Chapitre 7Nystagmus sans strabisme

C. Speeg-Schatz, F. Oger-Lavenant

I - Nystagmus chez l’enfant

C. Speeg-Schatz

Le nystagmus congénital est caractérisé par des oscillations horizontales des yeux involontaires conjuguées et rythmiques. Le nystagmus peut être pendulaire ou à ressort dans le regard primaire et il peut avoir une composante rotatoire. L’intensité du nystagmus congénital augmente dans le regard latéral, à droite dans le regard à droite, à gauche dans le regard à gauche. Ce nystagmus reste horizontal dans les regards en haut. Il s’aggrave en règle générale à la fixation et à l’effort visuel ; il en va de même lors de l’anxiété ou de la fatigue, aggravant le nystagmus et souvent diminuant l’acuité visuelle. Les oscillopsies sont rares dans le nystagmus congénital, mais leur absence chez l’enfant plus grand ou chez l’adulte peut orienter vers un diagnostic de nystagmus congénital.

Le nystagmus chez l’enfant diffère cliniquement et sur le plan physiopathologique de l’adulte. En effet, si, chez l’adulte, le nystagmus acquis est en règle associé à une lésion neurologique touchant le système oculomoteur par atteinte cérébrale et/ou cérébelleuse, chez l’enfant une lésion cérébrale ou oculaire sera volontiers évoquée cliniquement et confirmée en neuro-imagerie, examen indispensable. La plupart des nystagmus de l’enfant sont congénitaux. Le plus fréquent est le nystagmus associé à un strabisme précoce, qui sera traité au chapitre 13. En dehors de ce dernier, le nystagmus congénital témoigne habituellement d’un déséquilibre visuel initial au niveau de la rétine ou du nerf optique. La dysfonction du nerf optique est souvent analysable par la présence d’une atrophie optique ou d’une hypoplasie du nerf optique. Une anomalie au niveau rétinien ou au niveau des cellules neurosensorielles n’est pas cliniquement observable, mais dépistée par l’exploration électrophysiologique. La crainte de l’ophtalmologiste est dominée par les tumeurs cérébrales, même si, dans la forme congénitale de l’enfant (et non acquise), elles n’entraînent pas de nystagmus en dehors de l’atrophie optique et de l’hypoplasie du nerf optique.

Définition

Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire caractérisé par un tremblement des yeux, c’est-à-dire une succession de deux secousses de sens opposé. On considère deux types essentiels de nystagmus [2] :

  • le nystagmus pendulaire, où les deux secousses sont égales et de même vitesse ;

  • le nystagmus à ressort, avec une secousse lente suivie d’une secousse rapide qui ramène l’œil à sa position de départ et qui définit le sens du nystagmus.

On distingue selon la direction des secousses nystagmiques des nystagmus simples, horizontaux, verticaux, rotatoires, parfois obliques, et des nystagmus composés, horizontaux, rotatoires. Les deux yeux sont habituellement intéressés de façon synchrone. Le nystagmus est involontaire. Rarement, le nystagmus n’atteint qu’un seul œil. La plupart des auteurs semblent admettre que ce sont les voies oculogyres qui sont touchées.

Rappel physiopathologique

Le nystagmus prend naissance à partir des deux principaux mouvements du système oculomoteur [1-3, 87] :

  • le mouvement lent, qui assure le maintien de l’image sur la fovéa ;

  • le mouvement rapide, qui représente le contrôle cérébral par un mouvement correcteur suivant le mouvement lent.

Normalement, le mouvement rapide est utilisé pour fixer un nouveau stimulus. En pathologie, le patient tente de garde l’image sur la fovéa. Les saccades correctrices sont là pour tenter d’augmenter la fovéation. Ainsi, dans la malvoyance précoce, il est possible qu’une information visuelle insuffisante ne permette pas au cerveau d’apprendre à fixer avec stabilité. Il en résulte une anomalie du feedback de l’information et, de ce fait, les mouvements oculomoteurs sont totalement inadaptés.

Au total, devant une instabilité du système oculomoteur, nous assistons à une anomalie du contrôle des mouvements oculomoteurs, une anomalie de la fixation et, par voie de conséquence, à la genèse de saccades correctrices.

Sémiologie du nystagmus
MODE D’APPARITION DU NYSTAGMUS

Chez l’enfant, le nystagmus apparaît de façon spontanée, c’est-à-dire qu’il se manifeste d’emblée sans manœuvre purement clinique (recherche d’une position de la tête, des yeux, occlusion d’un œil, etc.) et instrumentale (lorsqu’il est dû à des manœuvres telles que des épreuves vestibulaires, optocinétiques, etc.).

PRINCIPAUX TYPES DE NYSTAGMUS

La vitesse relative des deux phases permet de distinguer trois types principaux de nystagmus : le nystagmus à ressort, le nystagmus pendulaire et le nystagmus mixte.

Nystagmus à ressort

Il comporte deux phases de durée inégale, une phase lente et une phase rapide, qui représente le mouvement que l’on voit le mieux et qui définit arbitrairement la direction du nystagmus.

Nystagmus pendulaire

Il est fait de deux secousses égales en durée et en amplitude.

Nystagmus mixte

Il comporte les deux composantes (vidéo 7-1).

NATURE DES MOUVEMENTS CONJUGUÉS

Dans la plupart des nystagmus, les yeux battent dans le même sens. Cependant, il est décrit des nystagmus à bascule (see-saw nystagmus) où un œil s’élève quand l’autre s’abaisse, et il existe des nystagmus asymétriques comme par exemple un nystagmus horizontal sur un œil et un nystagmus vertical sur l’autre.

DIRECTION DU NYSTAGMUS

La direction du nystagmus est définie par le plan dans lequel se déplacent les yeux. Nous rappelons l’existence des nystagmus simples, complexes et du nystagmus retractorius.

Nystagmus simples

Ils peuvent être caractérisés par des mouvements autour d’un axe situé dans le plan frontal, décrivant ainsi un nystagmus horizontal, vertical (vidéo 7-2) ou oblique. Lorsque les mouvements se font autour d’un axe antéropostérieur, ce sont des nystagmus rotatoires.

Nystagmus complexes

Ce sont des nystagmus à ressort pour lesquels on analysera la composante rotatoire ajoutée au déplacement horizontal ou vertical.

Nystagmus retractorius

C’est un nystagmus dans lequel le globe est animé de mouvements d’avant en arrière.

ATTEINTE RESPECTIVE DES DEUX YEUX

Elle permet de distinguer :

  • des nystagmus congruents, où les deux yeux se déplacent dans la même direction avec la même amplitude et la même fréquence ;

  • des nystagmus incongruents, où l’amplitude des mouvements des deux yeux est inégale ;

  • des nystagmus monoculaires unilatéraux.

AMPLITUDE DU NYSTAGMUS

L’amplitude est représentée par l’étendue du mouvement des globes oculaires [3]. Nous distinguerons un nystagmus de faible amplitude lorsque l’excursion est inférieure ou égale à 5°, de moyenne amplitude lorsqu’elle est comprise entre 5° et 15° et de forte amplitude lorsque le déplacement dépasse 15°.

Analyse du nystagmus

C’est de l’analyse de l’examen clinique et de l’examen oculographique ainsi que des résultats d’un éventuel test prismatique préopératoire qu’on pourra déduire la stratégie opératoire la plus appropriée à l’opération du nystagmus [34].

EXAMEN CLINIQUE

Il convient d’observer le mouvement nystagmique et ses variations, ce qui nécessite souvent des examens prolongés et répétés. Cette observation aboutira :

  • à la description du nystagmus, telle qu’elle a été établie au paragraphe précédent ;

  • à l’analyse qualitative et quantitative d’un torticolis ou de mécanismes de compensation réalisée en se fondant sur l’observation du comportement spontané du sujet ;

  • à l’étude du torticolis (fig. 7-1) et de ses variations selon l’œil fixateur, en vision monoculaire et binoculaire, de loin et de près, et selon l’intensité de l’effort visuel. En effet, le sujet nystagmique recherche une zone privilégiée d’accalmie :

    • dans un nystagmus unidirectionnel, elle sera à la fin de la course de la dérive ;

    • dans un nystagmus bidirectionnel, dans le champ central du regard (dans ce cas, le sujet dispose d’une vision optimale en position primaire) ;

    • dans une zone excentrée du champ du regard (le sujet prend alors une position de torticolis horizontal, vertical et/ou torsionnel avec un avantage visuel au détriment de l’inconfort de la position de la tête) ;

    • dans deux zones excentrées du champ en regard, l’une dans le regard à droite, l’autre dans le regard à gauche, en vision rapprochée, ou parfois à la fois dans une zone excentrée dans le champ du regard et en vision rapprochée ;

  • à la mesure de l’acuité visuelle en vision monoculaire droite et gauche et en vision binoculaire en position primaire de loin et en position de lecture de près, en position de torticolis et à son opposée. L’acuité visuelle est variable dans le nystagmus : elle dépend de l’intensité du nystagmus, du type de nystagmus et des signes associés ; elle peut ainsi atteindre 10/10 si le nystagmus est moteur, mais dépasse rarement 2/10 ou 3/10 si le nystagmus est sensoriel ;

  • à l’étude de la binocularité et à la recherche de l’association à un strabisme (il est important de connaître l’état de la correspondance rétinienne pour différencier les patients à vision binoculaire normale des autres).

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Fig. 7-1 Nystagmus diminuant dans le regard en bas et à droite entraînant un torticolis tête tournée à gauche et menton relevé.

(Cliché A. Péchereau.)

EXAMENS INSTRUMENTAUX

Certains auteurs ont recours à l’optocinétique (tambour de Barany) ou aux épreuves vestibulométriques, mais l’examen de choix reste l’oculographie.

Grâce à un examen électro-oculographique cinétique ou photo-oculographique, on peut objectiver et préciser les caractères du mouvement nystagmique, le sens et la vitesse de la phase lente et de la phase rapide, ses variations selon l’œil fixateur en vision monoculaire et binoculaire et selon la direction du regard. Ces examens confirment l’existence ou l’absence de mécanismes de compensation, se traduisant par une ou plusieurs zones de moindres mouvements appelées zones d’accalmie. Ils permettent de localiser ces zones dans le champ du regard [387].

TESTS PRISMATIQUES PRÉOPÉRATOIRES

Ces tests [5] sont intéressants lorsqu’on a pu objectiver cliniquement et/ou électro-oculographiquement une zone privilégiée et qu’on a une stratégie opératoire destinée à transférer cette zone en position primaire et/ou de l’élargir. Il conviendra alors de confirmer l’apport présupposé de l’intervention projetée dans un torticolis par un test prismatique préopératoire, en proposant au patient de porter à l’essai ou le soir, sous forme de primes en press-on, la valeur de la déviation mesurée permettant de redresser le torticolis. On fera ainsi porter au patient muni de la correction exacte de son amétropie :

  • des prismes dont la base est placée des deux côtés dans la direction du torticolis simple ;

  • des prismes à base temporale lorsque le nystagmus s’atténue en convergence.

Si le sujet diminue ou renonce à son torticolis et/ou si le nystagmus est atténué, le pronostic opératoire est en règle générale bon.

Classification du nystagmus
NYSTAGMUS D’ORIGINE NON OCULAIRE

Il s’agit des nystagmus acquis, notamment les nystagmus neurologiques, les nystagmus de cause ORL et les nystagmus vestibulaires. Il convient de les éliminer d’emblée.

Les nystagmus neurologiques sont à ressort et témoignent d’une lésion des voies sensorielles vestibulaires périphériques, au niveau de l’oreille interne, ou centrales, au niveau des centres situés dans le tronc cérébral.

Le nystagmus vestibulaire périphérique de caractère horizontal ou horizontal rotatoire s’accompagne de vertiges, de nausées et de vomissements. Il peut être de cause variable, infectieuse, vasculaire ou tumorale.

Le nystagmus vestibulaire central ne s’accompagne pas de manifestations auditives et peut s’observer dans toute lésion infectieuse, inflammatoire, vasculaire ou tumorale touchant le tronc cérébral.

Enfin, le nystagmus peut se voir dans les séquelles de traumatisme crânien.

Les nystagmus neurologiques représentent 20 % des causes reconnues de nystagmus chez l’enfant (troubles neurologiques périnataux, anoxie, hématome sous-dural, hydrocéphalie, kyste arachnoïdien…). Il convient de ce fait de pratiquer les explorations neuroradiologiques de façon systématique afin d’éliminer une tumeur à l’origine de 1 % à 2 % des nystagmus congénitaux précoces.

NYSTAGMUS OCULAIRES PRÉCOCES

Nous séparerons les nystagmus de l’enfant en deux groupes [13587] : les nystagmus congénitaux et les nystagmus manifestes latents — qui, dans ce chapitre, font partie du diagnostic différentiel car ils rentrent dans le strabisme précoce.

En effet, ils sont de mécanismes physiopathologiques et de prise en charge chirurgicale différents.

NYSTAGMUS CONGÉNITAUX

Ils sont manifestes. Ils ont été divisés par Cogan en nystagmus moteur sans lésion oculaire décelable et en nystagmus sensoriel comportant des lésions bilatérales des milieux oculaires, de la rétine maculaire ou des voies optiques [1]. Les nystagmus congénitaux ont plusieurs caractères cliniques communs :

  • le mouvement nystagmique est variable : il peut être pendulaire ou à ressort, il peut être horizontal, plus rarement vertical et/ou rotatoire ;

  • il peut s’atténuer en vision binoculaire ;

  • il peut être unidirectionnel, battant toujours dans la même direction quels que soient l’œil fixateur et la direction du regard, ou bidirectionnel, battant à droite dans le regard à droite, à gauche dans le regard à gauche [7] ;

  • la vision binoculaire normale n’est pas rompue dans la majorité des cas ; lorsqu’un strabisme est surajouté, la vision binoculaire est le plus souvent anormale ou absente ;

  • l’acuité visuelle est variable ; le sujet nystagmique recherche une zone privilégiée d’accalmie de son nystagmus le plus souvent.

Les nystagmus oculaires congénitaux peuvent être schématiquement liés à (fig. 7-2) :

  • un défaut ou un retard de fovéation avec défaut du développement de la fixation centrale. C’est le nystagmus essentiel par retard de maturation et hypoplasie fovéale. C’est un nystagmus isolé sans affection rétinienne ou organique oculaire associée ;

  • une pathologie organique : un albinisme (vidéo 7-3), une cataracte congénitale, une anomalie cornéenne, un colobome rétinien, une malformation papillaire, une toxoplasmose ou une dégénérescence tapétorétinienne de type maladie de Leber, une dégénérescence des cônes ou des bâtonnets nécessitant systématiquement des explorations électrophysiologiques. C’est le nystagmus sensoriel.

Le pronostic visuel est très réservé s’il existe une lésion organique dans les nystagmus sensoriels.

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Fig. 7-2 Étiologie des nystagmus oculaires congénitaux.

(D’après Espinasse-Berrod M-A, Strabologie : approche diagnostique et thérapeutique. Elsevier, Paris, 2004.)

NYSTAGMUS MANIFESTES LATENTS

cf.  infra « Diagnostic différentiel ».

Diagnostic différentiel

Le nystagmus lié au non-développement du lien binoculaire est le nystagmus manifeste latent (vidéo 7-4), observé dans les strabismes congénitaux ou ésotropies précoces installées au cours des six premiers mois de la vie pour lesquels le nystagmus est intégré au tableau clinique et très nettement réduit par la prise en charge chirurgicale du strabisme lui-même.

Ce dernier type de nystagmus peut selon les cas être davantage manifeste ou davantage latent. Il est toujours soit aboli soit atténué en fixation binoculaire et en adduction. Il disparaît à la fermeture des paupières et dans l’obscurité. Il est au contraire déclenché ou majoré par l’occlusion unilatérale, par l’abduction, par la réduction de la vision par brouillage optique et par éblouissement. C’est un nystagmus à ressort battant toujours du côté de l’œil fixateur, c’est-à-dire à droite lorsque l’œil droit fixe, à gauche lorsque l’œil gauche fixe, aussi bien en fixation binoculaire qu’en monoculaire : c’est un nystagmus que Franceschetti [6] a qualifié d’alternant et de discordant car il est souvent asymétrique selon l’œil fixateur. Il entraîne un torticolis alternant, s’inversant comme le battement au changement d’œil fixateur : l’œil fixateur se plaçant dans le sens de la dérive, c’est-à-dire en adduction, la tête sera tournée du côté de l’œil fixateur (fig. 7-3).

Cette différenciation des différentes formes de nystagmus oculaire congénital est essentielle car elle a une implication directe sur le pronostic visuel :

  • les strabismes congénitaux précoces ont un bon pronostic visuel monoculaire si le traitement est pris en charge précocement ;

  • le spasmus nutans :

    • il comporte une triade symptomatique : oscillations de la tête, nystagmus oculaire acquis et torticolis ;

    • les examens ophtalmologique et neurologique sont normaux ;

    • le diagnostic ne sera retenu qu’après un examen complet (neurologique et ophtalmologique) et une IRM cérébrale ;

    • l’évolution favorable doit être vérifiée grâce à un suivi prolongé.

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Fig. 7-3 Nystagmus manifeste latent : torticolis alternant dissocié en fonction de l’œil fixateur.

(Cliché A. Péchereau.)

Conduite à tenir devant le nystagmus

La conduite à tenir est synthétisée tableau 7-I.

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Tableau 7-I – Conduite à tenir devant un nystagmus congénital.

INTERROGATOIRE

Il est indispensable de préciser l’âge d’apparition du nystagmus, les antécédents périnataux, l’existence ou non d’une hérédité familiale d’un nystagmus ou d’une pathologie rétinienne connue.

EXAMEN CLINIQUE

Il faut déterminer le type de nystagmus, horizontal, pendulaire ou à ressort, son amplitude, son intensité, son rythme, sa variabilité en vision de loin et en vision de près. Un torticolis ou une position de blocage en convergence ou la tête tournée d’un côté, tantôt à droite, tantôt à gauche, sont recherchés (fig. 7-4 et vidéo 7-5). L’acuité visuelle est précisée en binoculaire ou en monoculaire de loin et de près, en position primaire et en position de blocage, afin de préciser s’il y a ou non gain d’acuité visuelle, élément important dans la décision chirurgicale.

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Fig. 7-4 Nystagmus alternant périodique : double position de torticolis.

(Cliché A. Péchereau.)

PRISE EN CHARGE OPTIQUE

Il est fondamental d’éliminer une amétropie associée et de donner la correction optique totale.

PRISE EN CHARGE ORTHOPTIQUE

Lorsqu’il existe une amblyopie associée, il faut penser à pénalisation optique par un verre de + 3 dioptries sphériques, mieux toléré par le nystagmus qu’une occlusion qui majore la composante latente du nystagmus.

EXAMENS PARACLINIQUES

Outre le bilan étiologique neuroradiologique, en cas de malvoyance, on recherche une photophobie, une héméralopie, une anomalie de la vision des couleurs, autant de signes associés pouvant orienter vers un diagnostic précis qui sera confirmé par l’électrophysiologie (tableau 7-II).

Conseil génétique

Dans les suspicions de dystrophies rétiniennes ou dans les malformations oculaires, ce conseil est indispensable. Ainsi l’héméralopie congénitale stationnaire présente deux formes cliniques :

  • l’une liée à l’X entraînant une cécité-malvoyance ;

  • l’autre uniquement nocturne non évolutive.

L’achromatopsie est stable alors que la dystrophie des cônes évolue. Nous rappelons qu’il est indispensable de toujours rechercher une anomalie de la vision des couleurs et un trouble de l’audition, comme dans le syndrome de Bardet-Biedl ou le syndrome d’Alström et, en général, dans tous les syndromes oculo-auditifs. Enfin, les enfants atteints de nystagmus compliqué de malvoyance devront être orientés vers les structures adaptées : SAFEP, CAMPS, etc.

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Tableau 7-II –  Électrophysiologie des différentes causes de nystagmus sensoriels.

PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE
TESTS PRÉOPÉRATOIRES

La chirurgie pourra être envisagée après tests prismatiques préopératoires (cf.  supra).

BUTS

L’objectif de la chirurgie des nystagmus [5] est de :

  • déplacer la zone de stabilité relative vers la région centrale du regard autour de la position primaire en vision de loin et de la position de lecture en vision de près, afin de tenter d’éliminer le torticolis ;

  • plus rarement, stabiliser les yeux ou au moins d’en réduire l’instabilité ;

  • redresser éventuellement les axes visuels dans les tropies nystagmiques.

Conclusion

Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire qui nécessite un examen clinique précis afin de le caractériser, un bilan neuroradiologique et électro-physiologique afin de classer ce nystagmus, et d’en orienter le pronostic visuel. Les nystagmus neurologiques représentent 20 % des causes reconnues de nystagmus chez l’enfant. Il convient de ce fait de pratiquer les explorations neuroradiologiques de façon systématique afin d’éliminer une tumeur à l’origine de 1 % à 2 % des nystagmus congénitaux précoces. Il faut en particulier penser à une tumeur de la fosse postérieure en présence d’un nystagmus vertical.

La prise en charge optique et orthoptique est fondamentale dans un premier temps, puis elle est complétée par un traitement chirurgical permettant de profiter d’une éventuelle position d’amélioration du nystagmus ou de tenter de réduire ce nystagmus, mais en aucun cas de le guérir.

Bibliographie

[1]  Cogan DG. Nystagmus. In : Strasbismus. Haik GH (ed.). Trans New Orleans Acad Ophthalmol. Saint Louis, CV Mosby, 1962 : 119.

[2]  Goddé-Jolly D, Larmande A, et al. Les nystagmus. Rapport annuel de la société Française d’Opthalmologie. Paris, Masson, 1973.

[3]  Quéré M-A. Physiopathologie clinique de l’équilibre oculomoteur. Paris, Masson, 1983.

[4]  Risse J-F. Exploration de la fonction visuelle. Applications au domaine sensoriel de l’œil normal et en pathologie. Paris, Masson, 1999.

[5]  Roth A, Speeg-Schatz C. La chirurgie oculo-motrice. Les données de base, les techniques chirurgicales, les stratégies opératoires. Paris, Masson, 1995.

[6]  Roth A. Le bilan ophtalmologique. In : Les nystagmus. XXXe Colloque de Nantes. A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, Nantes, 2005.

[7]  Spielmann A. Les strabismes. De l’analyse clinique à la synthèse chirurgicale. 2e édition. Paris, Masson, 1991.

[8]  Spielmann A. Nystagmus congénital essentiel et nystagmus congénital manifeste/latent. J Fr Ophtalmol, 1986 ; 18 : 21-35.

II - Nystagmus de l’adulte sans strabisme : conduite à tenir

F. Oger-Lavenant

« Devant un nystagmique, pas de panique ! » doit rester à l’esprit de tout ophtalmologiste surtout non spécialisé. Cela implique tout simplement de conduire un examen ophtalmologique et orthoptique complet en étant particulièrement attentif à l’anamnèse, l’inspection, l’étude de la réfraction et de l’oculomotricité avec le type de nystagmus. Cette première approche permet en règle de différencier un nystagmus congénital d’un nystagmus acquis qui, lui, implique d’autres disciplines, en particulier le neurologue et/ou l’ORL et le neuroradiologue.

En pratique, il s’agit :

  • soit d’un adulte qui connaît son nystagmus et consulte pour un contrôle ou une baisse d’acuité visuelle ;

  • soit d’un adulte qui consulte pour des oscillopsies ou une vision floue d’apparition récente témoignant du caractère acquis du trouble.

Selon qu’il s’agit d’un adulte jeune ou non, les orientations étiologiques sont différentes.

La détermination du caractère organique ou non du nystagmus passe par un examen ophtalmologique standard ; l’étiologie nécessitera, elle, l’éventuel concours d’une autre spécialité.

Mémento des nystagmus
NYSTAGMUS NEUROLOGIQUES

Le nystagmus est défini par l’alternance de mouvements oculaires involontaires de va-et-vient initiés par un mouvement oculaire lent. Le nystagmus peut être constitué par l’alternance de phases lentes et rapides (nystagmus à ressort) ou par la succession de phases lentes (nystagmus pendulaire), certains nystagmus alternant les deux anomalies.

C’est la phase lente du nystagmus qui représente l’anomalie de ce mouvement anormal ; elle correspond à un déficit des systèmes qui maintiennent le regard stable : système vestibulaire périphérique et central, système du maintien du regard excentré, système de fixation visuelle.

MOUVEMENTS OCULAIRES PSEUDO-NYSTAGMOÏDES

Ces mouvements ressemblent à un nystagmus mais leur inspection attentive les en différencie.

Les ondes carrées sont constituées de petites saccades horizontales de 1° à 5° à droite ou à gauche. Elles sont observées surtout chez les personnes âgées et dans les pathologies dégénératives.

Flutter et l’opsoclonus

Le flutter est une salve de mouvements horizontaux aller-retour sans intervalle saccadique ; lorsque ces mouvements sont multidirectionnels, on parle d’opsoclonus. Le siège de l’atteinte se trouve dans la formation réticulée pontine ; l’étiologie est donc diverse (paranéoplasique, médicamenteuse, tumorale, post-traumatique, infectieuse).

Bobbing

Le bobbing, réalisant une déviation rapide vers le bas suivi d’un retour lent en position primaire, est dû à une dysfonction protubérantielle.

Myokimies de l’oblique supérieur

Elles réalisent des oscillations torsionnelles unilatérales épisodiques visibles en lampe à fente (intorsion et abaissement du globe de faible amplitude) ; les plaintes sont donc intermittentes.

Interrogatoire

L’interrogatoire oriente d’emblée vers le caractère congénital ou acquis et, pour ce dernier, apprécie sa nature isolée ou non.

MOTIF DE CONSULTATION

Le patient consulte pour un changement de lunettes. Il connaît son nystagmus depuis l’enfance. Soit il a son permis de conduire donc a eu au moins 5/10 pour l’obtenir, soit il n’a pas pu passer son permis de conduire en raison d’une acuité visuelle insuffisante.

Le même patient peut consulter pour une baisse d’acuité visuelle.

Le patient consulte pour des oscillopsies ou une vision floue car il a du mal à décrire les mouvements visuels perçus : il s’agit donc d’un nystagmus acquis qui nécessite la recherche d’une étiologie.

ANTÉCÉDENTS FAMILIAUX

Le nystagmus est connu dans la famille mais, parfois, il n’a jamais fait l’objet d’exploration électrophysiologique et il n’est pas rare actuellement de pouvoir trouver une étiologie à de tel nystagmus.

ANTÉCÉDENTS PERSONNELS

En faveur d’une étiologie congénitale, on peut trouver des antécédents de prématurité, d’amétropie forte corrigée un peu tard, de photophobie, d’héméralopie ou de dyschromatopsie.

En faveur d’une étiologie acquise, on peut noter des épisodes de vertiges, d’affection virale, de pathologie inflammatoire.

La prise de certains médicaments peut orienter vers une pathologie du regard excentré (anticonvulsivants, sédatifs, alcool).

SURVENUE DU TROUBLE

Lorsqu’il s’agit d’une pathologie acquise, l’installation a-t-elle été brutale ou progressive ? isolée ou associée à des vertiges, une diplopie, des céphalées, une baisse d’acuité visuelle, une asthénie, une maladresse d’un membre supérieur ou inférieur, des difficultés de concentration ? secondaire à un traumatisme crânien ou cranio-cervical ?

Inspection

Pendant l’interrogatoire, on a pu remarquer l’existence ou non d’un torticolis qui n’est pas l’apanage des nystagmus congénitaux d’autant qu’il est contemporain de l’installation du nystagmus, de mouvements céphaliques rythmés observés dans les nystagmus congénitaux sensoriels.

Si l’amplitude du nystagmus est suffisante, on sait déjà sa direction, son type à ressort, pendulaire ou mixte, sa variabilité selon la direction du regard et s’il s’agit de mouvements anormaux non nystagmiques.

Acuité visuelle et réfraction
ACUITÉ VISUELLE

Une malvoyance connue est en faveur d’une origine congénitale conduisant au bilan de l’amblyopie bilatérale associée ou non à amblyopie unilatérale en faveur d’une microtropie associée.

Une acuité visuelle normale et une isoacuité ou une baisse d’acuité visuelle sont en faveur d’une pathologie acquise.

L’acuité visuelle varie-t-elle avec la direction du regard ?

RÉFRACTION

Son étude doit être systématique avec une cycloplégie chez les patients de moins de cinquante ans : des nystagmiques congénitaux n’ont parfois jamais eu leur correction optique correcte, celle-ci les faisant passer du statut d’amblyopes profonds à 1/10 au statut de non-amblyope avec une acuité visuelle à 5/10 en corrigeant simplement totalement leur astigmatisme de 5,5 d !

Oculo-sensoriomotricité
BILAN MOTEUR

La présence d’une composante latente du nystagmus implique l’existence d’un strabisme congénital.

Chez un patient présentant un nystagmus récent, la recherche d’une parésie ou d’une paralysie s’impose.

BILAN SENSORIEL

Il renseigne sur la présence ou non de la vision binoculaire en sachant qu’un ancien strabique peut malheureusement présenter un nystagmus acquis témoins d’une atteinte organique.

Examen à la lampe à fente et biomicroscopie
LAMPE À FENTE

Le type du nystagmus, en particulier si existe une composante rotatoire, sera aisément précisé à la lampe à vente : à ressort, pendulo-ressort, pendulaire, horizontal ou vertical, toujours de même sens ou non (alternant périodique).

On peut étudier l’iris à la recherche d’anciennes cicatrices uvéitiques, de nodules de Lisch (NF1), d’une transparence anormale de sa racine (albinisme oculaire) et apprécier le jeu et la taille comparative des pupilles.

BIOMICROSCOPIE ET RÉTINOGRAPHIE

L’examen des papilles et des champs choriorétiniens peut orienter vers une pathologie congénitale ou acquise :

  • parfois le patient ignore les lésions rétiniennes responsables de son nystagmus congénital ;

  • parfois le patient a oublié des baisses transitoires d’acuité visuelle, alors qu’existe une atrophie sectorielle papillaire.

Tomographie en cohérence optique

Une hypoplasie fovéolaire est parfois découverte, expliquant un nystagmus baptisé à tort nystagmus héréditaire ou essentiel.

Au terme de cet examen

Adulte présentant un nystagmus congénital

  • Venu en consultation pour baisse d’acuité visuelle isolée : l’étude de sa réfraction a permis d’améliorer son acuité visuelle.

  • Venu en consultation pour baisse d’acuité visuelle isolée, qui s’avère inaméliorable, avec un segment antérieur et postérieur normal : il convient de prévoir un champ visuel et un ERG couplé à des potentiels évoqués visuels ; selon les résultats de ces examens, le patient sera adressé au neurologue et au neuroradiologue.

Adulte présentant un nystagmus acquis

  • Dans un contexte ORL : vertiges, hypoacousie ou acouphènes.

  • Dans un contexte neurologique : diplopie, céphalées, vertiges.

  • Nous n’avons pas déterminé de contexte précis :

    • l’adulte jeune doit être confié au neurologue : il peut s’agir d’une sclérose en plaques ou d’une pathologie tumorale ;

    • chez un adulte plus âgé, il convient de prévoir une consultation neurologique car il peut s’agir d’une pathologie vasculaire, dégénérative mais parfois tumorale.

Conclusion

Devant un patient consultant pour des oscillopsies, le caractère acquis du nystagmus est évident et le patient doit être confié en fonction des résultats de l’examen ophtalmologique soit à un neurologue ou directement à un neuroradiologue, soit à un ORL, soit à un médecin interniste.

Devant un patient chez qui on constate un nystagmus sans plainte d’oscillopsies, le caractère congénital du trouble est vraisemblable. Il faut se méfier d’une pathologie acquise surajoutée devant toute baisse d’acuité visuelle, de modification du ressenti nystagmique, de diplopie ou de signe extraoculaires récents