vingt-huit enfants amblyopes anisométropes de sept à douze ans, dont la vision variait de 0,3 à 0,8 LogMAR initialement. À quinze semaines, on retrouve une acuité visuelle ayant progressé de 1,83 ligne dans le groupe traité par occlusion et de 2,27 lignes dans le groupe traité par acupuncture. Puisque la différence moyenne de vision entre les deux groupes est de 0,049 logMAR (intervalle de confiance à 95 % : 0,005-0,092 ; p = 0,03), soit une différence inférieure à une ligne, les auteurs concluent à l’équivalence des deux traitements, même si l’acupuncture est statistiquement plus efficace :

  • amélioration de la vision de plus de deux lignes dans vingt-huit cas (66,7 %) et trente et un cas (75,6 %) des sujets traités par occlusion ou acupuncture, respectivement ;

  • résolution de l’amblyopie dans sept cas (16,7 %) et dix-sept cas (41,5 %) des sujets traités par occlusion ou acupuncture, respectivement.

Ainsi, le traitement de l’amblyopie devient l’acupuncture, la référence nous venant de l’empire du Milieu. Dans cette étude — comme dans de nombreuses études du PEDIG, traitées par ailleurs —, que de biais ! Qui aurait l’idée de traiter une amblyopie à sept ans par une occlusion de deux heures par jour ? Le traitement à cet âge est une occlusion 24 heures sur 24 de plusieurs semaines voire de plusieurs mois. La problématique de cette étude comme d’autres est qu’elle cherche à montrer une équivalence, une non-infériorité en l’occurrence, d’un mauvais traitement par rapport à un mauvais traitement. Le résultat maximal (qui ne pourrait être obtenu qu’avec une occlusion permanente) n’est pas le but recherché. On peut certes se féliciter de l’introduction d’études contrôlées et statistiques dans l’évaluation du traitement de l’amblyopie mais, finalement, cela revient à faire dire tout et n’importe quoi à des chiffres…

L’occlusion demeure le traitement de référence de l’amblyopie !

Conclusion

Il n’y a pas d’autre traitement efficace que l’occlusion dans l’amblyopie. Tout ce qui n’est pas de l’occlusion peut être considéré :

  • au mieux comme un traitement d’appoint, éventuellement utile ou efficace ou non délétère ;

  • au pire comme inutile et dangereux, en particulier s’il empêche l’utilisation du traitement efficace de référence.

Le praticien doit pour autant rester attentif à la nouveauté et le conservatisme a priori n’est pas de bon aloi : il est vrai que de nouvelles perspectives existent, même chez l’adulte, dans le traitement de l’amblyopie (pour revue : [5]). Mais, de la théorie à la pratique, il y a un gouffre qu’il n’est probablement par raisonnable d’essayer de franchir. En outre, ce qui est nouveau n’est pas forcément « plus vite, plus haut, plus fort », c’est-à-dire qu’un traitement présenté comme nouveau n’est pas forcément meilleur que le traitement de référence. La problématique de la compliance à l’occlusion peut être évoquée, mais il faut la balayer et se souvenir que l’occlusion de l’œil sain est fondamentale et que c’est le seul moyen d’éviter à l’enfant d’être à moyen et long terme un « borgne fonctionnel ». Quel dommage pour elle/lui de ne pas voir à l’avenir ces films en 3D, car le monoculaire précède le binoculaire : il est nécessaire d’avoir guéri l’amblyopie et d’avoir une isoacuité stable pour accéder à la stéréopsie. Certains parents discutent à juste titre voire contestent (pourquoi pas) le traitement proposé et évoquent ce qu’ils ont vu, lu, entendu — la toile est pour cela un outil terriblement efficace. Pourquoi une occlusion alors qu’il existe des systèmes technologiques si séduisants. Certes, mais la réalité virtuelle quelle qu’elle soit ne dépasse guère à notre sens la complexité et la variété des stimuli visuels du monde environnant. Ouvrez les yeux ! Ou plutôt n’ouvrez qu’un œil (car l’autre est occlus pour traiter l’amblyopie…). Vous verrez quelle richesse de stimuli vous entoure : formes, mouvements, couleurs, grandeurs et petitesses, contrastes et lumières… Et si la réalité virtuelle demeure une requête, alors associons l’occlusion avec un dessin animé que l’enfant verra avec grand plaisir. Il n’y a pas actuellement de traitement pharmacologique qu’il est possible de recommander à grande échelle dans le traitement de l’amblyopie, pour des problèmes de posologie certes, mais surtout pour une incertitude réelle sur le rapport bénéfice/risque des traitements proposés. Il n’est pas vraiment recommandé d’utiliser des psychotropes dès deux ou trois ans… — nos vies stressantes auront toujours le loisir à la trentaine ou la quarantaine de faire subir à notre ancien amblyope guéri par son occlusion un traitement chimique de ses angoisses chroniques. Primum non nocere… mais il faut occlure, quitte à, dans certains cas exceptionnels, utiliser la manière forte, chirurgicale s’entend.

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VII - Autres aspects
Amblyopie et anisométropie
A. Péchereau

L’anisométropie même modérée a des conséquences importantes sur la fonction visuelle [23]. Une de ces conséquences est l’apparition d’une amblyopie sur l’œil le plus anisométrope.

IMPORTANCE DE L’ANISOMÉTROPIE ET AMBLYOPIE

Nous avons vu dans le chapitre sur la réfraction qu’une anisométropie égale ou supérieure à 1,5 d était un facteur amblyopigène en lui-même. Cette amblyopie est d’autant plus importante que l’anisométropie est importante. De même, à anisométropie égale, l’anisométropie hypermétropique est deux fois plus amblyopigène que l’anisométropie myopique [23].

ANISOMÉTROPIE ET BIOMÉTRIE

Dans la majorité des cas, l’anisométropie est une anisométropie axile, c’est-à-dire une différence de longueur axiale entre les deux yeux. De ce fait, elle devra être prouvée dès que possible par une biométrie des éléments anatomiques de la réfraction : longueur axiale et rayons de courbure de la cornée. Cette biométrie apportera des informations précieuses :

  • preuve de l’anisométropie : en effet, on peut toujours se demander si l’anisométropie découverte n’est pas la conséquence d’un spasme accommodatif non levé par la cycloplégie ; sachant qu’une différence de longueur axiale de 1 mm correspond à un défaut optique d’environ 3 d, on a une table de correspondance simple entre la réfraction et la biométrie ;

  • preuve anatomique de l’évolution de la réfraction : dans l’anisométropie myopique, on constate très souvent une aggravation de l’anisométropie pendant la croissance ; la biométrie confirme l’origine axiale de cette évolution ;

  • facteur pronostique : plus l’enfant est jeune, plus la longueur axiale est importante, plus l’amétropie et l’anisométropie évolueront ; cette information est importante pour les parents et le thérapeute.

CONSÉQUENCES DE L’AMBLYOPIE ANISOMÉTROPIQUE

Une série de travaux récents viennent de montrer que l’amblyopie anisométropique présente les mêmes caractéristiques que l’amblyopie strabique, avec une perturbation des mouvements saccadiques [27], de la poursuite [28] et de la coordination œil-main [29].

Il faut bien comprendre que ces anomalies ne sont pas liées au flou dû à la seule baisse d’acuité visuelle conséquence de l’amblyopie. La création du même déficit d’acuité visuelle par un filtre chez des sujets normaux n’a aucune conséquence sur les mêmes mouvements étudiés [29]. Chez l’amblyope, il s’agit d’une conséquence de la perturbation de l’information visuelle au niveau du cortex occipital et non une pathologie de l’ordre ou de l’exécution. La seule thérapeutique est la guérison de cette amblyopie par un traitement adéquat.

Le traitement de ces perturbations n’est pas du domaine de la rééducation orthoptique mais de la guérison de l’amblyopie

PRISE EN CHARGE DE L’AMBLYOPIE ANISOMÉTROPIQUE

Les progrès dans la prise en charge de l’amblyopie anisométropique ont été constants ces vingt dernières années. Ils n’ont eu lieu que lorsque les ophtalmologistes ont compris que l’amblyopie par anisométropie forte n’était qu’une forme d’amblyopie organique et devait suivre les mêmes règles de prise en charge [31].

AMBLYOPIE ET ANISOMÉTROPIE FAIBLE

C’est l’anisométropie inférieure à 1,5 d. Si la correction optique totale des deux yeux ne suffit pas à obtenir une isoacuité, les règles de la prise en charge de l’amblyopie strabique suffiront. Après l’occlusion permanente du bon œil, la pénalisation de l’œil dominant est une solution simple et efficace particulièrement élégante dans l’anisométropie hypermétropique. Les résultats sont excellents.

AMBLYOPIE ET ANISOMÉTROPIE MODÉRÉE

C’est l’anisométropie de 1,5 d à 4 d. Là aussi, la stratégie thérapeutique est simple : occlusion totale et permanente puis pénalisation de loin. On pourra s’aider d’une cycloplégie permanente par l’instillation d’atropine dans l’œil dominant. Comme dans l’amblyopie strabique, le traitement sera long et permanent (plus de cinq ans). Les résultats sont excellents.

AMBLYOPIE ET ANISOMÉTROPIE FORTE

C’est l’anisométropie supérieure à 4 d. D’année en année, des résultats sont obtenus dans des anisométropies de plus en plus importantes, à condition de suivre les règles suivantes.

Cas clinique

TM est un jeune garçon (fig. 6-14) (date de naissance : 1er juin 2005) adressé en consultation (7 juillet 2008) pour une amblyopie droite avec fibres à myéline du côté gauche (fig. 6-15).

Le premier bilan montrait que l’acuité visuelle de l’œil droit était de 3/10 (sans correction) ; l’acuité visuelle de l’œil gauche était inférieure à 1/20. La réfraction sous cycloplégique était : OD : – 3,25 (+ 2) 10°, OG : – 13 (+ 1) 20°. Le fond d’œil montrait l’existence d’importantes fibres à myéline du côté gauche. Une occlusion totale et permanente de l’œil droit de 5 semaines était prescrite. Cinq semaines après, à la visite de contrôle, l’acuité visuelle de l’œil droit était effondrée ; celle de l’œil gauche était chiffrable à 1/20 (R20 à 10 cm). Après une longue explication avec la famille, une occlusion alternante (permanente, un œil était toujours occlus) de 4 jours OD 1 jour OG était prescrite pour 2 mois.

Deux mois après, l’acuité visuelle était OD : 2/10, OG : 1/10. Le traitement inchangé a été poursuivi 9 mois (12 mois en tout).

Un an après, l’acuité visuelle était OD : 5/10, OG : 4/10. La réfraction sous cycloplégique était : OD : – 6,75 (+ 1,5) 165°, OG : – 18,75 (+ 1,75) 180°. Une pénalisation de loin OD était prescrite avec une occlusion un jour sur deux de l’œil droit. L’occlusion a été arrêtée au bout de 6 mois ; la pénalisation étant maintenue. Au dernier bilan (4 ans après le bilan initial), l’acuité visuelle était OD : 9/10, OG : 8/10. La réfraction sous cycloplégique était : OD : – 8,25 (+ 1,75) 150°, OG : – 20,75 (+ 1,75) 50°. La pénalisation de loin OD était maintenue. La longueur axiale de l’œil droit était de 24,85 mm, celle de l’œil gauche : 28,80 mm (la longueur axiale est moins longue qu’attendue, du fait d’une cornée très courbe pour un œil myope). Vu l’originalité du cas, la pénalisation de loin sera probablement maintenue jusqu’à l’âge de dix ans.

Ce cas illustre que, malgré des aspects péjoratifs nombreux, une thérapeutique rigoureuse et bien menée peut aboutir à un succès.

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Fig. 6-14 L’enfant TM à l’âge de cinq ans.

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Fig. 6-15 Fond d’œil. a. OD. b. OG.

  • Considérer ces amblyopies comme des amblyopies organiques : il n’y a pas différence de prise en charge entre une cataracte congénitale et une anisométropie forte.

  • Commencer le traitement le plus tôt possible ; ici aussi, prendre en charge une anisométropie forte à trois ans est un handicap souvent insurmontable.

  • L’occlusion du bon œil pendant des semaines, des mois voire des années, est souvent le point de passage obligé à un traitement efficace.

  • Les risques d’amblyopie à bascule sont pratiquement nuls : la résistance du bon œil à l’occlusion est tout à fait remarquable. En fin de traitement, l’œil initialement dominant est toujours l’œil dominant et c’est celui qui a la meilleure acuité visuelle.

  • Le traitement doit être particulièrement prolongé et ceci d’autant plus que l’anisométropie est importante, la prise en charge tardive et la récupération difficile.

ANISOMÉTROPIE ET LENTILLES DE CONTACT

Si, chez l’enfant, la correction des amétropies importantes par lentilles de contact est une solution élégante et efficace, il ne faut pas oublier qu’elle fait poser sur les parents des contraintes fortes sur les plans relationnel, temporel et financier. De ce fait, cette solution ne devra être proposée que si les parents en expriment la demande.

Rappelons que la correction de l’anisométropie axile par des lentilles de contact entraîne une aniséiconie optique, la correction par lunettes n’en créant pas [3337]. De toute façon, les amblyopies par anisométropie modérée ou forte s’accompagnent d’une neutralisation quasi systématique de l’œil dévié, ce qui rend cette discussion sur l’aniséiconie du domaine du sexe des anges. Paradoxalement, cette suppression peut être levée par la disparition ou la diminution forte de l’anisométropie à la suite d’une chirurgie de la réfraction, entraînant une diplopie permanente. L’absence de problème avec des lentilles de contact n’est pas une garantie de l’innocuité de cette chirurgie.

AMBLYOPIE, ANISOMÉTROPIE ET FIBRES À MYÉLINE

Une forme clinique ayant un très mauvais pronostic [151820] a été individualisée : l’association amblyopie, anisométropie et fibres à myéline. Cependant, la littérature montre que d’autres équipes obtiennent de bons résultats [46]. Le cas clinique (cf. encadré est une illustration que même dans des circonstances difficiles des succès thérapeutiques spectaculaires possibles. L’analyse des cas rapportés de la littérature montre que les équipes ayant eu de bons résultats ont effectué des prises en charge précoces, à l’inverse des équipes ayant échoué. Ceci confirme ce qui a été indiqué précédemment : les amblyopies par anisométropie forte doivent être considérées comme des amblyopies organiques et leur traitement suit les mêmes règles : prise en charge précoce et occlusion permanente prolongée.

Conclusion

L’amblyopie de l’anisométropie faible et modérée est un objectif parfaitement à la portée du thérapeute. L’amblyopie de l’anisométropie forte, comme celle de la cataracte congénitale unilatérale, reste un défi beaucoup plus difficile mais où les succès sont incontestables, d’où l’importance de déléguer de tels cas à des ophtalmologistes spécialisés dans ce genre de pathologie. Dans tous les cas, le succès ne sera présent qu’à condition que la prise en charge commence assez tôt dans la vie, d’où l’importance d’un dépistage réfractif précoce.

Amblyopie réfractaire
C. Benso-Layoun, E. Zanin, D. Denis

L’amblyopie réfractaire correspond à une amblyopie résistant au traitement médical. La prise en charge classique de l’amblyopie comprend le port permanent de la correction optique totale prescrite après cycloplégie optimale et l’occlusion totale sur peau de l’œil directeur (occlusion dont la durée est adaptée à l’âge de l’enfant et à la profondeur de l’amblyopie).

Facteurs de risque d’amblyopie réfractaire

  • Âge de prise en charge tardif.

  • Traitement mal conduit.

  • Amblyopie motrice.

  • Fixation excentrique, instable.

  • Existence d’une pathologie organique.

ÂGE DE PRISE EN CHARGE TARDIF

L’amblyopie est réversible tant que persiste la plasticité cérébrale. Plus l’amblyopie est diagnostiquée et traitée précocement, meilleur est son pronostic. De nos jours, il devrait être exceptionnel de voir des amblyopies fonctionnelles profondes puisqu’un traitement curatif entrepris avant l’âge de cinq ans peut assurer une guérison dans 100 % des cas. En revanche, après six ans, les circuits corticaux ont atteint une certaine maturité et il devient beaucoup plus difficile de lever l’inhibition corticale de l’œil dominé. Les dégâts corticaux de l’amblyopie deviennent chaque année plus profonds et plus difficiles à traiter [19].

TRAITEMENT MAL CONDUIT

Il peut s’agir de l’absence de port de la correction optique totale ou d’une prescription optique inadéquate (par exemple, en cas d’absence ou de résistance à la cycloplégie). Il est essentiel de renouveler les cycloplégies de façon semestrielle jusqu’à l’âge de sept ans, ce qui permet d’adapter au mieux la correction optique totale. Dans le cas d’une hypermétropie, l’effet antispasmodique de la correction optique et les cycloplégies répétées permettent de démasquer de façon de plus en plus optimale sa part latente.

Le traitement par occlusion sur peau de l’œil dominant a pu être prescrit avec un protocole « insuffisant » pour l’âge et la profondeur de l’amblyopie. Il faut absolument proscrire les traitements à rythme « homéopathique ». Les parents peuvent aussi manquer de rigueur dans la réalisation du traitement dont on sait qu’il est long et contraignant. Les effets secondaires cutanés, esthétiques et psychologiques de l’occlusion sont autant de facteurs pouvant conduire à la démotivation de l’enfant et de ses parents [32]. Le traitement d’attaque de l’amblyopie doit être draconien : port permanent de la correction optique totale et occlusion permanente sur peau de l’œil sain (une semaine par année d’âge pour une amblyopie profonde). Il devra impérativement être suivi d’un traitement d’entretien — occlusion alternée asymétrique au bénéfice de l’œil dominé ou surcorrection permanente de l’œil directeur pendant au moins six mois puis surcorrection alternante asymétrique pendant plusieurs années. La vision simultanée est interdite avant la stabilisation. Un traitement d’amblyopie doit se prolonger au moins cinq ans après sa mise en route. La surveillance sera maintenue jusqu’à l’âge de dix à douze ans [39].

AMBLYOPIE MOTRICE

Dans certaines formes de strabismes convergents congénitaux (croisés), l’œil dévié amblyope est bloqué en adduction et ne peut se redresser pour prendre la fixation. Le traitement par toxine botulique et chirurgie oculomotrice peut permettre à l’œil strabique de se redresser et de mieux tolérer l’occlusion.

FIXATION EXCENTRIQUE ET INSTABLE

La fixation est un acte sensorimoteur tel que la fovéola s’aligne sur l’objet qui attire l’attention. Le mode de fixation est sous la dépendance de deux éléments : l’importance du scotome maculaire et la valeur spatiale de la fovéola, qui représente la direction visuelle principale.

L’étude de la fixation chez un enfant strabique permet souvent d’expliquer l’échec du traitement antiamblyopique. En effet, une fixation centrée est de bon pronostic, alors qu’une fixation non centrée est de mauvais pronostic.

Pour étudier la fixation, on demande au patient de fixer l’étoile dans la lumière de l’ophtalmoscope placé devant son œil. L’observateur note l’endroit où se projette l’étoile sur le pôle postérieur, apprécie la stabilité de la fixation et demande au patient en âge de répondre comment et où il perçoit l’étoile :

  • si la fixation est centrée, fovéolaire (scotome maculaire d’intensité moyenne et direction visuelle principale fovéolaire), l’étoile se projette sur la fovéola et reste immobile : la récupération est très probable si le traitement est bien conduit ;

  • si la fixation est excentrée (scotome maculaire intense mais la direction visuelle principale reste cependant fovéolaire), l’étoile se projette sur un point juxtafovéolaire fixe ou tournant autour de la macula ; soit l’étoile est vue nette mais de côté par le point juxtafovéolaire, soit la fovéola localise l’étoile tout droit mais elle est vue floue : les chances de récupération sont moindres ;

  • si la fixation est excentrique (scotome maculaire plus ou moins intense et direction visuelle principale excentrique), l’étoile se projette hors de la fovéola, le plus souvent en nasal ; la fixation est rarement stable, la zone de fixation est d’autant plus large qu’on s’éloigne de la fovéola ; en clinique, l’œil dévié ne se redresse pas ou de façon incomplète à l’occlusion de l’œil directeur : les chances de récupération sont infimes, même avec un traitement sévère.

EXISTENCE D’UNE PATHOLOGIE ORGANIQUE SOUS-JACENTE

Il est parfois difficile d’apprécier le rôle joué par une lésion organique dans le développement d’une amblyopie. Seule la mise en route du traitement antiamblyopique classique permet d’apprécier la part et le retentissement de cette anomalie organique sur la vision. En cas de non-réponse au traitement bien conduit, il faudra savoir renoncer et stopper le traitement.

Conclusion

Le traitement préventif de l’amblyopie réfractaire comprend le dépistage des situations à risque, la réalisation d’un examen ophtalmologique exhaustif, l’étude de la réfraction sous cycloplégique, le port permanent de la correction optique totale et l’occlusion permanente sur peau de l’œil dominant. Malheureusement, l’amblyopie réfractaire est souvent le fait de traitement commencé tardivement ou de traitement mal conduit. De ce fait, il devra être pris en charge par un ophtalmologiste spécialisé dans ce genre de pathologie.

Amblyopie organique
C. Benso-Layoun, R. Sekfali, D. Denis

L’amblyopie organique est définie par une mauvaise acuité visuelle secondaire à une cause organique quels qu’en soient le type et la localisation au niveau du système visuel.

ÉTIOLOGIE

Les causes d’amblyopie organique sont nombreuses :

  • pathologies cornéennes (cicatrices de traumatisme, d’abcès, stries de Haab, œdème cornéen, etc.) ;

  • cataractes congénitales ou acquises ;

  • glaucomes congénitaux (fig. 6-16) ;

  • pathologies rétiniennes maculaires : cicatrice de toxoplasmose (fig. 6-17), de toxocarose (fig. 6-18), hémorragie maculaire (fig. 6-19), décollement de rétine, rétinoschisis juvénile (fig. 6-20 et 6-21), maladie de Coats (fig. 6-22 et 6-23), séquelles de traumatisme (fig. 6-24 et 6-25), etc. ;

  • pathologies du nerf optique congénitales ou acquises : colobome papillaire, hypoplasie papillaire (fig. 6-26), atrophie optique (fig. 6-27), syndrome morning glory (fig. 6-28), etc. ;

  • importants défauts réfractifs.

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Fig. 6-16 Excavation papillaire chez un enfant atteint de glaucome congénital.

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Fig. 6-17 Cicatrice maculaire dans le cadre d’une toxoplasmose congénitale.

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Fig. 6-18 Cicatrice maculaire dans le cadre d’une toxocarose.

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Fig. 6-19 Hémorragie maculaire après accouchement par voie basse.

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Fig. 6-20 Rétinoschisis maculaire dans le cadre d’un rétinoschisis juvénile lié à l’X.

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Fig. 6-21 Forme sévère de rétinoschisis juvénile lié à l’X.

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Fig. 6-22 Maladie de Coats avec exsudats devenant menaçant pour la macula.

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Fig. 6-23 Dilatations vasculaires périphériques d’une maladie de Coats.

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Fig. 6-24 Œdème post-contusif.

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Fig. 6-25 Ectopie maculaire post-traumatique.

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Fig. 6-26 Hypoplasie papillaire.

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Fig. 6-27 Atrophie optique post-hypertension intracrânienne.

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Fig. 6-28 Syndrome morning glory. L’acuité visuelle est remontée à 10/10 après occlusion.

THÉRAPEUTIQUE

Le traitement d’une amblyopie organique comporte [12] :

  • le traitement spécifique de la pathologie ;

  • la cycloplégie et le port de la correction optique totale ;

  • le traitement par occlusion permanente sur peau.

Ce traitement doit toujours être tenté car il est difficile de savoir quelle est la part fonctionnelle surajoutée à la part organique [2124]. De plus, il n’y a pas forcément de corrélations entre l’aspect clinique d’une anomalie oculaireet les capacités visuelles. On peut constater après rééducation des récupérations étonnantes [38].

Conclusion

Devant toute anomalie organique même sévère, la rééducation de l’amblyopie est indispensable durant la période de maturation sensorielle (avant six ans). La récupération visuelle peut parfois être étonnante. L’occlusion doit être adaptée au cas par cas. Sa prise en charge en est difficile et devra être effectuée par un thérapeute spécialisé. Cependant, il faudra aussi savoir accepter l’échec et stopper le traitement en cas de non-réponse à cette thérapeutique.

Amblyopie chez l’adulte et perte du bon œil
S. Arsène
DÉFINITION

L’amblyopie de l’adulte est une amblyopie de l’enfant qui persiste à l’âge adulte.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La prévalence de l’amblyopie fonctionnelle dans la population adulte est d’environ 3 % (acuité visuelle inférieure ou égale à 20/40) [151], avec une acuité visuelle inférieure ou égale à 20/80 chez 38 % des amblyopes. L’amblyopie fonctionnelle est la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle unilatérale entre les âges vingt ans et soixante-dix ans [12641].

RETENTISSEMENT PSYCHOSOCIAL DE L’AMBLYOPIE DE L’ADULTE

Cf. infra, « Retentissement psychologique de l’amblyopie ».

TRAITEMENT DE L’AMBLYOPIE DE L’ADULTE

L’amblyopie de l’adulte doit toujours être respectée [31].

Le seul traitement de l’amblyopie de l’adulte est le port de la correction optique totale (lunettes, lentilles de contact).

Les traitements actifs de l’amblyopie que l’on utilise chez l’enfant ou les traitements que l’on trouve sur Internet sont totalement contre-indiqués chez l’adulte, pour deux raisons :

  • l’inefficacité : elle a été démontrée et fait l’objet d’un consensus à l’échelon international ;

  • les risques de diplopie incoercible : ces thérapeutiques risquent de lever le scotome de neutralisation avec pour conséquence une diplopie très difficile à traiter et provoquant un handicap majeur.

LA PERTE DU BON ŒIL

La perte du bon œil entraîne dans un tiers des cas une amélioration parfois très importante de l’acuité visuelle de l’œil amblyope.

Il faudra donc toujours réaliser une réfraction sous cycloplégie jusqu’à cinquante-cinq ans et prescrire la correction optique totale pour l’œil amblyope restant. Il faudra expliquer au patient que son acuité visuelle va peut-être s’améliorer sur cet œil amblyope mais qu’il faudra du temps (plusieurs mois). En revanche, les patients nous relatent fréquemment que la vision s’améliore pour l’œil amblyope mais reste de qualité médiocre ; un de mes patients l’exprimait ainsi : « C’est un œil qui voit maintenant mais qui n’a pas appris à lire. »

En termes de traitement préventif, nous devrons expliquer à nos patients adultes amblyopes les règles de prévention pour ne pas perdre leur bon œil, comme le port de lunettes de protection lors de tout acte de bricolage, de jardinage ou autres activités entraînant un risque de traumatisme potentiel des yeux.

La vision de l’œil amblyope fonctionnelle
A. Péchereau

Comme nous l’avons déjà dit dans la section consacrée à l’amblyopie par anisométropie, la reconstitution d’une baisse d’acuité visuelle par un filtre [30] ne reconstitue pas la pathologie des saccades [27], de la poursuite [28] et de la coordination œil-main [29] due à une amblyopie par anisométropie. Ce phénomène est encore plus marqué chez les sujets présentant un strabisme [23]. L’œil amblyope strabique n’est pas un œil qui voit uniquement moins, c’est un œil qui voit autrement.

Avertissement

Dans l’avertissement à l’article d’Heimo Stephen [45] sur la vision de l’œil amblyope fonctionnelle [31], nous écrivions : « La lecture des publications d’ophtalmologie ou d’orthoptie montre que des professionnels chevronnés de la vision arrivent très difficilement à reproduire dans leurs publications la vision réelle d’un sujet. En effet, celle-ci nous est présentée de façon constante sous la forme d’un rectangle uniformément net. La réalité est tout autre. « Pour la perception visuelle d’un œil amblyope fonctionnelle, nombre de professionnels s’imaginent qu’elle n’est qu’une dégradation sous la forme d’une vision floue de la perception fovéolaire. Il n’en est rien. La réalité montre que cette dégradation de la perception est beaucoup plus profonde et touche la totalité de la perception visuelle de l’œil atteint, modifiant de façon radicale les rapports du sujet avec son espace visuelle. »

VISION DU SUJET NORMAL

Rappelons que la vision du sujet normal est contrainte par une organisation anatomique, physiologique et un processus d’apprentissage dans les premiers mois et années de vie. Cette organisation anatomique, physiologique et fonctionnelle est capitale pour avoir une perception cohérente de l’espace visuelle. Cette cohérence est centrée par une zone aux caractéristiques anatomiques et fonctionnelles particulièrement remarquables : la fovéola. Par exemple, c’est la distance entre un point rétinien et la fovéola qui va être responsable de l’amplitude des saccades puisque le but de la saccade est d’amener l’objet qui vient d’entrer dans le champ visuel sur la fovéola. La fovéola est le chef d’orchestre et le point de référence de la perception visuelle.

VISION DU SUJET AMBLYOPE FONCTIONNELLE

Le processus d’amblyopie fonctionnelle ne va pas uniquement faire baisser la capacité de discrimination mais va également perturber la qualité de l’ensemble du percept. Nous allons voir successivement : la fixation, la localisation d’une cible, la distorsion perceptuelle, la préhension d’un objet, les mouvements de version et les mouvements de vergence.

FIXATION

La fixation vient d’être étudiée dans une remarquable étude [10], qui montre les faits suivants (fig. 6-29).

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Fig. 6-29 Stabilité de la fixation chez le sujet amblyope et dans le groupe contrôle.

(D’après Gonzalez et al., 2012 [10].)

Chez le sujet normal

La stabilité de la fixation de chacun des yeux (autre œil caché) est identique. En binoculaire, il existe une augmentation de cette stabilité de la fixation (sommation).

Chez le sujet amblyope

L’œil amblyope est moins stable en binoculaire et en monoculaire des deux yeux (œil amblyope fixant comme œil amblyope non fixant). Chez l’œil amblyope fixant, la sommation binoculaire retrouvée chez le sujet normal n’est pas retrouvée.

LOCALISATION D’UNE CIBLE

Réalisés par Sireteanu et al. [42, 43], ces travaux ont montré que « les amblyopes strabiques présentent des distorsions nettement plus accentuées que les sujets normaux. Par ailleurs, la distorsion chez les amblyopes strabiques et chez les amblyopes anisométropes est identique. Enfin, on ne retrouve pas de corrélation entre acuité visuelle et degré de distorsion » [45].

Ces travaux illustrés par la figure 6-30 montrent la distorsion de localisation de l’œil amblyope par rapport à l’œil non amblyope.

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Fig. 6-30 Cartes individuelles de déplacement spatial des sujets étudiés.

Les déplacements moyens sont indiqués par des flèches (l’origine des flèches : moyenne des localisations pour les yeux dominants ; pointes des flèches : moyenne des localisations pour les yeux non dominants). Zones vertes : zones des écarts types des yeux dominants, zones rouges : zones des écarts types des yeux non dominants. Chaque point est fondé sur cinq mesures.

(D’après Sireteanu et al., 2008 [42].)

DISTORSION PERCEPTUELLE

Barret [3] et Sireteanu [42] ont montré que ces patients avaient une distorsion perceptuelle quand ceux-ci regardaient de simples réseaux avec l’œil amblyope.

Ce fait est illustré sur la figure 6-31. Celle-ci montre la description de la vision d’un réseau simple par un œil amblyope.

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Fig. 6-31 Exemples des cinq principales catégories de perception anormale extraits des schémas réalisés par vingt amblyopes présentant une distorsion perceptuelle (nonveridical perception). Les caractéristiques initiales (fréquence spatiale, orientation) des réseaux sont notées au-dessus de chaque schéma.

a. Exemples de distorsions ondulantes de l’œil amblyope de trois sujets. b. Exemples distorsions en baïonnette de l’œil amblyope de cinq sujets. Les lignes verticales du schéma RB étaient rapportées par le patient comme non vues dans le percept, mais étaient simplement dessinées pour aider à réaliser le schéma dans les différentes régions du percept. c. Exemples de distorsions par désorganisation de l’orientation de l’œil amblyope de cinq sujets. d. Exemples des distorsions fragmentées de l’œil amblyope de cinq sujets. e. Exemples de distorsions scotomateuses de l’œil amblyope de cinq sujets.

(D’après Barrett et al., 2003 [3].)

PRÉHENSION D’UN OBJET

Cette question a été remarquablement étudiée par Suttle et al. [47] (fig. 6-32). On voit nettement sur ce graphique la différence de comportement d’un sujet normal et d’un sujet amblyope.

La différence entre ces deux populations est également illustrée sur la figure 6-33. On voit très nettement que l’amblyopie et/ou une vision stéréoscopique altérée a des conséquences significatives sur la préhension de l’enfant de moins de six ans.

Cependant, avec l’expérience, le temps d’approche s’égalise entre les populations mais il persiste une différence de temps de préhension entre les deux populations [44].

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Fig. 6-32 Profils de vitesse obtenus en binoculaire chez des enfants de moins 6 ans.

a. Enfants ayant une vision normale. b. Enfants ayant une amblyopie anisométropique modérée à sévère et une perte significative de stéréoscopie. Par convention, PD correspond au pic de décélération (cercles pleins) et OC (cercles vides) au moment où l’objet est touché pour la première fois. L’enfant normal touche l’objet avant le pic de décélération (PD), ce qui n’est pas le cas pour l’enfant amblyope où cette période est beaucoup plus longue (> 1 000 ms). Ce dernier a également apporté de multiples corrections à la vitesse de ses mains avant et après avoir touché l’objet (flèches).

(D’après Suttle et al., 2011 [47].)

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Fig. 6-33 Différences dans les taux d’erreur de saisie entre les enfants ayant soit une vision normale (témoins) soit une amblyopie, subdivisés en fonction du déficit d’acuité visuelle (de légère à modérée ou majeur) ou de la stéréoscopie (grossière à négative), mais également en fonction des conditions de fixation (binoculaire, œil dominant fixant et œil dominé fixant).

(D’après Suttle et al., 2011 [47].)

MOUVEMENTS DE VERSION

Ce fait est connu depuis longtemps. Grâce à l’électro-oculographie, M.-A. Quéré, en 1983, avait montré toutes les conséquences de l’amblyopie fonctionnelle sur les versions.

Sur la figure 6-34 [34], on a une parfaite illustration de ce phénomène. En fixation par l’œil amblyope, les poursuites et les saccades sont profondément perturbées. Ce fait n’est pas retrouvé dans l’amblyopie organique sans composante fonctionnelle.

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Fig. 6-34 Amblyopie strabique.

a. VOG : 1/10. Anarchie cinétique de la poursuite en fixation gauche. b. VOG : 4/10. Anarchie cinétique des saccades en fixation gauche.

(D’après Quéré, 1983 [34].)

MOUVEMENTS DE VERGENCE

Là encore et malgré la complexité des mouvements de vergence, M.-A. Quéré a montré que l’amblyopie fonctionnelle a des conséquences majeures sur ce mouvement. Une illustration en est donnée sur la figure 6-35.

Conclusion

L’amblyopie fonctionnelle atteint de très nombreuses fonctions visuelles. À ce moment de notre réflexion, il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’une erreur dans l’exécution qui serait améliorable par une éducation appropriée ; en fait, il s’agit d’une erreur dans la perception de l’espace avec une exécution correcte. De ce fait, aucune éducation du mouvement ou de la perception (ces erreurs fluctuent en permanence) ne pourra améliorer l’exécution — certes par des mouvements répétitifs, on pourra avoir l’illusion d’un progrès mais il suffira de changer le paradigme de stimulation pour que la performance revienne au niveau initial ; laisser passer le temps aura le même effet. La seule façon d’améliorer ces fonctions est très simple, parfaitement connue et son efficacité a été démontrée : c’est la guérison de l’amblyopie. Associés à celle-ci, la stabilisation de la déviation par la correction optique totale et le traitement chirurgical de la déviation strabique permettent d’obtenir la coopération visuelle la plus efficace possible, autorisant une exécution la plus précise possible des mouvements qui resteront plus ou moins pathologiques chez le sujet strabique.

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Fig. 6-35 Vergence asymétrique binoculaire.

VOD : 10/10, VOG : 5/10. Suppression du phénomène de Johannes Müller sur l’œil droit fixateur. Exagération sur l’œil gauche. Noter également la lenteur du mouvement d’adduction de l’œil de gauche quand l’œil droit est axial.

(D’après Quéré, 1983 [34].)

Retentissement psychologique de l’amblyopie
S. Arsène
RETENTISSEMENT PSYCHOSOCIAL DU TRAITEMENT DE L’AMBLYOPIE DE L’ENFANT

Le traitement d’une amblyopie représente une grande contrainte pour le patient et sa famille. Ce traitement sera long sur plusieurs années et il faudra veiller à ce que l’équipe thérapeutique aide efficacement moralement l’enfant et sa famille. On peut même constater quelque fois des régressions de l’enfant sur le plan comportemental et scolaire [31].

Le thérapeute devra établir un véritable contrat avec les parents. Le thérapeute devra avoir une ligne de conduite bien établie par rapport au traitement de l’amblyopie proposé. Cela sera le fil conducteur pour l’équipe soignante mais aussi pour les parents, qui sont les véritables thérapeutes de l’enfant.

RETENTISSEMENT PSYCHOSOCIAL DE L’AMBLYOPIE DE L’ADULTE

L’amblyopie fonctionnelle a un retentissement sur la qualité de vie de l’adolescence et à l’âge adulte [4049]. L’amblyopie fonctionnelle est la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle unilatérale entre les âges de vingt ans et soixante-dix ans [12641]. Sa prévalence dans la population adulte est d’environ 3 % (acuité visuelle inférieure ou égale à 20/40), avec une acuité visuelle inférieure ou égale à 20/80 chez 38 % des amblyopes [851].

Chez le sujet âgé, la présence d’une amblyopie fonctionnelle est facteur de handicap et de dépendance s’il y a une atteinte organique de l’œil non amblyope (dégénérescence maculaire liée à l’âge principalement) [13]. Chez l’adulte jeune, il y a également un risque accru de cécité par rapport à la population générale, surtout par traumatisme de l’œil non amblyope [1722].

Dans la littérature, de nombreux articles relatent l’exploration de la qualité de vie des amblyopes à l’aide de différents questionnaires, notamment dans deux revues de la littérature récentes [78]. Les résultats de ces études ont montré que le traitement de l’amblyopie et/ou l’amblyopie avaient un impact sur la vie familiale, avec stress et anxiété pour les parents d’enfants amblyopes, sur les relations sociales avec un sentiment d’isolement, et sur les activités et sur l’éducation des amblyopes. Enfin, les amblyopes avaient une mauvaise image d’eux-mêmes, avec des sentiments de frustration, de dépression et de honte. Sur une population d’adultes ayant eu un traitement pour amblyopie et/ou pour strabisme, l’étude de cohorte de Van de Graaf et al. a montré que c’était le niveau d’acuité visuelle finale de l’œil amblyope qui était le plus déterminant sur la qualité de vie de ces patients [49]. Il est donc important de toujours avoir pour but l’isoacuité dans le traitement de l’amblyopie, même si celui-ci est long et fastidieux, car cela a de lourdes répercussions au final dans la vie d’adulte des amblyopes.

Conclusion

Le retentissement psychologique de l’amblyopie existe notamment chez l’adulte. Celui-ci doit être réduit au maximum par un traitement bien conduit de l’amblyopie dans l’enfance.

Amblyopie et dégénérescence maculaire liée à l’âge
F. Matonti, D. Denis

Selon Lanthony, l’amblyopie correspond à une « diminution, unilatérale ou bilatérale, fonctionnelle ou organique, de certaines fonctions visuelles, principalement de la discrimination des formes ».

Cause d’amblyopie organique acquise, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est, du fait du vieillissement de la population, une des principales causes de baisse d’acuité visuelle dans les pays développés. Elle représente la première cause de malvoyance et cécité après cinquante ans dans les pays développés [5] et la troisième cause toutes classes d’âge confondues dans le monde. Elle se présente sous deux formes différentes : la forme atrophique (ou « sèche ») et la forme exsudative (ou « humide »). La forme atrophique représente plus des deux tiers de l’ensemble des cas de DMLA, tandis que la forme exsudative, qui représente moins du tiers des cas, est aussi la principale cause des formes cécitantes (90 %) et responsables d’amblyopie.

La DMLA touche 3,3 % de la population après soixante-cinq ans, ce taux augmentant avec l’âge pour atteindre plus de 10 % après quatre-vingts ans dont 6 % de formes évoluées [2]. La pathologie est principalement à début unilatéral mais se bilatéralise dans 50 % des cas à cinq ans. Une amblyopie sévère est retrouvée dans 25,7 cas pour 100 000 habitants par an [4]. Actuellement, en progression, sur quinze ans, l’incidence cumulée retrouvée par la Beaver Dam Study [16] est de 20 % et devrait progresser de 54 % d’ici 2025. Il est indispensable d’avoir à l’esprit l’importance de cette pathologie en termes de fréquence dans la population générale, cette fréquence ne cessant d’augmenter avec le vieillissement de nos populations occidentales [16].

Seul un traitement précoce est gage d’une potentialité de récupération ou du moins d’une stabilisation visuelle optimale. Le traitement de référence repose actuellement sur les injections intravitréennes d’anti-VEGF, en particulier le ranibizumab, permettant une régression des lésions néovasculaires [14]. Malheureusement, seule la forme exsudative est à l’heure actuelle potentiellement traitable par ce traitement, la forme atrophique étant toujours à l’heure actuelle au-delà de toute thérapeutique active véritablement efficace en termes de stabilisation et surtout de régression des lésions.

Toute amblyopie précoce devra être rééduquée autant que possible de façon maximale afin de ne pas négliger le moindre bénéfice visuel [36], sachant que ce potentiel visuel pourra dans l’avenir être grevé par l’apparition de pathologies organiques liées au vieillissement telles que la DMLA. Tout dixième visuel compte, tant en termes d’autonomie et de qualité de vie du patient tout au long de sa vie qu’en termes de réserve visuelle pour l’avenir [1336].

Il est intéressant de noter que, dans la situation où un sujet amblyope développe une DMLA évolutive sur son œil sain, il a été décrit dans certains cas [113550] une amélioration de l’acuité visuelle de l’œil amblyope devenant ainsi, d’œil le plus faible visuellement, l’œil dominant [9]. Cette amélioration se produit en général dans les douze premiers mois et se stabilise ensuite. Ce sujet bien que controversé fait l’objet de quelques publications qui soulèvent le problème de la plasticité corticale des voies visuelle à un âge avancé, bien au-delà de la période critique classiquement établie dans l’enfance (sept à dix ans) [25] pour réaliser une rééducation.

Par ailleurs, il est à noter qu’un œil amblyope, que son origine soit organique ou fonctionnelle, présente une incidence de la DMLA beaucoup plus faible qu’un œil naïf de toute pathologie [6]. Cet élément observé de longue date et retrouvé dans quelques études n’a cependant pas trouvé d’explication claire et univoque. Certains supposent que l’incidence du rayonnement lumineux atteignant la macula étant différente dans les yeux amblyopes ayant perdu la fixation, l’œil amblyope subit moins de stress phototoxique [6, 48] que l’œil fixateur tout au long de la vie. Cela serait d’autant plus vrai si l’œil est dévié en ésotropie, puisqu’il ne reçoit alors qu’une partie du rayonnement lumineux, l’autre partie étant bloquée par l’arête nasale. Pour d’autres, il s’agirait d’une réduction du métabolisme rétinien sur l’œil amblyope [6] par rapport à l’œil sain qui engendrerait un stress oxydatif moindre et/ou une résistance accrue au stress phototoxique.

Conclusion

Du fait de son importance épidémiologique et de l’augmentation future de son incidence, la DMLA ne doit pas être négligée dans son implication dans le handicap futur de nos jeunes patients souffrant d’amblyopie. Ceci doit nous pousser à une grande rigueur dans l’amélioration du potentiel visuel de ces sujets.

Bibliographie

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[2]  Augood CA, Vingerling JR, de Jong PT, Chakravarthy U, Seland J, Soubrane G, Tomazzoli L, Topouzis F, Bentham G, Rahu M, Vioque J, Young IS, Fletcher AE. Prevalence of age-related maculopathy in older Europeans: the European Eye Study (EUREYE). Arch Ophthalmol, 2006 ; 124 : 529-535.

[3]  Barrett BT, Pacey IE, Bradley A, et al. Nonveridical visual perception in human amblyopia. Invest Ophthalmol Vis Sci, 2003 ; 44 : 1555-1567.

[4]  Bloch SB, Larsen M, Munch IC. Incidence of legal blindness from age-related macular degeneration in Denmark: year 2000 to 2010. Am J Ophthalmol, 2012 ; 153 : 209-213.

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